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21 juin 2012 fête de saint Louis de Gonzague |
Informée du fait, la supérieure générale des Surs marcellines remet entre les mains du Seigneur cette découverte insolite. Quelques jours plus tard, Sur Gulfi est prise dhémorragies si graves que lon envisage pour elle une intervention chirurgicale. La Mère générale demande à la malade dinvoquer pendant trois jours le Sacré-Cur de Jésus pour que, par lintercession de Sur Marie-Anne Sala, lopération soit évitée. Trois jours après, Sur Gulfi est hors de danger. Aussitôt, on recueille témoignages et documents sur Sur Marie-Anne. Beaucoup se souviennent delle, de sa vie toute simple, et de ses vertus humblement pratiquées dans les nécessités quotidiennes de sa charge. De nombreuses personnes avaient proclamé, à son décès, quelle était une sainte, en particulier ses Surs et ses anciennes élèves. Aussi, en mai 1931, commence à Milan le procès qui aboutira à la béatification de la Sur le 26 octobre 1980. À cette occasion, le Pape Jean-Paul II mettra en relief trois enseignements tirés de sa vie et de son exemple: «La nécessité de former et de posséder un bon caractère, ferme, sensible, équilibré; la valeur sanctifiante de lengagement dans le devoir assigné par lobéissance; limportance essentielle de luvre pédagogique.»
Marie-Anne Sala est née et a reçu le baptême le 21 avril 1829, à Brivio, en Italie du Nord. Sa famille, qui vit dans laisance, est fidèle aux traditions chrétiennes en cette Lombardie alors province de lAutriche. Marie-Anne est la cinquième de huit enfants. Son père, un homme très croyant, travaille dans le commerce du bois. Par lexemple de leur vie authentiquement chrétienne, les parents Sala orientent leurs enfants vers Dieu, tout en veillant sur eux avec une sage prévoyance. Marie-Anne connaît une enfance heureuse, et fait ses premières études à la maison. La fillette est très douée, dun esprit vif et équilibré. Dès lâge de 13 ans, elle est envoyée au collège établi lannée précédente à Vimercate par les Surs marcellines. La Congrégation des Marcellines a été fondée en 1838 par le directeur spirituel du grand séminaire de Milan, Don Biraghi, et par la Mère Marina Videmari, Milanaise elle aussi. Le but premier de cet Institut est déduquer, à la lumière de la foi chrétienne, des jeunes filles, en leur permettant de suivre un sérieux programme détudes sans pour autant négliger les activités domestiques. La nouvelle famille religieuse sest placée sous le patronage de la sur de saint Ambroise, sainte Marcelline, qui avait reçu à Rome, en 353, des mains du Pape Libère, le voile des vierges consacrées. Dès son entrée au collège, Marie-Anne est en tête de classe; elle étudie avec assiduité jusquà en oublier parfois daller au réfectoire à lheure des repas.
Une précieuse qualité
Lardeur au travail, en elle-même, est une qualité, car «loisiveté est ennemie de lâme» (Règle de saint Benoît, ch. 48). Le travail tient une place importante dans le plan de Dieu sur lhomme: dès lorigine, Dieu a voulu associer celui-ci à luvre de sa création et lui confier la mission de soumettre la terre et de la gouverner avec sainteté et justice, en sorte que le nom même de Dieu soit glorifié par tout lunivers. Le travail permet dassurer sa propre subsistance et celle de sa famille; il est aussi loccasion de sassocier à dautres hommes et de rendre service. Par le devoir détat accompli avec soin et conscience professionnelle, chacun contribue au développement de sa nation et de la société. LÉglise «exhorte les chrétiens à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par lesprit de lÉvangile. En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu Lui-même, et il met en danger son salut éternel» (Vatican II, Gaudium et spes, 43). Certaines personnes ne peuvent pas exercer un travail professionnel à cause de la maladie, du chômage ou de lâge. Il leur est alors suggéré doffrir leur état et leurs souffrances à Dieu, en union à la Passion de Jésus, ce qui peut leur procurer une grande fécondité spirituelle pour le salut des âmes.Le Pape saint Pie X a exposé, dans une très belle prière à saint Joseph, de quelle manière un chrétien peut sanctifier son travail: «Glorieux saint Joseph, modèle de tous ceux qui sont voués au travail, obtenez-moi la grâce de travailler en esprit de pénitence pour lexpiation de mes nombreux péchés; de travailler en conscience, mettant le culte du devoir au-dessus de mes inclinations; de travailler avec reconnaissance et joie, regardant comme un honneur demployer et de développer par le travail les dons reçus de Dieu; de travailler avec ordre, paix, modération et patience, sans jamais reculer devant la lassitude et les difficultés; de travailler surtout avec pureté dintention et avec détachement de moi-même, ayant sans cesse devant les yeux la mort et le compte que je devrai rendre du temps perdu, des talents inutilisés, du bien omis et des vaines complaisances dans le succès, si funestes à luvre de Dieu. Tout pour Jésus, tout pour Marie, tout à votre imitation, patriarche Joseph! Telle sera ma devise à la vie, à la mort. Ainsi soit-il.»
