26 mai 1998

Saint Jean-Louis Bonnard

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«Depuis le début de la prédication chrétienne dans le Sud-Est Asiatique (au seizième siècle), l’Église au Vietnam a subi des persécutions qui se sont succédées comme celles qui ont affecté l’Église d’Occident pendant les trois premiers siècles. Il y eut des milliers de chrétiens martyrisés… L’Évangile nous rappelle les paroles par lesquelles Jésus-Christ a annoncé les persécutions que ses disciples auraient à souffrir… Jésus a parlé avec une grande franchise à ses Apôtres: Vous serez détestés de tous à cause de mon nom… mais celui qui aura persévéré jusqu’au bout, celui-là sera sauvé (Mt 24, 9, 13)» (Jean-Paul II, Homélie pour la canonisation de 117 martyrs du Vietnam, le 19 juin 1988). Saint Jean-Louis Bonnard, martyrisé à Nam-Dinh (Vietnam), le 1er mai 1852, est un de ces témoins de la foi en Extrême-Orient.

«Je veux être prêtre»

Jean-Louis, cinquième des six enfants de Gabriel Bonnard et d’Anne Bonnier, est né le 18 mars 1824. Il est baptisé le jour même, en l’église de Saint Christot-en-Jarez (Loire, France). La famille est très chrétienne. Le soir, on lit et on devise; on fait aussi des projets: «Je serai maçon», dit l’aîné; «je me ferai meunier», dit le second. «Je veux être prêtre», déclare Jean-Louis, âgé de cinq ans. Vocation précoce! Cependant, les années passent, et le projet de Jean-Louis ne change pas. Dans la famille, on se réjouit à la perspective d’avoir un prêtre, «mais, demande le père, réaliste, et les études? et les frais de pension?» Les frères font cette belle réponse: «Eh bien, nous ferons comme nous pourrons: nous nous gênerons tous!»

Jean-Louis fait sa première communion en 1836. Malgré son assiduité, il a de la peine à suivre le catéchisme. Un de ses camarades de l’époque le décrit: «Pieux, gai, caractère calme, paisible, jamais en colère; talents médiocres, peut-être même moins que médiocres». Il est incapable de servir la Messe, car il n’arrive pas à articuler correctement les réponses latines. Pourtant, il s’obstine à répéter qu’il veut devenir prêtre. Les débuts au pensionnat sont difficiles. Bien souvent, perdant patience avec lui, on lui adresse des paroles dures sur son peu d’aptitudes et ses faibles progrès! Jean-Louis ne se rebute jamais.

Le rêve d’être missionnaire

À force de labeur, il entre en quatrième au petit séminaire de Saint-Jodard. Là, de l’avis unanime, on le juge bon séminariste, presque trop parfait, mais élève médiocre. Son extrême douceur lui attire les brimades des railleurs. Il ne manifeste pas d’impatience mais parfois quelque tristesse. L’année suivante, ce garçon au visage d’ange commence à se passionner pour les «Annales de la Propagation de la foi», revue consacrée à faire connaître l’oeuvre des missionnaires catholiques: il imagine le grand large, la grande aventure souvent dangereuse, parfois dramatique. La visite que fait à Saint-Jodard un des anciens élèves, le Père Charrier, rescapé du Vietnam où il a porté chaînes et cangue pendant plusieurs années, ne fait que renforcer les projets insolites du jeune homme. En attendant, il travaille assidûment, et les progrès suivent: en rhétorique, il se place dans la moyenne, et parfois même dans les premiers!

Par touches successives, Jean-Louis prépare sa famille à accepter la volonté de Dieu «quel que soit l’endroit où Il l’appellera à Le servir». On remarque, après son année de philosophie, combien il s’est lié avec son condisciple Jean-Baptiste Goutelle. À la fin des vacances, tous deux se rendent au grand séminaire de Lyon. Goutelle, brûlant l’étape lyonnaise, part directement à Paris pour le séminaire des Missions Étrangères. Jean-Louis espère le rejoindre bientôt. Il met d’abord dans la confidence le prêtre qui l’a préparé à la première communion, et qui exerce à présent un ministère à Lyon. Celui-ci fait quelques objections pour éprouver sa vocation. Mais rien ne peut l’ébranler.

