24 juin 1998

Emmanuel Delaunet

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Dans un foyer chrétien de la région parisienne, le 20 novembre 1970, vient au monde un enfant qui recevra au saint Baptême le prénom d’Emmanuel. Un frère, Vincent, et une soeur, Anne, l’ont précédé. La naissance provoque une explosion de joie dans toute la famille. Le papa, Monsieur D. ne manque pas de se rendre tous les soirs à la maternité où reposent ses deux trésors: maman et Emmanuel; et, chaque fois, se renouvelle le même bonheur, toujours neuf.

«Il ne sait pas téter»

Trois jours plus tard, Monsieur D. se presse vers la clinique, avec un bouquet de fleurs. Son coeur bat très vite, tout comme la première fois. Le voici sur le seuil de la chambre. Mais là, il est comme cloué sur place: de son lit, son épouse tourne vers lui un visage inondé de larmes. D’un bond, il est auprès d’elle. Elle le regarde fixement, lui tend les bras et, la voix étranglée de sanglots, elle articule: «Notre enfant n’est pas normal!» Instinctivement, le regard du père se porte sur le berceau où se trouve le nouveau-né, qui dort à poings fermés. «Je ne vois rien d’anormal; quelqu’un te l’a dit? demande-t-il à son épouse. – Non, personne; mais je le sais, je le sens, il ne bouge pas, il ne pleure pas, il ne sait pas téter».

Les deux époux restent ensemble tout l’après-midi auprès de leur enfant. Le lendemain, Madame D. se décide à faire examiner celui-ci par un pédiatre. Le spécialiste interroge avec bonté l’épouse, puis l’époux, et commence très calmement un examen long et méthodique du bébé. L’attente est un supplice pour les parents. Enfin, le médecin tourne vers eux un regard plein d’amitié, de charité. Il commente avec délicatesse son diagnostic, avant d’en arriver à la conclusion: «Votre enfant ne sera pas comme les autres». Avec une douceur extrême, il leur apprend qu’Emmanuel est atteint de trisomie 21… il est «mongolien». L’intuition première de la maman était juste.

Nous l’aimerons comme les autres!

Monsieur D. va devoir informer la famille. De retour chez lui, il trouve les grands-parents, les oncles, les tantes d’Emmanuel, qui sont venus aux nouvelles. Il ne peut contenir ses larmes et balbutie: «mongolien». Consternation générale. Puis on se ressaisit et la même phrase jaillit spontanément sur toutes les lèvres: «Nous l’aimerons« comme les autres». «Les autres», Vincent et Anne, sont là aussi, qui adhèrent pleinement: «Oui, nous l’aimerons, oui, je l’aimerai!»

«Nous l’aimerons!» Réponse merveilleuse, qui est une lumière pour notre monde. L’attitude chrétienne de la famille d’Emmanuel contraste avec le rejet, si fréquent hélas dans nos sociétés, de l’enfant handicapé, inapte – pense-t-on – à être heureux et à rendre les autres heureux. Le Pape Jean-Paul II constate à ce sujet: «Nous sommes face à une réalité caractérisée par la prépondérance d’une culture contraire à la solidarité, qui se présente dans de nombreux cas comme une réelle «culture de mort»… Par sa maladie, par son handicap, celui qui met en cause le bien-être ou les habitudes de vie de ceux qui sont plus favorisés, tend à être considéré comme un ennemi dont il faut se défendre ou qu’il faut éliminer. Il se déchaîne ainsi une sorte de conspiration contre la vie» (Encyclique Evangelium vitæ, 12). Le refus d’accueillir et de laisser vivre ceux qui gênent (l’enfant conçu mais «non désiré», la personne handicapée, ou âgée, le malade en phase terminale…) manifeste une profonde méconnaissance de la valeur de toute vie humaine.

