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29 juin 2016 fête des saints Pierre et Paul, Apôtres |
Turin, 1814. Dans loctave de Pâques, la marquise Juliette de Barolo rencontre une procession accompagnant le Saint-Sacrement que lon porte à un malade. Elle se met à genoux. Tout à coup, au milieu des chants sacrés, une voix stridente crie : « Ce nest pas le viatique quil me faut, mais de la soupe ! » Cette provocation, qui émane dun détenu de la prison centrale toute proche, amène la jeune femme à y entrer. Devant la déchéance à laquelle les prisonniers sont réduits, elle est scandalisée. La visite du secteur des femmes, en particulier, la choque profondément : « Elles se jetèrent pour ainsi dire sur moi, dit-elle, en criant ensemble, et leur état de dégradation me causa une douleur, une honte que je ne puis me rappeler sans une vive émotion Je rentrai chez moi le cur brisé de douleur et sans trop savoir quel moyen il fallait prendre pour améliorer lexistence physique et morale des prisonnières. » Les époux Barolo voient dans cette découverte un signe de la Providence : toute leur vie, ils se dévoueront aux uvres de miséricorde.
Exil en famille
Juliette est née et baptisée le 26 juin 1786, au château de Maulévrier (près de Cholet, en France). Son père Édouard Colbert est ambassadeur de France auprès de lArchevêque-Électeur de Cologne. Il descend du frère cadet du célèbre ministre de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert. Son épouse, Anne-Marie de Quengo, lui donne quatre enfants. La Révolution française va bouleverser la vie de la famille, qui réside habituellement à Bonn, en Allemagne. À partir de 1793, commence pour les Colbert une existence éprouvante et fugitive, qui les mène en Hollande puis en Belgique. Juliette est traumatisée plus encore par le décès de sa mère à Bruxelles, en octobre 1793, puis par la mort de sa grand-mère paternelle, guillotinée en 1794. Lorsque, enfin, Napoléon autorise le retour des émigrés en France, les Colbert trouvent le château familial brûlé, les terres dévastées et leurs habitants réduits à la misère. Cette épreuve sensible ne détourne pas le marquis de son premier devoir : transmettre à ses enfants la foi et la culture chrétiennes. En 1804, à la proclamation de lEmpire, Juliette entre à la cour impériale comme dame dhonneur de la Maison de lImpératrice. Cest dans ces circonstances quelle fait la connaissance du jeune marquis de Barolo.
Dernier descendant de la noble famille piémontaise des Falletti de Barolo, Charles-Tancrède est né le 26 octobre 1782 à Turin. Tancrède se distingue dès sa jeunesse par son intelligence, son amour de la justice et la noblesse de ses sentiments. Il devient un homme pieux, ouvert et attentif aux exigences de son temps. Lorsque Napoléon entreprend, pour donner plus de lustre à sa cour, de battre le rappel de la vieille noblesse française émigrée, ainsi que celle des autres régions sous sa domination, Tancrède doit se rendre à Paris. Il entre dans le corps des Pages, puis devient chambellan de la Maison de lEmpereur.
Tancrède et Juliette découvrent quils possèdent en commun une foi profonde, une vaste culture, le désir de sengager pour améliorer la société. Pourtant leurs tempéraments sopposent : douée dun esprit brillant et prompt à la répartie, elle est impétueuse ; lui, en revanche, est doux, réservé et méditatif. Le mariage est célébré à Paris le 18 août 1806. Limportante fortune des deux familles permet aux jeunes époux de mener une vie insouciante jusquà la chute de Napoléon en 1814. Installés à Turin, ils séjournent souvent à Paris. Au cours de leurs voyages, ils visitent les nouvelles institutions sociales inspirées de lÉvangile. Leur vie est, cependant, douloureusement marquée par la stérilité. Malgré cette épreuve, leur affection mutuelle va se purifier et se fortifier, car elle repose sur les vertus de foi et de charité. Adhérant à la volonté divine, ils acceptent de ne pas avoir denfants et adoptent à leur place les pauvres de Turin ; ils vont connaître ainsi une ample fécondité spirituelle.
