23 mai 2000
Bienheureuse Mère Maravillas de Jésus
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
De nos jours, le thème de la dignité de l’homme est souvent abordé, et à juste titre car il est d’une grande importance. Cependant, le fondement le plus profond de cette dignité n’est pas toujours mis en relief. On oublie trop souvent que la grandeur de l’homme réside dans sa vocation divine. Dieu, infiniment parfait et bienheureux en Lui-même, a créé l’homme par pure bonté, pour le faire participer éternellement à sa vie d’amour. Cette relation intime et vitale qui unit l’homme à Dieu est ignorée ou rejetée par nombre de nos contemporains qui organisent leur vie comme si Dieu n’existait pas, ou même vont jusqu’à nier son existence (athéisme).
L’Église, fidèle à la vérité sur Dieu et sur l’homme, réprouve l’athéisme, car il contredit la raison et l’expérience commune. Elle enseigne que lorsque manquent le soutien de la foi en Dieu et l’espérance de la vie éternelle, la dignité de l’homme est gravement amoindrie; l’énigme de la vie et de la mort, celle de la faute et de la souffrance, restent insolubles: ainsi, trop souvent, les hommes tombent dans le désespoir. L’Église sait que son message est en accord avec la vérité et avec le fond secret du coeur humain, et qu’il rend espoir à ceux qui n’osent plus croire à la grandeur de leur destin; en dehors de ce message, rien ne peut combler le coeur de l’homme: «Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre coeur ne connaît aucun répit jusqu’à ce qu’il trouve son repos en Toi» (Saint Augustin).
Présence discrète mais vitale
Face à l’athéisme, l’Église affirme que l’homme, grâce à la lumière naturelle de son intelligence, en raisonnant à partir des choses créées, peut connaître avec certitude l’existence de Dieu, principe et fin de toutes les créatures (cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 36). Le monde et l’homme attestent, en effet, par leur caractère transitoire et leurs limites, qu’ils n’ont en eux-mêmes ni leur principe premier, ni leur fin ultime. Il existe donc nécessairement une réalité qui est la cause première et la fin ultime de tout, l’Être sans origine et sans fin qu’on appelle Dieu. Mais l’homme contemporain est souvent plus touché par les témoignages vécus que par les exposés doctrinaux; c’est pourquoi les exemples vivants, et en particulier celui des contemplatifs, est parfois un remède plus efficace à l’athéisme. Il est donc important d’apprendre «à reconnaître le charisme et le rôle spécifique des contemplatifs, leur présence discrète mais vitale, leur témoignage silencieux, qui constitue un appel à la prière et à la vérité de l’existence de Dieu» (Instruction Verbi sponsa; Congrégation pour les Instituts de vie consacrée, 13 mai 1999, n. 8).
Le 10 mai 1998, le Pape Jean-Paul II béatifiait la Mère Maravillas de Jésus, Carmélite décédée en 1974, qui «vécut animée par une foi héroïque, dans la réponse à une vocation austère, plaçant Dieu au centre de son existence… Sa vie et sa mort sont un message éloquent d’espérance pour le monde, qui a tant besoin de valeurs et qui est si souvent tenté par l’hédonisme, la facilité et une vie sans Dieu» (Homélie de la béatification).
Maravillas est née le 4 novembre 1891, à Madrid. Sa mère, remarquable par sa charité, sa prudence et sa vive intelligence, a beaucoup de dévotion envers Notre-Dame «de las Maravillas» (des merveilles), Patronne de Cehegín (sud de l’Espagne), dont sa famille est originaire. Son père, le marquis de Pidal, est ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège. Chrétien fervent et profondément humble, il met au service de la religion et de la patrie les hautes qualités morales et intellectuelles dont Dieu l’a doté.
Maravillas écoute volontiers les vies des saints que sa grand-mère maternelle lui conte. Dès l’âge de 5 ans, touchée par l’exemple de sainte Agnès qui s’était consacrée totalement au Christ par le voeu de chasteté, Maravillas se décide à faire de même. Ce «voeu» de virginité est le fruit d’une grâce spéciale de Dieu. En 1939, Mère Maravillas écrira à son confesseur: «La grâce de la vocation, je l’ai reçue en même temps que l’usage de la raison et je percevais si clairement l’appel du Seigneur, que j’étais alors aussi décidée à être moniale que je le suis aujourd’hui; je n’ai pas connu la plus petite ombre de doute à ce sujet durant toute ma vie».
