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3 décembre 2006 Saint François-Xavier |
Plus qu'une passion
Bientôt, le petit groupe est rejoint par quatre autres étudiants. Ignace propose alors à ses six compagnons de se donner plus complètement à Dieu et de s'unir entre eux par le lien des voeux de religion. Le 15 août 1534, dans la chapelle Notre-Dame de Montmartre, Pierre Le Fèvre, alors le seul prêtre du groupe, célèbre la Sainte Messe au cours de laquelle tous font les voeux perpétuels de pauvreté et de chasteté avec la promesse de se rendre en Terre Sainte ou de se remettre à la volonté du Souverain Pontife. En attendant de connaître la sainte volonté de Dieu, ils se réunissent souvent pour prier et s'encourager mutuellement à la pratique des vertus.
Droit au coeur
Après un voyage de trois mois, le Père Xavier arrive à Lisbonne en compagnie de Simon Rodriguez; tous deux sont reçus par Jean III, homme véritablement pieux et soucieux du salut des âmes. En attendant de partir pour les Indes, ils s'adonnent au ministère des âmes dans la capitale du Portugal. Leur dévouement apostolique suscite dans Lisbonne une telle admiration qu'on demande au roi de les garder dans le pays. Ignace décide que Rodriguez restera à Lisbonne; quant au Père Xavier, il partira pour les Indes. Son départ, en compagnie de trois jeunes confrères, a lieu le 7 avril 1541.
À cette époque, le voyage du Portugal aux Indes par le cap de Bonne-Espérance est une aventure dont nul ne peut se flatter au départ de sortir vivant. Si le navire ne fait pas naufrage, les épidémies, le froid, la faim et la soif se chargent souvent de décimer les passagers. Le 1er janvier 1542, le Père Xavier écrit à ses frères de Rome: «J'ai eu le mal de mer pendant deux mois; et tous ont bien souffert pendant quarante jours sur les côtes de Guinée... Telle est la nature des peines et des labeurs que, pour le monde entier, je n'aurais pas osé les affronter un jour seulement. Nous trouvons un réconfort et une espérance sans cesse croissante en la miséricorde de Dieu, dans la conviction que nous manquons du talent nécessaire pour prêcher la foi de Jésus-Christ en terre païenne». Le 6 mai 1542, ils atteignent Goa, sur la côte occidentale de l'Inde.
Premier mode d'oraison
Le Père Xavier écrit dans une lettre à saint Ignace: «Je pars content: supporter les fatigues d'une longue navigation, prendre sur soi les péchés d'autrui, quand on a bien assez des siens propres, séjourner au milieu des païens, subir les ardeurs d'un soleil brûlant, et tout cela pour Dieu; voilà sûrement de grandes consolations et un sujet de joies célestes. Car enfin la vie bienheureuse pour les amis de la croix de Jésus-Christ, c'est, ce me semble, une vie semée de telles croix... Quel bonheur égal à celui de vivre en mourant chaque jour, en brisant nos volontés pour chercher et trouver non ce qui nous profite, mais ce qui profite à Jésus-Christ?» Les Chrétiens qu'il trouve sur la côte de la Pêcherie ignorent tout de leur religion. Aussi, le Père Xavier commence-t-il par les rudiments de la foi: le signe de la croix accompagné de l'invocation des trois Personnes en Dieu; le Credo, les dix commandements, le Pater, l'Ave, le Salve Regina, le Confiteor.
Ce souci de transmettre les rudiments de la foi est celui de l'Église. En effet, à notre époque marquée par une surabondance d'information et la spécialisation des études supérieures, on constate que les vérités les plus simples, celles qui conduisent au salut éternel, ne sont pas transmises. C'est pourquoi le Saint-Père Benoît XVI a promulgué le Compendium du Catéchisme de l'Église Catholique qui, «dans sa brièveté, sa clarté et son intégralité, s'adresse à toute personne qui, vivant dans un monde incohérent et aux multiples messages, désire connaître le Chemin de la Vie, la Vérité confiée par Dieu à l'Église de son Fils» (Motu proprio approuvant le Compendium, 28 juin 2005).
«Si les ouvriers ne manquaient...»
Se soucier de l'âme
Telle est la multitude de ceux que François-Xavier amène tous les jours à la foi, que souvent il lui arrive d'avoir les bras lassés à force de baptiser. Accablé de travaux, il ne se trouve seul que pendant les nuits qu'il consacre en grande partie à ses exercices religieux et à l'étude de la langue du pays. Mais Dieu ne délaisse jamais ses serviteurs: Il inonde l'âme du missionnaire de consolations célestes; Il lui accorde largement le don des miracles. À la fin d'octobre 1543, le Père Xavier décide de retourner à Goa pour y chercher du renfort. Là, il apprend avec trois ans de retard que Paul III a approuvé la Compagnie de Jésus et qu'Ignace a été élu Général. Il fait donc sa profession solennelle, en utilisant la formule dont se sont servis ses Frères de Rome.
Cependant le Père sait que d'autres contrées attendent la Bonne Nouvelle. Il est perplexe: doit-il pousser vers ces terres lointaines, où le nom du Christ est inconnu de tant d'hommes? Il se rend auprès du tombeau de l'apôtre saint Thomas pour demander à Dieu de l'éclairer. Il y reste quatre mois (avril-août 1545), rendant service au curé de la paroisse, qui dira de lui: «Il menait en tout la vie des apôtres». «Dans la sainte maison de saint Thomas, écrit le missionnaire aux Pères de Goa, je me suis employé à prier sans interruption pour que Dieu notre Seigneur m'accorde de sentir en mon âme sa très sainte volonté, avec la ferme résolution de l'accomplir... J'ai senti avec grande consolation intérieure, que c'était la volonté de Dieu que j'aille dans ces lieux de Malacca, où l'on a récemment fait quelques Chrétiens».