« De nombreux couples ne peuvent pas avoir denfants, écrit le Pape François dans lExhortation Amoris lætitia. Nous savons combien de souffrance, cela comporte. Dautre part, nous sommes également conscients que le mariage nest pas institué en vue de la seule procréation. Cest pourquoi, même si, contrairement au vu souvent très vif des époux, il ny a pas denfants, le mariage comme communauté et communion de toute la vie, demeure et garde sa valeur et son indissolubilité. En outre, la maternité nest pas une réalité exclusivement biologique, mais elle sexprime de diverses manières. Ladoption est une voie pour réaliser la maternité et la paternité dune manière très généreuse, et je voudrais encourager ceux qui ne peuvent pas avoir denfants à faire preuve de générosité et à ouvrir leur amour matrimonial en vue de recevoir ceux qui sont privés dun milieu familial approprié. Ils ne regretteront jamais davoir été généreux. Adopter est lacte damour consistant à faire cadeau dune famille à qui nen a pas. Il est important dinsister pour que la législation puisse faciliter les procédures dadoption, surtout dans le cas denfants non désirés, en vue de prévenir lavortement ou labandon. Ceux qui assument le défi dadopter et qui accueillent une personne de manière inconditionnelle et gratuite deviennent des médiateurs de cet amour de Dieu qui dit : Même si les femmes oubliaient les fils de leurs entrailles, moi, je ne toublierai pas (Is 49, 15) » (19 mars 2016, nos?178 et 179).
Les Jardins denfants
Les Barolo accueillent dans leur majestueux hôtel de Turin les enfants que leurs parents délaissent par nécessité ou par négligence. Là est lorigine de ce que lon a appelé les Jardins denfants. Lemploi du temps consiste en leçons de catéchisme, de lecture, prières, jeux, etc. Lobjectif est dinsuffler en ces esprits malléables les principes essentiels de la vie morale, comme la crainte de Dieu, le respect des parents, lobéissance et la franchise. Les maîtresses, qui sont dabord des laïques zélées, seront remplacées par des religieuses en 1832. Deux ans plus tard, les époux fonderont ce qui deviendra la congrégation des Surs de Sainte-Anne de la Providence, destinée à léducation chrétienne de ces enfants.
De son côté, Juliette, qui a découvert toute lhorreur de lunivers carcéral, réussit, malgré lopposition de sa famille, à pénétrer dans les prisons. Les détenues la reçoivent avec des injures et parfois des coups. Sans se décourager, la marquise poursuit ses visites ; on finit par ladopter et lui parler avec calme. Elle passe ses journées avec ces femmes, les catéchise, leur apprend à lire, à prier, à pardonner, à se sanctifier. Profitant de leurs relations, les époux Barolo adressent aux autorités des rapports sur les conditions de vie dégradantes des prisonnières et proposent quelques solutions. Juliette souhaite les rencontrer ; ces visites lui coûtent beaucoup plus que la compagnie des prisonnières. Accueillie dabord froidement et avec une politesse ironique, elle finit par convaincre et acquiert bientôt une véritable autorité. Ainsi, en 1821, les époux Barolo obtiennent louverture dune prison réservée aux femmes. Juliette, qui en est nommée surintendante, y fait aménager une chapelle et prend à sa charge les frais du culte. Les détenues, rendues meilleures par ses instructions et par laffection quelle leur témoigne, expriment leur joie de nêtre plus exclues des cérémonies religieuses. « Mes pauvres enfants, leur dit-elle à cette occasion, Dieu est toujours avec nous, mais cest un grand bonheur de pouvoir prendre part au Saint-Sacrifice que son amour a institué pour la rémission de nos fautes. » Pour la seconder dans cette uvre, la marquise contribue à linstallation à Turin des Surs de Saint-Joseph de Savoie. Sous leur douce et charitable influence, les détenues redoublent de régularité et de libre soumission. Juliette témoigne : « Plusieurs femmes sont mortes en prison, et toutes avec un saint calme et une confiance inébranlable dans la miséricorde divine. Je nen ai vu aucune mourir en impie, et si lirréligion se montre dabord, elle cède peu à peu aux exhortations et aux bons exemples. Jai rencontré beaucoup dignorance, pas dincrédulité ; plus dune fois jai entendu cette exclamation : Grâce à vous, Madame, je suis contente davoir été mise en prison ; jy ai appris à connaître le bien et le mal, et à trouver une consolation dans la religion. »
Les Madeleines
En 1823, le gouvernement piémontais concède aux époux Barolo le droit de fonder, par leurs propres moyens, un foyer daccueil pour danciennes détenues et des prostituées repenties. Confié aux Surs de Saint-Joseph, ce foyer donnera naissance, sous limpulsion de Juliette, à deux communautés : un couvent de religieuses contemplatives, destiné aux repenties qui se sentent appelées à se consacrer à Dieu, les Madeleines ; et pour celles qui, sans embrasser la vie contemplative, ne souhaitent pas pour autant retourner dans le monde, sera fondé un tiers-ordre consacré aux soins des malades dans les hôpitaux, les Oblates de Sainte-Marie-Madeleine.
