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17 novembre 2016 fête de sainte Élisabeth de Hongrie |
«À notre humanité désorientée qui ne sait plus trouver Dieu ou qui le défigure, qui cherche sur quelle parole fonder son espérance, Élisabeth de la Trinité donne le témoignage dune ouverture parfaite à la Parole de Dieu », déclarait saint Jean-Paul II, dans son homélie pour la béatification de cette carmélite (25 novembre 1984). Le lendemain, sadressant aux pèlerins, le Pape ajoutait : « Témoin admirable de la grâce du Baptême épanouie dans un être qui laccueille sans réserve, elle nous aide à trouver à notre tour les voies de la prière et du don de nous-mêmes ».
Ce matin du dimanche 18 juillet 1880, au camp militaire dAvor, près de Bourges, langoisse règne autour de la maisonnette où Mme Catez attend son premier enfant : « Jai eu une fille, expliquera-t-elle ensuite, Marie-Élisabeth, condamnée avant sa naissance car les deux médecins qui étaient auprès de moi avaient déclaré à mon mari quil fallait faire le sacrifice du bébé dont le cur ne battait plus ; mais Dieu veillait, et, au dernier évangile de la Messe, que javais demandée à laumônier et qui se célébrait à la chapelle du camp, la petite Élisabeth faisait son entrée dans la vie, très belle, très vivante. »
Une Confession qui marque
Au mois de novembre 1882, la famille Catez sinstalle à Dijon. Le 20 février 1883, naît une deuxième fille, Marguerite, surnommée Guite. Une profonde affection unira les deux surs qui, pourtant, diffèrent par leur tempérament : autant Élisabeth est vive et ardente, autant Guite se montre douce et réservée. Fille et petite-fille dofficier, Élisabeth a, en effet, hérité dun caractère bien trempé. « Enfant, témoignera Guite, Élisabeth était très colère, très vive, impulsive... nature très sensible, très affectueuse, pour laquelle la punition la plus dure était la privation des caresses de sa mère. » Le 2 octobre 1887, M. Catez meurt subitement, dans les bras dÉlisabeth qui na que sept ans. Les ressources financières étant diminuées, Mme Catez et ses deux filles quittent leur villa pour un appartement, toujours à Dijon. La vie reprend, et les colères aussi
Élisabeth essaie de se dominer pour faire plaisir à ses proches. Sa maman lui parle de Dieu, et la petite fille commence à aller au catéchisme : son cur droit et profond est touché ; elle sapplique à soublier pour faire plaisir aux autres et à Jésus. Vers la fin de lannée, elle fait sa première Confession. Ce jour restera dans son esprit comme celui de sa conversion et de son éveil à légard des choses divines. Mère Germaine, la Prieure (supérieure) du Carmel, confirmera : « Élisabeth elle-même ma confié que sa résolution vraiment réfléchie et persévérante de se vaincre dans ses violences date de sa première Confession. »
Au cours des vacances de lété 1888, Élisabeth se trouve à Saint-Hilaire (Aude) en famille. Le curé du lieu, le chanoine Angles, reçoit une confidence de sa part : « Cétait un soir, écrira-t-il en 1907 à Mère Germaine
Élisabeth était parvenue à grimper sur mes genoux. Vite, elle se pencha à mon oreille et me dit : Monsieur Angles, je serai religieuse ; je veux être religieuse ! Je me souviendrai longtemps de ce timbre angélique
et aussi de lexclamation quelque peu irritée de sa mère : Quest-ce quelle dit, la petite folle ?
Mme Catez, anxieuse, me demandait si je croyais sérieusement à une vocation ; et moi, je répondis une parole qui, comme un glaive, transperça son âme : Jy crois ! » Le 19 avril 1891, Élisabeth fait sa première Communion à léglise paroissiale Saint-Michel de Dijon. Sa rencontre intime avec Jésus vivant, présent en son cur, est un instant de grâce et de joie qui produit une nouvelle transformation intérieure. « À partir de ce jour, plus jamais de colère ! », écrira sa mère. Laprès-midi, Élisabeth se rend au Carmel, et Mère Marie de Jésus lui apprend que son nom signifie Maison de Dieu.