Après quelques mois passés à la presqu'île malaise de Malacca, où il ne craint pas d'aller chercher les pécheurs à domicile, dans les maisons de jeux et de plaisirs pour les ramener dans le bon chemin, il commence, le 1er janvier 1546, une croisière de plus de 2000 km au cours de laquelle il évangélise plusieurs îles, en particulier l'île du More où il risque sa vie au milieu de populations cannibales. Dans une lettre à ses confrères d'Europe qui s'inquiètent de cette aventure, il répond: «Il est nécessaire que les âmes de l'île du More soient instruites et que quelqu'un les baptise pour leur salut. J'ai de mon côté l'obligation de perdre la vie du corps pour assurer à mon prochain la vie de l'âme. J'irai donc à l'île du More, pour y secourir spirituellement les Chrétiens, et j'affronterai tout péril, me confiant en Dieu notre Seigneur et mettant en Lui toute mon espérance. Je veux, dans la mesure de mes petites et misérables forces, faire en moi l'épreuve de cette parole de Jésus-Christ, notre Rédempteur et Seigneur: Quiconque voudra sauver sa vie la perdra; mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera (Mt 10, 39)».
Le salut intégral
Le Japon... et la Chine
Cependant, conscient de ses devoirs de Nonce apostolique, il reprend contact avec les Indes et retourne à Goa, qu'il quittera le 15 avril 1549 pour le Japon. Le 15 août suivant, il aborde à Kagoshima où il passe plus d'un an à s'initier à la langue et aux coutumes japonaises. Vers la fin de 1550, il part pour la résidence du plus puissant prince du Japon, puis pour la capitale. Là, une grande déception l'attend: le roi, qui de fait n'est qu'un fantoche, ne le reçoit même pas. Le Père Xavier obtient cependant du prince la permission de prêcher la foi chrétienne, et a la joie d'accueillir quelques centaines de conversions. Mais bientôt une révolution éclate, et le missionnaire doit partir. N'ayant pas de nouvelles des Indes depuis deux ans, il décide de retourner à Malacca, où il arrive à la fin de 1551. C'est là qu'il reçoit une lettre de saint Ignace écrite plus de deux ans auparavant, le nommant «Provincial de l'Est», c'est-à-dire de toutes les missions de la Compagnie de Jésus depuis le cap Comorin, au sud de l'Inde, jusqu'au Japon.
Le 17 avril 1552, le missionnaire prend de nouveau la mer, à destination de la Chine cette fois. Ce voyage, le dernier de sa vie, servira aux ultimes dépouillements et l'assimilera au Christ souffrant. Au début de septembre 1552, il atteint l'île de Sancian, à dix kilomètres des rivages de Chine. Les quelques portugais qui y font alors escale l'accueillent avec joie, lui construisent une hutte de bois et une petite chapelle de branchages. Le Père Xavier commence aussitôt à s'occuper des enfants et des malades, à prêcher, catéchiser, confesser. Cependant, il cherche à prendre contact avec quelque «passeur» chinois qui le mènerait clandestinement à Canton. En effet, l'accès des rivages de Chine est sévèrement interdit; quiconque s'aventure à braver cette défense est voué, s'il est pris, à la torture et à la mort. Au moins à deux reprises, le missionnaire trouve un homme qui consent à l'y conduire moyennant une forte somme d'argent: chaque fois, l'argent touché, le «passeur» disparaît.
Le 21 novembre, le Père Xavier célèbre sa dernière Messe. En descendant de l'autel, il se sent défaillir. Il essaie de reprendre la mer, mais le roulis du navire lui est insupportable. Ramené à Sancian, il passe les derniers jours de sa vie à demi inconscient. Privé de remèdes, et certain de sa mort prochaine, il lève les yeux au Ciel et converse avec Notre-Seigneur ou Notre-Dame: «Jésus, Fils de David, ayez pitié de moi Ô Vierge, Mère de Dieu, souvenez-vous de moi». C'est en prononçant le nom de Jésus qu'il rend le dernier soupir, à l'aube du 2 décembre 1552. Il n'a que quarante-six ans. Son corps fut ramené à Goa où il est toujours vénéré des fidèles. François-Xavier, canonisé en même temps qu'Ignace de Loyola le 12 mars 1622, est le patron céleste des missions catholiques.
Lorsqu'on considère la vie de ce géant de sainteté, on est frappé par la quantité de travaux et de souffrances qu'il a pu endurer. Son secret se trouve dans un amour sans limites pour Jésus. Dans les Exercices Spirituels, saint Ignace lui a appris à entendre l'appel du Christ: «Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous mes ennemis, et d'entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Que celui qui veut venir avec moi travaille avec moi; qu'il me suive dans les fatigues, afin de me suivre aussi dans la gloire» (Ex. Sp. 95). Docile, François-Xavier s'est montré «prompt et diligent à accomplir la très sainte volonté de Jésus» (ibid. 91); à son tour, il s'est donné sans compter à tous les travaux pour étendre le règne de Dieu sur la terre. Qu'il nous obtienne la grâce d'être comme lui remplis de zèle pour le salut éternel du prochain.