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23 septembre 2015 fête de saint Pio de Pietrelcina |
Saint Jean-Paul II a consacré une part importante de son ministère de successeur de Pierre aux personnes qui souffrent et en particulier aux malades. À plusieurs reprises, il sest adressé au monde médical : « Le personnel soignant, disait-il en 1986, na pas seulement une technique à apporter, mais un dévouement chaleureux qui vient du cur, une attention à la dignité des personnes. Restez soucieux de ne pas réduire le malade à un objet de soins, mais den faire le premier partenaire dans un combat qui est son combat. Et, dans les graves problèmes éthiques qui se posent à vos professions, je vous encourage à trouver des réponses exigeantes qui soient conformes à la dignité de la vie du malade, à sa qualité de personne. » Le 25 octobre 1987, le même Pape a canonisé un médecin, Giuseppe (Joseph) Moscati, en qui il a vu « la réalisation concrète de lidéal du laïc chrétien ».
Giuseppe Moscati naît à Bénévent (Campanie, Italie du sud) le 25 juillet 1880, et reçoit le Baptême le 31. Francesco Moscati, son père, brillant magistrat, deviendra conseiller à la Cour dAppel, dabord à Ancône puis à Naples. Il appartient, comme son épouse Rosa de Luca, à la lignée des marquis de Roseto. Joseph est le septième de neuf enfants, mais trois seulement des frères et surs qui le précédent, Gennaro, Alberto et Anna, entourent son berceau. Les Moscati ont éprouvé en effet, durant lannée 1875, la douleur de perdre deux jumelles en bas âge, Maria et Anna, puis celle, plus sensible encore, du décès dune autre petite Maria, âgée de quatre ans. Après Joseph, naissent Eugenio et Domenico qui deviendra plus tard maire de Naples. Francesco Moscati conduit tous les ans sa famille au pays natal, pour des vacances au contact de la nature. Ils assistent tous ensemble à la Messe dans léglise des Clarisses du lieu ; bien souvent Francesco sert lui-même à lautel.
Un désarroi bienfaisant
Le climat familial favorise léclosion dune foi profonde et vécue chez le jeune Giuseppe. Il fait connaissance du bienheureux Bartolo Longo, fondateur du sanctuaire de la Vierge du Rosaire à Pompéi, dont il deviendra le médecin traitant et quil assistera à sa mort. Les Moscati lont rencontré chez Caterina Volpicelli, fondatrice des Servantes du Sacré-Cur, qui sera canonisée par le Pape Benoît XVI, le 29 avril 2009. Francesco et Rosa se sont liés damitié avec elle. La famille Moscati fréquente habituellement, à Naples, léglise des Servantes ; Giuseppe y fait sa première Communion, en la solennité de lImmaculée Conception, le 8 décembre 1888. Deux ans plus tard, il recevra le sacrement de Confirmation. En 1889, il entre au lycée classique Vittorio Emanuele, où il se consacre avec application aux études littéraires. Mais déjà sébauche dans son âme un sens aigu de la précarité de la vie humaine : « Je regardais avec intérêt, écrira-t-il plus tard, lHôpital des Incurables que mon père mindiquait, loin de chez moi, en minspirant des sentiments de pitié pour la douleur sans nom qui y était calmée. Un désarroi bienfaisant semparait de moi, et je commençais à penser à la fragilité de toutes choses, et les illusions tombaient, comme les fleurs des orangeraies autour de moi. » Il était alors bien loin de simaginer quil consacrerait plus tard sa vie aux malades et à la recherche médicale.