Deux mois après, elle reçoit le sacrement de Confirmation. « À partir de ce moment, témoigne une amie, Marie-Louise Hallo, la piété dÉlisabeth saccrut davantage, elle communiait souvent et versait dabondantes larmes après. » Sa mère seffraie dune piété quelle estime trop intense, mais Élisabeth sent grandir en elle la faim de cet Ami qui la nourrit et la fortifie merveilleusement. Jésus est de plus en plus pour elle le Bien-Aimé de lEucharistie. Mais, pendant des années, il ne lui sera permis de communier quune fois ou deux par semaine, selon lusage du temps. Toutefois, elle peut visiter et adorer ce Bien-Aimé présent dans le tabernacle. Elle désire entrer au Carmel, mais sa mère nest pas de cet avis : elle lui interdit de se rendre au parloir du monastère tout proche, et la pousse à découvrir la vie du monde. Élisabeth devient coquette ; elle aime à porter de belles toilettes ainsi que des bijoux, et participe avec entrain aux soirées mondaines, tout en sappliquant à garder la présence de Dieu.
« Mon secret »
Dès lâge de huit ans, Élisabeth était entrée au Conservatoire de musique. Lorthographe restera toujours un peu déficiente chez elle, mais les longues heures passées devant son piano, en compagnie de Chopin, Schumann, Liszt et dautres grands compositeurs, développent son sens profond de la beauté. À treize ans, elle obtient le premier prix du Conservatoire, et, lannée suivante, le prix dexcellence. Elle livrera un jour son secret, en écrivant à une amie : « Je prierai pour Madeleine afin que le bon Dieu lenvahisse jusquen ses petits doigts ; alors, je défie qui que ce soit de rivaliser avec elle. Quelle ne sénerve pas ; je vais lui donner mon secret : il faut quelle oublie tous ceux qui lécoutent et se croie seule avec le Maître divin ; alors on joue pour Lui avec toute son âme, et lon fait sortir de son instrument des sons pleins, à la fois puissants et doux. Oh ! que jaimais à Lui parler ainsi ! » Quand Élisabeth joue, elle est, en effet, avec « lAmi de tous les instants », le Dieu tout Amour qui remplit son cur.
Dans le même temps, Élisabeth participe aux activités de la paroisse : elle enseigne le catéchisme, chante à la chorale, entraîne des jeunes à léglise pour prier pendant le mois de Marie. Mais son désir dêtre tout à Jésus ne cesse de croître. Un matin, à la fin de la Messe, elle reçoit une grâce spéciale : « Jallais avoir quatorze ans, rapportera-t-elle à Mère Germaine, quand un jour, pendant mon action de grâces, je me sentis irrésistiblement poussée à choisir Jésus comme unique époux, et sans délai, je me liai à Lui par le vu de virginité. Nous ne nous dîmes rien, mais nous nous donnâmes lun à lautre en nous aimant si fort, que la résolution dêtre toute à Lui devint chez moi plus définitive encore. » Quelques semaines plus tard, de nouveau au terme de la Messe, une indication lui est donnée : « Il me sembla, dira-t-elle, que le mot Carmel était prononcé dans mon âme. » Mais sa mère ne veut toujours pas accepter sa vocation. Respectant cette volonté, Élisabeth, qui na pas atteint sa majorité légale, sarme de patience. Les poésies quelle écrit, de quatorze à dix-neuf ans, murmurent les noms de son Bien-Aimé Jésus, de son bon ange, des saints du paradis, en particulier de sainte Jeanne dArc, « la vierge quon ne peut flétrir ».
Les vacances se passent souvent en montagne, dans les Pyrénées, le Jura, les Vosges et les Alpes suisses, ou au bord de la mer. Elles donnent loccasion de danser, de jouer de la musique et de faire des excursions. À lâge de dix-huit ans, Élisabeth commence à tenir un journal intime. On y lit, en date du 30 janvier 1899 : « Jai eu aujourdhui la joie doffrir à mon Jésus plusieurs sacrifices sur mon défaut dominant, mais comme ils mont coûté ! Je reconnais là ma faiblesse
Il me semble, lorsque je reçois une observation injuste, que je sens bouillir mon sang dans les veines, tant mon être se révolte
Mais Jésus était dans mon cur et alors jétais prête à tout supporter pour lamour de Lui. » Un jour, sa mère ayant eu connaissance dun bon parti, lui propose de se marier ; mais Élisabeth réaffirme sa volonté dentrer au Carmel. Mme Catez lautorise finalement à rencontrer la supérieure du couvent, mais refuse quelle devienne religieuse avant lâge de sa majorité, vingt et un ans.
