1 mars 1998
Saint Léopold Mandic
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Un soir de novembre 1882, arrive à Udine (Italie), un adolescent accompagné de son père. Ils se rendent au couvent des Capucins; et comme ils sont attendus, la porte s’ouvre aussitôt pour les laisser entrer. Le Père Gardien se hâte au devant de ses hôtes. Son regard se porte sur ce jeune de seize ans, trop petit pour son âge, maigre et pâle. Vraiment, il ne paie pas de mine, avec son air gauche qu’augmentent encore sa timidité et sa démarche lourde. Et voici qu’il parle mal: il bégaye. Mais l’expression du visage aux traits réguliers, qu’éclairent un regard vif et un franc sourire, compense heureusement ces défauts. Les quelques mots qu’il a prononcés ont au surplus révélé un jeune homme décidé: il veut devenir prêtre dans l’Ordre des Frères Mineurs Capucins.
Un apôtre d’un mètre trente-cinq
Il vient de fort loin, de Castelnovo en Dalmatie (aujourd’hui Hercegnovi, au Monténégro). Né le 12 mai 1866, il a reçu au baptême le nom de Dieudonné. À la suite d’un revers de fortune, sa famille, autrefois noble et riche, est réduite à une condition plus modeste; mais ce changement n’a entamé en rien la foi ni la fidélité des Mandic à l’Église romaine.
Fier par nature et d’un tempérament vif, le petit Dieudonné ne fait pas mentir le sang dalmate qui coule dans ses veines. L’ambiance du séminaire «séraphique» où il entre est bonne. Mais ses camarades sont des garçons robustes et bien bâtis, et les allusions à la petite taille du nouveau venu – il ne dépassera pas un mètre trente-cinq –, ou à sa prononciation défectueuse, le blessent au coeur. De même, il se cabre douloureusement lorsqu’il surprend le regard trop compatissant des Pères qui s’occupent de l’école. Quelques éclats d’humeur, sans grande importance, l’engagent à une lutte courageuse et persévérante pour dompter sa susceptibilité, modérer son tempérament trop fougueux et acquérir une patience habituelle, une douceur conquérante. Depuis sa première communion, Dieudonné puise fréquemment dans l’Eucharistie la force nécessaire pour corriger ses défauts.
En se donnant à Dieu dans la vie religieuse, il a un but précis: travailler au retour à l’unité catholique des Orientaux séparés de l’Église Romaine. Cette idée lui est venue durant sa jeunesse à Castelnovo. Ce port sur l’Adriatique, est un important centre de commerce, le point de rencontre d’hommes de races et de religions diverses. Dans cette pluralité religieuse, l’Église catholique se maintient à un rang honorable, mais son influence ne suffit pas à contrecarrer et à dominer les débordements de la cupidité, du luxe et de la sensualité. Le spectacle affligeant de cette misère spirituelle a frappé Dieudonné. Au fil des ans, Dieu lui a fait comprendre de mieux en mieux combien la vraie foi manquait à ces populations déracinées. Dans son coeur est né un désir, un projet qui, sous l’impulsion de la grâce, est devenu une résolution précise et ferme: sauver ces âmes délaissées en les faisant entrer dans l’Église catholique. Avec la réflexion, son horizon s’est étendu, et derrière ses rencontres de Castelnovo, il a découvert tous ces pays d’Orient gagnés par le schisme et vivant en dehors du vrai bercail du Christ. Lui, le petit Mandic, sera leur apôtre.
Semer le bon grain
Le séjour de formation de Dieudonné à Udine dure à peine dix-huit mois. Admis au noviciat du couvent de Bassano del Grappa, le 20 avril 1884, il y revêt l’habit religieux et reçoit le nom de Frère Léopold. Le noviciat terminé, il étudie la philosophie à Padoue puis la théologie à Venise où, le 20 septembre 1890, il est ordonné prêtre. Son désir de partir bientôt en mission s’intensifie. Mais sa santé a souffert du travail fourni durant les années d’étude, et on l’envoie d’abord dans différents couvents de l’Ordre pour y refaire ses forces. C’est une grande déception. Il accepte cependant avec un profond esprit de foi, n’entendant pas régler sa vie sur des inspirations personnelles, mais sur l’obéissance. En vue des missions futures, il perfectionne ses connaissances des sciences sacrées et des langues orientales comme le grec moderne, le croate, le slovène et le serbe. Il s’occupe aussi à différents travaux manuels pour l’entretien des maisons où il réside.