Il faut ensuite obtenir l’autorisation de l’archevêque. Un prêtre ami s’en charge, avec succès. Jean-Louis le remercie et ajoute: «Vous avez été un bon avocat, mais la cause n’était pas difficile: le diocèse ne perd rien à mon départ, il y gagne plutôt! – Eh! qu’irez-vous donc faire dans les missions, rétorque l’abbé, si vous êtes un propre à rien pour votre diocèse? – Je veux être martyr, répond le séminariste, et je ferai tout ce qui est permis pour cela. C’est là mon ambition: saisir la première palme du martyre qui se présentera!» Pour beaucoup, seule la terre compte: l’éternité, le Ciel, l’enfer,

n’importent pas. Jean-Louis, au contraire, a misé sur le Ciel et il a vu juste. Il ne désire pas la mort pour elle-même, mais il voit le sacrifice de sa vie comme le plus bel acte d’amour envers Dieu, par le suprême témoignage rendu à la Vérité. Il écrira à ses parents, peu avant sa mort: «Quand vous recevrez cette lettre, vous pourrez être certains que ma tête sera tombée sous le tranchant du glaive. Je serai mort pour la Foi en Jésus-Christ».

Témoin de la Vérité

Les martyrs sont des témoins de la vérité. Jésus, Roi des martyrs, affirme à Pilate: Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix (Jn 18, 37). Qu’est-ce que la vérité? rétorque le gouverneur romain, mettant en doute l’existence de la vérité, ou la possibilité de la connaître. Aujourd’hui encore, beaucoup, influencés par le relativisme ambiant, pensent que tout est affaire d’opinions, les unes et les autres étant a priori d’égale valeur, jusqu’à ce que le tri soit fait, pour un temps, par l’efficacité ou la décision d’une majorité.

Si tout se vaut et s’égale, si l’on ne peut dire qu’il existe une vérité et une erreur, un bien et un mal, s’il n’est de vérité que d’un jour, il est vain de se faire tuer, comme les martyrs, et même de se gêner pour elle. À l’inverse, s’il existe une vérité, si l’harmonie et le bonheur de l’ordre humain ainsi que le salut éternel des âmes, dépendent d’une hiérarchie de biens à promouvoir et à défendre quoi qu’il arrive, cette vérité mérite un dévouement désintéressé, intelligent et tenace.

Nous expérimentons chaque jour l’existence d’une vérité dans l’ordre physique. Nous sommes dans la vérité lorsque notre pensée est conforme à la réalité des choses; dans le cas contraire, nous sommes dans l’erreur. Les sciences ont précisément pour rôle de décrire la part de vérité qui les concerne. Ignorer les lois qu’elles exposent, engendre des catastrophes. Par exemple: un pont mal bâti s’écroulera bientôt. Dans l’ordre moral et religieux, la vérité existe également. Tous les hommes connaissent cette vérité première: il faut faire le bien et éviter le mal. Elle témoigne, avec les autres vérités morales inscrites dans la conscience humaine (honore tes père et mère, ne tue pas, ne vole pas…), de l’existence d’une Vérité suprême transcendante: Dieu. «Quand il écoute la voix de sa conscience, l’homme peut atteindre la certitude de l’existence de Dieu, cause et fin de tout», enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC, 46). De fait, la source de toute vérité et de tout bien se trouve en Dieu, Être infiniment parfait, et Créateur de toutes choses. «L’ordre moral – universel, absolu, et immuable dans ses principes – a son fondement objectif dans le vrai Dieu transcendant et personnel, Vérité première et Souverain Bien, source la plus profonde de vitalité pour une société ordonnée, féconde, et conforme à la dignité des personnes qui la composent» (Jean XXIII, Pacem in terris).

L’unique vrai bien de l’homme

Cependant, la recherche et l’adhésion à la vérité sont laissées à la liberté de l’homme. Dieu, en effet, a créé l’homme libre: «Dieu a voulu laisser [l’homme] à son conseil (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude» (Vatican II, Gaudium et spes, 17). Mais, la liberté de l’homme ne signifie pas qu’il puisse créer lui-même la vérité, les valeurs et les normes morales, puisqu’il les reçoit de son Créateur. Aussi, selon la foi chrétienne, «seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d’être dans la Vérité et de faire la Vérité» (Jean-Paul II, Encyclique Veritatis splendor, 84).