Présence nécessaire
Le 16 novembre 1846, Marie-Anne obtient son diplôme daptitude à lenseignement élémentaire. Percevant clairement lappel du Christ, elle désire entrer aussitôt chez les religieuses qui lont formée; mais le jour même, un cousin vient la chercher pour la ramener à Brivio. Le mauvais état de santé de sa mère, les multiples exigences dune famille nombreuse, les difficultés économiques dues à une escroquerie dont son père a été victime, exigent la présence sereine et prévenante de Marie-Anne à la maison. Sa mère lestime beaucoup et son père puise dans son cur la force du pardon chrétien et le courage nécessaire pour reprendre en main ses activités. Lassiduité de la jeune fille à louvrage est communicative, mais son père proteste quand elle fait laumône à un pauvre: «À présent, dit-il, il faut penser à nous! Il vaut mieux secourir un indigent, lui répond Marie-Anne; Dieu pensera à nous.» En plus du soin de sa famille, Marie-Anne trouve le temps de faire aux enfants la classe et le catéchisme. Avec une de ses surs, elle se rend volontiers à loratoire Saint-Léonard, petit sanctuaire à proximité du village, où lon vénère une Madone. Beaucoup vont y déposer leurs douleurs personnelles; ils reçoivent en échange le réconfort quapporte lespérance chrétienne et, parfois, de grandes faveurs. Leur mère étant tombée malade, les deux jeunes filles y prient tout spécialement la Vierge à son intention. Comme le rappelle un portrait souvenir de la famille Sala, la malade se sent alors guérie, avec la certitude davoir vu, près delle, la Vierge qui la bénissait.Deux ans plus tard, la situation familiale sest considérablement améliorée, et Marie-Anne peut rejoindre le couvent des Marcellines en compagnie de ses deux dernières surs, Geneviève et Lucie, admises comme collégiennes. Après son temps de formation, elle prononce ses vux perpétuels, le 13 septembre 1852. Sa vie se déroule désormais selon les besoins dune Congrégation enseignante. Plusieurs écoles des Marcellines bénéficieront de son apostolat fécond: celles de Cernusco, de la via Amedei, à Milan, de Gênes, de Chambéry en Savoie (durant les vacances automnales) et enfin, celle de Quadronno à Milan, pensionnat qui, à lépoque, est également la maison-mère. Malgré sa sensibilité vive et riche, Sur Sala accueillera toujours avec un esprit docile ces changements qui ne seront pas sans laffecter. Dabord maîtresse de français et de musique dans les classes élémentaires, elle reçoit, en 1868, la charge de vice-supérieure de la Congrégation. Puis elle part pour Gênes. Les parents délèves sont séduits par sa bonté. Les relations que Sur Marie-Anne entretient avec les jeunes filles sont caractérisées par une grande franchise et beaucoup de loyauté. Elle veut la vérité en tout et pour tous.
Tout de suite
Son parfait esprit dobéissance se manifeste à travers la totale dépendance dont elle fait preuve à légard de ses supérieures, et même de ses consurs. «On aurait dit quelle avait fait vu dobéir à toutes les Surs», dit un témoin. Sa généreuse disponibilité envers ses élèves ou quiconque sadresse à elle, est proverbiale. «Je viens tout de suite», tel est le mot dordre de toute sa vie irrévocablement offerte au service des autres. Ce Je viens tout de suite lui fait parfois interrompre les occupations les plus importantes. Ce constant souci de servir ne lui permet même pas de prolonger ses temps de rencontre intime avec le Seigneur, moments pourtant si ardemment désirés par son âme éprise de contemplation. Cette devise exprime sa réponse damour à Dieu dans un très grand esprit dhumilité et de pauvreté.En 1878, Sur Marie-Anne Sala revient à Milan, où, tout en continuant ses tâches éducatives, elle est à la fois assistante générale de la supérieure, chancelière et économe de la Congrégation. Ce changement lui coûte: «Très chère supérieure Catherine, écrit-elle à la supérieure du Collège de Gênes, le 1er novembre 1878, lannonce de ma nouvelle destination mest parvenue hier; leffet quelle a produit sur mon âme, je narrive pas à lexprimer tellement jen suis encore tout étonnée. Mais, assez raisonné! Le Seigneur le veut ainsi, le Seigneur maidera. Est-ce là cette sainte indifférence dont nous parlions? Oh! Jai encore tellement à faire pour lacquérir! Jai honte de moi-même en constatant quau moment même où je me croyais prête à nimporte quel sacrifice, concrètement, ma nature réagit encore si vivement... Et nos chères élèves? Les grandes surtout? Si vous saviez à quel point jen sens la séparation! Je ne savais pas que je les aimais tant...» Toutefois, elle garde sa profonde paix intérieure.
