1 août 2000

Saints François et Jacinte Marto

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Dans la matinée du samedi 13 mai 2000, à Fatima, le Pape Jean-Paul II a béatifié François et Jacinthe Marto. Au cours de son homélie, le Saint-Père s’exprimait ainsi: «Je te bénis, Père, d’avoir révélé cela aux tout-petits (Mt 11, 25). La louange de Jésus prend aujourd’hui la forme solennelle de la béatification des pastoureaux François et Jacinthe. L’Église désire, par ce rite, placer sur le lucernaire ces deux petites flammes que Dieu a allumées pour illuminer l’humanité en ses heures sombres et remplies de crainte… Que le message de leur vie reste toujours ardent pour illuminer le chemin de l’humanité».

François Marto est né le 11 juin 1908, et sa soeur Jacinthe, le 10 mars 1910. Leur cousine Lucie, qui verra avec eux la Sainte Vierge, est née le 22 mars 1907. Tous trois sont originaires d’un hameau nommé Aljustrel près de Fatima, au centre du Portugal. Dans le foyer Marto, on respire une ambiance chrétienne, fondée sur une solide honnêteté naturelle. L’amour de la vérité – on ne doit pas mentir – est une règle fondamentale soigneusement respectée. L’amour de la pureté est un autre trait distinctif de la famille: divertissements, paroles, attitudes, tout est honnête, délicat et pur. La piété chrétienne et la prière, l’assistance à la Messe dominicale, la réception des sacrements, sont habituelles.

Les paysans d’Aljustrel vivent pauvrement des ressources de leurs terres pierreuses et de leurs brebis. Lucie, François et Jacinthe ont l’habitude de réunir leurs troupeaux pour les faire paître ensemble, et ils organisent des jeux qui n’empêchent pas la vigilance. Un jour du printemps 1916, un Ange leur apparaît; courbant le front jusqu’à terre, il dit par trois fois: «Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime! Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas!» Lors d’une deuxième apparition, en été, l’Ange leur recommande d’offrir à Dieu «des prières et des sacrifices». Il revient en septembre, tenant un calice surmonté d’une Hostie d’où coulent des gouttes de sang. L’Ange s’agenouille avec les enfants et leur fait répéter trois fois: «Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous adore profondément, et je vous offre les très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, présent dans tous les tabernacles du monde, en réparation des outrages par lesquels Il est Lui-même offensé. Par les mérites infinis de son Coeur Sacré et par l’intercession du Coeur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs».

Le 13 mai 1917, Lucie, François et Jacinthe ont conduit leurs brebis en un lieu appelé Cova da Iria. Il est midi et le ciel est limpide. Soudain, un éclair traverse les airs. Croyant à la venue d’un orage, les enfants poussent le troupeau vers le fond de la combe. Là, se tient devant eux une jeune fille d’une beauté extraordinaire, toute lumineuse, vêtue d’une longue robe blanche et d’un voile qui descend jusqu’aux pieds; ceux-ci sont posés sur un léger nuage qui effleure un petit chêne vert. Elle paraît avoir dix-huit ans. Lucie lui demande: «De quel endroit êtes-vous, Madame? – Je suis du Ciel. – Et que désirez-vous de nous? – Je viens pour vous demander de vous trouver ici six fois de suite, à cette même heure, le 13 de chaque mois. Après, je vous dirai qui je suis et ce que je désire de vous. – Vous venez du Ciel!… et moi, irai-je au Ciel? – Oui, tu iras. – Et Jacinthe? – Aussi – Et François? – Il ira aussi; qu’il récite également son chapelet«»

Qui nous fera voir le bonheur? (Ps 4,7)

Le premier enseignement de la Sainte Vierge à Fatima est le rappel de la réalité du Ciel. Dieu nous a mis au monde pour Le connaître, L’aimer et Le servir, et ainsi parvenir au Paradis. Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiés, entrent au Ciel où ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce qu’ils Le voient tel qu’il est (1 Jn 3, 2), face à face (cf. 1 Co 13, 12). Cette vie parfaite de communion et d’amour avec la Très Sainte Trinité, avec la Vierge Marie, les anges et les saints, tout en résultant d’un don gratuit de Dieu, est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif. Dieu, en effet, a mis dans le coeur de l’homme le désir du bonheur afin de l’attirer à Lui. L’espérance du Ciel nous apprend que le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune oeuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour. «Dieu seul rassasie», dit saint Thomas d’Aquin.

