29 juillet 1998
Bienheureuse Marie-Catherine Troiani
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Pourquoi tant de nouveaux saints ? Les multiples béatifications et canonisations qui se succèdent chaque année ne risquent-elles pas de banaliser l’événement ? Parvenu dans la vingtième année de son pontificat, Jean-Paul II a déjà procédé à plus de 770 béatifications et 280 canonisations.
De toute évidence, le Pape désire faire de ces actes un des aspects de la «nouvelle évangélisation». Il s’en explique dans la Lettre Apostolique Au seuil du troisième millénaire: «Les canonisations et les béatifications se sont multipliées ces dernières années. Elles manifestent la vitalité des Églises locales» (10 novembre 1994). Elles montrent «la présence toute-puissante du Rédempteur par les fruits de foi, d’espérance et de charité chez des hommes et des femmes de si nombreuses langues et races qui ont suivi le Christ dans les diverses formes de la vocation chrétienne» (Ibid.).
Une source de renouvellement
Tous, nous sommes appelés à la sainteté, et l’exemple de si nombreux saints est un puissant encouragement pour y parvenir. «En effet, contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ est un nouveau stimulant à rechercher la Cité à venir (le Ciel), et en même temps nous apprenons par là à connaître le chemin très sûr par lequel il nous sera possible de parvenir à l’union parfaite avec le Christ, c’est-à-dire à la sainteté. Dans la vie des Saints, Dieu manifeste aux hommes, dans une vive lumière, sa présence et son visage. En eux, Dieu Lui-même nous parle, Il nous donne un signe de son royaume» (Vatican II, Lumen Gentium, 50). La pratique des vertus à un degré héroïque, condition requise pour chaque béatification, dépasse les forces humaines; elle manifeste l’action du Saint-Esprit, et, lorsqu’elle se reproduit en un grand nombre de personnes, elle est un argument en faveur de la divinité de l’Église.
Il nous est utile de connaître ceux qui habitent déjà le Ciel, «car, admis dans la Patrie et présents au Seigneur, par Lui, avec Lui et en Lui, ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père… Ainsi leur sollicitude fraternelle est du plus grand secours pour notre faiblesse» (Ibid., 49). De plus, «les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les moments les plus difficiles de l’histoire de l’Église» (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC, 828). Aux hommes souvent désorientés de notre époque troublée, il est donc très convenable de présenter ces modèles.
Ainsi, par exemple, le 14 avril 1985, le Pape Jean-Paul II béatifiait Soeur Marie-Catherine Troiani et disait d’elle: «La foi et la charité brillèrent dans sa vie. Elle rencontra de nombreuses misères et souffrances: esclavage, faim, pauvreté, abandon des nouveau-nés et des malades, exploitation et marginalisation… Comme le Bon Samaritain de la parabole évangélique, elle s’arrêta au côté de chaque frère et soeur souffrant dans son corps et dans son esprit, tendant avec amour sa main bienfaisante et payant de sa personne… Sa charité n’eut jamais d’exclusive: catholiques, orthodoxes, musulmans trouvèrent en elle accueil et aide, parce que, en toute personne marquée par la souffrance, Soeur Marie-Catherine voyait le visage souffrant du Christ».
Être la dernière
Née le 19 janvier 1813, Constance Troiani perd sa mère à l’âge de six ans. On la met alors en pension chez les Oblates Clarisses de Ferentino (Italie). Intelligente, sensible, d’un caractère très vif, elle est néanmoins obéissante, cherchant à observer le silence et à se corriger de ses défauts. Un jour, des membres de sa famille lui proposent de rentrer dans le monde, mais elle refuse. Heureuse dans son couvent, elle tient à y demeurer pour servir Dieu dans un don radical de toute sa personne.
À seize ans, le 8 décembre 1829, elle prend l’habit sous le nom de Soeur Marie-Catherine, et un an plus tard, émet ses voeux. Dès cette époque, elle se sent très attirée par la contemplation de Jésus crucifié et par l’amour de la pénitence. Son attrait particulier pour la vie cachée, où elle imite Jésus vivant à Nazareth inconnu des hommes, la porte à se détourner des charges importantes: «Je veux être toujours la dernière en la maison de Dieu, ce qui est la plus grande gloire d’une religieuse», écrit-elle.