La fondatrice, déjà âgée, lemploie aussi comme secrétaire, si bien quon lappelle bientôt le bâton de vieillesse de la Mère. Celle-ci la consulte souvent et lui confie les tâches délicates. Elle la considère comme une sainte; et, dans sa conviction quil faut mettre les saints à lépreuve, elle ne la ménage guère, la traite sans complaisance et lhumilie. Elle la fait souffrir aussi par la vivacité de son tempérament difficile. Sur Marie-Anne supporte pendant treize ans toutes les sautes dhumeur de la fondatrice. Malgré tout, elle lui reste profondément attachée par les liens du respect et de laffection. Pour elle, devenir sainte est une question de vérité, de fidélité, de cohérence avec ses engagements de baptisée et de consacrée. Elle sy applique très simplement; lascèse quelle simpose est discrète, nattire pas lattention, mais lexerce à pratiquer avec persévérance les vertus les plus ordinaires.
Douceur et bonté difficiles
Sur Marie-Anne se montre également douce et bonne envers ses élèves. Pourtant, à cette époque, marquée en Italie par lanticléricalisme des classes aisées, les jeunes filles se montrent parfois hautaines, insubordonnées, ne supportant ni la moindre contrariété ni la plus petite remarque. Sous linspiration du Saint-Esprit, Sur Marie-Anne comprend que la solution pour exercer une réelle et bonne influence sur ses élèves est de simposer par une culture vaste et sûre; elle ne cesse donc de sadonner à une étude personnelle intense, et acquiert une connaissance très approfondie de la littérature italienne, mais aussi des littératures étrangères, des sciences profanes (physique, chimie, botanique, médecine), et des sciences sacrées (théologie, philosophie, Écriture Sainte). Elle sintéresse à lart, en particulier à la musique, et aux méthodes pédagogiques. Elle se perfectionne aussi en latin et en grec, et parle le français et langlais à la perfection.Elle sadapte aux diverses intelligences, encourageant les meilleures, aidant les moins douées, quelle appelle ses joyaux. Durant sept ans, elle soccupe particulièrement dune enfant attardée. Sa méthode pédagogique semploie à harmoniser lÉvangile et la culture, la foi et la vie. En effet, les personnes consacrées qui se dévouent à léducation des enfants «sont appelées à faire entrer dans le champ de léducation le témoignage radical des biens du Royaume, proposés à tout homme dans lattente de la rencontre définitive avec le Seigneur de lhistoire», comme le faisait remarquer le bienheureux Pape Jean-Paul II (Exhortation apostolique Vita consecrata, 25 mars 1996).
En histoire, par exemple, Sur Marie-Anne montre que la puissance de Napoléon a commencé à décliner lorsque lEmpereur sen est pris au Pape. Commentant le Paradis de Dante, elle allume dans les curs lamour et le désir du Ciel. Expliquant lIliade, elle indique que lidée de Dieu na manqué à aucun peuple.
Elle met en pratique lenseignement de saint François de Sales: «Si vous aimez réellement Dieu, vous parlerez tout naturellement de Lui avec vos voisins et amis, non pas en faisant des sermons, mais avec lesprit de douceur, de charité et dhumilité, distillant autant que vous le pourrez le miel délicieux des choses divines, goutte à goutte, tantôt dans loreille de lun, tantôt dans loreille de lautre, priant Dieu au secret de votre âme de faire passer cette sainte rosée jusque dans le cur de ceux qui vous écoutent. Surtout, il faut faire cet office angélique doucement et suavement, non par manière de correction, mais par manière dinspiration; car cest merveille combien la suavité et amabilité dune bonne parole est une puissante amorce pour attirer les curs» (Introduction à la vie dévote, 3e partie, ch. 26).
