20 avril 2000
Saint Thomas More
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«La considération de la vie des saints – avec leurs luttes et leur héroïsme – a produit de tout temps beaucoup de fruits dans les âmes des chrétiens. Aujourd’hui encore… les croyants ont un besoin particulier de l’exemple de ces vies héroïquement livrées à l’amour de Dieu et, pour Dieu, aux autres hommes» (Document de la Congrégation pour le Clergé sur le Prêtre, 19 mars 1999). L’exemple des martyrs est particulièrement éclairant, comme le rappelait le pape Pie XI lors de la canonisation de saint Thomas More: «Si nous ne sommes pas tous appelés à verser notre sang pour la défense des lois divines, nous devons tous, cependant, par l’exercice de l’abnégation évangélique, la mortification chrétienne des sens et la poursuite laborieuse de la vertu «être des martyrs par le désir, pour pouvoir participer avec eux à la récompense céleste», selon la parole expressive de saint Basile» (19 mai 1935).
Thomas More naît le 6 février 1477, à Londres. Il reçoit de ses parents une éducation sévère et attentive à laquelle il répond docilement, se montrant obéissant et aimable. Très tôt, il est mis à l’école Saint-Antoine à Londres. À peine adolescent, il est reçu, à la demande de son père, dans la maison du Cardinal Morton, archevêque de Cantorbéry et Chancelier du Royaume d’Angleterre (premier dignitaire de l’État, après le Roi). Il charme le prélat et ses hôtes, lors des séances récréatives, par un don d’improvisation qui dénote un grand sens de l’observation.
À 14 ans, Thomas part poursuivre ses études à Oxford. À l’école de professeurs remarquables, il progresse rapidement, en particulier dans la connaissance des langues latine et grecque, ce qui lui permettra de lire les oeuvres des Pères de l’Église dans le texte original. Il s’adonne également à l’étude du français, de l’histoire, de la géométrie, des mathématiques et de la musique. Après deux années, son père, qui est avocat, le fait revenir à Londres pour y étudier le droit. En 1501, Thomas devient lui-même membre du barreau. Il loge pendant quatre ans chez les Chartreux de Londres, menant une vie mi-religieuse, mi-laïque, partageant habituellement les exercices des religieux, et s’initiant à la spiritualité. Il lui en restera toute sa vie un grand zèle pour l’oraison et la pénitence. Dans son métier d’avocat, étranger à toute pensée d’avarice, il harmonise les droits de la justice la plus stricte avec ceux de la charité la plus aimable. En 1504, à l’âge de 27 ans, il est élu député au Parlement.
En cette même année 1504, il épouse Joanna Colt, jeune fille de moeurs douces et simples. De leur union naissent trois filles, Marguerite, Cécile, Élisabeth, et un garçon, Jean. Thomas mène une vie simple. Il est affable et aime à taquiner sans blesser. L’année de son mariage, il reçoit à domicile Érasme de Rotterdam, Religieux augustin, et savant peut-être le plus universel de son temps. Les deux hommes communient au même idéal d’humanisme chrétien.
Un époux attentionné
En 1511, Thomas pleure la perte de sa femme. Bientôt, il éprouve le besoin de donner une autre mère à ses enfants et s’unit à Alice Middleton, veuve d’un marchand londonien et mère d’une fille de dix ans. Alice, de sept ans plus âgée que Thomas, est bonne maîtresse de maison et mère de famille vigilante. Aux dires d’Érasme, son mari «lui témoigne autant d’attentions et de gentillesse que si c’était une toute jeune femme de la plus exquise beauté. Il la mène par des caresses et des bons mots… Que lui refuserait-elle? Songez donc que cette femme, déjà sur le retour, s’est mise, sans aucun goût naturel et avec grande assiduité, à apprendre à jouer de la cithare, de la harpe, du monichorde et de la flûte, faisant chaque jour l’exercice que son mari lui fixait». Vers l’année 1524, les More s’établissent à Chelsea, près de Londres, dans une vaste et belle maison dotée d’une chapelle privée et d’une bibliothèque. Ils n’omettent jamais de faire la prière en famille, au moins le soir. Pendant les repas, on lit un passage de la Bible. Thomas en explique le sens caché, puis il propose quelque sujet de conversation moins sérieux, et tous se divertissent agréablement.
