2 septembre 1998
Sainte Bernadette
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Je vous le dis en vérité, si vous ne vous changez de façon à devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 18, 3). À ses disciples, remplis d’ambition humaine, Notre-Seigneur donne un enfant comme modèle. Pour entrer au Royaume du ciel, il est nécessaire de devenir semblable aux petits enfants: innocents de tout vice et surtout du pire de tous, l’orgueil. L’humilité est une des bases fondamentales de la vie chrétienne.
Saint Benoît, considérant l’échelle qui apparut à Jacob durant son sommeil, et sur laquelle celui-ci voyait des Anges descendre et monter (cf. Gn 28, 12), explique: «Cette descente et cette montée signifient pour nous, sans aucun doute, que l’on descend par l’élèvement et que l’on monte par l’humilité. Cette échelle ainsi dressée, c’est notre vie en ce monde, que le Seigneur élève jusqu’au ciel, si notre coeur s’humilie» (Règle, ch. 7).
Saint Augustin affirme: «Si vous me demandez quelle est la chose essentielle dans la religion et la discipline de Jésus-Christ, je répondrai: d’abord l’humilité, ensuite l’humilité, enfin, l’humilité» (Lettre 118, 22). Et, commentant ces paroles de l’Évangile: Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Mt 11, 28-29), il nous présente Jésus comme le modèle et la source où nous pouvons puiser l’humilité: «Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi non pas à créer tous les êtres visibles et invisibles, non pas à étonner la terre par des miracles ni à ressusciter les morts, mais apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. Plus tu te proposes d’élever très haut un édifice, plus il faut creuser profond les fondations… Mais s’il s’agit d’élever l’édifice jusqu’au Ciel, applique tous tes soins aux fondations. Quelles fondations? Apprends de Lui qu’Il est doux et humble de coeur. Creuse en toi ce fondement de l’humilité et tu parviendras au couronnement de la charité» (Sermon 69).
Inexprimable beauté
«L’humilité, c’est la vérité» a pu dire sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. En effet, l’humilité consiste à reconnaître toute vérité, et d’abord notre condition de créatures dépendantes du Créateur. Voici un exemple concret d’humilité préparé par la Providence pour nous servir de modèle.
Le dimanche 7 janvier 1844, au moulin de Boly, à Lourdes, une petite fille vient au monde, dans une famille très pauvre mais profondément chrétienne; on l’appellera Bernadette. Elle sera l’aînée de neuf enfants. Dès l’âge de 6 ans, elle connaît des crises d’asthme qui la feront souffrir toute sa vie. Monsieur Soubirous, son Père, travaille dur; mais la pauvreté conduit la famille à se réfugier dans un réduit d’une pièce, appelé «le cachot». Bernadette tient la «maison» et s’occupe de ses frères et soeurs. Tous s’aiment tant et prient si bien que la misère n’empêche pas le bonheur familial.
11 février 1858. Il fait froid au «cachot»: Bernadette va, avec quelques amies, chercher du bois mort à la grotte de Massabielle au bord du Gave. Soudain, elle aperçoit dans un trou du rocher une Dame extraordinairement belle. Son corps, que l’oeil juge palpable comme la chair de nous tous, ne diffère de celui d’une personne ordinaire que par son inexprimable beauté. Elle est de taille moyenne et semble toute jeune. La courbe ovale du visage est d’une grâce céleste et les yeux bleus d’une suavité qui semble fondre le coeur de quiconque en est regardé. Les lèvres respirent une bonté et une mansuétude divines. Saisie d’un effroi surnaturel mais remplie de joie, Bernadette n’ose approcher; avec la Dame elle récite son chapelet. L’apparition cesse: Bernadette sort de son extase et, pressée par ses compagnes, elle laisse échapper ce qu’elle aurait voulu garder pour elle seule.
En apprenant la chose, Madame Soubirous craint une illusion et défend à sa fille de retourner à la roche de Massabielle. Mais le dimanche 14, elle se laisse fléchir par les amies de Bernadette. À peine arrivée à la grotte, la voyante annonce: «Elle est là»; puis, s’approchant, elle jette de l’eau bénite en disant: «Si vous venez de la part de Dieu, restez, sinon allez-vous-en!» «La dame se mit à sourire, racontera Bernadette, et plus je lui en jetais, plus elle souriait».
