15 novembre 2000

Bienheureux Édouard Poppe

Bien chers Amis,

« N’avez-vous pas remarqué quel nimbe de lumière enveloppe les saints prêtres et illumine tout autour d’eux ? Quelles transformations ils suscitent par la silencieuse prédication de leur sainte vie ! Que d’imitateurs ils attirent à leur suite, les entraînant dans leur idéal sacerdotal ! Puisse Jésus nous faire la grâce d’entrer en contact avec un tel prêtre ! » L’auteur de ces lignes, l’abbé Édouard Poppe (1890-1924) – que le Pape Jean-Paul II a béatifié le 3 octobre 1999 –, ne se doutait pas que ses paroles allaient s’appliquer à sa propre histoire.

Bienheureux Édouard PoppeÉdouard Poppe est né le 18 décembre 1890, dans une famille flamande profondément catholique. Son père, Désiré, et sa mère, Josefa, habitent une modeste maison dans la petite ville de Temse, près de Gand (Belgique). Boulanger de son métier, Désiré travaille dur pour faire vivre les siens. Dans les épreuves, il a coutume de dire : « Il faut toujours être content de la volonté de Dieu » . Josefa met dans son ménage une chaude affection en même temps qu’une ferme discipline. Elle assiste chaque jour à la Messe, autant qu’elle le peut, car la famille s’agrandit rapidement. Onze enfants viendront réjouir le foyer : trois mourront en bas âge, les deux garçons deviendront prêtres, cinq filles seront religieuses, une seule restera auprès de sa mère.

Un enfant espiègle et têtu

Dès ses premières années, Édouard manifeste un naturel aussi heureux que remuant. Mais il n’est pas un enfant facile : il bouscule tout, au risque de casser bien des choses et de se faire mal. Espiègle et têtu, il ne peut laisser ses soeurs en paix. Celles-ci prennent leur revanche lorsqu’elles le surprennent en train de se peigner devant une glace, prenant alors plaisir à le décoiffer. Édouard va volontiers à l’école, mais préfère tout de même rester à la maison où son exubérance peut plus facilement se donner libre cours. Gourmand, comme beaucoup d’enfants, Édouard s’attaque fréquemment aux friandises de la boulangerie. Cependant, on remarque en lui franchise et gaieté. À douze ans, il fait sa première Communion, puis reçoit la Confirmation. Alors, sous l’influence bienfaisante des sacrements, Édouard devient plus sérieux : farces et taquineries se raréfient.

Au printemps 1904, M. Poppe s’ouvre à Édouard de projets d’agrandissement de son commerce ; il souhaite le voir entrer en apprentissage de pâtissier. Édouard reste tout d’abord muet, car il a résolu de devenir prêtre. Il répond finalement à son père qu’il ne veut pas être boulanger. Quelques temps après, un prêtre ami exprime à M. et Mme Poppe un avis favorable sur la vocation d’Édouard. M. Poppe dit à son épouse : « Je préfère ce que Dieu veut. D’ailleurs ne soyons pas égoïstes. Dieu ne nous a pas donné nos enfants pour nous » . C’est ainsi qu’à l’automne, le garçon part pour le Petit-Séminaire Saint-Nicolas à Waas.

Le 10 janvier 1907, M. Poppe meurt d’épuisement. Édouard, qui a 16 ans, envisage de renoncer pour un temps aux études et de prendre en mains la boulangerie, mais sa mère lui dit : « Papa m’a fait promettre avant de mourir de te laisser poursuivre tes études. Je veux tenir ma promesse » .

En septembre 1910, Édouard est appelé au service militaire, dans la Compagnie universitaire, où il pourra commencer ses études de philosophie. À la caserne, on apprend bientôt son désir du sacerdoce, ce qui lui attire moqueries et provocations. La trivialité et la débauche de ses compagnons lui deviennent insupportables, un « enfer » , dira-t-il. De plus, il ne peut assister à la Messe et communier en semaine. Cette privation lui coûte beaucoup. En revanche, l’expérience de la vie militaire l’éclaire sur la misère humaine, et lui sera utile lorsqu’en 1922 on lui confiera le soin des séminaristes et des religieux tenus au service militaire. Après quelques mois, il retrouve la sérénité et puise dans l’Eucharistie, qu’il peut recevoir à nouveau, la force pour transformer l’épreuve en occasion d’apostolat. Il comprend mieux maintenant la vie et les difficultés des soldats et se met au service de tous. Il constate combien les fortes têtes ont besoin d’amitié ; grâce à sa gentillesse, à sa serviabilité et à sa bonne humeur, il réussit à ouvrir les coeurs et à porter les âmes à la vie spirituelle.