Cependant l’enfant n’est pas parfaite et elle reçoit avec plaisir les compliments. «Un jour, raconte-t-elle, je m’étais trouvée avec quelques personnes dont j’appréciais beaucoup le jugement que je savais avantageux pour moi de toutes manières; en les quittant, je me réjouissais de ces pensées quand j’entendis distinctement au-dedans de moi: «Et moi, j’ai été tenu pour fou». Ces paroles (de Jésus) firent une telle impression sur mon âme, que dès lors, tous ces vains désirs se changèrent en celui, très vif, que j’ai depuis, d’être méprisée». Il ne faudrait pourtant pas prendre Maravillas pour une petite fille mélancolique; au contraire, elle pétille de joie, aime les jeux animés, voire violents et dangereux. Quand, avec son frère et sa soeur, ils lancent leur cri de combat: «On part en guerre!», toute la maison se met à trembler.
Le 19 décembre 1913, le marquis de Pidal quitte ce monde pour l’éternité, suivi peu après par la grand-mère de Maravillas. Celle-ci reste le seul soutien moral de sa mère. Mais la jeune fille brûle du désir d’entrer au Carmel. Quand cela pourra-t-il se faire? Un jour de 1918, lors d’une promenade, sa mère lui demande soudain: «Écoute, Maravillas, est-ce que tu penses toujours la même chose?» Après un silence, elle insiste: «Si tu ne me réponds pas maintenant, ne compte pas que j’aurai le courage de t’en reparler!» Alors Maravillas lui dévoile son attrait pour la vie carmélitaine. Le Carmel! Madame de Pidal n’aurait jamais imaginé une vie si dure pour sa fille; elle accepte cependant. C’est ainsi que, le 12 octobre 1919, Maravillas entre au Carmel de l’Escorial, près de Madrid.
De l’enthousiasme à l’abandon
Cette même année 1919, sur la Colline des Anges, centre géographique de l’Espagne, à quatorze kilomètres de Madrid, le roi Alphonse XIII inaugure une statue monumentale du Sacré-Coeur, Roi et Protecteur divin du peuple espagnol. L’affluence et la piété du peuple sont impressionnantes. Mais, dans les mois qui suivent, le monument est peu à peu délaissé au point de devenir un lieu désert, envahi par la mauvaise herbe. Il faut faire un effort pour monter à la Colline, et beaucoup s’orientent vers des lieux de pèlerinage plus accessibles.
Peu après son noviciat, soeur Maravillas entend les appels du Seigneur qui la presse de fonder un Carmel sur la Colline des Anges: «Ici, Je veux que toi et les autres âmes choisies par mon Coeur, vous me fassiez une maison dans laquelle je prendrai mes délices. Mon Coeur a besoin d’être consolé. Je veux que ce Carmel soit le baume qui panse les blessures ouvertes en moi par les pécheurs. L’Espagne sera sauvée par la prière». Soeur Maravillas se confie à Mère Josefa, la fondatrice du Carmel de l’Escorial. La surprise de celle-ci est grande lorsque, peu de temps après, Mère Rosario de Jésus, Sous-Prieure, vient lui faire une confidence semblable. Devant ce double appel du Seigneur, Mère Josefa, en accord avec la Prieure, prend conseil de prêtres avisés. Tous donnent leur approbation au projet que l’Évêque de Madrid accueille lui aussi avec un grand intérêt. Le 19 mai 1924, les quatre premières Soeurs destinées à la fondation s’installent dans une petite maison à Getafe, tout près de la Colline, en attendant que le nouveau monastère soit construit. Le 30, soeur Maravillas y fait sa profession perpétuelle. Peu après, malgré ses résistances, elle est nommée Supérieure. Elle qui désirait être la dernière, restera Supérieure pendant 48 ans. Le 11 octobre 1925, elle reçoit de plus la charge de maîtresse des novices.
Lorsqu’une postulante entre au Carmel, la Mère discerne rapidement si elle a une véritable vocation: dès les premières semaines, elle se rend compte si la postulante, malgré le déchirement d’avoir quitté sa famille, éprouve cette liberté intérieure incompréhensible aux yeux de ceux qui ne la connaissent pas. Mère Maravillas, simple et naturelle, inspire une telle confiance qu’on lui dit tout; et deux mots de sa part suffisent pour changer complètement toutes préoccupations en espérance et en joie. Elle conduit les novices sur la voie de la vie contemplative enseignée par sainte Thérèse d’Avila dans ses écrits, surtout dans le Chemin de la perfection. «Tout y est dit, et si bien dit!» remarque-t-elle.