Une piété qui sadapte
La tâche de Sur Marie-Anne est souvent ingrate, mais elle ne se décourage pas. En 1869, elle donne à lune de ses surs, devenue, elle aussi, marcelline, ces conseils: «Ne crois pas inutile la fatigue qui na pas immédiatement produit de fruit; aie patience et, avec laide de Dieu, tu pourras gagner beaucoup en travaillant à sa vigne. Si, par hasard, nous trouvons notre charge supérieure à nos forces, gardons-nous bien de perdre la tête: cest alors que nous avons un motif et même le droit dattendre une aide plus grande du Seigneur.» Elle ne transmet pas seulement un savoir intellectuel, pourtant si utile, à ses élèves, mais elle leur inculque également la sagesse et lamour de Dieu. Pour elle, tout se passe en présence de Dieu, très simplement, et par son exemple, elle finit par faire aimer cette piété: «La vraie piété, dit-elle, est un trésor à tout âge et dans toutes les conditions dexistence. Elle sait sadapter aux exigences de la famille et de la société, et se rendre aimable à tous.» Au procès de béatification, une élève déclarera: «En matière déducation, Sur Marie-Anne navait quun seul but: former de vraies chrétiennes qui, par la suite, fonderaient des familles chrétiennes, propageant ainsi le Règne de Dieu.»Sur Marie-Anne désire ressembler à Jésus crucifié, sans rechercher pour autant les pénitences extraordinaires. «Pas besoin, dit-elle, de se flageller. Mais si, chaque jour, nous prenons en paix la croix que Dieu nous envoie, nous pouvons être certaines de notre salut. Même les plus petites peines que nous endurons sont dun grand mérite... Les chagrins, mettez-les à la caisse dépargne du bon Dieu, et vous les retrouverez dans lautre vie (transformés en joies)... Le bois de la Croix sert merveilleusement à allumer le feu sacré de lamour de Dieu.» Elle écrit à une religieuse: «Oh! Ma bonne Geneviève, ne cessons jamais de servir le Seigneur du mieux que nous le pouvons, même quand Il exige des sacrifices, si toutefois nous pouvons nommer ainsi ces petites difficultés que nous rencontrons dans la pratique des vertus. En effet, quest notre souffrance en comparaison de tout ce que Jésus, notre bien-aimé Époux, a souffert parce quIl nous aimait? Ne devrions-nous pas, au contraire, nous réjouir avec le Seigneur, et le remercier quand Il nous offre une bonne occasion de lui prouver notre amour et notre fidélité? Oh, oui! Livrons-nous entièrement au Seigneur et Il nous aidera à devenir saintes» (lettre du 16 octobre 1874). Elle conseille encore: «Chaque jour un pas de plus sur le chemin qui mène au bien et à la vertu, cette courageuse vertu qui se nourrit et se renforce de petits sacrifices si souvent exigés, même dans les meilleures conditions de vie et à lâge le plus heureux.»
Sur Marie-Anne a toujours le Seigneur avec elle. Ses élèves sen aperçoivent, autant pendant les heures de classe, au cours desquelles leur attention et leur cur sont retenus par ses explications toujours si frappantes, que lorsquelles se trouvent près delle à la chapelle pour la prière communautaire, ou quand elles la voient passer dans les couloirs, empressée, prise par mille et une responsabilités, mais surtout le soir, quand dans la pénombre du dortoir, elles lobservent, agenouillée près de son lit, recueillie en un dernier colloque intime avec Jésus crucifié.
Environ huit ans avant sa mort, alors que Sur Marie-Anne vit au pensionnat de Quadronno, à Milan, les premiers symptômes du mal qui doit lemporter se manifestent: une tumeur maligne à la gorge, facilement observable par lenflure de son cou. Sur Marie-Anne porte une écharpe noire pour cacher la déformation qui devient trop voyante. Et quand des douleurs aiguës lobligent à interrompre ses cours, un doux sourire illumine encore son visage serein. Elle prend lhabitude de rire de son mal en surnommant la déformation de son cou: «Mon collier de perles». Elle endure de temps à autre une véritable torture qui lui arrache des larmes: «Excusez-moi, dit-elle alors, jai donné le mauvais exemple. Je serai plus attentive... Le mal maura fait gagner quelque chose pour le Paradis. Là-haut je prierai pour toutes. Comme il sera beau, le Paradis!»
Transfigurée
En octobre 1891, Sur Marie-Anne est obligée din- terrompre son travail. La maladie a eu raison de sa résistance physique et morale. Les jours suivants sont marqués par dextrêmes souffrances. Enfin, le 24 novembre, tandis quà la chapelle on chante les litanies de la Très Sainte Vierge, et que Sur Marie-Anne, toute confiante en Dieu, répète de ses lèvres qui séteignent: «Priez pour moi», à linvocation Reine des Vierges, elle rend doucement son âme à Dieu. Sur son lit de mort, elle semble transfigurée par une nouvelle beauté; même les traces du cancer qui la conduite à la mort ont disparu.Lexemple tout simple de Sur Marie-Anne Sala nous rappelle que nous sommes tous appelés à la sainteté: «Il est donc bien évident pour tous que lappel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité sadresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus dhumanité dans les conditions dexistence. Les fidèles doivent appliquer les forces quils ont reçues, suivant la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que marchant sur ses traces et devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient, de toute leur âme, voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu sépanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat lhistoire de lÉglise par la vie de tant de saints» (Concile Vatican II, Lumen gentium, 40).
Parcourir la voie de lhumilité et de la confiance en Dieu qui peut tout, tel est le message que la bienheureuse Marie-Anne Sala nous transmet par sa vie entière.