Un événement tragique, qui changera le cours de son existence, survient en 1892 : à la suite dune chute de cheval lors dune parade militaire à Turin, son frère Alberto devient épileptique. Giuseppe prend lhabitude de passer de longues heures à son chevet pour le soigner. Mûrit alors en lui la décision de devenir médecin. Le cas, unique dans la famille, ne manque pas de susciter des discussions, mais lui sen tient à sa résolution. En 1897, son père, âgé de 61 ans, meurt des suites dune hémorragie cérébrale, non sans avoir reçu les derniers sacrements. Giuseppe qui vient dobtenir le baccalauréat, sinscrit résolument en faculté de médecine. Les raisons de son choix seront manifestées plus tard dans des propos adressés à ses élèves : « Rappelez-vous quen optant pour la médecine, vous vous êtes engagés à une mission sublime. Avec Dieu dans le cur, persévérez en pratiquant les bons enseignements de vos parents, lamour et la pitié envers ceux qui souffrent, avec foi et enthousiasme, sourds aux louanges et aux critiques, disposés seulement au bien. »
La compétence et la foi
Cependant, un vent de révolution et dathéisme souffle sur la jeunesse estudiantine, et les facultés de philosophie et de médecine en sont à Naples les principaux foyers. Mais tandis que ses camarades manifestent dans les rues, Giuseppe, estimant quune étude sérieuse et approfondie exige tranquillité et sérénité desprit, refuse de se laisser distraire de son travail. De fait, il excellera dans sa profession, et ne cédera rien sur le plan de ses convictions religieuses en dépit du positivisme athée dominant. Le 4 août 1903, âgé seulement de 23 ans, il obtient son doctorat en médecine avec la note la plus élevée et les félicitations du jury. La même année, il réussit le concours de collaborateur extraordinaire à lHôpital des Incurables à cette époque un des hôpitaux les plus réputés dEurope puis, en 1908, le concours dassistant à lInstitut de chimie physiologique. Ses compétences scientifiques suscitent ladmiration : il pourrait ambitionner une brillante carrière universitaire, mais le service des malades lui paraît préférable. En plus de ses engagements en laboratoire, il continue donc de les examiner et acquiert assez vite lextraordinaire capacité dun diagnostic rapide et sûr. Son expérience ne suffit pas à expliquer ce don particulier. Il a des intuitions plus profondes et sa compassion va au-delà du mal physique : « Souvenez-vous, dira-t-il à ses étudiants, que vivre est une mission, un devoir, une douleur ! Chacun de nous doit avoir son propre combat. Souvenez-vous que vous devez vous occuper non seulement des corps, mais aussi des âmes gémissantes qui viennent à vous. »
Saint Jean-Paul II dira, dans le même sens, au personnel soignant : « Vos malades ont besoin dun accompagnement le plus humain possible ; ils ont besoin dun accompagnement spirituel. Vous vous sentez là au seuil dun mystère qui est le leur » (5 octobre 1986).
Giuseppe met en pratique les paroles de Jésus sur lamour du prochain qui se concrétise dans le service, jusquà donner sa vie. Après avoir lavé les pieds de ses disciples, Jésus leur dit, en effet : Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous mappelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Cest un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme jai fait pour vous. Amen, amen, je vous le dis : le serviteur nest pas plus grand que son maître, le messager nest pas plus grand que celui qui lenvoie. Si vous savez cela, heureux êtes-vous, pourvu que vous le mettiez en pratique (Jn 13, 12-17). « Lamour se sacrifie pour les autres, disait le Pape François à des jeunes, le 21 juin 2015. Voyez lamour des parents, de tant de mamans, de tant de papas qui, le matin, arrivent fatigués à leur travail parce quils nont pas bien dormi pour soigner leur enfant malade. Lamour cest cela ! Le respect cest cela ! Ce nest pas faire la belle vie. Cest servir. Lamour est un service. Servir les autres. Quand Jésus, après le lavement des pieds a expliqué son geste aux apôtres, il nous a enseigné que nous sommes faits pour nous servir les uns les autres ; si je dis que jaime, mais ne sers pas lautre, naide pas mon prochain, ne le fais pas avancer, ne me sacrifie pas pour lui, alors ce nest pas de lamour. Vous avez porté la croix [la Croix des Journées Mondiales de la Jeunesse] : nous avons là un signe damour. Cette histoire damour de Dieu par les uvres et le dialogue, le respect, le pardon, la patience durant tant de siècles dhistoire avec son peuple, finit par la mort de son Fils sur la croix : cest le plus grand des services, qui est de donner sa vie, se sacrifier, aider son prochain. »
Au péril de sa vie
En avril 1906, léruption du Vésuve terrorise les populations dalentour. À Torre del Greco, petite ville située à 6 km du cratère, résident de nombreux malades paralytiques ou âgés. Le docteur Moscati les sauve en faisant évacuer leur hôpital au péril de sa propre vie, peu avant lécroulement du toit. Deux jours plus tard, il envoie une lettre au directeur général des hôpitaux de Naples, proposant de récompenser les personnes qui lont aidé, mais il insiste pour quil ne soit fait aucune mention de lui : « Je vous en prie, ne citez pas mon nom, pour éviter de remuer
des cendres ! » Cinq ans plus tard, en 1911, une épidémie de choléra endeuille Naples. Les navires qui arrivent du monde entier dans cette ville portuaire apportent des germes de maladies, et la misère qui règne dans des quartiers aux ruelles sales favorise la contagion. Certes, les progrès de la médecine limitent déjà le nombre des victimes, mais la situation demeure préoccupante. Le Ministère de la Santé publique charge le docteur Moscati de faire des recherches sur les moyens de vaincre le fléau : beaucoup de ses propositions pour lassainissement de la ville sont adoptées.
