25 mars 1998
Sainte Thérèse des Andes
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«À quoi bon les moines et les Ordres religieux?» Cette réflexion, incongrue en climat chrétien, est devenue presque banale dans notre société sécularisée. Aussi, le Pape Jean-Paul II pouvait-il écrire, le 25 mars 1996 : «Aujourd’hui, beaucoup se montrent perplexes et s’interrogent : Pourquoi la vie consacrée ? Pourquoi embrasser ce genre de vie, alors qu’il y a tant d’urgences, dans les domaines de la charité et de l’évangélisation elle-même, auxquelles on peut aussi répondre sans se charger des engagements particuliers de la vie consacrée? Celle-ci n’est-elle pas une sorte de «gaspillage» d’énergie humaine utilisable, suivant les critères de l’efficacité, pour un bien plus grand au profit de l’humanité et de l’Église?» (Exhortation apostolique Vita consecrata, 104).
À cette question, le Saint-Père répond: «Pour la personne captivée dans le secret de son coeur par la bonté et la beauté du Seigneur, ce qui peut paraître un gaspillage aux yeux des hommes est une réponse d’amour évidente, c’est une gratitude enthousiaste pour avoir été admise de manière toute spéciale à la connaissance du Fils de Dieu et au partage de sa divine mission dans le monde» (ibid.). La vie consacrée est la réponse d’amour à un appel de Dieu: Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire (Jr 20, 7). Cette séduction conduit à partager dans une intimité particulière le mystère du Christ, en lui consacrant d’une manière exclusive toute sa personne.
«Dieu seul suffit»
Avant d’entrer dans un Carmel, en 1918, une jeune fille chilienne de dix-huit ans, séduite par le Christ, expliquait ainsi à son frère, peiné et scandalisé, les motifs de sa vocation: «Il existe en l’âme une soif insatiable de bonheur. Je ne sais pourquoi, mais en moi elle est décuplée. Je souhaite aimer, mais quelque chose d’infini, et je désire que cet être que j’aime ne change pas et ne soit pas le jouet de ses passions, des circonstances du temps et de la vie. Aimer, oui, mais aimer l’Être immuable, Dieu qui m’a aimée infiniment depuis une éternité». Le désir naturel de bonheur est d’origine divine; Dieu l’a mis dans le coeur de l’homme afin de l’attirer à Lui qui seul peut le combler. «Le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune oeuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour» (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC, 1723).
Le 21 mars 1993, lors de la canonisation de sainte Thérèse des Andes, le Pape Jean-Paul II déclarait: «À une société sécularisée qui vit en tournant le dos à Dieu, je présente avec une vive joie, comme modèle de l’éternelle jeunesse de l’Évangile, cette Carmélite chilienne. Elle apporte le témoignage limpide d’une existence qui proclame aux hommes d’aujourd’hui que c’est dans l’amour, l’adoration et le service de Dieu que résident la grandeur et la joie, la liberté et la pleine réalisation de la créature humaine. La vie de la bienheureuse Thérèse crie doucement depuis son cloître: Dieu seul suffit!»
«Mon petit Père, allons au ciel!»
Juana Fernández Solar est née le 13 juillet 1900, dans une famille aisée de Santiago du Chili (Amérique latine). Elle révèle dès son enfance une personnalité ardente, faite de coeur, d’intelligence et animée d’un grand désir de Dieu. «Je me souviens, raconte un prêtre ami de la famille Fernández, qu’un jour, me prenant par la main, elle me dit: «Mon petit Père, allons au ciel! – Bien, mon enfant, lui répondis-je, allons au ciel!» Étant sortis tous deux de la maison, je lui demandai: «Eh bien, Juanita, par où va-t-on au ciel? – Par là», me fit-elle. Et son doigt rose indiquait la Cordillère des Andes. «Très bien, mon enfant, répliquai-je; mais remarque bien que, quand nous aurons escaladé ces hautes montagnes, le ciel sera encore très, très loin. Non, Juanita, ce n’est pas là le chemin du ciel: Jésus au tabernacle, voilà la voie royale pour y parvenir»».