La vie contemplative cloîtrée apparaît souvent à nos contemporains comme inutile. Pourquoi s’enfermer derrière murs et grilles alors que tant d’oeuvres caritatives ont besoin de personnel dévoué? Les restrictions que la clôture impose ne sont-elles pas des entraves à la liberté humaine? Les contemplatifs ne se replient-ils pas dans un confort spirituel égoïste qui rend leur vie stérile? Face à ces objections, l’Église rappelle que la vie contemplative est une grâce singulière et un don précieux de sainteté, signe de l’union de l’Église-Épouse avec son Seigneur aimé par-dessus tout (Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique Vita consecrata, 25 mars 1996, n. 59).
Tu aimeras
La tradition relie la vie contemplative à la prière de Jésus dans un lieu solitaire. Le Fils de Dieu, toujours uni à son Père, a voulu avoir des moments particuliers de solitude et de prière. L’Esprit-Saint invite la moniale, épouse du Verbe incarné, à partager la solitude de Jésus-Christ et à vivre toute recueillie avec Lui en Dieu. Ainsi, elle observe à un degré éminent le premier Commandement: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit (Lc 10, 27). Elle tend à la perfection de la charité en choisissant Dieu comme l’unique nécessaire, et en l’aimant d’une manière exclusive. Dieu aime les hommes de l’amour d’un époux pour son épouse. Le Fils de Dieu se présente comme l’Époux-Messie, venu réaliser les noces de Dieu avec l’humanité (cf. Mt 22, 1-14). La vocation des moniales de clôture exprime tout spécialement ce caractère sponsal de l’Église. Leur vie rappelle à tous la vocation fondamentale de l’homme à la rencontre avec Dieu, qui atteindra sa perfection au Ciel.
Pour qu’elle puisse vivre uniquement avec Dieu, dans l’adoration et la louange, il est nécessaire que la moniale soit libre de toute attache, de toute agitation, de toute distraction. C’est la raison d’être de la clôture. Celle-ci, en limitant les occasions de contact avec le monde extérieur, élimine en grande partie la dispersion résultant non seulement d’une multiplicité d’images, source d’idées profanes et de vains désirs, mais aussi d’informations et d’émotions qui détournent de l’unique nécessaire. Grâce à la clôture, la moniale demeure dans un climat de paix et de sainte unité avec le Seigneur et avec les autres Soeurs. Aussi, le Pape Jean-Paul II pouvait-il dire, le 7 mars 1980: «Abandonner la clôture signifierait sacrifier ce qu’il y a de plus spécifique dans une des formes de vie religieuse par lesquelles l’Église manifeste face au monde la prééminence de la contemplation sur l’action, de ce qui est éternel sur ce qui est temporel».
La clôture favorise aussi l’union profonde à la Passion et la Résurrection du Christ. Choisissant un lieu de vie limité, les cloîtrées participent à l’anéantissement du Christ, dans une pauvreté qui s’exprime par le renoncement non seulement aux choses matérielles, mais aussi à l’espace, aux relations humaines et à de nombreux biens. En plus de la dimension de sacrifice et d’expiation, leur offrande prend aussi le sens d’une action de grâces au Père, unie à l’action de grâces de son Fils bien-aimé. La vie cloîtrée apparaît ainsi comme une annonce joyeuse de la possibilité offerte à toute personne de vivre uniquement pour Dieu, en Jésus-Christ (cf. Rm 6, 11).
Une question étrange
Séparées physiquement du monde, les contemplatives n’en portent pas moins dans leur coeur et dans leur prière les souffrances de tous. Par cette intercession perpétuelle, leur vie devient surnaturellement féconde en fruits de grâces pour le salut des âmes. L’exemple de Mère Maravillas peut nous aider à le comprendre. Le 26 octobre 1926, elle s’est installée avec ses Soeurs au couvent de la Colline, tout proche du Monument du Sacré-Coeur. En 1931, commencent les troubles sociaux qui aboutiront à la guerre civile: des couvents et des églises de Madrid sont incendiés. Malgré les dangers, la communauté poursuit sereinement sa vie, intensifiant la prière et multipliant les sacrifices. «Quand on me demande si nous sommes préoccupées, si nous avons peur, cela me paraît tellement étrange! écrit Mère Maravillas. Je trouve que ce qui peut nous arriver à nous-mêmes a si peu d’importance, et que seule la Gloire de Dieu en a… Voir tant d’offenses contre Dieu me pénètre jusqu’au plus intime de l’âme; alors s’allume au fond de moi-même comme un amour silencieux, dans l’obscurité, mais si fort qu’il semble parfois irrésistible».