En 1897, il est nommé supérieur du couvent des capucins de Zara. Il s’en réjouit, car Zara le rapproche de l’Orient. Beaucoup de marins et de commerçants de tous les pays balkaniques et du Proche-Orient fréquentent ce port dalmate. À peine installé, le Père Léopold se met à l’apostolat. Dès que l’arrivée d’un bateau est signalée, il court souhaiter la bienvenue aux arrivants et lier connaissance avec eux. Le prétexte est facile: un étranger qui débarque est heureux de rencontrer en touchant terre un visage ami qui lui fournit des renseignements utiles et le guide, s’il le faut, à travers la ville. Chemin faisant, on cause de choses et d’autres. Le Père s’informe du pays d’origine de ses amis de rencontre, de leur métier, de leur famille, de leur religion. Et quand il le juge opportun, il aborde avec délicatesse et discrétion le sujet qui lui tient tant au coeur: la connaissance de la vraie religion et l’adhésion à la foi catholique. Le bon grain est semé; il lèvera lorsqu’il plaira à Dieu.
Cet apostolat discret commence à produire quelques fruits, lorsque, deux ans après son arrivée à Zara, ses supérieurs envoient le Père Léopold à Thiene où les Capucins ont la garde d’un sanctuaire dédié à la Sainte Vierge. Se mettre au service de la Bienheureuse Vierge adoucit la peine ressentie par le Père Léopold au départ de Zara. Les années passent. En 1906, nouveau changement, le Père se retrouve à Padoue. Il y restera désormais presque toute sa vie. En 1922, cependant, il part pour Fiume afin d’y entendre les confessions des slaves. Son départ suscite tant de regrets à Padoue que l’évêque intervient auprès du provincial des Capucins. Le Père Léopold est rappelé: «Visiblement saint Antoine de Padoue vous veut près de lui», écrit son Supérieur.
Ce que Dieu veut; comme Il veut
Ces divers événements, en particulier ces transferts successifs de couvent en couvent, semblent démentir les intuitions de jeunesse du Père Léopold: l’apostolat auprès des Orientaux ne serait pas l’oeuvre à laquelle Dieu l’appelle. Cependant le Père Léopold est convaincu que telle est sa mission spéciale. On a retrouvé, après sa mort, une image de la Sainte Vierge, sur laquelle il a écrit, en date du 18 juillet 1937: «Souvenir solennel du fait de 1887. Cette année se trouve le cinquantième anniversaire de l’appel que j’ai entendu pour la première fois de la voix de Dieu, qui me demandait de prier et de promouvoir le retour des dissidents orientaux à l’unité catholique». Avec l’accord de son confesseur, il s’est engagé par voeu à remplir cette mission auprès des Orientaux. Il renouvellera souvent cette promesse, et quelques mois avant sa mort, il écrira encore: «Il ne me reste aucun doute devant Dieu… que je suis choisi pour le salut du peuple oriental, c’est-à-dire des dissidents orientaux. À cause de cela, je dois répondre à la divine bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a daigné me choisir, afin que, par mon ministère aussi se réalise enfin la divine promesse: Il n’y aura qu’un seul troupeau et un seul Pasteur».
Il faudra bien des années au Père Léopold pour comprendre les modalités de sa mission. Mais ce ne sont pas ses vues personnelles qui vont lui permettre de les découvrir. En homme de foi, il est persuadé que la révélation du dessein divin se fera à travers l’obéissance. Les moyens choisis par Dieu lui seront signifiés peu à peu par la voix de ses supérieurs. Il sait, d’autre part, que la pratique de l’obéissance a plus d’efficacité que toutes les prédications. Pour s’y encourager, il copie de sa propre main la fameuse lettre de saint Ignace sur cette vertu, et il la garde toujours près de lui. Il sera l’apôtre de la réconciliation des Orientaux séparés de l’unité catholique par la prière et le sacrifice, à la manière de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face proclamée patronne des missions alors qu’elle n’est jamais sortie de son carmel.
