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11 février 2007 Notre-Dame de Lourdes |
Née à Saint-Pierre-sur-Dives en Normandie le 12 août 1874, Marie-Louise Castel est baptisée dès le lendemain. Ses parents, ses frères et soeurs l'entourent d'une grande affection. Elle est la treizième enfant du foyer dont huit sont déjà morts en bas âge. La famille verra fleurir quatre vocations religieuses. Son père, instituteur d'État, n'a pas admis les lois de 1882 sur la laïcisation des écoles, et il garde pour ses élèves la pieuse coutume de la prière du matin. Cette attitude courageuse déplaît à l'Administration. Monsieur Castel, forcé de donner sa démission, s'installe à Paris. La famille aime à prier la Très Sainte Vierge en regardant l'image de Notre-Dame du Perpétuel Secours. Les parents de Marie-Louise professent également une grande dévotion envers la Sainte-Face de Notre-Seigneur. Marie-Louise entend très tôt l'appel à la vie consacrée. À l'âge de 12 ans, elle découvre une prière «Pour demander la lumière sur sa vocation»; elle la récite neuf jours de suite. À la fin de la neuvaine, en priant devant la Sainte-Face, elle reçoit une inspiration qu'elle traduit ainsi: «Qu'elles doivent être heureuses, les Carmélites! Je serai Carmélite!»
«Le Bon Dieu m'appelle et je viens!»
Le 22 juillet suivant, Marie-Louise vient chercher du réconfort au Carmel de Lisieux. Elle est reçue au parloir par la nouvelle Prieure, Mère Agnès de Jésus, soeur de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. De retour à Paris, Marie-Louise apprend qu'elle ne peut revenir au Carmel de l'avenue de Messine avant d'avoir 21 ans. La Prieure, voyant sa peine, lui conseille de demander son admission au Carmel de Lisieux: «L'air natal vous sera plus favorable que celui de Paris». Marie-Louise entre donc au Carmel de Lisieux le 16 juin 1894, non sans avoir fait un dernier tour de manège à la foire! Elle gardera toute sa vie la marque de sa jeunesse parisienne un peu gavroche. Son visage arrondi reste tellement enfantin que Soeur Thérèse l'appellera «sa petite poupée», un surnom qui exprime bien l'affection que Thérèse lui porte; celle-ci, alors jeune Professe de 20 ans, est en effet chargée de l'initier à la vie du Carmel. Marie-Louise reçoit le nom de Soeur Marie-Agnès de la Sainte-Face. Étant la plus jeune novice de Thérèse, elle bénéficie de ses nombreux conseils et devient rapidement sa fervente disciple. Cependant, elle donne bien du travail à Thérèse, qui la traite sans ménagement et ne lui passe aucun caprice. L'échec de la jeune Soeur dans un autre Carmel et ses manières de petite Parisienne ne lui attirent pas les faveurs des Soeurs anciennes. Loin de garder les yeux baissés, comme le demande le règlement du Carmel, elle aime fureter un peu partout. Thérèse lui fait remarquer que son regard ressemble trop à celui d'un «lapin de garenne». Toutefois, la présence au noviciat de ce «titi parisien» en rajeunit l'ambiance.
Grâce à ses progrès jugés suffisants, la postulante peut revêtir à nouveau l'habit du Carmel, le 18 décembre 1894. Soeur Marie-Agnès est encore loin de la perfection. Les remarques ne lui manquent pas! Un jour, découragée, elle s'en va confier à Thérèse: «Je n'ai pas la vocation!» Thérèse se contente d'en rire, et Soeur Marie-Agnès rit aussi de bon coeur. Pour l'aider à se corriger de l'habitude de pleurer pour des riens, Soeur Thérèse emploie une méthode originale: «Prenant sur sa table une coquille de moule, racontera la jeune Soeur plus tard, elle me tenait les mains pour m'empêcher de m'essuyer les yeux. Puis elle se mit à recueillir mes larmes dans cette coquille: mes pleurs se changèrent bientôt en un rire joyeux». Et Thérèse d'ajouter: «Désormais, je vous permets de pleurer tant que vous voudrez, pourvu que ce soit dans la coquille!» Thérèse lui enseigne ainsi l'art d'être heureuse et de sourire en toutes circonstances: «Le visage est le reflet de l'âme, dit-elle, il doit toujours être calme, comme celui d'un petit enfant toujours content, même lorsque vous êtes seule, parce que vous êtes constamment en spectacle à Dieu et aux anges... Jésus aime les coeurs joyeux, Il aime une âme toujours souriante».