Tancrède est élu, en 1816, au conseil municipal de Turin. Il en deviendra échevin (conseiller municipal) puis lun des deux maires pour les années 1826 et 1827. Au cours des vingt-deux années de sa fonction dadministrateur municipal, il se fait, entre autres, le promoteur et le soutien des uvres dinstruction et de bienfaisance, dans le but non seulement de secourir les indigents mais de favoriser la justice et la paix sociales. Membre de la commission pour lInstruction publique, il prend en main lorganisation de lenseignement primaire quil confie aux Frères des Écoles chrétiennes. Dautre part, il fait ouvrir des classes élémentaires supérieures jusqualors inexistantes. Approuvées par le gouvernement en 1827, ces écoles sont destinées aux jeunes gens des classes populaires qui cherchent à compléter leur instruction avant de sengager dans la vie active. Leur but est double : dabord restreindre le nombre croissant des élèves qui se pressent dans les collèges sans espoir daccéder par la suite aux études universitaires ; ensuite procurer une culture suffisante et une bonne préparation aux professions artisanales, commerciales, etc. En pédagogue avisé, Trancrède soccupe des règlements, des livres, des examens, des différentes disciplines et de la façon de les enseigner.
Tout en faisant rénover ou construire des églises, des hôpitaux, des écoles, et en travaillant à améliorer les conditions de vie de ses concitoyens, le marquis trouve encore le temps décrire des ouvrages formateurs, en particulier à lintention de la jeunesse. Ces brochures dun style simple sont distribuées gratuitement. Tancrède ne laisse jamais une occasion de susciter chez le lecteur des pensées élevées et édifiantes. Dans les Brèves instructions pour la jeunesse, il écrit : les jeunes « se tourneront avec des prières ferventes et un cur sincère vers leur Père céleste pour quIl les guide avec amour et sans erreur sur le court chemin où ils posent les pieds. Alors, ils Le supplieront de leur accorder soit la faculté de choisir, soit la grâce daccepter une situation qui soit avant tout en accord avec sa volonté. »
Redevenu simple échevin, animé dun religieux respect pour les âmes des défunts, Tancrède offre une somme considérable pour laménagement du nouveau cimetière de Turin. En reconnaissance, il demande seulement que soit réservé un modeste emplacement pour sa famille, et quune inscription invite à prier pour le repos de son âme et de celles des siens.
Une profonde amitié
Juliette, qui donne le meilleur de son temps aux uvres de miséricorde, consacre plus dune heure par jour à loraison et porte un cilice (ceinture de crin portée en esprit de pénitence). Très cultivée, parlant couramment cinq langues, elle charme lélite intellectuelle et politique de Turin quelle reçoit. Par ailleurs, les époux Barolo accueillent le poète Silvio Pellico (1789-1854) à sa sortie de prison. Ce patriote enflammé travaillait à lunité italienne. Considéré par les Autrichiens comme un dangereux révolutionnaire, il fut condamné à la peine capitale, bientôt commuée en une pénible incarcération. Les Barolo deviennent ses bienfaiteurs et lengagent comme bibliothécaire en 1834. Tancrède noue avec lui une profonde amitié. Il confie au poète « quil avait senti en Juliette une perpétuelle impulsion à se perfectionner dans la vertu », et quil la considère comme « la créature la plus naturelle, incapable dorgueil et de mensonge » ; « sil lavait passionnément aimée dès leur première rencontre, il laime de plus en plus ». En 1838, Silvio Pellico, devenu secrétaire de Juliette, laccompagnera dans ses visites aux pauvres et aux maisons de charité.