La culture contemporaine a, en grande partie, perdu de vue le lien essentiel qui existe entre vérité, bien et liberté. «Amener l’homme à redécouvrir ce lien, dit le Pape Jean-Paul II, est aujourd’hui une des exigences propres de la mission de l’Église, pour le salut du monde. La question de Pilate: Qu’est-ce que la vérité? jaillit aujourd’hui aussi de la perplexité désolée d’un homme qui ne sait plus qui il est, d’où il vient et où il va. Et alors, nous assistons souvent à la chute effrayante de la personne humaine dans des situations d’autodestruction progressive. À vouloir écouter certaines voix, il semblerait que l’on ne doive plus reconnaître le caractère absolu et indestructible d’aucune valeur morale. Et même, il est arrivé quelque chose de plus grave: l’homme n’est plus convaincu que c’est seulement dans la vérité qu’il peut trouver le salut. La force salvifique du vrai est contestée et l’on confie à la seule liberté, déracinée de toute objectivité, la tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et de ce qui est mal… On ne croit plus au fond, que la Loi de Dieu soit toujours l’unique vrai bien de l’homme» (ibid.).

Considérant la faiblesse humaine, notre Père du Ciel a eu la bonté de nous munir de secours surnaturels pour nous faire accéder plus sûrement et plus rapidement à la connaissance de la vérité. En effet, Dieu a voulu nous révéler «les vérités religieuses et morales qui, de soi, ne sont pas inaccessibles à la raison, afin qu’elles puissent être, dans l’état actuel du genre humain, connues de tous sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur» (CEC, 38). Mais il existe un autre ordre de connaissances que l’homme ne peut nullement atteindre par ses propres forces: il s’agit des vérités de la foi: «Par une décision tout à fait libre, Dieu se révèle et se donne à l’homme. Il le fait en révélant son mystère, son dessein bienveillant qu’il a formé de toute éternité dans le Christ en faveur de tous les hommes. Il révèle pleinement son dessein en envoyant son Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, et l’Esprit-Saint» (CEC, 50). C’est pourquoi Notre-Seigneur a dit: Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6). Il a appelé tous les hommes à venir à Lui afin de parvenir à leur salut éternel: Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé (Jn 10, 9). Les martyrs ont témoigné jusqu’à la mort de la vérité du Christ.

«Une âme angélique»

À la fin des vacances de 1846, Jean-Louis Bonnard se prépare à quitter définitivement sa famille: c’est le premier acte de son martyre, car à l’époque, le départ d’un missionnaire pour l’Extrême-Orient était le plus souvent sans retour. Après la prière du soir, il demande la bénédiction de ses parents. «Mais pourquoi? – C’est que cette année je dois recevoir les premiers Ordres sacrés», hasarde-t-il, ne voulant pas encore leur annoncer son départ pour le séminaire des Missions Étrangères. Le lendemain, lorsqu’il part, il semble beaucoup plus ému que d’habitude. Il arrive à Paris le 4 novembre.

Dans sa nouvelle maison, Jean-Louis rayonne de joie. Ange de paix, humble, modeste, doué d’une très grande charité à l’égard de tous, dit-on de lui; il doit sans doute ces aimables vertus à son innocence baptismale parfaitement conservée. Ange? Ses parents, blessés par son départ, ne partagent pas cet avis. Il s’efforce de les rassurer: «Ne vous imaginez pas qu’à peine arrivé chez les infidèles je vais être mis à mort… Hélas! Je ne suis pas digne d’un si grand honneur qu’est celui de mourir pour la Foi, martyr de Jésus-Christ! Vous devriez bien demander pour moi cette grâce au Bon Dieu. Mais si cette idée-là vous fatigue, chassez-la plutôt, car maintenant il n’y a presque plus de persécutions dans les contrées auxquelles on nous destine. Pour vous en convaincre, vous n’avez qu’à lire, dans les Annales de la Propagation de la Foi, ce qui regarde les Indes, la Malaisie, la Mandchourie et la Chine». Pourquoi oublie-t-il le Vietnam? C’est pourtant là qu’il ira.

