17 décembre 2000

Saint Just de Bretenières

Bien chers Amis,

« La société technique a multiplié les occasions de plaisirs, mais elle a bien du mal à engendrer la joie. Car la joie vient d’ailleurs. Elle est spirituelle. Souvent, l’argent, le confort, l’hygiène, la sécurité matérielle ne manquent pas ; et pourtant l’ennui, la morosité, la tristesse demeurent malheureusement le lot de beaucoup… On peut parler de la tristesse des non-croyants, lorsque l’esprit humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et donc orienté instinctivement vers Lui comme vers son bien suprême, unique, reste sans Le connaître clairement, sans L’aimer, et par conséquent sans éprouver la joie qu’apportent la connaissance de Dieu, même imparfaite, et la certitude d’avoir avec Lui un lien que la mort même ne saurait rompre » (Paul VI, Exhortation Gaudete in Domino, GD, sur la joie chrétienne, 9 mai 1975).

Saint Just de BretenièresLa connaissance et l’amour de Dieu dilatent le coeur de l’homme et peuvent le conduire jusqu’à donner sa vie avec joie pour le salut de ses frères, comme le montre l’exemple de saint Just de Bretenières.

« Je vois les Chinois »

Just de Bretenières est né à Chalon-sur-Saône, en Bourgogne, au domicile de ses grand-parents maternels, le 28 février 1838. Quelques mois après, ses parents rentrent au château de Bretenières, propriété familiale proche de Dijon où ils vivent pendant l’été, l’hiver se passant à Dijon. Soucieuse du sort futur de son fils, Madame de Bretenières le remet entre les mains de la Sainte Vierge : « Reine des Anges, souvenez-vous que vous êtes la Mère de cet enfant… Je vous le consacre pour toujours ! » À six ans, Just joue avec son frère Christian, de deux ans plus jeune, dans le parc du château de Bretenières ; ils creusent la terre avec leurs petites pelles. « Tais-toi ! » dit soudain Just à son frère. Il se penche sur le trou qu’il vient de faire, et se relève en criant : « Je vois les Chinois ! … Oh ! Je les entends… ils m’appellent ! … Il faut que j’aille les sauver ! » Cet épisode laisse dans la pensée de Just une marque profonde qui ne s’effacera jamais. Quelques années plus tard, à la remarque de son frère : « C’est à toi que sera un jour le château, parce que tu es l’aîné » , il répond : « Oh non, je ne l’aurai pas ; ce sera pour toi, parce que moi, je serai prêtre » . Le plus grand bonheur de Just est de servir la Messe, ou d’encenser le Très Saint-Sacrement. Il rivalise de zèle avec son frère pour donner au mois de Marie, le mois de mai, toute la beauté possible.

Au sein de la famille de Bretenières, les enfants ont largement le nécessaire, mais rien n’est accordé au luxe ou à la mollesse. En octobre 1851, les deux garçons sont remis entre les mains d’un précepteur de 28 ans, l’abbé Gautrelet. Celui-ci a noté chez Just une tendance à juger selon une logique un peu outrée, qui ne lui permet pas d’admettre les opinions modérées ; s’agit-il de la pratique des vertus, à son sens, ni les imperfections, ni les degrés ne doivent exister. Le caractère de Just est charmant, son égalité d’humeur habituelle. Il joue volontiers, mais plutôt pour complaire que par goût. Pourtant, un soir, Just se plaint parce qu’une partie de jeu de cartes qu’il aime beaucoup n’a pu avoir lieu. Pour le punir de son impatience, on ne joue pas les jours suivants.

Nerveux et sensible, Just montre dès le plus jeune âge, une crainte excessive de la douleur. Mais le désir de la vie missionnaire le stimule à supporter gaiement les fatigues, la chaleur, la soif, à s’accoutumer aux fardeaux et à se contenter de peu lors de randonnées en montagne, au cours des vacances. En 1856, il passe son baccalauréat à Lyon, puis commence une licence de lettres, car ses parents le trouvent trop jeune pour réaliser sa vocation. Dans son dessein de se donner à Dieu, il pense aux Dominicains qui tiennent des missions en Extrême-Orient ; la vie monastique l’attire également. Mais finalement, sur le conseil de son confesseur et de ses parents, il entre au Séminaire d’Issy (Paris). Là, l’appel de Dieu pour les missions se confirme : « Nous parlions un jour du Très Saint-Sacrement, dira plus tard un de ses condisciples, et nous gémissions de voir combien la mémoire de ce bienfait occupe peu de place dans la vie des chrétiens. – Regarder l’hostie consacrée, disait Just, entendre son divin appel qui invite à la conquête lointaine des âmes, et reculer, est-ce possible ? » Le jeune séminariste passe deux ans à Issy. On lui confie les fonctions d’organiste et d’infirmier. Son entrain lui gagne la sympathie de ses confrères. De temps en temps, il visite ses parents qui ont un appartement à Paris.