Un jour, il découvre la vie de sainte Thérèse de Lisieux : « Ce livre, écrira-t-il, m’a donné plus de plaisir et de profit que n’importe quel ouvrage de philosophie ; j’y ai appris des choses que des années d’étude ne m’auraient pas fait découvrir » . Ce qui le charme chez la jeune Carmélite, c’est sa façon d’entendre la contemplation, qui correspond si bien à ses goûts : une prière toute simple, familière, pratique, épousant les contours de tous les événements et de toutes les occupations, faisant corps avec la vie, devenue elle-même la vie et sanctifiant tout. Ainsi disparaît le conflit entre prière et travail. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort lui apporte le sourire maternel de Marie, mais il semble que le saint préféré de l’abbé Poppe soit saint François d’Assise, à cause de son amour pour la Croix de Jésus.

Un séminariste bien dirigé

Libéré du service militaire, Édouard, avec une joie profonde, revêt la soutane au Séminaire de Louvain, le 13 mars 1912. Il apprécie les instructions du Supérieur : « Selon le plan divin, l’action doit se nourrir de l’oraison : la vie intérieure est la source de l’apostolat… Ne croyez pas au slogan : « Le prêtre se sanctifie en sanctifiant les autres » , c’est un leurre. La vraie formule est : « Se sanctifier pour sanctifier les autres » » . Mais son idéal de sanctification n’est pas partagé par tous ses confrères. Il entend dire, un jour : « Votre enthousiasme est commun chez de jeunes séminaristes. Tous commencent comme si la ferveur devait toujours durer. Après dix ans de sacerdoce, la réalité de la vie éteint totalement cette illusion » . Ces réflexions troublent profondément Édouard, qui écrit à sa soeur Eugénie, devenue religieuse : « Est-ce vrai que la ferveur n’est qu’au début d’une vie sacerdotale ou religieuse, alors qu’on en ignore encore les difficultés ? Est-il vrai que je deviendrai un jour un prêtre quelconque, ayant perdu toute ma force surnaturelle ? Je ne puis et ne veux surtout pas le croire. Plutôt mourir que servir Dieu à moitié » .

Mais les réflexions décourageantes qu’il a entendues ont plongé Édouard dans l’incertitude et le doute. L’idéal de sainteté est-il une chimère ? La prière lui devient pénible, la sécheresse l’envahit, même lorsqu’il invoque la Sainte Vierge. Il ne voit plus dans sa vie qu’égoïsme, lâcheté, vaine sentimentalité, jusque dans la prière. « Comment croire que Dieu aime un être aussi vil ? » Et lui qui avait prétendu devenir un saint ! Par un bon réflexe, il s’ouvre de ces pensées à son directeur spirituel, qui lui répond : « Dites souvent : « Seigneur, je crois, mais aidez-moi » . Surtout, ne vous découragez pas. Regardez le crucifix : vous y trouverez la paix joyeuse du sacrifice » . Édouard suit ces précieux conseils et, peu à peu, sous l’influence miséricordieuse de Marie, le brouillard épais qui l’entoure se dissipe. Dans la contemplation du crucifix, il ressent vivement le besoin de partager la souffrance du Christ, et devine la mystérieuse relation qui lie la souffrance à l’amour.

En septembre 1913, il commence ses études de théologie au Séminaire de Gand. La première guerre mondiale éclate et, le 1er août 1914, Édouard est mobilisé comme infirmier. Le 4, il est à Namur où le combat fait rage. Le 25, l’armée belge se replie vers le sud. Épuisé de fatigue, Édouard est déposé à demi-mort dans un fourgon d’ambulance. Au village de Bourlers, le curé, l’abbé Castelain, le prend en charge jusqu’en décembre. Ce prêtre a une confiance sans bornes en saint Joseph. Édouard veut en faire l’expérience. Un jour, les Allemands enlèvent une douzaine de jeunes gens du village : Édouard sollicite de saint Joseph leur libération pour le jour même. Quelques heures plus tard, ils rentrent chez eux, à l’exception d’un Français. Édouard renouvelle sa demande, et, cette fois encore, il est exaucé. De ce jour, Marie et Joseph deviennent inséparables dans le coeur de l’abbé Poppe. L’abbé Castelain lui fait aussi connaître la vie pauvre et exemplaire du bienheureux Père Chevrier.