En 1835, une épidémie de choléra frappe le Piémont, puis Turin. Contrairement à dautres membres de la noblesse qui sempressent de fuir la ville, les époux Barolo, alors à la campagne, rentrent sans attendre. Tancrède organise laide aux malades ; il met sur pied des centres de secours et des infirmeries ouverts de jour comme de nuit. Tourmenté par la crainte que Juliette ne soit contaminée, il lui permet seulement de porter aide et réconfort aux veuves et aux orphelins sans sapprocher des malades contagieux. Plus tard, sa crainte sestompant, il consent à ce que son épouse prodigue elle-même ses soins aux malades. Pendant ces semaines tragiques, où beaucoup de Turinois se signalent par leur courage et leur générosité, les échevins font à la Vierge de la Consolata, patronne de la ville, un vu solennel pour obtenir de la divine miséricorde la fin du choléra. Tancrède en prépare le texte. Le conseil municipal sengagera à restaurer la chapelle souterraine de léglise Saint-André (lactuelle crypte de la Consolata), à ériger sur la place une colonne surmontée dune statue de la Sainte Vierge, à établir la prière des Quarante Heures et à prendre part chaque 30 août pendant sept années consécutives à une Messe daction de grâces à Marie Consolatrice. Le parchemin, sur lequel est consigné le vu, est remis par le conseil municipal à larchevêque au cours dune Messe solennelle. Le vu, ajouté aux prières, obtient la fin de lépidémie qui se limite à quelques cas isolés, pour disparaître bientôt totalement. En récompense du zèle dont ils ont fait preuve, Juliette reçoit la médaille dor de la cité et Tancrède est fait Commandeur des Saints-Maurice-et-Lazare.
Qui partira le premier ?
Cependant, par la suite, la santé des époux Barolo commence à décliner ; celle de Juliette assez gravement selon lapparence, celle de son mari de façon sournoise. Celui-ci déclare un jour à sa femme : « Jai confiance en la Providence, cest moi qui partirai le premier. » Lépidémie de choléra était passée depuis trois ans quand des douleurs lassaillent. Sur lavis des médecins, les époux prennent le chemin du Tyrol pour y jouir de quelque repos. Dès le début du voyage, la santé de Tancrède saltère gravement et on décide de rentrer. À Chiari, près de Brescia, il est à toute extrémité. Le curé du lieu lui donne le sacrement de lExtrême-Onction, ou Onction des malades. Paisiblement, dans les bras de Juliette au comble de laffliction, il entre dans la vraie Lumière, le 4 septembre 1838.
La dépouille du marquis est conduite à Turin. Les autorités, les amis et toute une foule de pauvres gens qui veulent témoigner de leur gratitude accourent pour rendre hommage au défunt. Les obsèques sont célébrées en léglise Saint-Dalmase, en grande simplicité comme il lavait spécifié dans son testament. Seules les prières pour le repos de son âme lui importaient : il avait pris ses dispositions pour que de nombreuses Messes soient célébrées à cette intention et que des aumônes soient distribuées aux pauvres et à des uvres caritatives. Sur sa tombe, Juliette fait graver cette épitaphe : « Il a fait beaucoup de bien à beaucoup de gens, il aurait voulu en faire autant à tous. »
À la mort du marquis, les Colombes ainsi appelait-il les surs de Sainte-Anne, quil avait fondées quatre ans auparavant pour léducation des enfants abandonnés sabritent encore dans un petit nid tiède en attendant de prendre leur envol. Juliette achève de préciser le charisme du jeune institut, et rédige les constitutions, que larchevêque de Turin approuve en 1841. Fin 1845, elle passe six mois à Rome pour obtenir lapprobation du Saint-Siège, qui sera accordée le 8 mars 1846. Dès lors, la congrégation sétend dans toute lItalie puis, à partir de 1871, dans les pays de mission. Juliette sera toujours très affectionnée aux Colombes : elle visite les établissements et se préoccupe des ressources économiques, mais aussi de la vitalité spirituelle des communautés.