Au mois de mai 1861, il décide d’entrer au Séminaire des Missions Étrangères de Paris. M. et Mme de Bretenières acceptent, non sans douleur.

Le 28 juin, Just écrit : « Je sens bien que la voie que je prends est rude et difficile, je ne me dissimule ni les obstacles, ni les souffrances, ni les dangers que j’y rencontrerai ; mais, encore une fois, je me remets entièrement entre les mains de Dieu » .

Au Séminaire des Missions, à l’automne 1861, Just est accueilli comme un frère longtemps attendu : « Hier soir, au sortir du réfectoire, écrit-il, tous m’ont embrassé. Notre-Seigneur répand ici une charité extraordinaire. On est plus que frères, on forme un seul tout, un seul coeur, une seule âme » . L’année commence par une retraite selon les Exercices de saint Ignace. Just en sort rempli de ferveur. Il écrit à son frère : « Le principal de ce que j’ai à te dire est et sera toujours ce que saint Ignace disait et répétait à saint François-Xavier travaillant avec ardeur à acquérir de la science à Paris : Que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme ? (Mt 16, 26)… Pour arriver le plus tôt possible à trouver la place à laquelle la Providence t’a destiné, souviens-toi de ceci et ne le perds jamais de vue : tout ce que tu croiras, hors de Dieu, capable de te satisfaire, ne te satisfera jamais. Tout est vanité, hormis aimer Notre-Seigneur » .

Une gaieté proverbiale

À la fin de l’année, Just s’attend à recevoir les ordres mineurs, mais il ne figure pas parmi les appelés. Il ignore que les règlements du séminaire exigent une année entière avant la réception des ordres. Croyant donc que les supérieurs le jugent inapte aux missions, il en ressent une vive amertume : « Voici deux jours, écrit-il à son frère, que je suis sous le coup de cette mesure qui me semble inexplicable ; car, en sondant mon coeur, je ne puis parvenir à douter de ma vocation. Cependant, avant d’interroger mon directeur et de lui confier ma peine, je veux faire entièrement à Dieu le sacrifice de mes aspirations, s’il le faut, et m’en remettre à sa volonté. Pendant les nuits, je ne puis dormir ; mais quand je me sens trop troublé, je me mets à chanter tout doucement quelque hymne à la Sainte Vierge, entre les mains de laquelle j’ai déposé mes intérêts ; cela me fait du bien et me rend le courage » . Bientôt, son Supérieur, M. Albrand, le rassure : il est bien appelé à la vie missionnaire.

Les années passent, dans la prière, l’étude et le travail de la sanctification : « Il y a des points qui m’occupent plus que la perspective de la vie missionnaire, écrit-il, c’est la propre perfection qui est nécessaire à tout prêtre. C’est là-dessus que j’ai le plus à travailler et beaucoup d’efforts à faire » . L’étude assidue des oeuvres de saint Jean de la Croix lui montre la voie à suivre. Chaque matin, il consacre un long temps à la prière. Dans la journée, il fortifie sa foi par des adorations prolongées devant le Tabernacle ; sa dévotion à l’Eucharistie le soutiendra toute sa vie. Pour imiter Jésus-Christ pauvre, il s’applique à vivre pauvrement, dans ses vêtements, dans l’aménagement de sa chambre etc. Il s’adonne avec ferveur au service des pauvres des environs, auxquels les séminaristes sont envoyés. Ses préférences vont vers les emplois les plus humbles, et il saisit toutes les occasions de s’abaisser aux yeux des autres. Par obéissance, il soumet tout ce qu’il fait à l’approbation de son Supérieur. Malgré ses pratiques austères, sa gaieté est proverbiale ; en classe, il fait rire ses confrères. Il aime à plaisanter et imite à ravir le cri du coq ; plus d’une fois, il met l’émoi dans les basses-cours, simulant, en pleine nuit, le « cocorico » de l’aurore. Chez lui, la joie extérieure est le fruit d’une vie spirituelle intense.