Après avoir fortifié les enfants par la promesse inestimable du Ciel, la Dame les introduit dans le mystère de la Rédemption auquel, avec une exquise délicatesse, elle leur demande de s’associer: «Voulez-vous vous offrir à Dieu pour faire des sacrifices et accepter volontiers toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer en réparation des péchés qui offensent sa divine Majesté? Voulez-vous souffrir pour obtenir la conversion des pécheurs, pour réparer les blasphèmes ainsi que toutes les offenses faites au Coeur Immaculé de Marie? – Oui, nous le voulons! répond Lucie. – Vous aurez beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu vous assistera et vous soutiendra toujours». Tout en parlant, l’Apparition ouvre les mains et ce geste répand sur les voyants un faisceau de lumière mystérieuse, qui, pénétrant leurs âmes, les fait se voir eux-mêmes en Dieu.

D’abord consoler Jésus

Cette grâce, par laquelle Dieu a rejoint les trois enfants au plus profond d’eux-mêmes, émerveille François. Par un étonnant mystère, Dieu se fait connaître à lui comme «triste» à cause des péchés des hommes. Il s’opère alors en ce garçon d’à peine neuf ans une transformation radicale. À première vue, il paraît être moins favorisé que ses compagnes: Lucie voit Notre-Dame et parle avec Elle; Jacinthe la voit et l’entend, mais ne parle pas; François la voit seulement, mais ne l’entend pas et ne parle pas avec Elle. Il s’engage pourtant dans une vie spirituelle intense. Sachant que son entrée au Ciel est conditionnée par la récitation de beaucoup de chapelets, il n’en demeure pas moins dans état merveilleux de tranquillité et de confiance. Il se met à réciter jusqu’à deux rosaires, et même plus, chaque jour. Sa piété, loin d’être une répétition mécanique des prières du chapelet, le plonge dans un état habituel d’oraison. Sa préoccupation est de tenir compagnie à Notre-Seigneur et de le consoler. Une nuit, son père l’entend sangloter: «Je pense à Jésus qui est si triste à cause des péchés que l’on accomplit contre Lui», lui confie François. À la demande de Lucie: «Qu’est ce qui te plaît le plus: consoler Notre-Seigneur ou convertir les pécheurs pour que les âmes n’aillent pas en enfer?», il répond: «Je préférerais consoler Notre-Seigneur, mais ensuite convertir les pécheurs pour qu’ils ne L’offensent plus».

La parabole de l’enfant prodigue nous révèle que le drame du péché n’est pas seulement celui d’un fils qui s’éloigne de la maison paternelle, mais aussi la tragédie du père qui souffre de cet éloignement. Dieu se trouve, mystérieusement, dans cette situation lorsque nous commettons le péché. Dans notre langage humain, nous disons alors que Dieu «souffre» de notre éloignement. Les âmes habitées par un amour de Dieu très intense se préoccupent des répercussions du péché dans le Coeur de Dieu, qu’elles veulent «consoler». Tel paraît avoir été le cas de François. Ce petit voyant, qui semblait défavorisé au plan des apparitions, est parvenu aux sommets les plus élevés de la spiritualité chrétienne.

L’effet des apparitions sur Jacinthe se manifeste surtout après le 13 juillet. Ce jour-là, Notre-Dame montre l’enfer aux trois enfants. Lucie écrira: «Elle nous fit voir un océan de feu… et, plongés dans ce feu, les démons et les âmes comme des braises noires et transparentes… au milieu de cris et de gémissements de douleur et de désespoir qui épouvantaient et faisaient trembler de frayeur». La Sainte Vierge demande de garder cette vision secrète. Elle ne permettra à Lucie de la révéler qu’en 1941. Jacinthe en retire une impression qui la marque profondément. À partir de ce jour, elle se montre très préoccupée du sort des pauvres âmes qui tombent en enfer. Elle s’assoit souvent par terre ou sur une pierre, et, toute pensive, elle dit: «Oh, l’enfer! Que j’ai de peine pour les âmes qui vont en enfer!» Cependant, elle ne s’en tient pas à une peine stérile, mais, sous la motion d’une charité très élevée, elle prie et se sacrifie héroïquement pour ceux qui sont en péril de se perdre.