« Il est là ! »
Au début de 1899, Élisabeth lit le Chemin de la perfection de sainte Thérèse dAvila. Dans les explications de la Sainte, elle reconnaît ce que le Seigneur lui a déjà enseigné sur loraison. « Cela mintéresse énormément et me fait beaucoup de bien », écrit-elle dans son journal. Elle recherche la présence de Dieu dans son âme, et avoue à une amie : « Il me semble quIl est là. » Le Père Vallée, dominicain quelle rencontre plusieurs fois au Carmel, attise son amour pour Dieu, charité infinie, trop grand Amour (Ep 2, 4) qui nous est offert en Jésus. Puis, il lui rappelle que ce Dieu damour dont elle expérimente déjà la présence, est Père, Fils et Saint-Esprit ; il loriente vers le mystère de la Très Sainte Trinité, en conformité avec cette parole de saint Jean : Si quelquun maime, mon Père laimera ; nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure (Jn 14, 23).
Nous savons que Dieu est Trinité grâce à Jésus qui nous a révélé ce mystère de la vie intime du Créateur. Le Catéchisme de lÉglise Catholique enseigne : « LIncarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est consubstantiel au Père, cest-à-dire quil est en lui et avec lui le même Dieu unique
La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils, et par le Fils dauprès du Père, révèle quil est avec eux le même Dieu unique. Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire » (CEC 262, 263). Cest pourquoi lÉglise affirme : « Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes
Les personnes divines ne se partagent pas lunique divinité mais chacune delles est Dieu tout entier
Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles
Père, Fils, Esprit Saint ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de lêtre divin, car ils sont réellement distincts entre eux
Ils sont distincts entre eux par leurs relations dorigine : Cest le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède » (CEC 253-254). « La fin ultime de toute léconomie divine, cest lentrée des créatures dans lunité parfaite de la Bienheureuse Trinité. Mais dès maintenant nous sommes appelés à être habités par la Très Sainte Trinité » (CEC 260). Ce mystère, dont a vécu Élisabeth, est la lumière de notre vie spirituelle.
En 1900, celle-ci visite lexposition universelle à Paris. Toutefois, elle lui préfère les basiliques du Sacré-Cur de Montmartre et de Notre-Dame-des-Victoires. Au cours des mois qui suivent, Élisabeth traverse une épreuve de sécheresse spirituelle au point quelle se dit « insensible comme une bûche ». Au milieu des fêtes mondaines, pourtant, elle garde la nostalgie du cloître. À une amie, elle montre limportance de lattention à la présence de Dieu : « Dieu en moi, et moi en Lui, que ce soit notre devise ! »
« Puis-je labandonner ? »
Enfin, son entrée au Carmel de Dijon est fixée au 2 août 1901. Le jeudi 1er, Élisabeth passe en prière une partie de la nuit, voulant accompagner le Bien-Aimé dans la solitude de Gethsémani. Mme Catez ne peut dormir. Elle vient sagenouiller près du lit de sa fille. Leurs larmes se mêlent : « Alors, pourquoi me quitter ? Ah ! ma chère maman, puis-je résister à la voix de Dieu qui mappelle ? Il me tend les bras et me dit quIl est méconnu, outragé, délaissé. Puis-je labandonner, moi aussi ?