Il se sait aimé

« Pour le chrétien comme pour Jésus, écrit le Pape Paul VI, il s’agit de vivre, dans l’action de grâces au Père, les joies humaines que le Créateur lui donne… Parce que le Christ a vécu notre condition d’homme en toute chose, excepté le péché, Il a accueilli et éprouvé les joies affectives et spirituelles, comme un don de Dieu… Mais il importe ici de bien saisir le secret de la joie insondable qui habite Jésus, et qui lui est propre… S’Il rayonne une telle paix, une telle allégresse, une telle disponibilité, c’est à cause de l’amour ineffable dont Il se sait aimé de son Père… Les disciples, et tous ceux qui croient dans le Christ, sont appelés à participer à cette joie (…), fruit de l’Esprit-Saint : elle consiste en ce que l’esprit humain trouve le repos et une intime satisfaction dans la possession du Dieu trinitaire, connu par la foi et aimé avec la charité qui vient de Lui » (GD).

Cependant, continue le Pape, « la joie spirituelle, ici-bas, inclura toujours en quelque mesure la douloureuse épreuve de la femme en travail d’enfantement, et un certain abandon apparent semblable à celui de l’orphelin : pleurs et lamentations, tandis que le monde fera étalage d’une satisfaction mauvaise. Mais la tristesse des disciples, qui est selon Dieu et non selon le monde, sera promptement changée en une joie spirituelle que personne ne pourra leur enlever (cf. Jn 16, 20-22) » (GD). Parfois, Just passe par la désolation. Il lui arrive d’être abattu à la pensée des vertus nécessaires au missionnaire et des souffrances supportées par ses devanciers. Un jour, n’y tenant plus, il descend chez le Père Supérieur. « Je ne peux plus rester ici ; ma conscience m’oblige à rentrer dans ma famille » , dit-il avec tristesse. M. Albrand l’écoute en souriant : « C’est tout ce que vous voulez me dire ? – Oui, mon Père. – Eh bien, remontez dans votre chambre et n’y pensez plus ! » À l’instant, la tentation est dissipée.

Le 21 mai 1864, Just est ordonné prêtre. « Demandez pour moi la grâce du martyre, écrit-il à un ami » . Il n’a plus qu’à attendre l’ordre de partir en mission. Les aspirants aux missions ignorent jusqu’au dernier moment le lieu de leur destination. Ils doivent être prêts à accepter de la main de Dieu la mission où ils seront envoyés, quelle qu’elle soit. Ayant fait le total sacrifice de lui-même, Just se tient dans la parfaite indifférence. Le lundi 13 juin, son Supérieur l’appelle : « Quelle mission préférez-vous ? – Je ne préfère rien. – Eh bien, je vous envoie au Tibet. Êtes-vous content ? – Très content, mon Père. – Non, vous irez au Tonkin. – Comme il vous plaira. – Vous êtes donc indifférent ? – Oui, mon Père. – Maintenant, parlons sérieusement… Vous irez en Corée » . Just écrit sur le champ à son ancien précepteur : « Je crois que Notre-Seigneur m’a donné la meilleure part… Vive la Corée, terre des Martyrs ! » En effet, le sang des chrétiens a coulé abondamment sur la terre de Corée depuis un siècle.

Le mardi 19 juillet 1864, Just et neuf de ses confrères s’embarquent à Marseille pour l’Extrême-Orient. Ils réussissent à entrer en Corée, clandestinement, le 29 mai 1865. Just réside à Séoul, la capitale, auprès de son Évêque, Monseigneur Berneux : « Me voici devenu citoyen de Séoul la « ville des délices » . Mais ne vous laissez pas éblouir par ce nom magnifique. Figurez-vous une immense agglomération de huttes construites en terre, toutes pressées les unes contre les autres, ne laissant entre elles en guise de rues que de petits passages où deux personnes ont peine à se croiser. Ces ruelles servent en même temps d’égouts… Je vous laisse à penser dans quoi on est obligé de marcher ! »

Sous son chapeau

Il est logé chez des chrétiens, dans une chambre très pauvre : comme chaise, la terre ; comme table, la terre ; comme lit, un simple morceau de bois sous la tête. Lorsqu’il sort, uniquement la nuit, à cause de la persécution, il revêt le costume de deuil, avec « un chapeau dans le genre d’un toit de pigeonnier, de sorte qu’il vous enveloppe et descend jusqu’aux coudes, bon moyen pour n’être vu de personne et ne rien voir soi-même : on peut ainsi faire oraison sous son chapeau ! » Prière et étude de la langue coréenne occupent ses journées. Au bout de six mois, grâce à l’aide d’un jeune chrétien, le missionnaire est capable de se faire suffisamment comprendre en coréen pour prêcher et confesser.