Dans laprès-midi du 29 janvier 1920, à Cernusco sul Naviglio, près de Milan, deux Surs de la Congrégation des Marcellines, accompagnées de leur chapelain, assistent à lexhumation de trois religieuses défuntes, en vue de transférer leurs restes au cimetière du couvent. La scène ne promet rien de réjouissant, et cependant... Le temps a fait son uvre sur les corps des deux premières Surs déterrées; mais lorsquil parvient au cercueil de la troisième, Sur Marie-Anne Sala, le fossoyeur le trouve si pesant quil pense que la dépouille mortelle nest pas décomposée. En effet, à louverture de la bière, apparaît, sous le linceul resté blanc comme neige, le corps intact, au visage frais et rosé. Le chapelain, qui na pas connu Sur Sala, en conclut: «Cétait une jeune Sur. Elle ne devait pas avoir plus de trente ans.» Or, à son trépas, Sur Marie-Anne avait 68 ans, et elle était ensevelie depuis 29 ans!
Informée du fait, la supérieure générale des Surs marcellines remet entre les mains du Seigneur cette découverte insolite. Quelques jours plus tard, Sur Gulfi est prise dhémorragies si graves que lon envisage pour elle une intervention chirurgicale. La Mère générale demande à la malade dinvoquer pendant trois jours le Sacré-Cur de Jésus pour que, par lintercession de Sur Marie-Anne Sala, lopération soit évitée. Trois jours après, Sur Gulfi est hors de danger. Aussitôt, on recueille témoignages et documents sur Sur Marie-Anne. Beaucoup se souviennent delle, de sa vie toute simple, et de ses vertus humblement pratiquées dans les nécessités quotidiennes de sa charge. De nombreuses personnes avaient proclamé, à son décès, quelle était une sainte, en particulier ses Surs et ses anciennes élèves. Aussi, en mai 1931, commence à Milan le procès qui aboutira à la béatification de la Sur le 26 octobre 1980. À cette occasion, le Pape Jean-Paul II mettra en relief trois enseignements tirés de sa vie et de son exemple: «La nécessité de former et de posséder un bon caractère, ferme, sensible, équilibré; la valeur sanctifiante de lengagement dans le devoir assigné par lobéissance; limportance essentielle de luvre pédagogique.»
Marie-Anne Sala est née et a reçu le baptême le 21 avril 1829, à Brivio, en Italie du Nord. Sa famille, qui vit dans laisance, est fidèle aux traditions chrétiennes en cette Lombardie alors province de lAutriche. Marie-Anne est la cinquième de huit enfants. Son père, un homme très croyant, travaille dans le commerce du bois. Par lexemple de leur vie authentiquement chrétienne, les parents Sala orientent leurs enfants vers Dieu, tout en veillant sur eux avec une sage prévoyance. Marie-Anne connaît une enfance heureuse, et fait ses premières études à la maison. La fillette est très douée, dun esprit vif et équilibré. Dès lâge de 13 ans, elle est envoyée au collège établi lannée précédente à Vimercate par les Surs marcellines. La Congrégation des Marcellines a été fondée en 1838 par le directeur spirituel du grand séminaire de Milan, Don Biraghi, et par la Mère Marina Videmari, Milanaise elle aussi. Le but premier de cet Institut est déduquer, à la lumière de la foi chrétienne, des jeunes filles, en leur permettant de suivre un sérieux programme détudes sans pour autant négliger les activités domestiques. La nouvelle famille religieuse sest placée sous le patronage de la sur de saint Ambroise, sainte Marcelline, qui avait reçu à Rome, en 353, des mains du Pape Libère, le voile des vierges consacrées. Dès son entrée au collège, Marie-Anne est en tête de classe; elle étudie avec assiduité jusquà en oublier parfois daller au réfectoire à lheure des repas.
Une précieuse qualité
Lardeur au travail, en elle-même, est une qualité, car «loisiveté est ennemie de lâme» (Règle de saint Benoît, ch. 48). Le travail tient une place importante dans le plan de Dieu sur lhomme: dès lorigine, Dieu a voulu associer celui-ci à luvre de sa création et lui confier la mission de soumettre la terre et de la gouverner avec sainteté et justice, en sorte que le nom même de Dieu soit glorifié par tout lunivers. Le travail permet dassurer sa propre subsistance et celle de sa famille; il est aussi loccasion de sassocier à dautres hommes et de rendre service. Par le devoir détat accompli avec soin et conscience professionnelle, chacun contribue au développement de sa nation et de la société. LÉglise «exhorte les chrétiens à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par lesprit de lÉvangile. En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu Lui-même, et il met en danger son salut éternel» (Vatican II, Gaudium et spes, 43). Certaines personnes ne peuvent pas exercer un travail professionnel à cause de la maladie, du chômage ou de lâge. Il leur est alors suggéré doffrir leur état et leurs souffrances à Dieu, en union à la Passion de Jésus, ce qui peut leur procurer une grande fécondité spirituelle pour le salut des âmes.Le Pape saint Pie X a exposé, dans une très belle prière à saint Joseph, de quelle manière un chrétien peut sanctifier son travail: «Glorieux saint Joseph, modèle de tous ceux qui sont voués au travail, obtenez-moi la grâce de travailler en esprit de pénitence pour lexpiation de mes nombreux péchés; de travailler en conscience, mettant le culte du devoir au-dessus de mes inclinations; de travailler avec reconnaissance et joie, regardant comme un honneur demployer et de développer par le travail les dons reçus de Dieu; de travailler avec ordre, paix, modération et patience, sans jamais reculer devant la lassitude et les difficultés; de travailler surtout avec pureté dintention et avec détachement de moi-même, ayant sans cesse devant les yeux la mort et le compte que je devrai rendre du temps perdu, des talents inutilisés, du bien omis et des vaines complaisances dans le succès, si funestes à luvre de Dieu. Tout pour Jésus, tout pour Marie, tout à votre imitation, patriarche Joseph! Telle sera ma devise à la vie, à la mort. Ainsi soit-il.»