Malgré ces bonnes dispositions, Juana ne manque pas de défauts. Elle est entêtée, vaniteuse et égoïste, sujette aux bouderies et aux caprices. «Je prenais parfois de petits accès de rage féroce», dira-t-elle. Aidée par les siens (elle aura cinq frères et soeurs) et surtout par la grâce de son baptême, elle mène un rude combat contre ses mauvais penchants, spécialement contre son tempérament irascible et émotif, sur lequel influe une santé fragile. Un jour, sa soeur Rébecca s’emporte contre Juana jusqu’à la frapper de toutes ses forces. Cette dernière veut riposter avec la même vigueur. Le visage rouge de colère, elle attrape sa soeur et, soudain, s’arrête: au lieu d’un coup, elle lui donne rapidement un baiser. Rébecca ne comprend pas le geste héroïque de sa soeur et la chasse en lui criant: «Va-t-en! Tu m’as donné le baiser de Judas!» Victorieuse de sa colère, Juana se retire avec douceur.
Hospitalisée, à l’âge de 13 ans, pour une appendicite aiguë, Juana souffre vivement de la solitude: «Alors, mes yeux se fixèrent sur un tableau représentant le Sacré-Coeur, écrit-elle, et j’entendis une voix très douce qui me disait: «Comment, Juanita! Moi, je suis toujours seul sur l’autel parce que je t’aime, et toi, tu ne supportes pas de l’être un moment?» Depuis lors, mon Jésus me parle. Et je passais des heures entières à converser avec Lui… Il m’enseignait peu à peu comment je devais souffrir et ne pas me plaindre. Je faisais tout avec Jésus et pour Jésus».
À l’âge de l’adolescence, le goût des frivolités lui fait perdre une partie de sa ferveur. Mais de fréquentes maladies, en l’éloignant des divertissements, la remettent en présence de Dieu, et bientôt le dégoût la saisit au souvenir de ces fêtes où la vanité le dispute à la sensualité.
En route vers les hauteurs
Le 8 décembre 1915, avec l’autorisation de son confesseur, Juana se consacre à Dieu par le voeu de chasteté. La valeur éminente de ce voeu a été rappelée par le Pape Jean-Paul II: la pratique joyeuse de la chasteté parfaite témoigne «de la puissance de l’amour de Dieu dans la fragilité de la condition humaine. La personne consacrée atteste que ce que la majorité tient pour impossible devient, avec la grâce du Seigneur Jésus, possible et authentiquement libérant. Oui, dans le Christ, il est possible d’aimer Dieu de tout son coeur, en le plaçant au-dessus de tout autre amour, et d’aimer ainsi toute créature avec la liberté de Dieu! Voilà l’un des témoignages qui sont aujourd’hui plus nécessaires que jamais, précisément parce qu’il est si peu compris par le monde» (Vita consecrata, 88).
En 1916, Juana fait sa première retraite selon la méthode de saint Ignace de Loyola. À la suite de la méditation de «l’Appel du Christ-Roi», elle écrit: «Être disposée à suivre Jésus partout où Il voudra. Il choisit la pauvreté, les humiliations, la croix. Ne recevrai-je pas moi aussi ces dons puisqu’Il m’a créée, qu’Il me conserve la vie, m’a libérée de l’enfer? Mieux encore, Il a souffert pendant trente années toutes sortes de peines pour mourir enfin sur une croix comme le plus infâme des hommes… Et je ne voudrais rien souffrir pour son amour?» Ces considérations pénètrent tellement son âme que la pénitence, pour imiter le Christ souffrant, lui devient un véritable besoin. Sa soeur Rébecca a raconté qu’elle usait de mille artifices pour contrarier son goût et se mortifier en toutes choses. Cependant elle obéit à sa mère qui lui demande de ne pas se priver de la nourriture nécessaire à sa santé fragile.
Malgré ses épreuves et ses maladies, Juana reste une jeune fille gaie et expansive. En vacances sur la côte du Pacifique, elle fait de grandes promenades à cheval, en «amazone» («je suis très yankee», écrit-elle), avec ses amies, et ensemble, elles aident les prêtres occupés aux missions des campagnes à catéchiser les paysans. Elle aime aussi beaucoup à s’occuper des pauvres.