Les catéchumènes viennent de très loin (150 km et plus), pour se faire baptiser ou pour recevoir la sainte Communion : « J’ai vu, écrit Just, des femmes septuagénaires venir de 240 km pour communier. Pauvres âmes qui ne voient le prêtre qu’un seul jour par an, et qui ont si grand soif de la Parole de Dieu ! Et dire qu’en Europe, les fidèles ont ces richesses à profusion et qu’ils n’en profitent pas toujours comme ils le devraient ! » Sous le nom de Père Païk, Just est heureux de pouvoir commencer à aider ses confrères : dans les derniers mois de 1865, il entend des confessions, prépare et baptise au moins 40 adultes, bénit plusieurs mariages, donne quelquefois la Confirmation, administre souvent l’Extrême-Onction. Les conversions s’annoncent nombreuses.

Mais voici l’orage. Après une période calme, la persécution contre les Européens et contre les Chrétiens reprend avec vigueur. La trahison d’un domestique de l’Évêque entraîne l’arrestation de plusieurs prêtres. Mgr Berneux est capturé le 23 février 1866. Le 26 au matin, des soldats font irruption dans la chambre de Just au moment où il s’apprête à célébrer la Messe, et l’emmènent, lié avec une corde rouge, signe distinctif des grands criminels. À son arrivée au tribunal, il a la joie de retrouver son Évêque : avec une profonde humilité et un grand respect, il se prosterne devant lui, avant d’aller prendre place sur la chaise qui lui est réservée. Aux questions posées, Just répond inlassablement : « Je suis venu en Corée pour sauver vos âmes. Je mourrai pour Dieu avec plaisir » .

Il subit alors le supplice du « shien-noum » : on assène au patient, ligoté sur une chaise, des coups de bâton de section triangulaire sur les tibias et les pieds. Quatre jours de suite, le missionnaire comparaît devant diverses instances. Après chaque interrogatoire, son corps est labouré avec un pieux pointu de la grosseur du bras. Dans ses souffrances, le martyr prie en silence. Chaque soir, on le rapporte épuisé dans sa prison où ses blessures sont pansées avec du papier huilé. Avec Just, sont torturés puis condamnés à mort, Mgr Berneux, ainsi que les Pères Beaulieu et Dorie.

Bondir de joie

Leur amour des âmes les a menés jusqu’au don le plus total d’eux-mêmes. En 1862, Just avait écrit à son ancien précepteur, qui, bien que zélé pour le salut des âmes, redoutait les renoncements que la vocation missionnaire lui imposerait : « Oh ! celui qui connaît le prix d’une âme, et qui n’estime rien plus que de travailler à la sauver, celui-là ne regarde guère à tout ce qu’il sera obligé de faire pour cela ; il rirait d’étonnement, si quelqu’un venait lui dire : « Mais considérez que vous avez vos habitudes régulières de boire, de manger, de lever, de coucher, et qu’il faudra quitter ces habitudes » . Lui viendrait-il seulement en pensée qu’en quittant cela, il quitte quelque chose ? … L’amour du bien des âmes emporte ailleurs ses pensées ; il traverse les mers sans songer aux périls qu’il court ; il bondira de joie si Dieu le conduit en un lieu où tout menace sa vie ; il ne pourra retenir ses chants d’allégresse s’il se voit exposé aux persécutions, menacé du glaive, sans cesse sur le point de mourir de faim, de fatigues, de misères, d’angoisses ; et avec tout cela, il croira qu’il ne souffre pas assez, parce qu’il y a des âmes qui sont devant lui encore sourdes à la grâce » .

8 mars 1866 – Incapables de se tenir debout, les condamnés sont portés sur le lieu de l’exécution, chacun lié sur une chaise. Comme criminels d’État, ils doivent être exécutés sur une des grandes plages de sable situées à environ 5 km de Séoul. Quatre cents soldats en armes tiennent la foule en respect. À quelques assistants qui les insultent, le saint Évêque répond avec fermeté : « Ne vous moquez pas et ne riez pas ainsi ; vous devriez plutôt pleurer. Nous étions venus pour vous enseigner le chemin du Ciel, et voilà que maintenant nous ne pourrons plus le faire. Que vous êtes à plaindre ! » Pendant le trajet, les porteurs s’arrêtent plusieurs fois. Mgr Berneux en profite pour s’entretenir avec ses compagnons de martyre. La joie, don de Dieu à ceux qui s’oublient et se sacrifient pour Lui, resplendit sur leurs visages et étonne les païens. « Mourir est doux ! » leur dit Just, en tournant vers eux sa figure rayonnante de paix. « Le monde – celui qui est inapte à recevoir l’Esprit de Vérité – n’aperçoit qu’une face des choses. Il considère seulement l’affliction et la pauvreté du disciple, alors que ce dernier demeure toujours au plus profond de lui-même dans la joie, parce qu’il est en communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (Paul VI, GD).