Toutefois, Giuseppe nabandonne pas la recherche scientifique : il sera lauteur de trente-deux essais publiés dans le monde universitaire. À 31 ans, il est reçu au concours de collaborateur ordinaire des Hôpitaux réunis. Un des membres du jury, le professeur Cardarelli, ébloui par sa prestation, avoue quen soixante ans denseignement il na jamais vu un jeune praticien aussi bien préparé et, à son initiative, lAcadémie royale de médecine chirurgicale le nomme membre agrégé. Toujours en 1911, le Ministère de lInstruction publique lui attribue le doctorat en chimie physiologique et la licence denseignement dans ce domaine.
Le docteur Moscati sest entièrement consacré au Christ dans lexercice de sa profession. Afin de pouvoir être tout à tous, il a fait résolument le choix du célibat. Sa dévotion pour la Vierge Marie il a toujours son chapelet avec lui et ne manque jamais la prière de lAngélus lui donne la force doffrir à Dieu sa chasteté et de la garder comme un trésor. Cependant, il sait aussi conseiller le mariage à ses étudiants, selon ce quécrivait saint Paul : Je voudrais que tous les hommes soient comme moi ; mais chacun reçoit de Dieu son don particulier, lun dune manière, lautre dune autre (1 Co 7, 7-9). Portant toutefois un regard lucide et compatissant sur la fragilité humaine, il invite à la purification du cur : « Oh, si les jeunes, avec leur exubérance, savaient que les illusions damour sont passagères et quelles sont le fruit de la vive exaltation des sens ! Si un ange les prévenait que tout ce qui est impur doit mourir parce que cest mal, alors quils jurent si facilement une fidélité éternelle dans le délire qui les bouleverse, peut-être souffriraient-ils beaucoup moins et seraient-ils meilleurs. »
À? la question : « Comment pouvons-nous expérimenter lamour de Jésus ? », le Pape François répondait, le 21 juin 2015 : « Permettez-moi de vous parler franchement. Sans faire le moraliste, je voudrais dire un mot qui ne plaît pas, un mot impopulaire
Lamour est dans les faits, dans la communication, mais il est très respectueux des personnes, il nutilise pas les personnes : lamour est chaste. À vous, jeunes de ce monde, un monde hédoniste, où seul le plaisir est plébiscité, où ne comptent que vivre bien et faire la belle vie, je dis : soyez chastes, soyez chastes ! Nous avons tous traversé des moments où cette vertu était difficile à tenir, mais cest le chemin à suivre pour aller vers un amour authentique, un amour qui sait donner la vie, qui nessaie pas dutiliser lautre pour son plaisir. Cest un amour qui considère que la vie de lautre est sacrée : je te respecte, je ne veux pas tutiliser. Cela nest pas facile
Pardonnez-moi si je dis une chose à laquelle vous ne vous attendiez pas, mais je vous le demande : faites leffort de vivre un amour chaste ! »
Le plus grand mal
En novembre 1914, madame Moscati se meurt du diabète, incurable à lépoque. Elle reçoit avec une grande dévotion les derniers sacrements et exhorte les siens : « Mes enfants, je meurs contente. Fuyez toujours le péché, qui est le plus grand mal de la vie. » Le professeur Moscati écrira quelques années plus tard : « Je sais que mes parents sont toujours à mes côtés ; je peux sentir leur douce compagnie. » Le diabète demeurera lune de ses préoccupations ; il sera le premier médecin à expérimenter linsuline à Naples et enseignera à un groupe de collègues les modalités du traitement de cette maladie.