Thomas dirige ses enfants dans l’étude des lettres et des sciences. Mais, quel bien retireraient-ils de la connaissance du latin et du grec, si cette science aboutissait à les remplir d’orgueil? Aussi demande-t-il à leurs maîtres de les conduire à l’humilité; ainsi, ils ne seront «avides d’acquérir les trésors de la science que pour les faire servir à la défense de la vérité et à la gloire du Tout-Puissant». Thomas est prêt à tout pour cela: «Plutôt que de souffrir que mes enfants se livrent à la paresse, écrit-il à sa fille Marguerite, je n’hésiterais pas, quelque tort que ma fortune dût en ressentir, à abandonner la cour et les affaires pour m’occuper uniquement de vous tous, de vous surtout, ma chère Marguerite que j’aime tant». En effet, Thomas a une prédilection spéciale pour Marguerite. Il garde sur lui les lettres soigneusement composées en latin qu’elle lui envoie. Sa tendresse pour tous les siens se manifeste aussi par les cadeaux qu’il leur rapporte de ses voyages: gâteaux, fruits, belles étoffes…
L’accueil cordial des More fait surnommer leur maison le «domicile des Muses», celui de «toutes les vertus» et de «toutes les formes de la charité». La charité de Thomas est sans bornes, comme en témoignent ses fréquentes et abondantes aumônes. Il a l’habitude de parcourir le soir les endroits les plus retirés, afin d’y rencontrer et d’y secourir les pauvres honteux. Il reçoit souvent à sa table, avec gaieté et familiarité, les paysans du voisinage. Il fonde un hospice où sa fille adoptive, Margaret Giggs, tient le rôle d’infirmière. Sa foi en la Providence est profonde. Venant un jour d’apprendre l’incendie de ses granges, il donne à son épouse trois consignes: «Réunir la maisonnée pour remercier Dieu; veiller à ce qu’aucun de ses voisins ne pâtisse du sinistre; ne renvoyer aucun domestique avant de lui avoir trouvé un autre employeur».
Pourquoi tant de cierges?
Mais Thomas se distingue surtout par son intimité permanente avec le Christ. À quelqu’un qui se moque des dévotions populaires en disant: «Dieu et ses saints n’y voient donc pas, qu’il faille toujours les entourer de cierges!», il répond: «Le Christ n’a-t-il pas dit que Marie-Madeleine serait honorée pour avoir versé du parfum sur son corps? On pourrait tout autant demander: «Quel bien cette huile parfumée peut-elle faire à la tête du Christ?» Ce que l’exemple de cette sainte femme et les paroles de notre Sauveur nous apprennent, c’est que Dieu prend plaisir à voir la chaleur fervente de la dévotion du coeur bouillir et s’épancher au-dehors; il aime qu’on le serve avec tous les biens qu’il a donnés à l’homme». De la contemplation de Notre-Seigneur, Thomas s’élève à l’identification avec Lui, et il met en relief l’influence du Christ sur le genre humain tout entier. Cette présence de l’Homme-Dieu dans le monde fonde l’optimisme fondamental de Thomas, son amour de la nature, sa compréhension de l’humaine faiblesse, son dynamisme apostolique, sa confiance inébranlable dans le christianisme, et aussi son sens de l’humour. Nulle part, en ce monde, il ne voit un mal définitif, et il s’efforce de saisir le côté positif de tous les événements.
Par ses vertus, sa science, et les ouvrages où il défend la foi et la religion contre les novateurs protestants, Thomas s’acquiert l’estime de tous, et en particulier celle du Roi Henri VIII. Aussi, recourt-on à ses services pour des affaires publiques. En 1515, il fait partie d’une ambassade envoyée en Flandre, et emploie ses loisirs à composer l’«Utopie». Deux ans après, il est en France pour une autre mission officielle. En 1518, il est membre du Conseil privé du Roi, puis, en 1525, Chancelier du Duché de Lancastre, et enfin, au mois d’octobre 1529, il est nommé, à la satisfaction de tout le Royaume, Grand Chancelier d’Angleterre. Plus il se trouve élevé par la dignité, l’autorité ou l’honneur, plus il apparaît supérieur à tous par sa modestie, la probité de son caractère, sa patience, ses sentiments toujours humains qui lui font prendre la vie du bon côté, comme en témoigne l’anecdote suivante. Un détenu s’étant évadé, après avoir forcé les portes de sa prison, le Chancelier fait venir devant lui le geôlier, plus mort que vif. Il lui ordonne sévèrement de veiller à ce que le dégât soit promptement et solidement réparé, «afin, ajoute-
t-il d’un ton plus doux, que si l’envie prend au fugitif de revenir, il lui soit impossible cette fois de briser les portes de sa prison pour y rentrer!»