Un défi
Éclairé par cette vue de foi, il écrit sur un billet: «Sache que plus saintement tu t’acquitteras de tes devoirs, plus efficace sera ta coopération au salut des peuples orientaux». Cette recommandation vaut pour tout chrétien. Dans son Encyclique Ut unum sint, du 25 mai 1995, le Pape Jean-Paul II écrit: «Le Christ appelle tous ses disciples à l’unité. Le désir ardent qui m’anime est de renouveler aujourd’hui cette invitation et de la reprendre résolument… Ceux qui croient au Christ, unis sur la voie tracée par les martyrs, ne peuvent pas rester divisés. S’ils veulent combattre vraiment et efficacement la tendance du monde à rendre vain le mystère de la Rédemption, ils doivent professer ensemble la vérité de la Croix. La Croix! Le courant antichrétien se propose d’en nier la valeur et de la vider de son sens; il refuse que l’homme y trouve les racines de sa vie nouvelle et prétend que la Croix ne peut ouvrir ni perspectives ni espérances: l’homme, dit-on, n’est qu’un être terrestre qui doit vivre comme si Dieu n’existait pas. Il n’échappe à personne que tout cela constitue un défi pour les croyants. Ceux-ci ne peuvent pas ne pas le relever» (1-2).
Aussi le Pape exhorte-t-il les chrétiens à travailler à rétablir la communion afin que le monde croie (Jn 17, 21). Concrètement, l’apostolat accessible à tous en vue de l’unité est celui de la sanctification personnelle. «Il n’y a pas d’oecuménisme au sens authentique du terme sans conversion intérieure, dit le Saint-Père… Chacun doit donc se convertir plus radicalement à l’Évangile… Cette conversion du coeur et cette sainteté de vie, en même temps que les prières privées et publiques pour l’unité des chrétiens, sont à regarder comme l’âme de tout le mouvement oecuménique et peuvent être à bon droit appelées «oecuménisme spirituel»» (id. 15; 21).
Le Père Léopold est persuadé que le retour des dissidents à l’Unité se fera un jour. Il écrit à son directeur de conscience: «Lorsque nous, prêtres, nous célébrons les saints mystères dans cette intention, c’est le Christ lui-même qui prie pour nos frères séparés. Or, nous savons par ailleurs la puissance de cette prière du Christ, qui est toujours exaucée». Il découvre un autre gage de ce retour dans la dévotion profonde des Orientaux pour la Vierge Marie. Cette Mère si bonne ne peut les abandonner. «Ô Bienheureuse Vierge, écrit-il, je crois que vous avez la plus grande sollicitude pour les dissidents orientaux. Et moi, je désire coopérer de tout mon coeur à votre affection maternelle». Tous les fidèles sont également appelés à s’unir au saint Sacrifice de la Messe et à prier la Très Sainte Vierge en vue de la réunification des chrétiens.
«Ici et non pas aux missions!»
Un Frère capucin rappelle un jour au Père Léopold que, dans le passé, il parlait sans cesse d’aller dans les pays d’Orient, «et maintenant, ajoute-t-il, vous n’en parlez plus. – Tout juste, réplique le Père. Il y a peu de temps, je donnai la communion à une bien bonne personne. Après avoir fait son action de grâces, elle vint me faire cette commission: «Père, Jésus m’a ordonné de vous dire ceci: Votre Orient, c’est chacune des âmes que vous assistez ici par la confession». Vous voyez donc bien, mon cher ami, que Dieu me veut ici et non pas aux missions». Une autre fois, il confie à un confrère: «Puisque Dieu ne m’a pas accordé le don de la parole pour prêcher, je veux me consacrer à lui ramener les âmes par le sacrement de pénitence».
Dès le début de son sacerdoce, le Père Léopold s’est adonné au ministère de la confession; mais une fois à Padoue, c’est une foule qui l’assiège. Cet apostolat répond à un de ses désirs d’enfant. À l’âge de huit ans, une de ses soeurs l’avait réprimandé pour une faute sans gravité, et conduit à son curé qui l’avait mis à genoux au milieu de l’église: «Je restai, dira-t-il plus tard, profondément attristé et pensai en moi-même: Pourquoi traiter si durement un enfant pour une faute si légère? Quand je serai grand, je veux me faire religieux, devenir confesseur et traiter les âmes des pécheurs avec beaucoup de bonté et de miséricorde». Ce désir se réalise pleinement à Padoue.