L'unique but: Lui faire plaisir
«Vous êtes aimée du Bon Dieu»
Au cours de l'année 1897, l'état de Soeur Thérèse, atteinte de tuberculose, se dégrade; on redoute la contagion, et la Prieure décide que Soeur Marie de la Trinité n'approchera plus la malade. Thérèse écrit quelques courts messages à sa novice afin de l'aider à accepter cette décision: «Je comprends très bien votre peine de ne plus pouvoir me parler, mais soyez sûre que je souffre aussi de mon impuissance et que jamais je n'ai si bien senti que vous tenez une place immense dans mon coeur!» Le 30 septembre, Soeur Marie de la Trinité sera témoin, avec la communauté, des derniers moments de sainte Thérèse et de son beau et long regard extatique au moment où elle «entre dans la Vie». Après la canonisation de Soeur Thérèse en 1925, Soeur Marie de la Trinité écrira: «Je crois bien que c'est la première fois qu'on canonise une Sainte qui n'a rien fait d'extraordinaire: ni extases, ni révélations, ni mortifications qui effraient les petites âmes comme les nôtres. Toute sa vie se résume en ce seul mot: elle a aimé le Bon Dieu dans toutes les petites actions ordinaires de la vie commune, les accomplissant avec une grande fidélité. Elle avait toujours une grande sérénité d'âme dans la souffrance comme dans la jouissance, parce qu'elle prenait toutes choses comme venant de la part du Bon Dieu».
La vie du monastère continue, avec les offices au choeur, les deux heures quotidiennes d'oraison et les activités domestiques. Cependant, Thérèse a laissé une profonde empreinte sur la petite communauté, et en particulier sur Soeur Marie de la Trinité qui trouve dans le souvenir de la Sainte un stimulant pour sa vie spirituelle. D'ailleurs, elle aura toujours le sentiment que Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus l'accompagne au long de son pèlerinage sur la terre. Cette présence l'encourage face au courrier volumineux qui afflue au Carmel à partir de la publication de l'Histoire d'une Âme, l'autobiographie de Thérèse. Soeur Marie de la Trinité se trouve en effet très occupée par ce courrier, qui, de vingt-cinq lettres par jour en 1909, atteindra le millier au moment de la canonisation en 1925.
Le 10 mars 1926, elle écrit à Mère Agnès: «J'ai envie d'aimer le Bon Dieu comme notre petite Thérèse l'a aimé, d'être comme elle la joie de son Coeur!» Très habile, Marie de la Trinité travaille à l'atelier de reliure et à la cuisson des hosties. Changer d'activité constitue sa détente. Elle écrit beaucoup: une concordance des quatre Évangiles, des extraits de l'Ancien Testament, divers épisodes de vies de Saints. Sa gaieté communicative ne s'altère pas. Elle aime souligner l'indulgence et la bonté de Mère Agnès, sa Prieure: «Je vous trouve si miséricordieuse, lui écrit-elle, qu'il me semble que le Bon Dieu ne peut l'être davantage!» Pour faire oraison, il lui suffit habituellement de se rappeler les paroles et les exemples de celle qu'elle avait eu la grâce d'approcher: «Mes souvenirs sur Thérèse, écrit-elle, me suffisent pour mes oraisons et je sais que Dieu ne demande pas autre chose de moi que de marcher dans la «Petite Voie» où elle a guidé mes premiers pas. Tout mon travail est de ne pas m'en écarter, car... il faut une attention soutenue pour y demeurer. Mais, lorsqu'on y est, quelle paix!»