Le 1er mai 1936, une bande armée tente d’assaillir le monastère en escaladant les murs. Le maire de Getafe se précipite pour avertir les Carmélites. Mère Maravillas le reçoit au parloir. Cet homme, surnommé «Le Russe» est un communiste militant. La Mère garde une sérénité et une présence d’esprit qui l’impressionnent; dans la suite, il aidera les Soeurs de son mieux. Bientôt des combats ont lieu sur la Colline. Sous le sifflement des obus et le crépitement des mitrailleuses, on apprend l’arrestation et la mort de nombreux Religieux. La Mère propose à ses filles de retourner se mettre à l’abri dans leurs familles. Toutes restent sans hésiter au monastère, au risque du martyre. Le 22 juillet, les miliciens (nom donné à l’un des groupements armés) enjoignent aux Carmélites de quitter la Colline. Elles sont reçues à bras ouverts par les Ursulines de Getafe. Par une lucarne, elles peuvent apercevoir la Colline: à l’aide d’une grue, les miliciens renversent la statue du Sacré-Coeur en poussant d’horribles blasphèmes. La peine des religieuses est profonde, mais elles conservent leur paix.
Amadoué par la douceur
La «garde d’honneur» des Carmélites auprès du Monument du Sacré-Coeur n’ayant plus sa raison d’être, elles se réfugient à Madrid. Là, grâce à un prêtre clandestin et à des laïcs dévoués, elles reçoivent de temps en temps l’Eucharistie. Un soir, des hommes viennent faire une perquisition chez les Soeurs. Le chef s’installe en face de Mère Maravillas, son pistolet braqué sur elle. Entré comme une bête féroce, cet homme, qui avouera plus tard avoir assassiné plus de deux mille personnes dans une prison clandestine, est gagné peu à peu par la paix et la bonté de la Mère; il finit par lui dire: «Mère, Mère! Vous et moi, nous ne pouvons nous fâcher», et tous se retirent sans emmener les Soeurs, contrairement à ce qui avait été décidé d’avance.
Bientôt l’évacuation de Madrid devient obligatoire. La Mère obtient, non sans peine, que les Carmélites ne soient pas séparées. Elles passent en France et parviennent à Lourdes, le 16 septembre 1937. Brisées de fatigue, mais brûlantes d’amour pour Jésus et Marie, elles y restent vingt-quatre heures avant de rentrer en Espagne, dans la zone «nationaliste» où l’Église est libre, au couvent de Las Batuecas, non loin de Salamanque. Dans cette oasis de verdure, elles jouissent d’un précieux repos. La Mère est occupée par le travail de restauration des lieux, la prière et le soin de ses filles. Extérieurement, on ne remarque rien d’autre que son égalité de caractère, sa constante sérénité, son attention à toutes. Les Soeurs cependant sont étonnées de l’attitude du Père Florencio, confesseur de la communauté: plein de douceur et de condescendance envers toutes, il se montre plutôt dur à l’égard de la Mère, et même parfois franchement désagréable. La raison de cette conduite sera manifestée, après la mort de la Mère, par des lettres et notes de conscience que le Père a conservées comme un trésor. Assoiffée de souffrir pour Jésus, de participer à sa Passion et aux douloureuses humiliations qu’Il a endurées pour notre salut, la Mère écrivait à son confesseur: «Je vous écris aujourd’hui, pour vous demander de toute mon âme, pour l’amour de Dieu, que vous usiez de la plus grande sévérité possible envers moi, que vous ne me donniez jamais ce que je désirerais, que vous me méprisiez devant les Soeurs et en leur absence, que vous me donniez tout ce qui est le plus amer… J’ai une soif ardente de tout cela!»