Le 18 février, la Dame dit à Bernadette: «Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours?» Rayonnante de joie, la petite accepte et la Dame reprend aussitôt: «Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais en l’autre». Le 21, c’est une véritable foule que Bernadette doit traverser pour arriver à la grotte. La Dame regarde au loin, le visage triste; puis elle s’adresse à Bernadette: «Priez Dieu pour les pécheurs». Le 24, Bernadette en larmes, ne peut que répéter à la foule les consignes de la Dame, qu’elle résume d’un mot: «Pénitence! Pénitence! Pénitence!»
«Allez boire à la fontaine»
Le 25, Bernadette s’avance sur les genoux jusqu’au centre de la grotte où la Dame l’a précédée. «Allez boire à la fontaine et vous y laver», lui dit Celle-ci. Bernadette gratte avec ses doigts le sable amoncelé. De la roche profonde, une source a trouvé son chemin jusqu’à la main de Bernadette. L’enfant absorbe la première gorgée de cette eau, boueuse encore, et s’en mouille le visage. La source deviendra bientôt une fontaine intarissable, instrument divin de nombreuses et stupéfiantes guérisons.
Le 25 mars, la rayonnante visiteuse de la grotte livre son secret: «Je suis l’Immaculée Conception». Bernadette court répéter cette phrase qu’elle ne comprend pas à M. le Curé. Celui-ci, bouleversé, croit alors à la réalité des apparitions. Il s’écrie: «C’est la Sainte Vierge!» En effet, quatre ans auparavant, le Pape Pie IX a proclamé infailliblement que la Vierge Marie avait été conçue sans péché.
La dernière apparition de la Très Sainte Vierge a lieu le 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel: «Jamais je ne l’ai vue aussi belle», dira Bernadette. Par la suite, des enquêtes approfondies conduiront l’Évêque de Tarbes à prononcer solennellement: «Nous jugeons que l’Immaculée Marie, Mère de Dieu, est réellement apparue à Bernadette Soubirous, le 11 février 1858 et les jours suivants, au nombre de dix-huit fois».
Au cours d’une des apparitions, la Sainte Vierge révèle à Bernadette qu’elle se fera religieuse. Huit ans plus tard, après avoir longtemps hésité sur le choix d’une communauté, la voyante de Lourdes, qui a maintenant 22 ans, entre chez les Soeurs de la Charité et de l’Instruction chrétienne de Nevers: «Je suis venue ici pour me cacher», lui arrive-t-il de dire.
«Va-t-en, c’est trop tôt!»
La Maîtresse des novices du Couvent de Nevers est Mère Marie-Thérèse Vauzou. Restée quelque peu grande dame sous le voile, elle a du zèle pour la sanctification de ses religieuses, mais conçoit à sa manière leur avancement. Elle les veut humbles et confiantes, et n’admet pas que ces âmes aient des secrets pour elle. Bernadette à qui la Sainte Vierge a confié plusieurs secrets à ne dire à personne, apparaîtra comme peu ouverte à sa Supérieure. Aux yeux de celle-ci, la voyante de Lourdes est une jeune fille ordinaire qu’il importe de former à la vie religieuse. On ne peut ignorer les faveurs inouïes qu’elle a reçues, mais il faut la prémunir contre les tentations d’orgueil.
Au noviciat, on emploie la jeune religieuse à de petits travaux, tantôt à la sacristie, tantôt à l’infirmerie. Elle garde toujours son paisible sourire, mais son visage trahit la fatigue. Elle a, en effet, plus de courage que de santé. L’asthme l’oppresse et elle avoue souffrir de l’estomac et de la tête. Bientôt elle doit s’aliter, et le 25 octobre, elle est à toute extrémité. Sur le conseil pressant de son confesseur, elle demande à faire sa Profession religieuse. L’Évêque, Monseigneur Forcade, donne l’autorisation nécessaire, et se rend lui-même au chevet de la mourante pour recevoir ses voeux perpétuels. Aussitôt après la cérémonie, la santé de Bernadette se rétablit d’une manière inattendue. «Je vais mieux, dit-elle avec une pointe de regret, le Bon Dieu ne m’a pas voulue, je suis allée jusqu’à la porte et Il m’a dit: «Va-t-en, c’est trop tôt!»». Elle survivra encore 12 années.