«J’ai soif des âmes»
Juana a entendu l’appel divin: «Que je suis heureuse, petite soeur chérie! écrit-elle à Rébecca, le 15 avril 1916. J’aspire chaque jour à m’en aller au Carmel pour ne plus m’occuper que de Jésus, pour me confondre en Lui et pour ne plus vivre que de sa vie: aimer et souffrir pour sauver les âmes. Oui, j’ai soif des âmes parce que, je le sais, c’est ce que mon Jésus aime le plus. Je dois offrir à mon Fiancé le sang que, pour chacune d’elles, Il a versé».
La voilà engagée sur le chemin de la sainteté, en réponse à l’amour que Dieu nous a manifesté dans l’Incarnation rédemptrice: Voici à quoi se reconnaît l’amour: ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimés le premier, et Il a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés (1 Jn 4, 10). L’exigence de conversion concerne tous les enfants de l’Église. Mais les personnes qui embrassent la vie consacrée vivent cette exigence dans une offrande totale d’elles-mêmes qui va jusqu’à la renonciation à des biens légitimes. En effet, par le voeu de pauvreté, elles abandonnent la possession personnelle des biens d’ici-bas, par le voeu de chasteté, elles renoncent au mariage, et par le voeu d’obéissance, elles abdiquent une légitime autonomie dans la direction de leur vie. Ainsi elles suivent de plus près le Seigneur Jésus pauvre, chaste et obéissant. Cet amour absolu a valeur d’exemple pour tous les chrétiens.
En septembre 1917, Juana écrit à la Prieure du Carmel de Los Andes, situé au pied de la chaîne de montagnes qui porte ce nom, à 70 km de Santiago, et lui exprime son désir d’entrer dans ce monastère. «La vie d’une Carmélite, c’est souffrir, aimer et prier, et en cela se trouve tout mon idéal. Ma Révérende Mère, mon Jésus m’a appris ces trois choses depuis mon enfance».
Toutefois, la jeune fille connaît encore des chutes. Elle s’accuse de coquetterie et, le 18 octobre 1917, avoue: «Aujourd’hui, une Religieuse nous a distribué des friandises, et comme elle ne m’en a donné qu’un petit morceau, je me suis mise en colère et je l’ai jeté, et ensuite je n’ai pas accepté l’autre qu’elle me donnait» (Journal). Nos défauts, en manifestant la faiblesse humaine, nous aident à comprendre que la sainteté n’est pas tant notre oeuvre que celle du Saint-Esprit. Pour y parvenir, Juana va continuer la lutte et mettre toute son ardeur au service de l’Esprit divin.
La cellule du coeur
Au printemps de 1918, elle s’offre en victime d’amour et d’expiation, en réponse à une inspiration du Sacré-Coeur de Jésus. Peu après, son âme est envahie de ténèbres. Elle confie à un prêtre son état de souffrance intérieure et ajoute: «Cela ne m’étonne pas, mon Révérend Père, parce que j’ai demandé au Christ de me priver de toute consolation, pour que d’autres âmes que j’aime trouvent dans les sacrements et dans la prière paix et joie».
La Passion rédemptrice du Christ a conféré à la souffrance, séquelle du péché originel, un sens nouveau: celle-ci peut devenir participation à l’oeuvre salvifique de Jésus. Je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Église, dit saint Paul (Col 1, 24). Certes, la souffrance n’est pas en elle-même un bien, mais Jésus a daigné l’assumer pour notre régénération spirituelle. Aussi, en marchant sur les traces du Christ souffrant, nous coopérons à l’oeuvre du salut des âmes, et, mus par l’Esprit Saint et la charité, nous pouvons obtenir pour nous-mêmes et pour autrui les grâces de sanctification en vue de la vie éternelle. Il existe entre les fidèles – du ciel, du purgatoire et de la terre – un constant lien d’amour et un abondant échange de tous biens, appelé communion des saints. Dans cet échange admirable, les mérites des uns profitent aux autres.