Une pénible réalité

La vision de l’enfer dont les trois enfants ont été favorisés, n’est pas une exagération de la réalité qu’elle représente. C’en est une présentation à la portée de l’esprit humain. Le Pape Paul VI, dans son «Credo du Peuple de Dieu», expose d’abord la perspective de l’amour et de la miséricorde de Dieu, qui nous conduisent à la vie éternelle. Mais il ajoute que «ceux qui refusent jusqu’au bout cet amour et cette miséricorde iront au feu qui ne s’éteint pas». En 1992, Lucie, qui est Carmélite à Coïmbre (Portugal) depuis 1948, disait à un Cardinal venu la visiter: «L’enfer est une réalité… Continuez à prêcher sur l’enfer, car Notre-Seigneur lui-même a parlé de l’enfer et c’est dans la Sainte Écriture. Dieu ne condamne personne à l’enfer. Ce sont les personnes qui se condamnent elles-mêmes à l’enfer. Dieu a donné aux hommes la liberté de choix, et Il respecte cette liberté humaine». Décrivant par avance le jugement dernier, Jésus affirme: Alors le Fils de l’homme dira à ceux qui seront à sa gauche: «Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges»… Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle (Mt 25, 41 et 46).

Devant les événements d’Aljustrel, les partisans de la politique anticléricale au Portugal s’agitent. L’administrateur de l’arrondissement de Vila Nova de Ourém, dont dépend le hameau, est un homme sectaire. Le 13 août, il se rend à Fatima, et emmène par ruse les trois enfants à Ourém. Les petits voyants sont consternés de manquer le rendez-vous donné par la Sainte Vierge. Ils offrent ce grand sacrifice à Notre-Seigneur. Interrogés sur les apparitions, ils racontent ce qu’ils ont vu, mais restent fidèles au secret. On leur promet des pièces d’or: rien ne peut les ébranler. En dernier recours, l’administrateur les conduit à la prison et leur dit: «Si vous tardez trop à parler, on vous fera frire dans l’huile». Le soir, les trouvant inébranlables, il commande de préparer une chaudière pleine d’huile. Puis, se tournant vers Jacinthe: «Dis le secret que tu prétends avoir reçu. – Je ne puis pas. – Tu ne peux pas?… Eh bien, je vais faire en sorte que tu puisses!…» Un gendarme emmène Jacinthe. Au bout de quelques minutes, l’administrateur s’adresse à François: «Voilà ta soeur frite!… Maintenant à toi!… dis-moi ton secret. – Je ne puis le dire à personne». Et, on l’entraîne pareillement. Puis, vient le tour de Lucie. En réalité, ce n’est qu’une mise en scène; cependant Lucie avouera plus tard: «Je croyais que c’était pour de bon et que j’allais mourir. Mais je n’avais pas peur et je me recommandais à la Sainte Vierge». Un tel courage, chez des enfants, manifeste une intervention surnaturelle de Dieu par l’octroi du don de force.

Le 13 septembre, la Sainte Vierge confirme sa promesse d’un grand miracle pour le 13 octobre. Ce jour-là, la Dame donne son nom: «Je suis Notre-Dame du Rosaire. Je désire que l’on fasse ici une chapelle en mon honneur, et que l’on continue à dire le chapelet tous les jours». La foule est évaluée à 50.000 personnes. À la fin de l’apparition, le soleil se met à danser, à émettre toutes sortes de couleurs, puis il semble se précipiter par bonds en zigzag sur la foule, et enfin reprend sa place, miracle qui accrédite les apparitions. Les jours qui suivent, les petits sont harcelés d’interrogatoires interminables de la part de toutes sortes de personnes. Suivant les recommandations de la Sainte Vierge, ils offrent leurs souffrances à Dieu. Pour sauver les pécheurs, ils sont devenus insatiables de sacrifices.

«Quelle belle lumière!»

À l’automne 1918, François tombe gravement malade de la «grippe espagnole»: il attend la mort avec autant de certitude que de patience. Même aux moments de la plus forte fièvre, il n’oublie pas son chapelet. Un jour Lucie lui demande: «Souffres-tu beaucoup? – J’ai tellement mal à la tête! répond-il, mais je veux le supporter pour consoler Notre Seigneur». Le 2 avril 1919, il se confesse et, le lendemain, fait sa première Communion qui est aussi son dernier Viatique. Depuis qu’il a communié, il n’éprouve plus la moindre douleur. Vers 10 heures du soir, il dit à sa mère: «Regarde, maman, quelle belle lumière, là, près de la porte». Au bout d’un moment: «Je ne la vois plus». Son visage s’illumine d’une clarté angélique et, sans agonie, avec un léger sourire sur les lèvres, son âme se détache de son corps et va rejoindre la Dame dont, sur la terre, il a entrevu la Beauté. Le dernier à la Cova, François entre le premier en Paradis.