En 1939, la guerre civile ayant pris fin, c’est le retour à la «Colline des Anges». Le Monument est démoli, le couvent inhabitable. Mais la Mère et quelques Soeurs s’y réinstallent malgré tout. À la demande de l’Évêque du lieu, un groupe de Carmélites reste à Las Batuecas: la séparation qui en résulte est un déchirement pour les Soeurs, mais toutes acceptent de bon coeur la sainte volonté de Dieu manifestée par le prélat. La paix amène une floraison exceptionnelle de vocations, fruit des souffrances offertes pendant les années difficiles. Les fondations de Carmels vont se succéder à un rythme étonnant: d’abord Mancera de Abajo (1944), puis Duruelo (1947), lieu sanctifié par saint Jean de la Croix; plus tard, Arenas de San Pedro (1954), San Calixto (1956), Aravaca près de Madrid (1958) et La Aldehuela (1961), sans compter les restaurations de «L’Incarnation d’Avila» et du Carmel de l’Escorial, le transfert de Las Batuecas, cédé aux Pères carmes, à Cabrera, et le renforcement du Carmel de Cuenca en Équateur.
À partir de 1961, Mère Maravillas de Jésus vit habituellement cachée au couvent de La Aldehuela. Ses nombreux travaux l’ont usée et, le 7 novembre 1962, une première crise cardiaque l’atteint. Elle s’en remet bien mais son organisme reste affaibli. Paradoxalement, à mesure que ses forces physiques déclinent, son activité au service du prochain semble s’intensifier. Assise à sa table de travail, ou au parloir, elle se dépense sans compter pour tous: elle aide plusieurs Carmels féminins et masculins, encourage les vocations de séminaristes, suscite l’érection de collèges, soutient les efforts pour secourir un quartier pauvre; peu avant de mourir, elle offre le nécessaire pour édifier une clinique destinée à recevoir les religieuses contemplatives malades, et groupe ses Monastères en une Association d’entraide spirituelle et matérielle.
Une vie qui déborde
Les oeuvres de Mère Maravillas sont comme le débordement de sa vie intérieure; elles jaillissent de son intimité avec Dieu, de son abandon à sa volonté. Dans son recueillement caractéristique, elle traite seule à seul avec Dieu et l’amour de son coeur pur intercède efficacement auprès de Lui. La vie cloîtrée aide, en effet, puissamment à acquérir la pureté du coeur, par laquelle les contemplatifs deviennent une mystérieuse source de fécondité apostolique et de bénédiction pour la communauté chrétienne et pour le monde entier. «En vérité, écrit saint Jean de la Croix, un brin de pur amour est plus précieux devant le Seigneur et de plus grand profit pour l’Église que toutes les autres oeuvres ensemble». Madame Cécile Bruyère (1845-1909), première Abbesse des moniales de Solesmes, écrivait: «Si nos yeux pouvaient contempler les choses invisibles, ils verraient que les âmes ont une influence qui leur est proportionnée: plus elles s’élèvent et plus leur influence s’étend au loin; leur puissance se répand avec une énergie qui est en raison de leur proximité de Dieu. Leur nature ne change pas; mais ainsi qu’un objet s’échauffe à mesure qu’il se rapproche d’un foyer, et rayonne lui-même dans une plus grande étendue, ainsi en est-il de l’âme en raison de son voisinage du foyer divin» (La vie spirituelle et l’oraison). C’est pourquoi, «il importe plus qu’on ne saurait le dire aux intérêts de la sainte Église et à la gloire de Dieu que les âmes vraiment contemplatives se multiplient sur la terre. Elles sont le ressort caché et le moteur qui donne l’impulsion sur terre à tout ce qui est la gloire de Dieu, le règne de son Fils et l’accomplissement de la divine volonté» (ibid.).
Le 27 octobre 1972, une nouvelle crise cardiaque terrasse Mère Maravillas. Grâce aux soins de ses filles et de médecins dévoués, elle survit jusqu’en 1974, conservant la lucidité de son esprit pour orienter, conseiller et se maintenir habituellement en oraison. Comme toute sa vie, comme ses paroles, comme sa douce et pénétrante manière d’agir, ses derniers instants sur la terre sont d’une extrême simplicité, et c’est paisiblement qu’elle s’endort dans le Seigneur, le 11 décembre 1974.
La Bienheureuse Mère Maravillas aimait à dire: «La seule chose que nous ayons à faire, c’est de nous laisser conduire par la très amoureuse Providence de Dieu… Vous verrez comme tout s’arrangera, ayez grande confiance dans le Seigneur». C’est la grâce que nous demandons à saint Joseph pour vous et tous ceux qui vous sont chers.
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