Dangereuse lassitude
Le Roi Henri VIII se comporte en époux fidèle pendant les dix premières années de son règne. Mais ensuite, las de son épouse, Catherine d’Aragon, qui ne lui a donné qu’une fille encore vivante, Marie Tudor, il cherche une autre femme. En 1522, arrive à la cour d’Angleterre une jeune fille de 15 ans, nommée Anne Boleyn. Bien que manquant de charme, Anne suscite chez le Roi une violente passion. Avec habileté, elle s’applique à aiguillonner la convoitise d’Henri, tout en refusant de céder à ses désirs tant qu’il ne l’aura pas épousée. Derrière elle, se trouve un parti formé par sa famille et des nobles animés par des intérêts divers.
Henri VIII avait épousé Catherine d’Aragon, veuve de son frère aîné, grâce à une dispense légitimement accordée par le Pape Jules II. Cherchant comment la répudier, Henri VIII s’interroge sur la validité de son mariage et croit pouvoir fonder son doute sur un texte de la Bible (Lv 18, 16). Questionné sur ce point par le Roi, Thomas s’excuse, alléguant son incapacité à donner une décision sur une matière relevant du droit canonique. Le Roi lui ordonne alors d’étudier la chose avec plusieurs théologiens; l’ayant fait, Thomas répond: «Sire, aucun des théologiens que j’ai consultés ne peut vous donner de conseil indépendant. Mais je connais des conseillers qui parleront sans crainte à Votre Majesté: ce sont saint Jérôme, saint Augustin et d’autres Pères de l’Église. Voici la conclusion que j’ai tirée de leurs écrits: «Il n’est pas permis à un chrétien d’épouser une autre femme, pendant l’existence de la première»». C’était affirmer que le mariage avec Catherine était valide. L’affaire est portée à Rome. Le Pape attendra 1534 pour déclarer valide le mariage d’Henri et de Catherine. Mais More n’est plus au gouvernement: dès le 16 mai 1532, il s’est démis de ses fonctions de Chancelier, pour ne pas être contraint d’agir contrairement aux lois de Dieu et de l’Église, que les évêques du royaume (sauf John Fisher) ont sacrifiées au pouvoir royal.
Fidélité ou haute trahison?
Au début de 1533, Henri épouse secrètement Anne Boleyn, qui est couronnée le 1er juin. Pour donner une sanction plus solennelle à son divorce, Henri désire que la princesse Marie Tudor soit déshéritée de tous ses droits; en revanche Élisabeth, qu’Anne vient de mettre au monde, sera proclamée la seule et légitime héritière de la couronne d’Angleterre. Le Parlement se soumet au Roi et vote, le 30 mars 1534, un «Acte de Succession» en ce sens. Tous les sujets du Royaume doivent s’engager par serment à observer dans son intégralité la nouvelle loi. Le serment est précédé d’un préambule où l’autorité du Souverain Pontife est formellement rejetée. Évêques, chanoines, curés, religieux, professeurs des collèges, personnel d’hôpitaux et de fondations pieuses se soumettent et reconnaissent le Roi pour seul chef spirituel, consacrant ainsi la séparation d’avec Rome. John Fisher, évêque de Rochester, et Thomas More, ainsi que plusieurs prêtres et moines, refusent le serment: ils le paieront de leur vie.