Présence nécessaire
Le 16 novembre 1846, Marie-Anne obtient son diplôme daptitude à lenseignement élémentaire. Percevant clairement lappel du Christ, elle désire entrer aussitôt chez les religieuses qui lont formée; mais le jour même, un cousin vient la chercher pour la ramener à Brivio. Le mauvais état de santé de sa mère, les multiples exigences dune famille nombreuse, les difficultés économiques dues à une escroquerie dont son père a été victime, exigent la présence sereine et prévenante de Marie-Anne à la maison. Sa mère lestime beaucoup et son père puise dans son cur la force du pardon chrétien et le courage nécessaire pour reprendre en main ses activités. Lassiduité de la jeune fille à louvrage est communicative, mais son père proteste quand elle fait laumône à un pauvre: «À présent, dit-il, il faut penser à nous! Il vaut mieux secourir un indigent, lui répond Marie-Anne; Dieu pensera à nous.» En plus du soin de sa famille, Marie-Anne trouve le temps de faire aux enfants la classe et le catéchisme. Avec une de ses surs, elle se rend volontiers à loratoire Saint-Léonard, petit sanctuaire à proximité du village, où lon vénère une Madone. Beaucoup vont y déposer leurs douleurs personnelles; ils reçoivent en échange le réconfort quapporte lespérance chrétienne et, parfois, de grandes faveurs. Leur mère étant tombée malade, les deux jeunes filles y prient tout spécialement la Vierge à son intention. Comme le rappelle un portrait souvenir de la famille Sala, la malade se sent alors guérie, avec la certitude davoir vu, près delle, la Vierge qui la bénissait.Deux ans plus tard, la situation familiale sest considérablement améliorée, et Marie-Anne peut rejoindre le couvent des Marcellines en compagnie de ses deux dernières surs, Geneviève et Lucie, admises comme collégiennes. Après son temps de formation, elle prononce ses vux perpétuels, le 13 septembre 1852. Sa vie se déroule désormais selon les besoins dune Congrégation enseignante. Plusieurs écoles des Marcellines bénéficieront de son apostolat fécond: celles de Cernusco, de la via Amedei, à Milan, de Gênes, de Chambéry en Savoie (durant les vacances automnales) et enfin, celle de Quadronno à Milan, pensionnat qui, à lépoque, est également la maison-mère. Malgré sa sensibilité vive et riche, Sur Sala accueillera toujours avec un esprit docile ces changements qui ne seront pas sans laffecter. Dabord maîtresse de français et de musique dans les classes élémentaires, elle reçoit, en 1868, la charge de vice-supérieure de la Congrégation. Puis elle part pour Gênes. Les parents délèves sont séduits par sa bonté. Les relations que Sur Marie-Anne entretient avec les jeunes filles sont caractérisées par une grande franchise et beaucoup de loyauté. Elle veut la vérité en tout et pour tous.
Tout de suite
Son parfait esprit dobéissance se manifeste à travers la totale dépendance dont elle fait preuve à légard de ses supérieures, et même de ses consurs. «On aurait dit quelle avait fait vu dobéir à toutes les Surs», dit un témoin. Sa généreuse disponibilité envers ses élèves ou quiconque sadresse à elle, est proverbiale. «Je viens tout de suite», tel est le mot dordre de toute sa vie irrévocablement offerte au service des autres. Ce Je viens tout de suite lui fait parfois interrompre les occupations les plus importantes. Ce constant souci de servir ne lui permet même pas de prolonger ses temps de rencontre intime avec le Seigneur, moments pourtant si ardemment désirés par son âme éprise de contemplation. Cette devise exprime sa réponse damour à Dieu dans un très grand esprit dhumilité et de pauvreté.En 1878, Sur Marie-Anne Sala revient à Milan, où, tout en continuant ses tâches éducatives, elle est à la fois assistante générale de la supérieure, chancelière et économe de la Congrégation. Ce changement lui coûte: «Très chère supérieure Catherine, écrit-elle à la supérieure du Collège de Gênes, le 1er novembre 1878, lannonce de ma nouvelle destination mest parvenue hier; leffet quelle a produit sur mon âme, je narrive pas à lexprimer tellement jen suis encore tout étonnée. Mais, assez raisonné! Le Seigneur le veut ainsi, le Seigneur maidera. Est-ce là cette sainte indifférence dont nous parlions? Oh! Jai encore tellement à faire pour lacquérir! Jai honte de moi-même en constatant quau moment même où je me croyais prête à nimporte quel sacrifice, concrètement, ma nature réagit encore si vivement... Et nos chères élèves? Les grandes surtout? Si vous saviez à quel point jen sens la séparation! Je ne savais pas que je les aimais tant...» Toutefois, elle garde sa profonde paix intérieure.