Dix à quinze heures par jour
Le ministère du sacrement de la Réconciliation lui est une rude pénitence. Il l’exerce dans une petite chambre de quelques mètres carrés, manquant d’air et de lumière, une étuve l’été, une glacière en hiver. Il s’y tient enfermé de dix à quinze heures par jour. «Comment faites-vous pour tenir si longtemps au confessionnal?» lui demande un jour un confrère. «Voyez-vous, c’est ma vie», répond-il en souriant. L’amour des âmes le rend prisonnier volontaire du confessionnal, car il sait que «mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre», et que «les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, «le feu éternel»» (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC, 1033; 1035).
Pour procurer l’immense bienfait du pardon de Dieu à tous ceux qui s’adressent à lui, le Père Léopold se montre disponible et souriant, prudent et modeste, conseiller spirituel compréhensif et patient. L’expérience lui apprend combien il est important de mettre le pénitent à l’aise et en confiance. L’un d’eux a rapporté un fait significatif: «Il y avait bien des années que je ne m’étais pas confessé. Finalement je me décidai et je vins trouver le Père Léopold. J’étais très inquiet, gêné. A peine étais-je entré, qu’il quitta son siège et m’aborda, tout content, comme un ami attendu: «Je vous en prie, prenez place». J’allai, dans mon trouble, m’asseoir dans son fauteuil. Lui, sans un mot, s’agenouilla par terre et entendit ma confession. Quand elle fut terminée, et alors seulement, je pris conscience de ma balourdise et voulus m’excuser; mais lui, souriant: «De rien, de rien, dit-il. Allez en paix». Ce trait de bonté resta gravé dans ma mémoire. Ce faisant, il m’avait entièrement conquis».
Le ferme propos
Le Père Léopold a soin de susciter chez ses pénitents les dispositions requises pour la réception fructueuse du sacrement. Celui-ci comprend «d’une part, les actes de l’homme qui se convertit sous l’action de l’Esprit-Saint: à savoir la contrition, l’aveu et la satisfaction; d’autre part, l’action de Dieu par l’intervention de l’Église» (CEC, 1448). Parmi les actes du pénitent, la contrition vient en premier lieu. Elle est une douleur de l’âme et une détestation du péché commis, avec la résolution de ne plus pécher à l’avenir. La contrition comporte la haine des désordres de la vie passée et une intense horreur du péché, selon cette parole: Rejetez loin de vous toutes les iniquités par lesquelles vous avez violé la loi de Dieu, et faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau (Ez 18, 31). Elle inclut également «le propos sérieux de ne plus commettre de péché à l’avenir. Si cette disposition de l’âme faisait défaut, en réalité il n’y aurait pas de repentir… Le ferme propos de ne plus pécher doit se fonder sur la grâce divine que le Seigneur ne manque jamais de donner à celui qui fait son possible pour agir honnêtement» (Jean-Paul II, 22 mars 1996). Pour recevoir l’absolution, il ne suffit donc pas d’une intention de moins pécher, mais il est indispensable d’être décidé à ne plus commettre de péché grave.
Quand elle provient de l’amour de Dieu aimé plus que tout, la contrition est appelée «parfaite». Une telle contrition remet les fautes vénielles; elle obtient aussi le pardon des péchés mortels, si elle comporte la ferme résolution de recourir dès que possible à la confession sacramentelle. La contrition dite «imparfaite», ou «attrition», vient, elle aussi, de Dieu, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint. Elle naît de la considération de la laideur du péché ou de la crainte de la damnation éternelle et des autres peines dont est menacé le pécheur. Par elle-même, cependant, la contrition imparfaite n’obtient pas le pardon des péchés graves, mais elle dispose à l’obtenir dans le sacrement de Pénitence.