Thomas racontera sa comparution pour la prestation du serment dans une lettre à sa fille: «Lorsque je fus arrivé à Lambeth, où était réunie la commission royale… je demandai qu’on me communiquât le texte du serment qu’on exigeait… Après avoir lu attentivement et examiné longtemps… je déclarai, dans toute la sincérité de ma conscience, que, sans toutefois refuser mon serment à la succession en elle-même, je ne pouvais consentir à prêter ce serment tel qu’il était formulé, à moins que je ne voulusse exposer mon âme à la damnation éternelle. Comme je cessai de parler, le grand Chancelier du royaume prit la parole, et me déclara que les assistants étaient vivement affligés de m’entendre m’exprimer ainsi; que j’étais le premier entre tous les sujets de Sa Majesté qui refusât de prêter le serment qu’elle exigeait… On me présenta une liste volumineuse d’adhérents… mais je déclarai de nouveau que ma résolution, loin d’avoir changé, était inébranlable».
La responsabilité de mon âme
Pour Thomas, la fidélité au témoignage de la conscience est nécessaire au salut éternel. «Certains croient que, s’ils parlent d’une façon et pensent d’une autre, Dieu aura plus d’attention à leur coeur qu’à leurs lèvres, écrit-il à sa fille Marguerite. Pour moi, je ne puis agir comme eux en une matière aussi importante: je n’omettrais pas le serment si ma conscience me dictait de le faire, même si les autres le refusaient; et tout autant, je ne le prêterais pas contre ma conscience, même si tout le monde y souscrivait». Le caractère inaliénable de la conscience ne signifie pas que ses injonctions s’imposent aveuglément, explique également Thomas. Chacun doit former sa conscience par l’étude et le conseil de personnes sages, car la conscience doit être réglée sur la vérité objective (cf. Encyclique Veritatis splendor du 6 août 1993). Avant d’aboutir à une conclusion qui s’impose à sa conscience, Thomas s’est astreint à une somme de travail considérable. Cependant, il reconnaît que l’autorité de l’Église prévaut sur ses propres conclusions. Mais les autorités humaines ne peuvent plus rien contre une conscience droite et certaine: «C’est moi seul qui porte la responsabilité de mon âme», affirme-t-il. Ainsi, contre les fausses accusations dont il est victime, contre les faux témoins, contre les abus d’autorité du Roi, contre la dépravation du sens moral qui fait appeler «blanc ce qui est noir et mal ce qui est bien», sa conscience résiste jusqu’à la mort.
Des renoncements douloureux
L’attitude de Thomas More est une lumière pour notre temps. Le Pape Jean-Paul II affirme que des lois comme celles qui prétendent légitimer l’avortement ou l’euthanasie, «non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais entraînent une obligation grave et précise de s’y opposer par l’objection de conscience. Dès les origines de l’Église, la prédication apostolique a enseigné aux chrétiens le devoir d’obéir aux pouvoirs publics légitimement constitués (cf. Rm 13, 1-7; 1 P 2, 13-14), mais elle a donné en même temps le ferme avertissement qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5, 29)… L’introduction de législations injustes place souvent les hommes moralement droits en face de difficiles problèmes de conscience… Les choix qui s’imposent sont parfois douloureux et peuvent demander de sacrifier des positions professionnelles confirmées ou de renoncer à des perspectives légitimes d’avancement de carrière… Les chrétiens, de même que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu… Pour les actes que chacun accomplit personnellement, il existe, en effet, une responsabilité morale à laquelle personne ne peut jamais se soustraire et sur laquelle chacun sera jugé par Dieu lui-même» (Encyclique Evangelium vitæ, 25 mars 1995, n. 73-74).
Le 17 avril 1534, Thomas est emprisonné à la Tour de Londres. Il emploie le temps de sa détention à se préparer à la mort par la composition de remarquables ouvrages de dévotion. Déjà, dans une oeuvre inachevée de 1522, Les quatre fins dernières, il avait mis en relief le bienfait de la pensée de la mort: s’il se vendait sur le marché un remède pour tous les maux, explique-t-il, les hommes feraient l’impossible pour se le procurer. Or, ce remède existe et s’appelle «la pensée de la mort». Mais, hélas, bien peu y recourent. Seule la méditation des fins dernières peut rectifier leur jugement.