Il faut que je parte, malgré mon chagrin de vous laisser, de vous plonger dans la douleur ; il faut que je réponde à son appel. » Au début de sa vie religieuse, Élisabeth est favorisée de grâces sensibles : « Que le bon Dieu est bon ! écrit-elle à sa sur. Je ne trouve pas dexpression pour dire mon bonheur
Ici, il ny a plus rien, plus que Lui
On le trouve partout, à la lessive comme à loraison ! » Chaque jour, elle passe plusieurs heures au chur pour loraison silencieuse du matin, loffice, la Messe et encore loraison du soir. Toutefois, elle noublie pas ceux quelle a quittés et elle les retrouve dans son cur auprès de Jésus. Pour vivre avec Dieu, Élisabeth sapplique au silence extérieur et intérieur : « Si mes désirs, mes craintes, mes joies, mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre puissances ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serai pas solitaire : il y aura du bruit en moi. »
Dans un questionnaire récréatif, à la question : « Quel est, selon vous, lidéal de la sainteté ? », elle répond : « Vivre damour. » Et à la question : « Quel est le moyen le plus rapide pour y parvenir ? », sa réponse est : « Se faire toute petite, se livrer entièrement. » On demande aussi : « Quel est le trait dominant de votre caractère ? La sensibilité. » Puis : « Le défaut qui vous inspire le plus daversion ? Légoïsme en général. » Le 8 décembre 1901, la novice prend lhabit du Carmel et reçoit son nom de religieuse : Élisabeth de la Trinité. Peu de temps après, sa facilité pour loraison fait place à la sécheresse. Sur Élisabeth continue à chercher Dieu dans la foi : « La foi me dit quIl est là tout de même, et à quoi bon les douceurs, les consolations ? Ce nest pas Lui. Et cest Lui seul que nous cherchons
Allons donc à Lui dans la foi pure. » Elle écrit encore : « Moi aussi jai besoin de chercher mon Maître qui se cache bien. Mais alors, je réveille ma foi et je suis plus contente de ne pas jouir de sa présence pour Le faire jouir, Lui, de mon amour. »
Luvre du Saint-Esprit
Sur Élisabeth lit les écrits de saint Jean de la Croix, de sainte Catherine de Sienne et de sur Thérèse de Lisieux, jeune carmélite morte peu auparavant (1897) qui la marque profondément ; elle recopiera plusieurs fois son Acte doffrande à lAmour miséricordieux. Mais sa source spirituelle la plus profonde reste le Nouveau Testament. Déjà avant son entrée au Carmel, elle appréciait spécialement lÉvangile de saint Jean ; après sa profession, elle se nourrira des Lettres de saint Paul et en particulier de la Lettre aux Éphésiens. Mère Germaine écrira : « Les plus beaux textes du grand Apôtre appuient les mouvements de son âme contemplative
Élisabeth en découvre le sens profond, sidentifie à cette doctrine substantielle qui la fortifie et alimente son incessante oraison ». Ce travail spirituel se réalise sous linfluence du Saint-Esprit. Les mois qui suivent sont marqués chez la jeune sur par des doutes sur sa vocation ; elle passe par des moments de scrupule et, la veille de sa profession perpétuelle, il faut appeler un prêtre pour laider à dissiper ses doutes. « En la nuit qui précéda le grand jour, affirmera-t-elle, tandis que jétais au chur dans lattente de lÉpoux, jai compris que mon ciel commençait sur la terre, le ciel dans la foi, avec la souffrance et limmolation pour Celui que jaime. » Le 11 janvier 1903, sur Élisabeth fait sa profession, et le 21, fête de sainte Agnès, vierge et martyre, elle prend le voile noir des professes.
Les seize surs du Carmel se réunissent pour les repas, ainsi que pour les deux récréations où lon parle simplement et joyeusement, tout en accomplissant quelque travail manuel. Mais au cours de la journée, chaque sur fait son ouvrage autant que possible dans la solitude. Sur Élisabeth rend différents services, notamment à la roberie. Sur Marie de la Trinité témoigne : « Comme sous-prieure, étant chargée, chaque semaine, de distribuer les offices domestiques, jai pu constater quelle était un vrai trésor en communauté, un de ces sujets auxquels on peut demander tous les services, avec lassurance de lui faire plaisir. »
Élisabeth de la Trinité a toujours nourri une dévotion particulière pour la Vierge Marie. Elle contemple particulièrement le mystère de lAnnonciation : « Je nai besoin daucun effort pour entrer dans ce mystère de lhabitation divine en la Vierge. Il me semble y trouver mon mouvement dâme habituel, qui fut le sien : adorer en moi le Dieu caché. » Le jour de la fête de la Présentation de Marie au Temple, 21 novembre 1904, elle rédige une prière devenue célèbre, que lon retrouvera après sa mort : Ô mon Dieu, Trinité que jadore
Du Carmel, Élisabeth écrit de nombreuses lettres, notamment à sa sur, à qui elle donne rendez-vous à des heures précises pour prier ensemble. Elle rédige également des poèmes et des écrits spirituels. Elle désire partager avec tous ses amis cette expérience de la présence du Dieu-Trinité dans son âme : « Cette meilleure part qui semble être mon privilège en ma bien-aimée solitude du Carmel, est offerte par Dieu à toute âme de baptisé. » Elle écrit à une de ses amies : « Cest si simple. Il est toujours avec nous, soyez toujours avec Lui, à travers toutes vos actions, dans vos souffrances, quand votre corps est brisé, demeurez sous son regard, voyez-le présent, vivant en votre âme. » Selon Élisabeth, il suffit, pour vivre cette réalité, de « faire des actes de recueillement en Sa présence ».