Jacinthe, elle aussi, est frappée par l’épidémie. De petite fille boudeuse, délicate, aimant à la folie les jeux et la danse, l’enfant est devenue patiente, forte et même rude devant la souffrance. Cependant elle n’est pas morne. Conduisant les brebis ou cueillant des fleurs, elle chante, sur des airs improvisés: «Doux Coeur de Marie, soyez mon salut! Immaculé Coeur de Marie, convertissez les pécheurs, préservez leurs âmes de l’enfer». Son amour du Pape est singulier. Lors de l’apparition du 13 juillet 1917, la Sainte Vierge avait dit: «Le Saint-Père aura beaucoup à souffrir». Un peu plus tard, Jacinthe reçoit deux révélations particulières. Un jour, elle dit à Lucie: «J’ai vu le Saint-Père, dans une très grande maison, à genoux devant une table, la tête dans les mains, et pleurant. Dehors, il y avait beaucoup de monde. Les uns lui jetaient des pierres, d’autres lui adressaient des injures et lui disaient de vilaines paroles. Pauvre Saint-Père! Il nous faut prier beaucoup pour lui!» Une autre fois, elle voit le Pape priant, avec une foule, devant le Coeur Immaculé de Marie. Ces révélations inspirent à Jacinthe une ferveur pleine d’amour dans ses prières pour le Saint-Père. Le Pape Jean-Paul II, conscient d’en avoir lui-même bénéficié, a exprimé sa reconnaissance à Jacinthe dans l’homélie de la Messe de béatification: «Je désire une fois de plus célébrer la bonté du Seigneur envers moi, quand, durement frappé le 13 mai 1981, je fus sauvé de la mort. J’exprime également ma reconnaissance à la bienheureuse Jacinthe pour les sacrifices et les prières faites pour le Saint-Père, qu’elle avait vu tant souffrir».

«C’est si bon d’être avec Lui!»

Un jour, Jacinthe confie à Lucie: «Notre-Dame est venue me voir. Elle veut que j’aille dans deux hôpitaux. Mais ce n’est pas pour guérir: c’est pour souffrir davantage par amour pour Notre-Seigneur et pour les pécheurs». En attendant, elle prie beaucoup et ne manque aucune occasion de faire des sacrifices: elle se lève la nuit pour réciter à genoux la prière de l’Ange, accepte de boire des tasses de lait qui lui soulèvent le coeur, fait le sacrifice de ne pas se retourner dans son lit en dépit de la douleur. Lorsque Lucie revient de la Messe, elle lui dit: «Approche-toi tout près de moi puisque tu portes dans ton coeur Jésus caché… Je ne sais comment, je sens Notre-Seigneur en dedans de moi, et, sans Le voir ni L’entendre, je comprends ce qu’Il me dit. C’est si bon d’être avec Lui!…»

On la transporte à l’hôpital de Vila Nova de Ourém. La séparation de Lucie lui coûte plus que tout, car seule sa cousine est à même de la comprendre. Une fistule s’est ouverte à son côté gauche. «Ne dis à personne que la plaie me fait mal, confie-t-elle à Lucie qui est venue la visiter« Dis à Jésus au Tabernacle que je l’aime beaucoup». Un jour, elle rapporte à Lucie: «La Sainte Vierge m’a annoncé que j’irai à Lisbonne dans un autre hôpital. Je ne te reverrai plus, ni mes parents. Après avoir souffert beaucoup, je mourrai seule». Cette perspective la fait beaucoup souffrir: «Que t’importe, lui fait remarquer Lucie, si la Sainte Vierge vient te chercher! – Oui, c’est vrai. Mais il y a des moments où j’oublie qu’Elle viendra me prendre avec Elle».