Pourquoi toute vie humaine est-elle un bien? La Sainte Bible apporte, dès ses premières pages, une réponse forte et admirable à cette question. La vie que Dieu donne à l’homme est différente et distincte de celle de toute autre créature vivante. Seule, la création de l’homme est présentée comme le fruit d’une décision spéciale de la part de Dieu: au terme de l’oeuvre de la création du monde, Celui-ci décrète solennellement: Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance (Gn 1, 26). À l’homme est conférée une très haute dignité, dont les racines plongent dans le lien intime qui l’unit à son Créateur: en l’homme resplendit un reflet de la réalité même de Dieu (cf. Evangelium vitæ, 34). Ce reflet n’est pas effacé par le handicap mental.

Je ne t’oublierai jamais!

Du fait qu’il est à l’image de Dieu, seul de toutes les créatures visibles à être doué d’intelligence et de volonté libre, l’homme est capable de connaître et d’aimer son Créateur. Il est appelé à entrer en communication

personnelle d’amour avec Lui, même si pour un temps, voire pour toute la vie ici-bas, cette relation est rendue difficile ou mystérieuse. «Tâchons de comprendre combien est tendre l’amour de Dieu, disait Mère Teresa de Calcutta. Car Lui-même dit dans l’Écriture: Même si une mère pouvait oublier son enfant, je ne t’oublierais pas. Je t’ai gravé sur la paume de ma main (cf. Is 49, 15-16). Quand tu te sens seul, quand tu te sens rejeté, quand tu te sens malade et oublié, souviens-toi que tu Lui es précieux. Il t’aime. Tu revêts une grande importance à ses yeux».

L’importance de chaque personne aux yeux de Dieu nous est manifestée encore davantage par l’oeuvre de la Rédemption, le rachat des péchés: Voici à quoi se reconnaît l’amour: ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimés, et Il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés (1 Jn 4, 10). «C’est en contemplant le sang précieux du Christ que le croyant apprend à reconnaître et à apprécier la dignité quasi divine de tout homme; il peut s’écrier, dans une admiration et une gratitude toujours nouvelles: Quelle valeur doit avoir l’homme aux yeux du Créateur s’il «a mérité d’avoir un tel et un si grand Rédempteur» (Exultet de la liturgie pascale), si Dieu a donné son Fils afin que lui, l’homme, ne se perde pas, mais qu’il ait la vie éternelle! (cf. Jn 3, 16)» (Evangelium vitæ, 25).

«Enfant de Dieu, à part entière»

La vie que le Fils de Dieu est venu donner aux hommes ne se réduit pas à la seule existence dans le temps. Elle est appelée à durer toute l’éternité. L’Apôtre saint Jean écrit: Voyez quel grand amour le Père nous a donné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!« Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lors de cette manifestation, nous Lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’Il est (1 Jn 3, 1-2).

Le grand-père d’Emmanuel met en relief cette vérité lorsqu’il écrit: «Le Baptême de mes enfants (et petits-enfants) a été chaque fois pour moi un grand moment. Actuellement, il me semble qu’on place l’accent sur «l’entrée dans l’Église». C’est bien. Mais pour moi, j’y vois surtout la véritable naissance de cet enfant de notre chair à la Vie même de Dieu. Emmanuel n’aura pas le développement intellectuel ni les capacités physiques des autres enfants. Mais ici, je le sais, je le sens, nulle infériorité; le voici Enfant de Dieu à part entière, la maladie ne peut rien contre cette dignité essentielle».

Ainsi «la vérité chrétienne sur la vie parvient à sa plénitude. La dignité de la vie n’est pas seulement liée à ses origines, au fait qu’elle vient de Dieu, mais aussi à sa fin, à sa destinée qui est d’être en communion avec Dieu pour le connaître et l’aimer.» (Evangelium vitæ, 38). Cette communion d’amour n’est pas réservée à une élite d’hommes parfaitement constitués. Elle s’étend aussi à tous les «pauvres» de corps ou d’esprit. «Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Lc 7, 22). Par ces paroles du prophète Isaïe, Jésus explique le sens de sa mission: ainsi, ceux qui souffrent d’une forme de handicap dans leur existence entendent de lui la bonne nouvelle de la sollicitude de Dieu pour eux et ils ont la confirmation que leur vie aussi est un don jalousement gardé dans les mains du Père (cf. Mt 6, 25-34)» (Ibid., 32).