Just est appelé le second, après son Évêque. Déposé à terre, il est dépouillé de ses vêtements. Chacune des deux oreilles, repliée sur elle-même, est percée d’une flèche. Sous ses bras, liés derrière son dos, on passe un gros et long bâton : deux soldats le soulèvent et, le soutenant dans cette douloureuse position, commencent une longue marche en spirale pour le montrer à l’assemblée. Puis, il est déposé au sol, à genoux, la tête penchée en avant. Au signal du mandarin, six bourreaux exécutent une danse circulaire autour du martyr en brandissant leurs sabres et en poussant sans interruption des cris féroces : « À mort ! À mort ! » Enfin, ils déchargent leurs coups : au quatrième, la tête tombe. Pour les spectateurs, tout est fini ; mais l’âme de Just est déjà dans la joie sans fin du Ciel. Il avait vécu 28 ans sur notre terre d’épreuves. À la nouvelle de la mort de son fils, la douleur profonde du père lui fait verser d’abondantes larmes. La mère, elle, ne pleure pas, mais son visage exprime une intense souffrance. Tous deux tombent à genoux, et remercient le bon Dieu : leur fils est au Ciel.

Tombé en terre

À vue humaine, la mort de Just, interrompant un trop bref apostolat, paraît un échec. Mais la foi nous assure que si le grain tombe en terre, il porte beaucoup de fruit (cf. Jn 12, 24). Lors de la canonisation des 103 martyrs de Corée – parmi lesquels Just de Bretenières et ses compagnons –, le 6 mai 1984, le Pape Jean-Paul II disait : « La mort des martyrs est semblable à la mort du Christ sur la Croix, parce que, comme la sienne, la leur est devenue le commencement d’une vie nouvelle. Cette vie nouvelle s’est manifestée non seulement en eux – en ceux qui ont subi la mort pour le Christ –, mais elle a été aussi étendue à d’autres. Elle est devenue le ferment de l’Église comme communauté vivante de disciples et de témoins de Jésus-Christ. « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens » : cette expression des premiers siècles du christianisme trouve sa confirmation devant nos yeux » .

De fait, l’Église catholique en Corée a connu, et connaît encore de nos jours, un essor étonnant. Tous les ans, plus de 100 000 catéchumènes reçoivent le Baptême. De 1990 à 1996, le nombre des catholiques en Corée est passé de 2,7 à 3,5 millions ; ils représentent 7,7% de la population. Les prêtres coréens sont plus d’un millier, gouvernés par 18 évêques. Le nouveau Président de la Corée du Sud, élu le 18 décembre 1997 est un catholique pratiquant. Le 18 octobre 2000, il a reçu le prix Nobel de la Paix. Le dynamisme évangélisateur de la Corée se manifeste par l’envoi de plus de 200 missionnaires (prêtres, religieux et religieuses) à l’étranger ; d’autre part, 60 prêtres se sont déclarés volontaires pour partir évangéliser la Corée du Nord (communiste), dès que les circonstances le permettront.

Les martyrs n’ont pas répandu leur sang en vain. Ils « sont entrés dans la joie de Marie qui, au pied de la Croix, a pris part à la Passion et à la mort de son Fils et Sauveur. La Reine des martyrs se réjouit avec nous ! » (Jean-Paul II, Ibid.). « Après Marie, écrivait Paul VI, nous rencontrons l’expression de la joie la plus pure, la plus brûlante, là où la Croix de Jésus est embrassée avec le plus fidèle amour, chez les martyrs, à qui l’Esprit-Saint inspire, au coeur de l’épreuve, une attente passionnée de la venue de l’Époux » (GD). Demandons à saint Just de Bretenières de nous obtenir la joie que donne le Saint-Esprit, même au sein des plus douloureuses épreuves de la vie.

Nous vous souhaitons une sainte fête de Noël auprès de Jésus, Marie et Joseph ; nous prions à toutes vos intentions.

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