Après bien des péripéties, il obtient, grâce au Cardinal Mercier, une dispense de ses obligations militaires, et revient au séminaire en avril 1915. Édouard est ordonné prêtre, le 1er mai 1916. Son émotion et son recueillement sont intenses ; il s’offre au Coeur Eucharistique de Jésus comme victime avec Lui pour les pécheurs.

A la recherche des brebis perdues

Le 16 juin, il est nommé vicaire à la paroisse Sainte-Colette de Gand, dans un quartier ouvrier. De fondation récente, cette paroisse n’est pas florissante : les bons chrétiens y sont clairsemés et les pratiques religieuses fort délaissées. Le Curé a gardé de sa carrière dans l’armée une certaine rigidité. Pourtant, sous ces dehors rugueux, il cache un coeur généreux, une piété profonde et une grande bonté. Édouard l’aimera toujours comme un père.

La belle saison permet à Édouard de commencer son apostolat dans la rue. Il se montre aimable, donne des images aux enfants, salue les ouvriers le soir, à la sortie des usines : « Ils apprendront bien à me connaître ; il faut qu’ils sentent que je les aime » , pense-t-il. Peu à peu, les conversations se multiplient, il entre dans les maisons, spécialement les plus sordides. Son coeur se brise devant la misère de ces pauvres gens ; la guerre a créé des situations tragiques. Il ouvre sa bourse et donne tout ce qu’il peut. Devant son évidente bienveillance, les préventions anticléricales des pauvres tombent, il peut parler du Christ et redonner vie aux vieilles racines chrétiennes. Il est heureux, plein d’espoir et d’ardeur.

Mais la croix rédemptrice le visitera souvent. Un jour, son Curé lui dit : « Je n’aime pas que vous fréquentiez ces gens-là. Vous êtes trop jeune pour vous exposer ainsi. Et puis c’est inutile : vous vous faites illusion et perdez votre temps. Réservez vos forces au soin des âmes fidèles » . Édouard pourra cependant visiter les malades et les mourants ; il y fera merveille. La décision de son Curé, à laquelle il se soumet, le consterne. « Humainement parlant, écrit-il, c’est décourageant pour un coeur de prêtre… Ah ! Mon Dieu, aidez-moi, Vous ! »

L’Eucharistie : soleil de sa vie !

Pour trouver la force dont il a besoin, Édouard passe beaucoup de temps devant le tabernacle. Parfois il soupire : « Ô Jésus, les hommes T’aiment si peu ! Du moins, aimons-nous, nous deux » . La veille de la Toussaint, après une lourde journée de confessions, un ami le trouve près du Saint-Sacrement : « Édouard, que faites-vous là ? – Oh ! Je ne fais rien ; je tiens simplement compagnie à Notre-Seigneur. Je suis trop fatigué pour lui parler, mais je me repose près de lui » .

Depuis son arrivée à la paroisse, le jeune prêtre s’est vu confier le patronage des garçons. Son objectif est d’occuper les enfants pendant les vacances. En fin d’année scolaire, il passe à l’école des Frères de Charité et s’adresse aux élèves : « Voici les vacances ; vous allez bien vous amuser, et c’est très bien. Mais n’oubliez pas Notre-Seigneur. Il est si bon, et Il vous aime, pendant les vacances comme en temps de classe. Montrez-Lui que vous avez du coeur : chaque matin à la Messe de sept heures, et le soir au salut ! … Je vais voir quels sont parmi vous les vaillants, et pour ceux-là, il y aura une tombola » . Même discours à l’école des Soeurs. Le lendemain, trente enfants répondent à l’appel. Puis, dans les jours qui suivent : cinquante, cent, deux cents… L’abbé leur fait une petite instruction agrémentée d’histoires et de traits amusants. Puis, il leur donne une courte invocation à répéter souvent dans la journée. Pour éviter le tumulte, il réunit les plus turbulents et les institue responsables de l’ordre.