La fondatrice, déjà âgée, lemploie aussi comme secrétaire, si bien quon lappelle bientôt le bâton de vieillesse de la Mère. Celle-ci la consulte souvent et lui confie les tâches délicates. Elle la considère comme une sainte; et, dans sa conviction quil faut mettre les saints à lépreuve, elle ne la ménage guère, la traite sans complaisance et lhumilie. Elle la fait souffrir aussi par la vivacité de son tempérament difficile. Sur Marie-Anne supporte pendant treize ans toutes les sautes dhumeur de la fondatrice. Malgré tout, elle lui reste profondément attachée par les liens du respect et de laffection. Pour elle, devenir sainte est une question de vérité, de fidélité, de cohérence avec ses engagements de baptisée et de consacrée. Elle sy applique très simplement; lascèse quelle simpose est discrète, nattire pas lattention, mais lexerce à pratiquer avec persévérance les vertus les plus ordinaires.
Douceur et bonté difficiles
Sur Marie-Anne se montre également douce et bonne envers ses élèves. Pourtant, à cette époque, marquée en Italie par lanticléricalisme des classes aisées, les jeunes filles se montrent parfois hautaines, insubordonnées, ne supportant ni la moindre contrariété ni la plus petite remarque. Sous linspiration du Saint-Esprit, Sur Marie-Anne comprend que la solution pour exercer une réelle et bonne influence sur ses élèves est de simposer par une culture vaste et sûre; elle ne cesse donc de sadonner à une étude personnelle intense, et acquiert une connaissance très approfondie de la littérature italienne, mais aussi des littératures étrangères, des sciences profanes (physique, chimie, botanique, médecine), et des sciences sacrées (théologie, philosophie, Écriture Sainte). Elle sintéresse à lart, en particulier à la musique, et aux méthodes pédagogiques. Elle se perfectionne aussi en latin et en grec, et parle le français et langlais à la perfection.Elle sadapte aux diverses intelligences, encourageant les meilleures, aidant les moins douées, quelle appelle ses joyaux. Durant sept ans, elle soccupe particulièrement dune enfant attardée. Sa méthode pédagogique semploie à harmoniser lÉvangile et la culture, la foi et la vie. En effet, les personnes consacrées qui se dévouent à léducation des enfants «sont appelées à faire entrer dans le champ de léducation le témoignage radical des biens du Royaume, proposés à tout homme dans lattente de la rencontre définitive avec le Seigneur de lhistoire», comme le faisait remarquer le bienheureux Pape Jean-Paul II (Exhortation apostolique Vita consecrata, 25 mars 1996).
En histoire, par exemple, Sur Marie-Anne montre que la puissance de Napoléon a commencé à décliner lorsque lEmpereur sen est pris au Pape. Commentant le Paradis de Dante, elle allume dans les curs lamour et le désir du Ciel. Expliquant lIliade, elle indique que lidée de Dieu na manqué à aucun peuple.
Elle met en pratique lenseignement de saint François de Sales: «Si vous aimez réellement Dieu, vous parlerez tout naturellement de Lui avec vos voisins et amis, non pas en faisant des sermons, mais avec lesprit de douceur, de charité et dhumilité, distillant autant que vous le pourrez le miel délicieux des choses divines, goutte à goutte, tantôt dans loreille de lun, tantôt dans loreille de lautre, priant Dieu au secret de votre âme de faire passer cette sainte rosée jusque dans le cur de ceux qui vous écoutent. Surtout, il faut faire cet office angélique doucement et suavement, non par manière de correction, mais par manière dinspiration; car cest merveille combien la suavité et amabilité dune bonne parole est une puissante amorce pour attirer les curs» (Introduction à la vie dévote, 3e partie, ch. 26).