LItalie entre en guerre en mai 1915. Giuseppe Moscati se porte volontaire pour aller sur le front, mais sa demande est refusée. LHôpital des Incurables est réquisitionné par larmée, et les autorités militaires confient au Professeur le soin des blessés ; il devient pour eux non seulement le médecin, mais encore le consolateur attentif et affectueux. Il se consacre en outre à la formation des jeunes médecins, car il estime devoir leur transmettre son expérience professionnelle et spirituelle. Lun de ses élèves témoignera : « Il nous révélait son savoir et, jour après jour, il façonnait nos esprits et nos âmes. Il nous parlait de Dieu, de la divine Providence, de la religion chrétienne. Et la joie éclairait son visage lorsque nous le suivions dans les églises de Naples pour assister à la Messe. » Le témoignage loyal de sa foi chrétienne impose autour de Giuseppe le respect, malgré lathéisme déclaré qui prévaut dans le milieu scientifique. Il fait même installer dans la nouvelle salle dautopsie de lInstitut danatomopathologie, quil dirige, un crucifix accompagné dune inscription tirée du prophète Osée (13, 14) : Ero mors tua, o mors (Ô Mort, je serai ta mort). Lors de linauguration, il invite ses collègues « à rendre hommage au Christ, qui est la Vie, revenu après une trop longue absence en ce lieu de mort. » Il puise dans la réception fréquente des sacrements, et spécialement dans son assistance quotidienne à la Messe, laudace de témoigner publiquement de la foi en Jésus-Christ.
Victime du succès
Le professeur Moscati est dailleurs victime de son succès auprès des étudiants, car beaucoup dentre eux préfèrent suivre ses conférences plutôt que dassister aux cours officiels. Des collègues jaloux intriguent pour empêcher son avancement dans la carrière professorale. Lui, pourtant, ne se laisse pas griser par ses brillantes réussites ; il connaît même de fréquents combats intérieurs, spécialement contre la tentation du découragement : « Je lisais dans lautobiographie de la bienheureuse Thérèse de Lisieux une phrase faite pour moi, écrit-il : Mon Dieu, le découragement même est un péché. Oui, cest un péché qui vient de lorgueil, et qui montre que jai pu croire avoir fait par moi-même de grandes choses ! Alors quau contraire nous ne sommes que des serviteurs inutiles (cf. Lc 17, 10). » Bien quétranger à toute perspective de carrière et de gloire humaine, mais désirant continuer à enseigner, il tente en 1922 dobtenir une nouvelle licence. Pensant un moment avoir échoué, et ne sachant plus où est son devoir, il ressent un profond désarroi quil confie à lun de ses anciens maîtres : « Je suis complétement épuisé et déprimé, parce que depuis la guerre jai travaillé sans cesse et éprouvé des émotions très vives
Je passe des nuits blanches et jai perdu la possibilité denseigner [la licence quil croit avoir manquée]. »
« Face à la réalité de léchec, disait à des jeunes le Pape François, vous vous demandez justement : que pouvons-nous faire ? La chose à ne pas faire est certainement de céder au pessimisme et au découragement
Faites confiance à Jésus. Le Seigneur est toujours avec nous. Il vient sur la rive de la mer de notre vie, il se fait proche de nos échecs, de notre fragilité, de nos péchés, pour les transformer
Les difficultés ne doivent pas vous effrayer, mais vous pousser à aller plus loin. Écoutez les paroles de Jésus qui vous sont adressées : Avancez au large et jetez les filets ! (Lc 5, 4) » (22 septembre 2013).