«Du moment qu'on les reconnaît»
En février 1923, Soeur Marie de la Trinité contracte une pneumonie. Peu après, une tache apparaît sur sa tête: c'est un douloureux «lupus» qui atteint progressivement tout le visage et lui donne une physionomie de lépreuse. Loin de s'en attrister, elle est heureuse de reproduire sur son visage la Sainte-Face de Jésus dans sa Passion, qu'elle a contemplée en méditant le prophète Isaïe: La multitude avait été consternée en Le voyant, car Il était si défiguré qu'Il ne ressemblait plus à un homme; Il n'avait plus l'aspect d'un fils d'Adam... Il n'avait ni forme, ni beauté pour attirer nos regards, son extérieur n'avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne; et nous L'avons méprisé, compté pour rien. Pourtant, ce sont nos souffrances qu'Il portait, nos douleurs dont Il était chargé. Et nous, nous pensions qu'Il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'Il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'Il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur Lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris (Is 52, 14 - 53, 5).
«Mon corps, c'est toi!»
De plus en plus courbée, Soeur Marie de la Trinité ne se sépare bientôt plus de sa canne. Malgré ces symptômes prématurés de vieillesse, ses propos gardent toujours un ton enjoué, même lorsqu'ils sont très profonds, tel ce billet du 6 juin 1939: «Mon Dieu, si je devais Vous être un petit peu moins agréable sans mon lupus, je préfère de beaucoup le garder pour Vous être tout à fait agréable». Le 21 juillet 1941, elle écrit au Père Marie-Bernard de la Grande-Trappe: «Le Bon Dieu me fait la grâce de ne pas appréhender l'avenir: je m'abandonne à Lui comme un enfant au meilleur des pères qui fait tout au mieux. Ma grande consolation, c'est de regarder la Face douloureuse de Jésus et de constater quelques traits de ressemblance avec elle. Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus aimait souvent à me rappeler ces paroles d'Isaïe: Il est sans beauté et sans éclat, il n'avait rien qui attirât l'oeil et nous l'avons méconnu, etc. Je m'étonnais alors de son insistance à revenir toujours sur le même sujet. À présent, je crois vraiment que le Bon Dieu l'inspirait pour me dire ces choses qui me feraient tant de bien plus tard». Un Religieux carme, qui l'a rencontrée en 1940, trace d'elle ce pittoresque portrait: «Elle avait alors plus de 65 ans, mais les portait vaillamment malgré le lupus dont elle souffrait sur la moitié du visage. Elle me donna une impression de sainteté et de simplicité que je n'ai pas oubliée. Elle me parla de sainte Thérèse avec une affectueuse et respectueuse vénération dont je suis encore ému».
Vaille que vaille, elle suit les activités de la communauté, assurant son tour de lecture au réfectoire et se rendant à l'office choral appuyée sur son inséparable bâton. Lorsqu'elle ne peut pas suivre l'office des Vigiles, elle se rattrape le lendemain en arrivant la première à l'oraison. Désormais, sa santé décline inexorablement. Elle reçoit les derniers sacrements le 15 janvier 1944, en disant: «Doux et humble Jésus». Dans la nuit du 15 au 16 janvier, on entend ses dernières paroles: «Au Ciel, je suivrai partout la petite Thérèse». Après une courte agonie, elle expire le 16 janvier, fête de Notre-Dame des Victoires, à onze heures du matin.
Coopérateurs privilégiés
Demandons à Soeur Marie de la Trinité de nous obtenir sa docilité à l'égard de la Volonté divine dans les petites choses de chaque jour, afin de consoler le Coeur de Jésus et de Lui gagner de nombreuses âmes.