Le 11 janvier 1919, Juana se rend avec sa mère en visite au Carmel de Los Andes, choisi parce qu’il est le plus pauvre du Chili. Les jours précédents, elle a été tentée contre sa vocation; il lui semblait qu’elle pourrait faire davantage pour le salut des âmes en entrant dans un Ordre actif. Mais à peine franchis les murs du petit couvent, elle sent s’évanouir tous ses doutes: «Je me sentais dans une paix et un bonheur si grands qu’il m’est impossible de l’expliquer. Je voyais clairement que Dieu me voulait là et je sentais en moi comme une force pour vaincre tous les obstacles afin d’être Carmélite et de m’enfermer là pour toujours».
La clôture des Religieux contemplatifs est une manière de vivre le mystère pascal du Christ. D’expérience de mort à soi-même, elle devient surabondance de vie et apparaît comme une annonce joyeuse de la possibilité offerte à toute personne de vivre uniquement pour Dieu, en Jésus-Christ. La clôture évoque cette «cellule du coeur» dans laquelle chacun est appelé à vivre l’union avec le Seigneur (cf. Vita consecrata, 59).
«C’est saint Joseph qui a fait le miracle!»
Vers la fin de l’année 1917, Juana et sa mère sortaient un jour de l’église, après la messe, lorsque la jeune fille dit, sans préambule: «Sais-tu, maman, que je veux me faire Carmélite?» Madame Fernández suivait de près l’action de la grâce dans l’âme de sa fille. Sa réponse fut calme et simple: «Si ton père donne son consentement, ce n’est pas moi qui m’y opposerai». Au printemps de 1919, Juana, qui séjourne chez des amis, écrit à son père pour obtenir cet accord. Elle met tout son coeur et toute sa foi dans cette lettre qu’elle date du 25 mars, fête de l’Annonciation. Les conditions ne sont pas favorables car la situation financière de la famille s’est dégradée, et on peut craindre que la dot, nécessaire alors pour entrer dans un Carmel, ne puisse être versée.
Les jours passent et, bien que Juana soit rentrée chez ses parents, son père ne fait aucune allusion à la lettre. Enfin, alors qu’elle s’apprête à repartir, Juana, apercevant son père, s’élance vers lui. Avec toute la tendresse et la délicatesse qui lui sont habituelles, elle le supplie de donner le consentement désiré. Faisant violence à son coeur, il répond: «Mon enfant, si telle est la volonté de Dieu, je ne m’y oppose pas». Remplie de joie, Juana s’écrie: «C’est saint Joseph qui a fait le miracle!»
Dans une lettre, Juana révèle à son frère, Lucho, le feu intérieur qui l’embrase: «L’âme enchaînée par les exigences de son corps, par celles du milieu social dans lequel elle vit, se trouve exilée et aspire dans un ardent élan à contempler sans cesse cet horizon infini qui s’élargit à mesure qu’elle le regarde, sans jamais rencontrer de limites en Dieu. Cher Lucho, tu ne peux comprendre cela maintenant, mais je prierai pour que Dieu se manifeste un jour à ton âme, comme, dans son infinie bonté, Il se manifeste à la mienne… Pense surtout que la vie est si courte; tu sais déjà que cette vie n’est pas la vie». En effet, comparée à la vie éternelle où nous verrons Dieu face à face dans un bonheur ineffable et sans fin, délivrés de toute souffrance, de toute larme et de la mort, la vie terrestre ne mérite pas le nom de vie.
La véritable richesse
Le 7 mai 1919, les portes du Carmel de Los Andes se referment définitivement sur la postulante, qui portera désormais le nom de Soeur Thérèse de Jésus. «Béni soit Dieu, écrit-elle à sa mère dès le lendemain. Je suis dans mon petit couvent. Je prends un soin colossal pour marcher avec des sabots. J’ai le fou rire en voyant ma gaucherie. Enfin, je suis heureuse, car bien que je n’aie rien, je trouve tout en Dieu». Elle ne perd rien de son sens de l’humour: «Ici, on raccommode et on reprise beaucoup le linge, car nous sommes pauvres. Imaginez que l’habit que j’ai à réparer a plus de cent cinquante morceaux. Il ne reste plus rien du tissu primitif!»