L’aveu de ses fautes au prêtre constitue le deuxième acte essentiel du sacrement de Pénitence. Les pénitents doivent, dans la confession, énumérer tous les péchés mortels dont ils ont conscience après s’être examinés sérieusement, même si ces péchés sont très secrets et s’ils ont été commis seulement contre les deux derniers préceptes du Décalogue (désirs mauvais volontaires), car parfois ces péchés blessent plus gravement l’âme et sont plus dangereux que ceux qui ont été commis au su de tous. Sans être strictement nécessaire, la confession des fautes quotidiennes (péchés véniels) est néanmoins vivement recommandée par l’Église. En effet, la confession régulière de nos péchés véniels nous aide à former notre conscience, à lutter contre nos penchants mauvais, à nous laisser guérir par le Christ, à progresser dans la vie de la grâce. En recevant plus fréquemment, par ce sacrement, le don de la miséricorde du Père, nous sommes poussés à être miséricordieux comme Lui, et nous recevons un «accroissement de forces spirituelles pour le combat chrétien» (cf. CEC, 1496).
Pleine santé spirituelle
La satisfaction sacramentelle est le troisième des actes du pénitent. Relevé du péché, le pécheur a besoin de recouvrer la pleine santé spirituelle. Il doit donc faire quelque chose pour réparer ses péchés, c’est-à-dire «satisfaire» de manière appropriée. Cette satisfaction s’appelle aussi «pénitence». Elle peut consister dans la prière, l’aumône, les oeuvres de miséricorde, les privations volontaires, et surtout l’acceptation patiente de la croix quotidienne. De plus, bien des péchés causent du tort au prochain et exigent une réparation chaque fois que cela est possible: par exemple restituer les choses volées, rétablir la réputation de celui qui a été calomnié, etc. (cf. CEC, 1451-1460).
Ces «pénitences» contribuent à nous configurer au Christ qui, seul, a expié pour nos péchés, une fois pour toutes. Elles nous permettent de devenir les cohéritiers de sa résurrection, puisque nous souffrons avec lui (Rm 8, 17). Mais notre union à la Passion du Christ par la pénitence se réalise aussi en-dehors du cadre sacramentel. On demandait un jour au Père Léopold: «Mon Père, comment comprenez-vous ces paroles du Seigneur: Celui qui veut venir à ma suite, qu’il prenne sa croix tous les jours? Devons-nous pour cela faire des pénitences extraordinaires? – Il n’est pas question de pénitences extraordinaires, répondit-il. Il suffit que nous supportions avec patience les tribulations communes de notre misérable vie: les incompréhensions, les ingratitudes, les humiliations, les souffrances occasionnées par les changements de saison et de l’atmosphère dans laquelle nous vivons … Dieu a voulu tout cela comme moyen d’opérer notre Rédemption. Mais pour que ces tribulations soient efficaces et fassent du bien à notre âme, il ne faut pas les fuir par tous les moyens… Le souci excessif du confort, la recherche constante de ses aises, n’a rien à voir avec l’esprit chrétien. Ce n’est certainement pas cela prendre sa croix et suivre Jésus. C’est plutôt la fuir. Et celui qui ne souffre que ce qu’il n’a pas pu éviter n’aura guère de mérites». «L’amour de Jésus, aime-t-il à dire, est un feu qui s’alimente avec le bois du sacrifice et l’amour de la croix; s’il ne se nourrit pas de cette façon, il s’éteint».
Durant l’hiver de 1941, les douleurs d’estomac dont le Père Léopold souffre depuis longtemps se font plus aiguës. Il lui faut s’aliter. Le 30 juillet 1942, selon son habitude, il se lève de grand matin et passe une heure en oraison dans la chapelle de l’infirmerie. À six heures et demie, il revêt les ornements sacerdotaux, mais il est pris d’un violent malaise et s’évanouit. Revenu à lui, il reçoit l’Extrême-onction, puis répète les invocations pieuses que lui suggère son Père Supérieur. Aux paroles du Salve Regina: «Ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie», son âme s’envole au Ciel, où elle est accueillie dans la joie infinie de toute la Cour céleste. Léopold Mandic a été béatifié le 2 mai 1976 par le Pape Paul VI et canonisé le 14 octobre 1983 par notre Saint-Père le Pape Jean-Paul II.
Puisse-t-il, du haut du Ciel, nous aider à mettre en pratique, par la réception fréquente du Sacrement de Pénitence, cette exhortation de l’épître aux Hébreux: Approchons-nous avec confiance de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver la grâce d’un secours opportun (4, 16). Nous confions à sa puissante intercession, ainsi qu’à celle de saint Joseph, tous ceux qui vous sont chers, vivants et défunts.
Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.