«Humbles au-dedans, humiliés au-dehors»
Novice fervente et régulière, Soeur Marie-Bernard disparaît humblement au milieu de ses compagnes. À la fin du noviciat, Monseigneur Forcade attribue aux jeunes religieuses les emplois qu’elles auront à exercer. Chacune reçoit la charge à laquelle on la destine, mais Bernadette est omise de la liste. «Et ma Soeur Marie-Bernard? demande l’évêque. – Monseigneur, répond la Supérieure, elle n’est bonne à rien. – Est-ce vrai, Soeur Marie-Bernard, que vous n’êtes bonne à rien? – C’est vrai, répond l’humble religieuse. – Mais, alors, ma pauvre enfant, qu’allons-nous faire de vous? – Si vous le voulez, Monseigneur, intervient la Supérieure, nous pourrons la garder par charité, à la Maison-Mère et l’employer de quelque manière, à l’infirmerie, ne serait-ce que pour le nettoyage et les tisanes. Comme elle est toujours malade, ce sera précisément son affaire». L’évêque acquiesce et élevant le débat: «Je vous donne l’emploi de la prière», dit-il à la petite soeur. Face à cette humiliation publique, douloureusement ressentie, Bernadette se souvient des consignes de la Sainte Vierge: «Souffrir pour le salut éternel des pauvres pécheurs», et sa joie profonde ne la quitte pas. Elle écrira plus tard, dans son carnet de notes intimes: «O mon âme, soyez la fidèle imitatrice de Jésus, lui doux et humble de coeur. Une personne qui aura été seulement humble de coeur doit être glorifiée; quelle sera la couronne de ceux qui humbles au-dedans et humiliés au-dehors, auront suivi l’humilité du Sauveur dans toute son étendue?»
Après avoir joui de nombreuses apparitions de la Vierge Marie, Bernadette aurait pu se prévaloir de ce privilège pour se mettre en avant. Au contraire, elle a donné un exemple de profonde humilité qui constitue une leçon particulièrement importante pour notre époque. L’homme d’aujourd’hui, en effet, est souvent jaloux d’une liberté mal comprise; il revendique une indépendance totale vis-à-vis de quiconque, même de son Créateur, et tombe ainsi dans l’idolâtrie de lui-même: «La racine de l’idolâtrie première, disait le Cardinal Balland, archevêque de Lyon, est l’adoration de soi et de sa liberté. Une liberté qui se veut affranchie de tout conditionnement et de toute norme extérieure. Forme sans doute la plus actuelle de l’idolâtrie de toujours. Adoration de soi qui nous coupe sûrement des autres, du monde et qui nous fait tacitement complices de la déshumanisation de notre société» (17 février 1998).
«L’être humain n’est pas la mesure universelle»
L’homme moderne, constate le Pape Jean-Paul II, «est tellement engagé dans la tâche d’édifier la cité terrestre qu’il a perdu de vue ou même qu’il exclut volontairement la «cité de Dieu». Dieu reste en dehors de son horizon de vie» (11 octobre 1985). Une telle attitude entraîne de graves conséquences. «Les voix se multiplient, dit encore le Saint-Père, qui pressentent dans la totale autonomie morale et religieuse de l’homme, et dans une société qui se sécularise de plus en plus, une marche vers l’échec et vers un chaos croissant. De par sa nature même, l’être humain n’est ni le commencement ni la fin. L’être humain n’est pas la mesure universelle! Il lui faut admettre qu’il y a au-dessus de lui un être tangible: Dieu, son créateur, son Père et son juge. [Nous devons être disposés] à nous référer à Lui dans tous les domaines de notre existence» (4 mai 1987).
Telle est la perspective de saint Benoît pour qui toute notre vie se passe sous le regard de Dieu, comme il l’affirme à propos du premier degré de l’humilité: «L’homme doit être persuadé que Dieu le considère du haut du ciel continuellement et à toute heure; qu’en tout lieu ses actions se passent sous les yeux de la Divinité, et sont rapportées à Dieu par les Anges à tout moment» (Règle, ch. 7).