Cependant, en raison de ses qualités, on lui confie des responsabilités, dont la principale est la charge de secrétaire de l’Abbesse. À travers ses divers emplois, Soeur Marie-Catherine s’efforce de vivre avec Dieu, cherchant à Lui plaire en tout par le fidèle accomplissement de son devoir d’état: elle juge que beaucoup de fautes proviennent de l’oubli de la présence du Seigneur. Le jour de sa Profession religieuse, elle note: «Je m’habituerai à offrir chaque action avant de l’entreprendre et, en somme, à vivre sans cesse en présence de Dieu, voulant chaque jour être meilleure que la veille». Dans sa Règle, saint Benoît dit, lui aussi: «L’homme doit être persuadé que Dieu le considère du haut du ciel continuellement et à toute heure, qu’en tout lieu ses actions se passent sous les yeux de la Divinité, et sont rapportées à Dieu par les Anges à tout moment» (ch. 7). S’adressant à ses jeunes, saint Jean Bosco leur recommandait de se dire, lors des tentations: «Comment puis-je me laisser pousser à commettre ce péché en présence de Dieu, le Dieu créateur, le Dieu sauveur, ce Dieu qui peut me priver instantanément de la vie? Vais-je faire ceci en la présence de Dieu qui, pendant que je l’offense, peut m’envoyer aux peines éternelles de l’enfer?»
Attentive à la présence de Dieu, Soeur Marie-Catherine est en fréquent colloque avec Lui. On l’entend parfois s’écrier: «O Jésus, donnez-moi le feu (de votre amour) pour que je puisse me consumer pour vous!» Elle aime à dire: «Pénétrons à l’intérieur du Coeur de Jésus; c’est là qu’on est bien, et personne ne peut nous nuire».
Faut-il poursuivre?
À son amour de la vie cachée est joint un puissant attrait pour l’apostolat missionnaire. La divine Providence, à qui elle s’en est entièrement remise, lui fera attendre l’âge de 46 ans avant de réaliser ce désir. En 1852, le confesseur de la communauté, revenant d’un voyage en Égypte, se fait l’écho du délégué apostolique du Caire, Mgr Cuasco, qui se lamente de l’absence de religieuses pour l’éducation chrétienne de la jeunesse. Les moniales de Ferentino décident alors d’ouvrir une maison au Caire. Sept ans après, le 25 août 1859, six religieuses, dont Soeur Troiani, partent pour l’Égypte.
À l’escale de Malte, elles apprennent le décès de Mgr Cuasco. Faut-il poursuivre le voyage? Soeur Marie-Catherine réconforte le petit groupe: «Nous ne nous sommes pas mises en route pour répondre au désir d’un prélat, mais à l’appel de Dieu». Elles arrivent au Caire le 14 septembre. Le nouveau Vicaire apostolique leur réserve un accueil plutôt froid. Mais elles sont bientôt réconfortées par l’arrivée d’une petite Égyptienne qu’une personne de condition leur confie pour l’élever dans le catholicisme. Les bases de la première école sont jetées. Rapidement des élèves de toutes langues et de toutes religions affluent. La préférence est accordée aux plus pauvres.
Dès le début de cette fondation, Soeur Marie-Catherine devient la Supérieure des religieuses. Elle met tout son soin à éduquer et catéchiser les petites filles, leur présentant Dieu comme un Père très bon qu’il ne faut pas offenser par le péché. Toutes les occasions lui sont favorables pour parler aux enfants du Seigneur, de la Sainte Vierge et de leur Ange gardien. Elle manifeste sa bienveillance aux élèves non catholiques et respecte leurs croyances pour la part de vérité qu’elles contiennent (cf. CEC, 2104); mais elle ne manque pas de les éclairer et de les orienter vers la vraie foi. Elle veille à former la volonté des enfants en exigeant d’elles, avec douceur et fermeté, l’obéissance. Sa meilleure pédagogie consiste à être pour toutes un modèle de vertu.