Dans toute communauté religieuse, la pauvreté est à l’honneur. Sans nier la valeur des biens créés, la pauvreté volontairement embrassée les relativise. Son sens premier est de rendre témoignage à Dieu qui est la véritable richesse du coeur humain, par l’imitation du Christ pauvre: Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux (Mt 5, 3). Dans un monde souvent matérialiste, avide de possession, indifférent aux besoins et aux souffrances des plus faibles, la pauvreté évangélique dénonce avec force l’idolâtrie de l’argent. C’est un appel à un usage modéré des biens de ce monde (cf. Vita consecrata, 89-90).
Le 14 octobre 1919, Soeur Thérèse reçoit l’habit du Carmel, en présence de sa famille et de nombreuses amies, et commence son noviciat. Durant ce temps de probation, elle passe par des alternances de faveurs mystiques extraordinaires et de grandes tentations, en particulier contre la foi. Mais son naturel joyeux n’en est pas pour autant entamé.
Mûre pour la moisson
Au début de mars 1920, Soeur Thérèse affirme qu’elle mourra dans un mois. De fait, le 2 avril, Vendredi Saint, elle tombe gravement malade du typhus. Le lundi de Pâques, elle reçoit avec une grande ferveur les derniers sacrements et le lendemain, elle est admise à faire sa profession religieuse. Le 12, après onze mois seulement de vie carmélitaine, Soeur Thérèse de Jésus entre dans la joie du ciel.
«Elle fera vite des miracles», avait annoncé quelques jours après sa mort, le Père Julian Cea. Depuis lors, un nombre incalculable de personnes attribuent à son intercession des grâces et des faveurs de toutes sortes. Le Carmel de Los Andes qui vient de fêter le centenaire de sa fondation (2 février 1898), est devenu le pèlerinage le plus fréquenté du Chili, et bien des jeunes y reçoivent la grâce de commencer ou de reprendre une vie chrétienne.
L’influence et le rayonnement posthumes de sainte Thérèse des Andes étonnent chez une jeune fille morte à moins de vingt ans. Cette vie, sans relief aux yeux d’une société éprise d’efficacité temporelle, est cependant proposée par l’Église comme un exemple de réussite humaine. Le secret de la sainte du Chili se trouve dans sa profonde union au Christ et dans la pratique de l’amour vrai, répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné (Rm 5, 5). Cet Amour, à la différence du faux amour en quête du plaisir égoïste, s’identifie avec le don de soi sans mesure; il procure à l’homme le bonheur.
«Dieu a fait briller en elle d’une manière admirable la lumière de son Fils Jésus-Christ, disait le Pape lors de la canonisation de notre sainte, afin qu’elle fût un phare et un guide pour un monde qui semble aveugle et incapable de discerner la splendeur divine… À une jeunesse qui est continuellement sollicitée par les messages et les incitations d’une culture érotisée, à une société qui confond l’amour authentique, lequel est don, avec l’utilisation hédoniste (pour son propre plaisir) de l’autre, cette jeune vierge des Andes proclame la beauté et le bonheur qui émanent des coeurs purs.
«Dans son foyer familial, elle apprit à aimer Dieu par-dessus toutes choses. Et, sentant qu’elle appartenait exclusivement à son Créateur, son amour du prochain devint encore plus intense et définitif. C’est ce qu’elle affirme dans une de ses lettres: «Quand j’aime, c’est pour toujours. Une Carmélite n’oublie jamais. Depuis sa petite cellule, elle accompagne les âmes qu’elle a aimées dans le monde» (août 1919). Son ardent amour porte Thérèse à souhaiter souffrir avec Jésus et comme Jésus… Elle veut être une hostie immaculée offerte en sacrifice constant et silencieux pour les pécheurs. «Nous sommes co-rédempteurs du monde, et la rédemption des âmes ne s’accomplit pas sans la croix» (Lettre, septembre 1919)… En un monde où on lutte pour s’affirmer, posséder et dominer, elle nous enseigne que le bonheur est d’être le dernier et le serviteur de tous, suivant l’exemple de Jésus, qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour la rédemption de la multitude».
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