Dépasser ses limites

Mes bien-aimés, puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres (1 Jn 4, 11). L’éducation patiente d’Emmanuel est toute pétrie de cet amour auquel nous exhorte saint Jean. Elle présuppose une information exacte sur la nature du handicap de l’enfant. Le Professeur Jérôme Lejeune, qui a découvert en 1959 la cause de la trisomie 21, explique que cette maladie n’est ni une tare raciale, ni une suite de la syphilis, de l’alcoolisme ou de la mauvaise qualité du cerveau des parents, comme on le pensait jusqu’alors: c’est un accident chromosomique. L’enfant «mongolien» possède tous les organes, toute la machinerie génétique propre à un homme, sans «erreur dans les plans de construction»; il présente seulement un excès d’information génétique parce que ses cellules possèdent, accidentellement, un chromosome en trop. Il s’agit d’une maladie qui met obstacle au développement des facultés intellectuelles, sans affecter la mémoire ni l’affectivité de celui qui en est atteint. La médecine ne désespère pas de pouvoir un jour guérir les victimes de ce mal.

Comme la majorité des trisomiques, Emmanuel se singularise par son indolence. Mais Madame D. ne se résigne pas à cette fatalité: avec ténacité, elle l’incite à dépasser ses limites. Quand il tombe en avant, il n’a pas l’idée de se protéger la tête avec ses mains. Sa maman lui apprend à tomber, sur un matelas, en avançant les bras, jusqu’à ce que l’automatisme soit obtenu. Pour le faire marcher, elle lui prend un pied puis l’autre en l’appuyant à la paroi; et cela, pendant des jours et des jours, jusqu’au moment où il marche tout seul: miracle de patience! Même manoeuvre pour lui apprendre à monter et descendre un escalier… Bientôt, avec son père, son frère et sa soeur, Emmanuel participe à des courses à pied, et de temps en temps, on le laisse arriver premier au but sous les applaudissements de sa mère.

Il lui a fallu beaucoup d’énergie pour habituer sa langue, ses lèvres, ses dents, à l’usage des voyelles et des consonnes. Il parle volontiers, mais sa prononciation est souvent confuse. Quand on ne le comprend pas, on lui fait répéter une fois, deux fois, trois fois: à la fin il se lasse, prend sa tête dans ses mains, une ou deux minutes, puis se relève et lâche le mot exact, ou son synonyme. Il a une conscience nette du bien et du mal, de ce qui est permis ou interdit. Il s’occupe, il se distrait, il répand la gaieté. Et puis, il y a cet esprit taquin, cette espièglerie jamais à court d’imagination. Le rire est chez lui un modèle du genre. Il aime le sport: au football, il a une excellente frappe, au judo, il est redoutable. À la pétanque, son geste est «magique»: jamais, il ne manque le but. L’équilibrisme ne lui fait pas peur: il s’en tire toujours. La famille passe ses vacances en montagne: il y a parfois des marches un peu longues, surtout en montée. On entend alors sa petite voix: «Y a-t-il un petit repos?»

Comme une nappe d’eau

D’une manière générale, tous ceux qui approchent Emmanuel, sont séduits par différents traits de son caractère. Tout d’abord, il donne sa confiance à tous, sans restriction. Puis, il y a ce regard qu’il vous porte, d’une extrême douceur et qu’il étend sur vous telle une nappe d’eau se répandant dans toutes les cavités qu’elle rencontre. Il vous inonde de sa tendresse. Enfin, il sait s’oublier lui-même pour s’occuper des autres. Il aime à se charger des petits, à les aider. Fréquemment, il a un mot, une parole gentille pour son entourage. Faire plaisir est pour lui une seconde nature. Son handicap, s’il n’est pas supprimé, est atténué, dépassé.