«Mamma bianca»
Le zèle de Mère Marie-Catherine ne s’arrête pas là. À la demande de deux prêtres, qui travaillent à abolir l’esclavage, elle fonde la «Vigne de saint Joseph», oeuvre destinée à racheter et instruire les petites esclaves noires. Elle crée parallèlement l’OEuvre des enfants abandonnées. Des fruits abondants sortent de ces oeuvres. Les enfants, touchées par la bonté de celle qu’elles nomment «Mamma bianca – Maman blanche», demandent à être instruites des vérités de la foi pour recevoir le Baptême. On trouve aux enfants en bonne santé une nourrice, puis on les place dans des familles où elles vivront dans la dignité. Mais la majeure partie de ces petites sont à bout de forces et meurent bientôt; la Religieuse leur procure la vie éternelle du Ciel en les faisant baptiser. De là vient le nom de «classe angélique» donné aux enfants ainsi recueillies. La joie surnaturelle de leur entrée au ciel adoucit la peine de ces nombreux décès. Parfois, de profondes consolations viennent réjouir les soeurs, comme la petite Myriam qui disait sur son lit de souffrance: «Il me faut encore souffrir pour recevoir la couronne. Encore un peu de peine et je goûterai à jamais la joie de Dieu!» Elle s’éteignit dans la paix après avoir reçu la sainte Communion, le visage transfiguré: elle voyait «une belle Dame, accompagnée d’autres âmes aussi belles, s’approcher et l’inviter à les suivre».
Un jour, la Mère écrit: «Un Turc de Constantinople, cordonnier, m’a procuré à bas prix sept enfants. Il m’en avait apporté trois ou quatre auparavant, qui étaient malades, disant: «Baptisez-les pour qu’elles aillent en Paradis». Lui-même veut se faire chrétien et il a peint un tableau représentant la Madone». Cet homme avait compris l’importance du Baptême. Le Seigneur Jésus Lui-même nous a enseigné la nécessité du Baptême: Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu (Jn 3, 5). Aussi a-t-Il commandé à ses disciples d’annoncer l’Évangile et de baptiser toutes les nations: Allez donc! Enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Mt 28, 19). Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; celui qui refusera de croire, sera condamné
(Mc 16, 16).
« Cette douleur n’atteint pas mon âme»
Dès l’origine, l’Église a exercé sa mission de baptiser. Elle a conféré ce sacrement non seulement aux adultes, mais aussi aux petits enfants. Parlant de certains chrétiens de son époque qui niaient le péché originel (hérésie de Pélage), saint Augustin disait, en 412: «Ils concèdent la nécessité du Baptême pour les enfants, car ils ne peuvent aller contre la pratique de l’Église universelle transmise incontestablement par le Seigneur et les Apôtres».
Saint Grégoire de Tours († 594) rapporte que vers 495, la Reine sainte Clotilde eut pour premier-né un fils qu’elle fit baptiser. Mais l’enfant mourut aussitôt après son Baptême. Le Roi Clovis, encore païen, irrité de cela, le reprochait ainsi à son épouse: «Si l’enfant avait été consacré à mes dieux, il vivrait, alors qu’il n’a pu vivre après avoir été baptisé au nom de votre Dieu». Forte de sa foi chrétienne, la Reine répondit: «Je rends grâces au Dieu Tout-Puissant, Créateur de l’univers, qui ne m’a pas jugée tout à fait indigne que l’enfant de ma chair soit associé à son Royaume. Et la douleur de cela n’atteint pas mon âme; car je sais qu’il a été appelé à quitter ce monde dans sa robe baptismale pour être nourri dans la vision de Dieu». Elle donna ensuite naissance à un second fils qu’elle fit également baptiser et qui vécut.