Jacinthe est transférée à Lisbonne pour une intervention chirurgicale d’autant plus douloureuse que la faiblesse de la malade ne permet pas une anesthésie totale. L’opération achevée, les pansements font atrocement souffrir l’enfant. La Très Sainte Vierge vient la visiter et lui enlève toutes ses douleurs. Le visage de Marie paraît bien triste: «Les péchés qui conduisent le plus grand nombre d’âmes à la perdition sont les péchés de la chair, confie-t-elle à sa privilégiée. Il faut renoncer, ne pas s’obstiner dans le péché, comme on a fait jusqu’ici. Il est indispensable de faire grande pénitence». Quelques jours après l’opération, des complications surviennent. Le 20 février 1920, au soir, Jacinthe se confesse; le prêtre croit pouvoir attendre le lendemain pour lui apporter la Sainte Eucharistie. Pourtant, le soir même, vers dix heures trente, elle expire doucement.

Encore quelque temps…

Le 13 juin 1917, Lucie avait demandé à la Sainte Vierge de les emmener tous trois au Paradis. «Oui, répondit Marie. Pour Jacinthe et pour François, je les prendrai bientôt. Mais toi tu resteras ici-bas encore quelque temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur Immaculé… Je ne t’abandonnerai jamais. Mon Coeur Immaculé sera ton refuge et la voie qui te conduira à Dieu». En prononçant ces paroles, raconte Lucie, «la Sainte Vierge écarta les mains et, pour la seconde fois nous communiqua le reflet de la lumière intense qui l’enveloppait, dans laquelle nous nous vîmes comme plongés en Dieu. Jacinthe et François paraissaient être dans une partie qui s’élevait vers le Ciel et moi dans celle qui se répandait sur la terre. Au-dessus de la paume de la main gauche de Notre-Dame, il y avait un Coeur entouré d’épines qui s’y enfonçaient. Nous comprîmes que c’était le Coeur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation». Durant sa maladie, Jacinthe avait dit à Lucie: «Tu diras à tout le monde que le Bon Dieu nous envoie ses grâces par l’intermédiaire du Coeur Immaculé de Marie; qu’on ne doit pas hésiter à les lui demander; que le Coeur de Jésus veut être vénéré avec le Coeur Immaculé de Marie; que les hommes doivent demander la paix à ce Coeur Immaculé, parce que Dieu la lui a confiée». Depuis, Lucie n’a cessé de rendre témoignage aux faits surnaturels de Fatima. Par un dessein délicat de la Sainte Vierge, elle a pu assister à la cérémonie de béatification de ses deux petits cousins.

À cette occasion, le Pape rappelait: «Dieu désire que personne ne se perde; c’est pourquoi, il y a deux mille ans, Il a envoyé son Fils sur la terre pour chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10). Il nous a sauvés par sa mort sur la croix. Que personne ne rende cette Croix vaine!… Dans sa sollicitude maternelle, la Très Sainte Vierge est venue ici, à Fatima, pour demander aux hommes de «ne plus offenser Dieu, Notre-Seigneur, qui est déjà très offensé». C’est la douleur d’une mère qui l’oblige à parler; le destin de ses enfants est en jeu. C’est pourquoi Elle demande aux pastoureaux: «Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs; tant d’âmes finissent en enfer, parce que personne ne prie et ne se sacrifie pour elles»».

Cet appel de Notre-Dame s’adresse à chacun d’entre nous, spécialement en cette année jubilaire de conversion et d’intercession. Le 20 avril 1943, Lucie précisait à l’évêque de Leiria quelles pénitences Dieu attend de ses enfants: «Le Bon Dieu est peiné de voir un si petit nombre d’âmes en état de grâce, et disposées aux renoncements nécessaires pour observer sa Loi. Et c’est précisément la pénitence qu’Il exige maintenant, c’est le sacrifice que chacun doit s’imposer afin de vivre une vie juste en conformité avec sa Loi». Dieu ne veut pour mortification, continue le message, «que l’accomplissement simple et honnête des tâches quotidiennes, et l’acceptation des peines et des ennuis; et Il désire qu’on montre clairement ce chemin aux âmes, car beaucoup s’imaginent que pénitence signifie grandes austérités, et, n’ayant ni la force ni la magnanimité pour les entreprendre, ils se découragent et tombent dans une vie d’indifférence et de péché».

Avec l’aide de la grâce, chacun peut mettre en oeuvre ce programme tout simple de pénitence, à travers le devoir d’état quotidien, en puisant sa force dans la récitation et la méditation du chapelet. C’est ce que nous demandons pour vous au Coeur Immaculé de Marie et à saint Joseph.

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