Pour léducation des jeunes filles de la haute société, la marquise appelle à Turin les Dames du Sacré-Cur, fondées en France par sainte Sophie Barat (1779-1865), avec qui elle sest liée damitié. De même, elle soutient luvre de saint Joseph-Benoît Cottolengo (1786-1842), fondateur, dans la même ville, de la Petite Maison de la Divine Providence. En 1832, Tancrède, alors administrateur de lhôpital de Moncalieri, avait voulu quune annexe de létablissement soit destinée aux enfants pauvres. Fidèle aux intentions de son mari, Juliette veille sur cette uvre et la fait transférer à Turin. Linauguration a lieu en 1845. Là, des fillettes orphelines ou issues de familles pauvres sont hospitalisées. Juliette fait appel à don Bosco (1815-1888), jeune prêtre, pour en être laumônier, mais également pour assurer la direction spirituelle des jeunes filles du Refuge fondé en 1823. La collaboration entre laumônier et la marquise ne durera que deux ans. Don Bosco, en effet, donne la priorité de son apostolat aux garçons de la rue, quil réunit dans les locaux des uvres de la marquise. Ce voisinage nest pas sans poser quelques problèmes. De plus, don Bosco, qui ne ménage pas ses forces, tombe malade. Comme il naccepte pas de renoncer à soccuper de ses garçons, Juliette est amenée à le congédier. Elle continuera cependant, à soutenir financièrement son uvre, de manière anonyme, par personne interposée.
Un chemin pour monter au Ciel
En 1848, lEurope est de nouveau secouée par des révolutions. À Turin, les manifestations de rue ont pour objectif la formation dun État italien unifié, sans égard pour les droits immémoriaux du Saint-Siège sur les États pontificaux. Les manifestants sen prennent à lÉglise catholique et à ses institutions. La marquise de Barolo est gravement menacée ; on lui conseille de quitter la ville. « Je ne puis transporter avec moi mes cinq cents filles adoptives, réplique-t-elle vivement. Je dois donc rester pour leur servir de mère jusquà la fin. On voudra peut-être me couper la tête ? Eh bien, cela aussi est un chemin pour monter au Ciel. Le Seigneur a donné à ma grand-mère le courage de mourir sur la guillotine, Il ne mabandonnera certainement pas. Ni les menaces, ni les persécutions, ni les tourments ne me forceront à déserter le poste où me retient mon devoir ! » Cette épreuve ne fait quaugmenter en elle la patience et la fermeté. Mais sa sérénité, même lorsque lordre public est rétabli, nefface pas toute crainte pour lavenir.
Soucieuse de préserver tout ce quelle avait entrepris avec son mari, Juliette regroupe lensemble de ses uvres au sein dune institution appelée Opera Pia Barolo, reconnue par décret et dotée de la personnalité civile. Au soir de sa vie, en 1863, la marquise finance en grande partie la construction, dans un quartier populaire de Turin, Borgo Vanchiglia, dune église dédiée à sainte Julie, sa patronne. En octobre, étant à nouveau tombée malade et sentant sa mort proche, elle se prépare avec un grand esprit de foi à paraître devant Dieu ; elle attend ce moment le cur plein despérance, les yeux fixés sur le crucifix, et tenant une image de la Vierge que lui avait envoyée le saint Curé dArs. Elle rend paisiblement son âme à Dieu le 19 janvier 1864. Cest dans le chur de léglise Sainte-Julie que reposent aujourdhui les restes mortels des époux Barolo. Leurs procès de béatification se sont ouverts en 1991 pour Juliette et en 1995 pour Tancrède. Le 5 mai 2015, lhéroïcité des vertus de Juliette a été reconnue ; de ce fait, elle est devenue Vénérable, première étape sur le chemin de la béatification.
Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Mt 10, 8) a dit Jésus. Il a également affirmé : Cest moi qui vous ai choisis
afin que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure
Ce que je vous demande cest de vous aimer les uns les autres (Jn 15, 16-17). Ainsi, les dons que le Seigneur nous fait sont destinés au bien du prochain. Les époux Barolo ont su mettre au service des pauvres les grandes richesses que le Seigneur leur avait données gratuitement. À leur exemple, puissions-nous mettre au service de nos frères les talents qui sont les nôtres, si minimes soient-ils.