L’humilité est ainsi source d’union à Dieu et de confiance en sa présence paternelle. Elle dispose à la prière, laquelle nous obtient les grâces dont nous avons besoin pour faire notre salut. «L’humilité est le fondement de la prière… C’est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la prière» (Catéchisme de l’Église Catholique, 2559). De fait, la vie toute humble de sainte Bernadette est une vie de prière. Mais c’est aussi une vie marquée par un grand courage, car, contrairement à l’opinion courante, l’humilité n’est pas la vertu des lâches ou de ceux qui manquent de caractère. Elle suppose plutôt une force d’âme peu commune. Ainsi, quelques années après sa profession, sainte Bernadette ajoute à son emploi de «prier», qu’elle juge bien supérieur aux autres, un autre emploi, non moins élevé et profitable. Alitée dans un angle de l’infirmerie, elle reçoit la visite d’une Supérieure: «Qu’est-ce que vous faites là, petite paresseuse? – Mais, ma chère Mère, je fais mon emploi. – Et quel est votre emploi? – D’être malade».
Soeur Marie-Bernard souffre dans son corps: la tuberculose a commencé son lent travail destructeur. Elle souffre aussi de la pauvreté des soeurs qui va jusqu’à l’indigence et même parfois au manque de pain. Mais à côté de la souffrance physique, il y a l’épreuve morale, non moins difficile à porter. La froideur que Mère Marie-Thérèse Vauzou se fait un pieux devoir de lui témoigner est pour Bernadette une profonde peine qui durera une dizaine d’années. La Mère reconnaît la ferveur religieuse exemplaire de Bernadette; mais, ne constatant rien d’extraordinaire chez cette «voyante», elle garde une opinion défavorable sur les faits de Massabielle. Cette pénible situation entraînera la réflexion suivante d’une novice: «Quelle chance de ne pas être Bernadette!» Mais, parlant de Mère Marie-Thérèse, Soeur Marie-Bernard déclarera avec une sincérité parfaite: «Je lui dois beaucoup de reconnaissance pour le bien qu’elle a fait à mon âme».
Une place dans le divin Coeur
«Mon divin Époux, écrit Bernadette, m’a donné de l’attrait pour la vie humble et cachée, et souvent Il me disait que mon coeur n’aurait d’arrêt que quand il lui aurait tout sacrifié. Et pour me décider, souvent Il m’inspire qu’après tout, à la mort, je n’aurai d’autre consolateur que Jésus, et Jésus crucifié. Lui seul, fidèle ami, entre mes doigts glacés, dans ma tombe j’emporterai. O folie des folies, de m’attacher à autre chose qu’à Lui». À une dame qui vient de perdre son mari et ses deux enfants, elle conseille le recours au Sacré-Coeur: «Dieu éprouve ceux qu’il aime, écrit-elle. Vous avez donc droit tout particulièrement à une place dans son divin Coeur; c’est là seulement que vous trouverez la vraie et solide consolation. C’est Lui-même qui nous invite par ces douces paroles: O vous tous qui souffrez et qui êtes dans la peine, venez à moi; je vous soulagerai et vous consolerai».
La tuberculose gagne du terrain sur son pauvre corps épuisé: une tumeur se déclare au genou, qui enfle et devient très douloureux. Elle note sur son petit carnet: «J’ai complètement perdu l’usage de mes jambes; il me faut subir l’humiliation d’être portée». À partir d’octobre 1878, la tumeur produit une douleur sans apaisement. Bernadette ne trouve de force qu’en Jésus et, par amour pour Lui, elle en arrive même à «aimer» la souffrance: «Je suis plus heureuse avec mon Christ, sur mon lit, qu’une reine sur son trône» écrit-elle à une religieuse qui lui a envoyé une image de Jésus Crucifié. Elle se fait ainsi l’écho de ces paroles de saint Paul: Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église (Col 1, 24). Associée au mystère de la souffrance du Christ, elle participe réellement à la Rédemption, et à la sanctification des âmes. Par là, Bernadette est une lumière pour notre époque où la recherche immodérée du plaisir est souvent prise comme une règle de vie.