Ordonné prêtre le 28 décembre 1848, Jean-Louis part en février 1849 à destination de Hong Kong. De là, on l’envoie au Tonkin (Nord du Vietnam) où, en avril 1851, il est chargé de deux paroisses. Il écrit à ses parents: «Les habitants de ce pays sont d’excellentes gens. Les chrétiens nous aiment beaucoup et nous sont dévoués de tout coeur… Parlons un peu de persécution, car vous n’ignorez pas que nous ne sommes pas ici parfaitement en paix… Ce qui nous afflige le plus, c’est de voir persécuter nos pauvres chrétiens, qui sont alors obligés aux plus grands sacrifices pour conserver leur Foi. Oh! Si vous saviez les privations qu’il faut endurer pour devenir et demeurer chrétien!»

Le martyre de tous les jours

Peu sont appelés à verser leur sang; mais, tous les baptisés ont à rendre chaque jour un témoignage cohérent de leur foi, fût-ce au prix de souffrances importantes. Lorsque l’ordre moral voulu par Dieu est mis en cause et rejeté par l’esprit public, la fidélité à cet ordre peut engendrer de nombreuses difficultés dans les circonstances les plus ordinaires. Le chrétien, soutenu par la vertu de force, est alors appelé à un engagement héroïque pour rester fidèle à Dieu. Il en vient à «aimer les difficultés de ce monde en vue des récompenses éternelles» (Saint Grégoire le Grand).

À l’héroïsme du quotidien appartient, par exemple, «le témoignage silencieux, mais combien fécond et éloquent, de toutes les mères courageuses qui se consacrent sans réserve à leur famille, qui souffrent en donnant le jour à leurs enfants, et sont ensuite prêtes à supporter toutes les fatigues, à affronter tous les sacrifices, pour leur transmettre ce qu’elles possèdent de meilleur en elles. Dans l’accomplissement de leur mission, ces mères héroïques ne trouvent pas toujours un soutien dans leur entourage. Au contraire, les modèles de civilisation, souvent promus et diffusés par les moyens de communication sociale, ne favorisent pas la maternité. Au nom du progrès et de la modernité, on présente comme désormais dépassées les valeurs de la fidélité, de la chasteté et du sacrifice qu’ont illustrées et continuent à illustrer une foule d’épouses et de mères chrétiennes» (Jean-Paul II, Encyclique Evangelium vitæ, 86).

Toujours et en toutes circonstances

Mais si les chrétiens ont à coeur d’honorer Dieu et le prochain au prix de croix quotidiennes réelles quoique souvent obscures, ils sont absolument déterminés à ne violer en aucun cas la loi de Dieu. «L’Église propose l’exemple de nombreux saints et saintes qui ont défendu la vérité morale jusqu’au martyre, préférant la mort à un seul péché mortel. Elle a déclaré vrai leur jugement selon lequel l’amour de Dieu implique obligatoirement le respect de ses commandements, même dans les circonstances les plus graves, et le refus de les transgresser, même dans l’intention de sauver sa propre vie» (Encyclique Veritatis splendor, 91). Saint Ignace de Loyola écrit, dans ses ‘Exercices spirituels’: «Le premier degré de l’humilité est nécessaire pour le salut éternel. Il consiste à m’abaisser et à m’humilier autant qu’il me sera possible et qu’il est nécessaire pour obéir en tout à la loi de Dieu, notre Seigneur: de sorte que, quand on me menacerait de m’ôter la vie, je ne mette pas même en délibération la possibilité de transgresser un commandement de Dieu ou des hommes, qui m’oblige sous peine de péché mortel». Le commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ne comporte aucune limite supérieure, mais il a une limite inférieure en dessous de laquelle il est violé. Il y a des comportements qui ne peuvent jamais, et dans aucune situation, être la réponse juste, c’est-à-dire conforme à la dignité de la personne. La limite en dessous de laquelle l’amour de Dieu et du prochain est violé, c’est ce qu’interdisent les commandements négatifs (par exemple: Tu ne commettras pas d’adultère): ces commandements lient tout homme «semper et pro semper», toujours et en toute circonstance (cf. Encyclique Veritatis splendor, 52).