Renversement des valeurs
Cette méditation suppose la foi. La foi, explique Thomas, renverse le sens des valeurs communément admises par les hommes; elle nous dit que la Sainte Trinité tout entière réside dans l’âme en état de grâce, même au temps de l’épreuve; que nos ennemis sont les amis qui nous font le plus de bien; que la reconnaissance doit aller, moins du prisonnier au visiteur que du bienfaiteur au malheureux. Par-dessus tout, la foi découvre la valeur surnaturelle de la souffrance. Elle enseigne à tourner en remède la maladie elle-même. Pour Thomas, toutes nos tribulations ont pour principale raison de susciter en nous le désir d’être consolés par Dieu. Cependant, elles nous aident aussi à nous purifier de nos fautes passées, elles nous préservent des fautes à venir, diminuent les peines du purgatoire et accroissent la récompense finale du Ciel. «Quiconque médite ces vérités et les garde en son esprit… évaluera avec patience le prix de l’épreuve, trouvera que ce prix est grand et bientôt s’estimera privilégié, … sa joie diminuera grandement sa peine et l’empêchera de chercher ailleurs de vaines consolations» (Le dialogue du réconfort dans la tribulation). De telles paroles, écrites au coeur même de l’épreuve, ne sont pas un vain langage. La joie surnaturelle que Dieu donne à Thomas en prison lui procure la sérénité et développe son sens naturel de l’humour. Un jour que le gouverneur de la Tour s’excuse avec politesse sur la frugalité de son ordinaire, l’ancien Chancelier lui répond: «Si quelqu’un d’entre eux n’est pas content du régime, qu’il aille chercher un gîte ailleurs!»
Le 1er juillet 1535, Thomas est condamné à mort pour haute trahison. Ses juges lui demandent s’il veut ajouter quelque chose. «J’ai peu de choses à dire, sauf ceci: le bienheureux Apôtre Paul était présent et consentant au martyre de saint Étienne. Maintenant tous deux sont des saints dans le Ciel. Bien que vous ayez concouru à ma condamnation, je prierai avec ferveur pour que vous et moi, nous nous retrouvions ensemble au Ciel. De même, je désire que le Dieu Tout-Puissant préserve et défende Sa Majesté le Roi, et lui envoie un bon conseil». Un dernier assaut vient éprouver la constance du prisonnier. Son épouse le visite et lui dit: «Voulez-vous m’abandonner, moi et ma malheureuse famille? Voulez-vous renoncer à cette vie du foyer domestique, dont naguère vous étiez si épris? – Combien d’années, ma chère Alice, croyez-vous que je puisse encore jouir ici-bas de ces plaisirs terrestres que vous me peignez avec une éloquence si persuasive? – Vingt ans, au moins, s’il plaît à Dieu. – Ma très chère femme, vous n’êtes pas une habile marchande: qu’est-ce qu’une vingtaine d’années comparées à une éternité bienheureuse?»
«Elle n’a pas commis de trahison!»
Le 6 juillet, on le conduit au lieu du supplice. L’échelle qui monte à l’échafaud est en très mauvais état et Thomas a besoin de la main du lieutenant pour monter: «Je vous en prie, dit-il, aidez-moi à monter. Pour la descente, je me débrouillerai tout seul!» Le Roi lui ayant demandé d’être sobre en paroles au dernier moment, il dit tout simplement: «Je meurs bon sujet du Roi, mais premièrement à Dieu!» Tandis qu’il s’agenouille sur l’échafaud, ses lèvres prient: «Ayez pitié de moi, mon Dieu!» Il embrasse le bourreau et lui dit: «J’ai le cou très court; fais attention de ne pas frapper de travers. Il y va de ton honneur!» Il se bande lui-même les yeux. Le bourreau a déjà sa hache en main: «Un instant, lui dit Thomas en dégageant sa barbe; elle n’a pas commis de trahison!» La tête tombe au premier coup. Thomas est au Ciel pour toujours.
À l’exemple de saint Thomas More, acceptons de tout perdre afin de gagner le Christ, de Lui devenir conformes dans la mort, et de parvenir ainsi avec Lui à la résurrection (cf. Ph 3, 8-11). C’est la grâce que nous demandons à saint Joseph, pour vous et tous ceux qui vous sont chers.
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