D’ordinaire, Soeur Marie-Bernard appuie sa jambe droite sur une chaise, hors du lit, à cause de la tumeur. La carie des os, analogue au mal de dents le plus aigu, lui arrache des plaintes sourdes. Aucun mouvement d’impatience en elle, mais toujours le même gémissement saccadé, haletant, celui d’une volonté qui combat héroïquement. «Quand on est au lit, dit-elle, au moment d’une plus grande souffrance, il faut rester immobile, comme Notre-Seigneur sur la croix». Elle n’y arrive pas toujours: «Ne faites pas attention à mes contorsions, ce n’est rien!», et, tenant son crucifix: «Je suis comme Lui». Pendant de longues nuits, elle égrène le Rosaire: «Je suis heureuse dans mes heures d’insomnie de m’unir à Jésus-Hostie. Un regard sur cette image (qui représente un ostensoir) me donne la force de m’immoler, quand je sens davantage l’isolement et la souffrance». Son grand bonheur est de s’associer par la pensée aux messes qui se célèbrent, à ce moment-là, dans telle ou telle partie du monde. Dans les moments de répit, elle se rend utile à la communauté, par des broderies, dessins, peintures, etc.
19 mars 1879, fête de saint Joseph: «Quelle grâce lui avez-vous demandée, Soeur Marie-Bernard? – La grâce d’une bonne mort!» répond-elle.
28 mars: elle reçoit les derniers sacrements. Son martyre se prolonge encore trois semaines. «Le Ciel, le Ciel! murmure-t-elle… On dit qu’il y a des saints qui n’y sont pas allés tout droit parce qu’ils ne l’avaient pas assez désiré. Pour moi, ce ne sera pas mon cas». «Souvenez-vous de la promesse de la Sainte Vierge: le Ciel est au bout, lui dit-on. – Oui, répond-elle faiblement, mais le bout est long à venir… Je suis moulue comme un grain de blé…»
«J’ai hâte d’aller la revoir»
Dans la nuit du 14 au 15 avril, le démon essaye de la désespérer. Elle invoque: «Jésus!» puis s’écrie: «Va-t-en Satan!» L’aumônier lui demande: «Voulez-vous faire le sacrifice de votre vie? – Quel sacrifice? ce n’est pas un sacrifice de quitter cette pauvre vie dans laquelle on éprouve tant de difficultés pour appartenir à Dieu!… Oh! que l’Imitation de Jésus-Christ a raison d’enseigner qu’il ne faut pas attendre au dernier moment pour servir Dieu!… On est capable alors de si peu de chose!»
La matinée du 16 avril est très pénible. Soeur Marie-Bernard étouffe. «Je vais demander à la Mère Immaculée de vous donner des consolations, lui dit Mère Eléonore. – Non, pas de consolations, mais la force et la patience… Je L’ai vue, continue-t-elle, en regardant la statue de la Sainte Vierge, je L’ai vue!… Oh! qu’elle était belle et que j’ai hâte d’aller La revoir!»
Un peu avant trois heures de l’après-midi, elle est en proie aux souffrances intérieures. La Soeur Assistante récite lentement le «Je vous salue Marie». À cette parole: «Sainte Marie…», Bernadette se joint à la Soeur qui la laisse poursuivre seule… Humble et confiante jusqu’à la fin, Soeur Marie-Bernard dit par deux fois: «Sainte Marie, Mère de Dieu! Priez pour moi… pauvre pécheresse… pauvre pécheresse». Presque aussitôt après, elle expire, pressant encore le Crucifix contre son coeur. Elle a 35 ans. La Sainte Vierge lui avait promis qu’elle mourrait jeune. Le temps de la récompense était venu.
Bernadette Soubirous a été canonisée par le Pape Pie XI, le 8 décembre 1933. De nos jours encore, les foules de tous les pays du monde accourent à la grotte de Lourdes: on y voit beaucoup de misères, beaucoup de gens en prière et beaucoup de miracles. Ce qu’on ne voit pas, mais qu’on sent tout proche, ce sont les splendeurs du Ciel, cet autre monde où sainte Bernadette est pour toujours infiniment heureuse, et intercède pour nous, tout en nous attirant vers Dieu.
Nous confions à Notre-Dame de Lourdes et à saint Joseph, par l’intercession de sainte Bernadette, vos nécessités corporelles et spirituelles, ainsi que les personnes qui vous sont chères, vivants et défunts.
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