Le cas d’Emmanuel confirme le témoignage de Jean Vanier, fondateur de l’Arche: l’attention bienveillante qu’on porte aux handicapés «devient peu à peu communion des coeurs, car la personne, même avec un handicap lourd, répond à l’amour par l’amour… C’est une relation de confiance mutuelle qui transforme l’image blessée et dépressive de la personne en une image positive, lui faisant découvrir sa valeur, sa dignité et lui donnant espérance et raison de vivre… Les personnes faibles ont une puissance mystérieuse qui appelle à la communion, transforme ceux qui les accueillent, les rapprochant du coeur de Dieu. Elles sont source d’unité».

Dans la souffrance« avec Jésus

Le 30 janvier 1976, Emmanuel est atteint d’une forte hémorragie nasale, suivie de poussées de fièvre. Le 17 mars, il est hospitalisé à la Salpétrière, à Paris. On lui fait des ponctions de moelle. Les examens révèlent qu’Emmanuel est atteint de leucémie. Pendant les nombreuses hospitalisations des sept années qui suivent, ses parents se relaient avec d’autres pour qu’il ne soit jamais seul. Dans les périodes de répit, il peut séjourner en famille, mais à la fin, les rechutes s’accélèrent: juillet 82, avril 83, juillet 83.

Très tôt, Emmanuel a désiré recevoir Jésus. «Et moi?» dit-il à chaque fois qu’il voit communier sa maman. Au cours des messes dominicales, il est rare de le voir distrait, et, dans les choses de Dieu, il est toujours «tout à ce qu’il fait». Il lui arrive de réprimander des enfants qui font du bruit à l’église, ou de leur faire signe de se taire. Sa foi mûrit de jour en jour. Son attirance pour «Jésus-Hostie» est de plus en plus grande. Le Jeudi Saint, 23 mars 1978, il Le reçoit pour la première fois. À compter de ce jour, il communie à chaque messe avec un profond recueillement et un immense désir. Un jour, après la communion dans une paroisse d’Auxerre, au lieu de regagner sa place avec ses parents, il reste dans une des stalles du choeur, la tête appuyée sur ses mains jointes. Passant à sa hauteur, son papa lui demande: «Que fais-tu là, Emmanuel? – Je prie Marie pour que maman ne pleure plus». Il reçoit la confirmation, le 24 avril 1983.

Cette sensibilité, cette ouverture au divin, la plupart des trisomiques la partagent. Jésus, qui frappe à la porte de tous les coeurs, trouve ces petits tout empressés à Lui ouvrir. Commentant une allocution où le Pape Paul VI exhortait des handicapés à marcher vers la sainteté, Jean Vanier affirme: «Oui, certains hommes et femmes avec un handicap mental sont des Saints. Par leur simplicité, leur soif d’être aimés, et leur ouverture à Jésus, ils confondent les grands de ce monde, ceux qui recherchent l’efficacité et le pouvoir en dehors du sens du service et de la communion des coeurs. Ils sont très pauvres et limités, mais ils sont riches dans la foi, comme l’Apôtre saint Jacques nous le rappelle: Écoutez donc, mes frères bien-aimés! Dieu, Lui, n’a-t-Il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde? Il les a faits riches de la foi, Il les a faits héritiers du Royaume qu’Il a promis à ceux qui L’auront aimé (Jc 2, 5)».

Un crime abominable

Cependant, «les personnes handicapées sont parmi les plus opprimées de notre monde, malgré les progrès qui sont accomplis dans certains pays. Beaucoup, et de plus en plus, sont éliminées dès le sein de leur mère» (Jean Vanier). Un jour, le Professeur Lejeune reçoit à sa consultation un enfant trisomique de dix ans qui se jette dans ses bras et lui dit: «On veut nous tuer; il faut que tu nous protèges, parce que nous, nous sommes trop faibles, nous ne saurons pas nous défendre!» La veille, avec ses parents, il avait regardé l’une des premières émissions télévisées sur l’avortement, expliquant que, grâce au diagnostic prénatal, il était possible de détecter la trisomie 21 et de supprimer ces enfants indésirables. De ce jour, le Professeur prendra inlassablement la défense de l’enfant à naître. Il avait compris que la première menace contre la vie des handicapés se situe au niveau du diagnostic prénatal lorsque celui-ci est réalisé pour inciter à l’avortement. «Le diagnostic prénatal, qui ne soulève pas de difficultés morales s’il est effectué pour déterminer les soins éventuellement nécessaires à l’enfant non encore né, devient trop souvent une occasion de proposer et de provoquer l’avortement» (Jean-Paul II, Evangelium vitæ, 14).