Un nom nouveau
En 1905, un passage de saint Paul la touche profondément : Dieu le Père nous a davance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus-Christ : voilà ce quil a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé (Ep 1, 5-6). Au cours des mois qui suivent, elle médite ce texte et y devine le nom nouveau quelle aura au Ciel : laudem gloriæ (louange de gloire). La louange de gloire devient le centre de sa spiritualité : « Mon rêve, écrit-elle, est dêtre louange de sa gloire. Cest dans saint Paul que jai lu cela et mon Époux ma fait entendre que cétait là ma vocation dès lexil. » Sur Élisabeth commence à signer des lettres avec ces mots Laudem gloriæ. Pour elle, être louange de gloire consiste à refléter la gloire de Dieu, et pour cela, il est nécessaire de soublier, de se dépouiller de tout, et de rechercher le silence. Cet oubli et ce silence favorisent ladoration et la contemplation qui permettent à Dieu de transformer la personne, de restaurer en elle son image et den faire sa louange de gloire.
Dès le pritemps de 1905, Élisabeth commence à ressentir les premiers symptômes de la maladie dAddison, une insuffisance surrénalienne, alors inguérissable et très pénible. Le 19 mars 1906, elle entre à linfirmerie. « Je maffaiblis de jour en jour, écrit-elle, et je sens que le Maître ne tardera plus beaucoup à venir me chercher. Je goûte, jexpérimente des joies inconnues : les joies de la douleur
Avant de mourir, je rêve dêtre transformée en Jésus crucifié et cela me donne tant de force dans la souffrance. » Élisabeth de la Trinité voit dans sa maladie la possibilité de ressembler à Jésus-Christ, qui a voulu Lui-même passer par la souffrance (cf. Lc 24, 26), et ainsi de Lui rendre amour pour amour. Elle appelle donc sa maladie, la maladie de lamour.
L?e dimanche des Rameaux, sur Élisabeth tombe en syncope et reçoit lExtrême-Onction, mais le samedi suivant sa santé saméliore un peu. Elle compose la retraite Le Ciel dans la foi, pour sa sur Guite, puis elle fait sa retraite personnelle. Mère Germaine lui demande décrire, pendant cette retraite, ses bonnes rencontres: le manuscrit sera appelé Dernière Retraite. Elle y développe notamment une méditation sur la Vierge Marie, décrivant celle-ci comme le modèle à suivre dans la vie intérieure mais aussi dans la souffrance. Quelque temps avant de mourir, Élisabeth donne comme testament à une amie : « À la lumière de léternité, lâme voit les choses au vrai point. Oh ! Comme tout ce qui na pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide. Je vous en prie, marquez tout du sceau de lamour. Il ny a que cela qui demeure. » Au cours de lautomne, la maladie saggrave et sur Élisabeth meurt le 9 novembre 1906, après neuf jours dagonie. Ses dernières paroles intelligibles sont : « Je vais à la Lumière, à lAmour, à la Vie ! » Elle a été canonisée par le Pape François, le 16 octobre 2016.
Peu de temps avant sa mort, Élisabeth de la Trinité écrivait : « Cest ce qui a fait de ma vie, je vous le confie, un ciel anticipé : croire quun Être, qui sappelle lAmour, habite en nous à tout instant du jour et de la nuit et quIl nous demande de vivre en société avec Lui. » Son désir le plus cher est de nous attirer dans cette intimité divine : « Il me semble quau Ciel, ma mission sera dattirer les âmes en les aidant à sortir delles pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de simprimer en elles, de les transformer en Lui-même ». Puissions-nous découvrir ce trésor caché et en vivre !