Une piété qui sadapte
La tâche de Sur Marie-Anne est souvent ingrate, mais elle ne se décourage pas. En 1869, elle donne à lune de ses surs, devenue, elle aussi, marcelline, ces conseils: «Ne crois pas inutile la fatigue qui na pas immédiatement produit de fruit; aie patience et, avec laide de Dieu, tu pourras gagner beaucoup en travaillant à sa vigne. Si, par hasard, nous trouvons notre charge supérieure à nos forces, gardons-nous bien de perdre la tête: cest alors que nous avons un motif et même le droit dattendre une aide plus grande du Seigneur.» Elle ne transmet pas seulement un savoir intellectuel, pourtant si utile, à ses élèves, mais elle leur inculque également la sagesse et lamour de Dieu. Pour elle, tout se passe en présence de Dieu, très simplement, et par son exemple, elle finit par faire aimer cette piété: «La vraie piété, dit-elle, est un trésor à tout âge et dans toutes les conditions dexistence. Elle sait sadapter aux exigences de la famille et de la société, et se rendre aimable à tous.» Au procès de béatification, une élève déclarera: «En matière déducation, Sur Marie-Anne navait quun seul but: former de vraies chrétiennes qui, par la suite, fonderaient des familles chrétiennes, propageant ainsi le Règne de Dieu.»Sur Marie-Anne désire ressembler à Jésus crucifié, sans rechercher pour autant les pénitences extraordinaires. «Pas besoin, dit-elle, de se flageller. Mais si, chaque jour, nous prenons en paix la croix que Dieu nous envoie, nous pouvons être certaines de notre salut. Même les plus petites peines que nous endurons sont dun grand mérite... Les chagrins, mettez-les à la caisse dépargne du bon Dieu, et vous les retrouverez dans lautre vie (transformés en joies)... Le bois de la Croix sert merveilleusement à allumer le feu sacré de lamour de Dieu.» Elle écrit à une religieuse: «Oh! Ma bonne Geneviève, ne cessons jamais de servir le Seigneur du mieux que nous le pouvons, même quand Il exige des sacrifices, si toutefois nous pouvons nommer ainsi ces petites difficultés que nous rencontrons dans la pratique des vertus. En effet, quest notre souffrance en comparaison de tout ce que Jésus, notre bien-aimé Époux, a souffert parce quIl nous aimait? Ne devrions-nous pas, au contraire, nous réjouir avec le Seigneur, et le remercier quand Il nous offre une bonne occasion de lui prouver notre amour et notre fidélité? Oh, oui! Livrons-nous entièrement au Seigneur et Il nous aidera à devenir saintes» (lettre du 16 octobre 1874). Elle conseille encore: «Chaque jour un pas de plus sur le chemin qui mène au bien et à la vertu, cette courageuse vertu qui se nourrit et se renforce de petits sacrifices si souvent exigés, même dans les meilleures conditions de vie et à lâge le plus heureux.»
Sur Marie-Anne a toujours le Seigneur avec elle. Ses élèves sen aperçoivent, autant pendant les heures de classe, au cours desquelles leur attention et leur cur sont retenus par ses explications toujours si frappantes, que lorsquelles se trouvent près delle à la chapelle pour la prière communautaire, ou quand elles la voient passer dans les couloirs, empressée, prise par mille et une responsabilités, mais surtout le soir, quand dans la pénombre du dortoir, elles lobservent, agenouillée près de son lit, recueillie en un dernier colloque intime avec Jésus crucifié.
Environ huit ans avant sa mort, alors que Sur Marie-Anne vit au pensionnat de Quadronno, à Milan, les premiers symptômes du mal qui doit lemporter se manifestent: une tumeur maligne à la gorge, facilement observable par lenflure de son cou. Sur Marie-Anne porte une écharpe noire pour cacher la déformation qui devient trop voyante. Et quand des douleurs aiguës lobligent à interrompre ses cours, un doux sourire illumine encore son visage serein. Elle prend lhabitude de rire de son mal en surnommant la déformation de son cou: «Mon collier de perles». Elle endure de temps à autre une véritable torture qui lui arrache des larmes: «Excusez-moi, dit-elle alors, jai donné le mauvais exemple. Je serai plus attentive... Le mal maura fait gagner quelque chose pour le Paradis. Là-haut je prierai pour toutes. Comme il sera beau, le Paradis!»
Transfigurée
En octobre 1891, Sur Marie-Anne est obligée din- terrompre son travail. La maladie a eu raison de sa résistance physique et morale. Les jours suivants sont marqués par dextrêmes souffrances. Enfin, le 24 novembre, tandis quà la chapelle on chante les litanies de la Très Sainte Vierge, et que Sur Marie-Anne, toute confiante en Dieu, répète de ses lèvres qui séteignent: «Priez pour moi», à linvocation Reine des Vierges, elle rend doucement son âme à Dieu. Sur son lit de mort, elle semble transfigurée par une nouvelle beauté; même les traces du cancer qui la conduite à la mort ont disparu.Lexemple tout simple de Sur Marie-Anne Sala nous rappelle que nous sommes tous appelés à la sainteté: «Il est donc bien évident pour tous que lappel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité sadresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus dhumanité dans les conditions dexistence. Les fidèles doivent appliquer les forces quils ont reçues, suivant la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que marchant sur ses traces et devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient, de toute leur âme, voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu sépanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat lhistoire de lÉglise par la vie de tant de saints» (Concile Vatican II, Lumen gentium, 40).
Parcourir la voie de lhumilité et de la confiance en Dieu qui peut tout, tel est le message que la bienheureuse Marie-Anne Sala nous transmet par sa vie entière.