L’Espérance ne trompe pas!

Dans certaines situations, l’observation de la Loi de Dieu peut être difficile; elle n’est cependant jamais impossible. «Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant Il t’invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas, et Il t’aide à pouvoir. Ses commandements ne sont pas pesants (1 Jn 5, 3), son joug est doux et son fardeau léger» (Concile de Trente, Session VI, ch. 11). «C’est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l’Esprit-Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du Rédempteur que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés» (Encyclique Veritatis splendor, 103).

L’espérance est donc toujours ouverte; et elle ne trompe pas (Rm 5, 5). Aussi, «ce serait une très grave erreur de penser que la règle enseignée par l’Église, est en elle-même seulement un idéal qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, en fonction, dit-on, des «possibilités concrètes» de l’homme… De quel homme parle-t-on? De l’homme dominé par la concupiscence, ou bien de l’homme racheté par le Christ? Car c’est bien de la réalité de la Rédemption qu’il s’agit. Le Christ nous a rachetés! Cela signifie: Il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence… Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l’homme, mais aux capacités de l’homme auquel est donné l’Esprit-Saint, de l’homme qui, s’il est tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l’Esprit» (Ibid.). En pratique, c’est surtout dans la prière que nous est donnée la force du Saint-Esprit. C’est pourquoi le Catéchisme enseigne: «Prier est une nécessité vitale… Rien ne vaut la prière; elle rend possible ce qui est impossible, facile ce qui est difficile» (CEC, 2744).

«Prisonnier pour le Christ!»

Le 1er mars 1851, l’empereur Tu Duc avait promulgué un édit de persécution. Visitant en mars 1852 la chrétienté de Bôi-Xuyen, le Père Bonnard est arrêté, sur la dénonciation d’un mandarin païen, et conduit à Nam-Dinh. «Voici, écrit-il à son évêque, Mgr Retord, que je suis en prison avec la cangue et les chaînes pendant la nuit… Je m’en réjouis, me disant que la croix de Jésus était bien plus pesante que ma cangue, que les liens qui attachaient Jésus étaient bien plus douloureux que ma chaîne, et je suis heureux de dire avec saint Paul: Je suis prisonnier pour le Christ… Je suis encore bien jeune; j’aurais désiré vous aider et prendre soin de ces chers chrétiens que j’aime tant… La chair et le sang sont tristes, mais Jésus au jardin des Oliviers ne m’apprend-Il pas à souffrir, avec patience et pour l’amour de Lui, tous les maux qu’Il m’envoie?»

Suivent les interrogatoires. On veut savoir où le missionnaire a séjourné: «Frappez-moi tout à votre aise, mais n’espérez pas m’arracher un mot qui puisse nuire aux chrétiens». On lui propose de fouler la Croix aux pieds, sinon il sera frappé du rotin et condamné à mort: «Je ne crains ni votre rotin, ni la mort. Commettre une telle lâcheté, jamais! Je ne suis pas venu pour renier ma religion, ni pour donner de mauvais exemples aux chrétiens».

Le 8 avril, Jeudi Saint, le Père Tinh, envoyé par Mgr Retord, apporte la communion au Père Bonnard: «Vraiment, dit ce dernier, il faut être en prison et la cangue au cou, pour comprendre combien il est doux de recevoir son Dieu!» Et il écrit à ses parents: «Ne pleurez pas, je suis heureux de mourir ainsi. C’est là-haut que je vous donne rendez-vous. Je vous y attends tous. N’y manquez pas». Décapité le 1er mai 1852, il entre dans la joie infinie, accueilli pour toujours par la Cour céleste.

Suivons ses traces, avec une immense confiance en la Très Sainte Vierge et en saint Joseph, par l’acceptation paisible des multiples petites croix de notre existence ordinaire. «Saint Jean-Louis Bonnard, nous vous confions tous ceux qui nous sont chers, vivants et défunts!»

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