Dans le but de sanctifier les enfants par l’Eucharistie, il conçoit le projet d’une Ligue de communion qui sera « une association d’enfants qui aiment Jésus et veulent se sanctifier en se soutenant mutuellement et en donnant partout le bon exemple » . Dans les réunions de la Ligue, que son Curé lui permet de fonder, Édouard part du principe qu’il faut prêcher aux enfants non pas un demi-Évangile, comme certains font par crainte de les rebuter, mais l’Évangile intégral : la perfection chrétienne. Pour cela, chacun peut compter sur la grâce qui nous vient surtout par l’Eucharistie. En juin 1917, la Ligue de communion des enfants réunit déjà 90 membres. La piété refleurit dans la paroisse. Édouard est au comble de la joie. Pour la fête du Sacré-Coeur, 21 enfants de 5 et 6 ans font leur première communion. Ils proviennent de familles pauvres et les mamans pleurent de joie.

À la fin du mois de juillet, épuisé par son inlassable labeur, Édouard est à bout de forces. Un repos total lui est imposé pendant un mois. Il le passe chez les Soeurs de la Charité de Melle. À son retour, il reprend le ministère courant, mais son Curé, soucieux de sa santé, le décharge des réunions de la Ligue de communion, du patronage et des catéchismes. Édouard obéit, le coeur serré ; sans lui, ses oeuvres vont peu à peu s’effondrer. Il écrira plus tard : « Souffrir et obéir ! Le serviteur est-il au-dessus de son Maître ? Nous sommes intelligents, nous nous entendons à concevoir, organiser nos oeuvres ; nous avons de la prévoyance et de l’initiative ; et même nous brûlons de zèle. Mais Jésus était plus intelligent et plus zélé, plus prévoyant, plus entendu que nous ! Son zèle était un feu dévorant. Il savait ordonner sa vie beaucoup mieux que nous… Et pourtant Jésus obéit en tout à Joseph et à Marie. Il laisse le dernier mot à l’autorité : durant trente ans, Il reconnaît et enseigne la valeur de l’autorité. Le prix de l’obéissance monte au-dessus de toute estimation, quand nous songeons que Jésus, qui s’y soumet, est Dieu. Toute sa vie, sa vie d’enfant et de jeune homme, sa mission et sa mort – une mort sur la croix – fut un grand acte d’obéissance » .

L’éloquence de l’exemple

Malgré les allégements et les soins qu’on lui procure, le jeune vicaire s’affaiblit ; il est contraint de réduire de plus en plus son travail. Sur l’avis favorable de son directeur de conscience, il demande à son Évêque, en juillet 1918, un changement d’activité. Le 4 octobre, il est nommé directeur de la maison des Soeurs de Saint- Vincent de Paul, au village de Moerzeke. La maison compte neuf religieuses, des personnes âgées, quelques malades et plusieurs orphelins, en tout une cinquantaine de résidents. La mère et deux des soeurs d’Édouard, Marie et Suzanne, viennent s’installer définitivement, elles aussi, à Moerzeke. À la paroisse du village, l’abbé Poppe retrouve un condisciple du séminaire, devenu vicaire. D’un commun accord, il font ensemble une heure d’adoration du Très Saint-Sacrement, tous les jeudis soirs, dans la chapelle du couvent. Entraînés par cet exemple, les résidents de la maison se joignent à eux ; puis les prêtres attirent des enfants qui, à leur tour, amènent leurs parents. Bientôt la chapelle est pleine et l’abbé Poppe en profite pour faire une brève homélie, à laquelle s’ajoutent lectures et chants.

Si l’ardent apôtre s’intéresse à une âme en péril, il s’adresse d’abord à l’ange gardien de la personne, lui rappelle sa mission, dresse avec lui son plan de campagne. Quand il entre dans une école ou une assemblée, il salue les anges gardiens des personnes présentes. Mais c’est surtout avec son propre ange gardien qu’il s’entretient. Voyant en lui le messager qui relie son âme à Jésus et Marie, il le nomme « petit Gabriel » du nom de l’ange de l’Annonciation.

Le 11 mai 1919, victime d’une crise cardiaque, il reçoit l’Extrême-Onction dans une grande paix : « Je n’ai jamais demandé au Seigneur de vivre vieux, déclare-t-il à un ami, mais seulement que les hommes l’aiment et que les prêtres se sanctifient » . Contre toute attente, il se rétablit et le médecin autorise les visites : la chambre d’Édouard ne désemplit pas. Le 8 juin, une nouvelle crise, plus grave que la première, le terrasse ; plus de visites, plus de Messe. Cette fois encore sa santé se rétablit, mais il reste entre la vie et la mort, s’attendant, d’un jour à l’autre, au dénouement. Dans les périodes de répit, il reprend, comme il peut, son travail d’apostolat. Il fait installer une planche sur son lit afin de pouvoir écrire, surtout à ses confrères prêtres. Il se tient au courant des questions sociales qui ont toujours suscité son zèle et se préoccupe de la foi et de la pratique religieuse des ouvriers, offrant pour eux souffrances et prières. Il s’applique à faire comprendre à un de ses amis, devenu député, l’importance de son rôle pour la recherche d’une solution équitable au problème ouvrier. « Je demande à Dieu, lui écrit-il, de vous donner de conformer vos convictions politiques et sociales à l’Évangile. Je serais heureux si même un seul député comptait sur Dieu pour obtenir un résultat valable de ses efforts » .