De nos jours, le Baptême des petits enfants est parfois considéré comme une atteinte à leur liberté, car il implique des engagements qui seront peut-être remis en cause à l’âge adulte. À cette objection, on peut répondre que la responsabilité de l’éducation des enfants incombe en premier lieu aux parents. De même que ces derniers font des choix nécessaires à la vie et à l’orientation de leurs enfants vers les vraies valeurs humaines (comme par exemple l’instruction à l’école), de même, ils ne doivent pas les priver du bien essentiel de la vie divine pour laquelle ils ont été créés. Ainsi, les enfants pourront disposer, dès l’éveil de la conscience, des dons surnaturels déposés en eux par la grâce baptismale. Loin d’être une diminution de la liberté, l’entrée dans la vie chrétienne est une libération du péché et l’accès à la vraie liberté des enfants de Dieu. De plus, tout homme a des obligations d’adoration et de soumission, à l’égard de son Créateur. En faisant du baptisé un enfant de Dieu, le Baptême permet le plein accomplissement de ces devoirs.
Un cadeau magnifique
De fait, «le Baptême est le plus beau et le plus magnifique des dons de Dieu» (Saint Grégoire de Nazianze). Ses deux effets principaux sont la purification des péchés et la nouvelle naissance dans l’Esprit-Saint. Par le Baptême, tous les péchés sont remis, et d’abord le péché originel. «L’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est «mort de l’âme». En raison de cette certitude de foi, l’Église donne le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui n’ont pas commis de péché personnel» (CEC, 403). Tous les péchés personnels des adultes qui reçoivent le Baptême, ainsi que toutes les peines du péché sont également remis. En outre, le Baptême fait du néophyte un fils adoptif de Dieu, cohéritier du Ciel avec le Christ, temple de l’Esprit-Saint. La Très Sainte Trinité donne au baptisé la grâce sanctifiante et les vertus théologales qui lui permettent de croire en Dieu, d’espérer en Lui et de L’aimer. Il peut ainsi mener une vie sainte, sous la motion de l’Esprit-Saint. Mais la grâce reçue au Baptême est appelée à se développer. Saint Paul demande aux Ephésiens de se comporter selon la grandeur des dons reçus: je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu (Ep 4, 2-3). Le Pape Jean-Paul II rappelait lors de son voyage en France en 1996, que «toute la vie spirituelle découle directement du sacrement du saint Baptême». Par ce sacrement, nous avons promis de renoncer pour toujours à Satan et à ses séductions, et de nous donner à Jésus-Christ, pour porter notre croix à sa suite tous les jours de notre vie. C’est une exigence de sainteté, à la mesure des grâces reçues.
Pour réaliser ce programme, le nouveau baptisé n’est pas seul. Le Baptême l’unit à tous les enfants de Dieu en l’incorporant à l’Église, Corps du Christ: Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul Corps (1 Co 12, 13). Membres du Corps du Christ, les baptisés participent au sacerdoce du Christ, c’est-à-dire à sa mission: professer devant les hommes la foi, et participer à l’activité apostolique de l’Église (cf. CEC, 1268; 1270).
«Défiance de nous-mêmes et confiance en Dieu!»
Pour remplir son rôle missionnaire, Mère Marie-Catherine se trouve dans l’obligation urgente d’agrandir la vieille maison où les fillettes affluent. Elle sollicite une audience du vice-roi d’Égypte, Ismail Pacha. Avec une calme franchise, elle lui demande un toit et du pain, et obtient de lui un terrain ainsi qu’une allocation annuelle de nourriture. Par la suite, le vice-roi, d’un accès cependant difficile, donnera toujours rapidement audience à la Mère avec la plus grande amabilité, voulant être informé des nécessités de l’Institut et y pourvoir «comme un père». La servante de Dieu n’hésite pas à tendre également la main aux riches et aux puissants afin que soient donnés aux enfants des aliments abondants et bien préparés.
Mère Marie-Catherine recourt plus souvent encore à la divine Providence et à saint Joseph. «Tout ce que je demande à saint Joseph, je l’obtiens!» lance-t-elle un jour victorieusement. Un soir, on avertit la Supérieure qu’il n’y a strictement plus rien pour le lendemain, ni nourriture, ni argent. La Mère donne le mot d’ordre: «Courage! Défiance de nous-mêmes et confiance en Dieu, et tout ira bien!» Elle-même passe la nuit en prière à la chapelle. Or, le lendemain, quelle n’est pas la surprise de la sacristine qui aperçoit au cou de la statue de saint Joseph une bourse bien garnie! La foi de la Mère était capable de transporter des montagnes.