Or, l’avortement est toujours, de soi, un péché très grave. Le Pape Jean-Paul II écrit: «Le commandement tu ne tueras pas a une valeur absolue quand il se réfère à la personne innocente. Et ceci d’autant plus qu’il s’agit d’un être humain faible et sans défense, qui ne trouve que dans le caractère absolu du commandement de Dieu une défense radicale face à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir d’autrui… La décision délibérée de priver un être humain innocent de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite, ni comme fin, ni comme moyen en vue d’une fin bonne« Rien ni personne ne peut autoriser que l’on donne la mort à un être humain innocent, foetus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité, ni même y consentir, explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l’imposer, ni même l’autoriser» (Ibid., 57).

Aujourd’hui, dans la conscience de nombreuses personnes, la perception de la gravité de l’avortement s’est progressivement obscurcie. Son «acceptation dans les mentalités, dans les moeurs et dans la loi elle-même est un signe éloquent d’une crise très dangereuse du sens moral, qui devient toujours plus incapable de distinguer entre le bien et le mal, même lorsque le droit fondamental à la vie est en jeu. Devant une situation aussi grave, le courage de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom est plus que jamais nécessaire, sans céder à des compromis par facilité ou à la tentation de s’abuser soi-même. À ce propos, le reproche du Prophète retentit de manière catégorique: Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres (Is 5, 20)» (Evangelium vitæ, 58).

Certains tentent de justifier l’avortement en soutenant que le fruit de la conception, au moins jusqu’à un certain nombre de jours, ne peut pas être encore considéré comme une vie humaine personnelle. En réalité, «dès que l’ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n’est celle ni du père ni de la mère, mais d’un nouvel être humain qui se développe pour lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors. À cette évidence de toujours, la science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a montré que dès le premier instant se trouve fixé le programme de ce que sera ce vivant: une personne, cette personne individuelle avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées» (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 18 novembre 1974). Fort d’une pareille conviction, acquise par la science, le Professeur Lejeune se plaisait à dire: «L’étudiant en médecine le plus matérialiste est obligé de reconnaître que l’être humain commence à la conception, sinon il est collé!»

Tu es trop fatigué!

Le 7 septembre 1983, le médecin spécialiste déclare aux parents d’Emmanuel qu’il n’y a plus rien à faire. Les derniers dimanches, bien qu’il soit à bout de forces, Emmanuel veut aller à la messe et la servir. Son frère tente de l’en détourner: «Tu es trop fatigué et puis tu ne vas pas pouvoir t’agenouiller». Alors, faisant preuve d’un courage extraordinaire pour démontrer qu’il peut, qu’il veut y aller, Emmanuel pousse sur ses jambes, s’arrache du sol et debout, sans appui, fait une génuflexion, puis se relève bien droit. Il ira servir Jésus.

Le 27 septembre, rien ne va plus. Emmanuel ne peut que gémir dans son lit. Papa et maman sont penchés ensemble au-dessus de lui. C’est l’enfant qui prend la parole, faiblement, mais clairement: «Je t’aime bien, tu sais, papa – Je t’aime bien, tu sais, maman». Ce sont ses dernières paroles à ses parents. Il vient de leur dire «au revoir, au Ciel».

«Emmanuel, Dieu avec nous, restera un symbole chargé d’espérance. Car les chrétiens sont des gens pour qui la naissance, la vie et la mort d’un petit enfant handicapé valent plus que tous les applaudissements offerts aux idoles, plus que tous les empires et plus que tout l’or du monde» (Père Maurice Cordier, ancien curé de la famille d’Emmanuel).

Que la Vierge Marie et saint Joseph nous apprennent à voir et à servir Jésus dans tous nos frères, spécialement dans les plus pauvres! Les moines prient pour vous, pour vos défunts et à toutes vos intentions.

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