De fait, le professeur Moscati est à bout de forces, mais il ne baisse pas les bras, à limage des Apôtres, qui étaient opprimés de toute manière, mais non écrasés ; dans la détresse, mais non dans le désespoir (2 Co 4, 8). Contre toute attente, il obtient finalement la licence désirée qui lui permet denseigner la médecine clinique à titre privé dans les universités et autres instituts supérieurs. Quelques jours plus tard, il manifeste lesprit qui lanime : « Aime la vérité, écrit-il dans ses notes intimes, montre la personne que tu es, sans feinte et sans peur, sans aucun ménagement. Et si la vérité te vaut la persécution, toi, accepte-la ; si elle tapporte le tourment, toi, supporte-le. Et si pour la vérité, il fallait te sacrifier toi-même et ta propre vie, sois fort dans le sacrifice. » Sa patience dans ladversité savère féconde. Étant lui-même passé par de durs moments de sécheresse et de désolation, il peut encourager en vérité ceux qui traversent de semblables angoisses : « Quoi quil arrive, souvenez-vous que Dieu nabandonne jamais personne. Plus vous vous sentez seul, négligé, méprisé, incompris, plus vous serez près de démissionner sous le poids de graves injustices, plus vous sentirez une force infinie et mystérieuse, qui vous soutiendra et vous rendra capable de bonnes et vigoureuses intentions, et vous serez étonné par ces forces quand la sérénité reviendra. Cette force, cest Dieu ! » Grâce à cette force de Dieu qui se déploie dans la faiblesse et lhumilité (cf. 2 Co 12, 9), Giuseppe Moscati népargne pour les pauvres ni son temps, ni son argent.
Ils ont tout perdu
Il a le don doffrir son aide aux pauvres sans blesser leur sensibilité. Un jour, une femme tuberculeuse et sans ressource saperçoit quavec la prescription médicale Giuseppe a glissé dans lenveloppe un billet de 50 lires. Elle veut le remercier de sa bonté, mais lui proteste : « Pour lamour de Dieu, ne dites rien à personne ! » Appelé au chevet dun cheminot malade, il trouve de nombreuses personnes. Ces cheminots, tous aussi pauvres que le patient, se cotisent pour payer la consultation. Le prêtre qui accompagne le médecin sapprête à les dissuader, sachant bien que cest inutile. Mais le professeur intervient : « Puisque vous êtes en train de recueillir de largent en soustrayant une partie de votre travail si dur, je massocie à votre souscription avec ma quote-part afin que le malade puisse avoir, avec la somme recueillie, les moyens nécessaires pour se soigner. » Et il donne trois billets de 10 lires. On lappelle en vérité le médecin des pauvres parce que lui-même vit pauvrement pour pouvoir mieux secourir ses patients les plus nécessiteux. Il na ni voiture ni cheval, mais se déplace toujours à pied. Quand on linterroge à ce propos, il répond avec vivacité : « Je suis pauvre ; je nai pas les moyens, à cause de mes obligations professionnelles, de faire face à ces frais ! Je vous prie de me croire ! » À sa mort, on pourra lire dans le registre des condoléances cette phrase qui en dit long : « Tu nas pas voulu de fleurs ni de larmes, mais nous, nous pleurons quand même, parce que le monde a perdu un saint, Naples un exemple de vertu ; mais les malades pauvres, ils ont tout perdu ! »
Le mardi saint, 12 avril 1927, de bon matin, le professeur Moscati assiste à la Messe, et y reçoit la Communion. Avant de se rendre à lHôpital des Incurables, il dit à sa sur : « Le professeur Verdinois a été hospitalisé à la clinique du professeur Stanziale : pense aux sacrements
» En fin de matinée, il rentre chez lui, où beaucoup de malades lattendent. À 15 heures, il se sent souffrant, congédie les personnes présentes et se retire dans sa chambre. Il dit à la femme de service : « Je me sens mal
» Quelques instants plus tard, étendu sur le fauteuil, les bras croisés sur la poitrine, il incline la tête et rend paisiblement son dernier soupir. Il a 47 ans.
Jusquau bout, il a donné sa vie à ses patients et sest dépensé sans compter pour lamour du Christ. Lumière pour notre temps, il demeure un témoin de cette sagesse du cur dont parlait le Pape François dans le message du 3 décembre 2014 : « La sagesse du cur consiste à être avec le frère. Le temps passé à côté du malade est un temps sacré, une louange à Dieu, qui nous conforme à limage de son Fils, qui nest pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (Mt 20, 28). Jésus lui-même na-t-il pas dit (Lc 22, 27) : Et moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert ? »