Mille frayeurs
En 1863, Mère Marie-Catherine est élue Abbesse de sa communauté. Le développement de son oeuvre exige que d’autres soeurs viennent seconder les premières. Mais, malgré les prières de la Mère, le monastère de Ferentino se désintéresse de l’oeuvre d’Égypte. La Supérieure se trouve donc dans la nécessité de fonder une famille religieuse autonome. Le 5 juillet 1868, le Saint-Siège érige en Institut les «Soeurs franciscaines missionnaires d’Égypte». Les vocations affluent en grand nombre, permettant la fondation de nouvelles maisons. Ainsi s’ouvrent, de 1868 à 1874, deux orphelinats et quatre écoles.
En 1882, alors que trois nouvelles fondations sont projetées, la guerre anglo-turque éclate. Le consul italien demande aux religieuses du Caire de se préparer à partir, ne pouvant assurer leur sécurité. Après avoir placé quelques enfants dans des familles amies, la fondatrice, les soeurs et le reste des fillettes quittent le Caire. Elles s’installent dans un train de marchandises et, après mille frayeurs, s’embarquent pour Jérusalem, Marseille, Naples et enfin Rome. Sur le bateau, elles n’ont pas même de quoi se restaurer. Pour encourager ses filles, la Mère leur dit avec douceur: «À Jésus crucifié, on refusa une goutte d’eau. Voudriez-vous alors que nous soit accordé tout ce que nous désirons?»
Une fois le calme revenu en Égypte, Mère Marie-Catherine envoie au Caire trois de ses filles pour voir l’état de la maison: tout est resté intact. Merci, saint Joseph! On organise donc le retour des soeurs. À peine arrivées, elles sont assaillies par leurs anciennes élèves qui reviennent sur les bancs de l’école. En 1883, le choléra fait d’innombrables victimes. La communauté connaît à nouveau l’angoisse. «Ma Mère, demande une religieuse à la Supérieure, notre misère ne vous épouvante-t-elle pas? – Ma fille, il n’y a que le manque de foi qui m’épouvante». «Il ne faut jamais se décourager, disait-elle encore, car ce que le Seigneur n’accorde pas aussitôt, Il l’enverra en un moment plus favorable… Dieu dispose tout pour notre plus grand bien, même si, au premier abord, il semble qu’il n’en soit pas ainsi. Toutes les contradictions doivent être regardées comme des avantages spirituels. Souffrir est la vraie richesse des épouses du Christ».
«Qu’espérer de mieux que le Paradis?»
Le 10 avril 1887, le soir de Pâques, Mère Troiani, épuisée, doit s’aliter. Il n’y a aucun espoir de guérison, l’organisme est usé «jusqu’à la corde». Le 6 mai, ayant reçu la sainte Eucharistie une dernière fois, elle incline paisiblement la tête et rend l’esprit. «Nous avons deux vies, avait-elle écrit, la présente et la future. La première est faite de luttes, la seconde en est le terme, la récompense et la couronne. La première est une navigation, la seconde est le port; la première ne dure qu’un moment, l’autre ne connaît ni vieillesse ni mort». Souvent, elle avait aussi recommandé à ses filles: «Faites bien votre devoir; nous espérons aller un jour là-haut, dans la joie, en Paradis. Après avoir supporté tant de fatigues et de souffrances, qu’espérer de mieux que le Paradis? Pour vivre en vraie religieuse, il faut se conduire chaque jour comme s’il était le premier de notre vie consacrée et le dernier de notre vie terrestre». Le 7 mai, ses funérailles se muent en triomphe: Chrétiens et Musulmans sont présents pour rendre un dernier hommage à cet apôtre de la charité.
Demandons à la Bienheureuse Marie-Catherine Troiani de nous guider dans l’accomplissement de notre devoir d’état quotidien, chemin de la béatitude éternelle. Nous prions saint Joseph à toutes vos intentions, spécialement pour vos familles, pour les vivants et les défunts.
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