Pendant quelques mois sa santé s’améliore, mais il reste fragile. La maladie elle-même contribue à la Mission, comme le dira le Saint-Père, lors de la béatification : « Le Père Poppe, qui a connu l’épreuve, adresse un message aux malades, leur rappelant que la prière et l’amour de Marie sont essentiels à l’engagement missionnaire de l’Église » .

L’apôtre de Marie

Le 1er janvier 1924 survient une nouvelle crise cardiaque qui, après une accalmie, est suivie le 3 février d’une rechute plus grave. Dans une lettre adressée à ses amis prêtres, il livrait le secret de son coeur : « Marie vous couvrira de son ombre, et vous resterez calmes et confiants. Elle se mettra en route avec vous et vous conduira par des raccourcis secrets. La souffrance ne vous épargnera pas, mais Elle vous en rendra affamés, comme d’un indispensable aliment. Ah, Marie ! Marie ! Son nom sera sur vos lèvres comme un miel et un baume. Marie ! Marie ! Ave Maria ! Qui peut résister à cela ? Qui donc, dites-moi, qui donc ira se perdre avec l’Ave Maria ? »

Peu à peu, Édouard comprend que sa mission sur la terre est achevée, que Jésus veut le retirer de ce monde et qu’il lui faut mourir, sacrifier sa vie pour ses brebis, tel le grain de blé jeté en terre qui porte beaucoup de fruit. Dès lors, il se prépare sereinement au suprême témoignage de la mort parfaitement acceptée, et demande à la religieuse qui le soigne de lui répéter souvent ces paroles : « Je ne sais pas si le bon Dieu est content de moi ; je m’abandonne à Lui. Oh ! Qu’il est doux, au dernier moment, de ne penser à rien, ni à ses péchés, ni à ses vertus, mais seulement à la Miséricorde ! C’est vraiment la mort des petites victimes d’amour » . Ainsi, ses derniers jours illustrent ces maximes écrites au début de son ministère : « Frères, nous n’avons qu’une vie qui passe. Nous sommes des voyageurs ; et c’est folie que de vouloir chercher ici-bas sa demeure et son repos » .

Au printemps, malgré l’état de faiblesse d’Édouard, nombreux sont ceux qui viennent le voir. Il leur faut parfois attendre très longtemps leur tour, mais ils ne sont jamais déçus par son accueil réconfortant. Le 10 juin, au lever, il est terrassé par une ultime attaque d’apoplexie. Il reçoit l’Extrême-Onction, puis ses yeux à demi-ouverts jettent un dernier regard sur la statue du Sacré-Coeur, ses mains s’ouvrent comme pour une dernière offrande et il rend son âme à Dieu à l’âge de 33 ans.

Puissions-nous retenir cette prière sortie de son coeur de prêtre : « Souvenez-vous de vos souffrances, Jésus. Souvenez-vous de votre amour, et de l’innocence des petits ! Envoyez-nous vos prêtres ! »

À cette prière, fait écho la parole du Saint-Père au cours de l’homélie de la Messe des Journées Mondiales de la Jeunesse (20 août 2000) : « Puissiez-vous avoir toujours, dans chaque communauté, un prêtre qui célèbre l’Eucharistie ! … Le monde a besoin de ne pas être privé de la présence douce et libératrice de Jésus vivant dans l’Eucharistie. Soyez vous-mêmes des témoins fervents de la présence du Christ sur nos autels. Que l’Eucharistie façonne votre vie, la vie des familles que vous formerez ! Qu’elle oriente tous vos choix de vie » .

C’est dans ces pensées que nous prions à toutes vos intentions, sans oublier vos défunts.

>

Bienheureuse Teresa Bracco

8 septembre 2000

Sainte Faustine Kowalska

10 octobre 2000

Saint Just de Bretenières

17 décembre 2000