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31 mai 2002 Visitation de la Très Sainte Vierge Marie |
Henri est né en Italie du Nord, à Gravedona, sur la rive nord-ouest du lac de Côme, le 28 avril 1860. Son père, Dominique, employé d'intendance avant de devenir inspecteur-chef des impôts pour la province de Côme, n'est pas favorable à la religion: il accompagne sa femme jusqu'à l'entrée de l'église mais reste dehors. Sa mère, Sophie, chrétienne exemplaire, est native de Livourne, en Toscane. De ce foyer naquirent cinq enfants. Henri est le second. À la fin de ses études secondaires, Henri, qui ne peut suivre son attrait pour la vie religieuse, en raison de l'opposition de son père, s'inscrit à la Faculté de mathématiques de Pavie. Garçon calme et d'une bonne éducation, il ne reste qu'une année à la Faculté dont l'anticléricalisme lui cause amertume et dégoût.
Revenu à Côme, il fait son service militaire, dans le cadre de l'année de volontariat. Dans les temps libres, il s'isole volontiers dans la prière et les bonnes lectures. Élève de l'École militaire de Milan, il en sort sous-lieutenant de réserve, estimé de ses supérieurs qui l'encouragent à faire carrière dans l'armée. Mais de retour en famille, il préfère suivre des études de comptabilité qui s'achèvent par un diplôme obtenu en 1882 avec d'excellentes appréciations.
Une voie qui ne lui convient pas
Les difficultés d'Henri ne sont pas causées par le choix d'une profession qui corresponde à ses talents et à ses penchants, mais par son attrait persistant pour la vie religieuse, attrait contrarié par une forte opposition de la part de son père. Bientôt, malgré tous ses efforts pour accepter son sort, il tombe dans un état d'abattement moral; il est si maigre qu'il semble sortir de maladie. Enfin, au cours de l'été 1884, le père finit par se «rendre», après de longues discussions avec son fils, et sur l'intervention du Bienheureux Guanella (prêtre instigateur d'oeuvres sociales, béatifié en 1964), qui a fait prier dans tous les monastères de Côme pour cette vocation.
Trois mois après avoir quitté son emploi, Henri s'inscrit à l'université Grégorienne de Rome pour y poursuivre, avec succès, des études ecclésiastiques. Il y conquiert l'estime de ses professeurs. Il reçoit les Ordres mineurs avec la mention: «Conduite édifiante, ayant un très bon esprit d'Église». Vers la fin de l'année 1885, ses parents et sa tante Madeleine, viennent à Rome et sont heureux de le trouver satisfait et serein. Madeleine note dans son journal: «Henri est content et tranquille. Je comprends comment il peut se sentir ainsi. Il est sûr d'être sur le chemin que Dieu lui a préparé».
Sous le pressoir
Henri retourne dans sa famille. Il fait aussi un séjour en clinique. On relève dans le journal de Madeleine les notes suivantes: ce sont «des moments où la main de Dieu s'est appesantie sur nous et nous a plongés dans la douleur... Que de mois de silence et que de souffrances en ce moment. Puisse au moins Dieu y mettre fin et nous rendre notre trésor». Huit ans après, en évoquant cette période, Henri écrira: «Je fus envoyé dans une maison de cure; là Dieu rétablit ma santé en me donnant une totale confiance en son infinie bonté et miséricorde».
Une grande capacité spirituelle
En mai 1887, la crise est résolue, Henri recouvre une pleine santé. Il connaîtra des récidives, mais moins prolongées et moins graves. Les remèdes spécifiques pour ce genre de maladies n'existaient pas à l'époque; l'épreuve a été surmontée par une connaissance progressive plus juste de Dieu, entraînant une relation filiale fondée sur la confiance. Le meilleur trait de la spiritualité de notre bienheureux deviendra désormais la considération de l'océan infini de la miséricorde du Coeur de Jésus, de la tendresse maternelle de notre Mère, la Très Sainte Vierge Marie, que l'Église invoque sous le titre consolant de «santé des malades».
Durant l'été 1887, Henri est employé à l'hôpital de Côme. Mais peu de temps après, on le renvoie aimablement parce que, au lieu de travailler dans son service, il passe son temps dans les salles de l'hôpital, au chevet des malades les plus pauvres, les plus nécessiteux, les isolés, pour lesquels il sacrifie jusqu'au dernier centime dont il peut disposer, et même jusqu'à son linge personnel; il multiplie aussi les visites chez les pauvres et les malades à domicile. Au contact de ces souffrances, naît sa vocation de religieux hospitalier.
Abandonné à Marie
Né au royaume de Naples en 1550 et doué d'une vitalité peu ordinaire, Camille de Lellis embrassa d'abord le métier des armes, mais peu après il sombra dans la débauche, puis fut hospitalisé à l'hôpital Saint-Jacques de Rome. Profondément touché de la misère dans laquelle croupissaient les malades, il se fit infirmier volontaire, puis groupa quelques compagnons qui formèrent «la Compagnie des Serviteurs des Infirmes» ou Camilliens. Atteint lui-même de maux d'estomac et de tête, de calculs, d'ulcères, de furoncles quasi permanents, Camille passait dans les salles, malade parmi les malades, attentif aux besoins de chacun. Il mourut à Rome, le 14 juillet 1614. L'Église l'a proclamé Patron des hôpitaux, des malades, et des Soeurs hospitalières.
Le 27 septembre 1887, Henri Rebuschini, âgé de 27 ans, entre chez les Camilliens à Vérone. La première attitude qu'il se propose d'avoir est celle de l'amabilité. Cette vertu, bien nécessaire, ne lui est pas facile. Il a déjà une expérience du travail professionnel, alors que ses compagnons de noviciat sont encore à l'âge de l'adolescence, aimant la liberté, la détente, le bruit, tournant vite les pensées sérieuses en jeux de mots amusants. Il s'applique donc à adopter un jugement positif sur les autres, malgré leurs défauts ou leurs attitudes irritantes. Cet idéal lui est parfois difficile: «Je me laisse prendre, écrit-il, par des mouvements d'antipathie surtout à l'égard d'un de mes saints compagnons. Parfois, il m'interroge sur mes études, et moi, au lieu de répondre avec douceur, et de ne penser qu'à satisfaire à sa demande avec amabilité, je réponds à cette question avec un esprit tout irrité: «Je voudrais que tu ne me demandes rien»; tout cela est le fruit de l'orgueil joint au manque d'union avec les miens dans l'amour. Je voudrais ne penser à rien d'autre qu'à faire à tout moment le plus grand bien possible». Dans la réalité du quotidien, sa résolution d'amabilité est donc souvent battue en brèche par des tentations de jugements téméraires, des sentiments d'antipathie... Mais il ne se laisse pas abattre par ces combats; il renouvelle son intention de voir dans les autres le temple de Dieu, regarde le crucifix et reprend courageusement le lent travail d'adoucissement du coeur.
Rechutes
Face à ces manifestations dépressives, on serait tenté de penser que le Père Henri était d'un tempérament mélancolique et hésitant. Mais il faut remarquer qu'entre les crises de 1895 et de 1922, s'écoule une vingtaine d'années d'activité normale, au cours desquelles il assume admirablement de lourdes responsabilités, avec une grande générosité. Ensuite, de 1922 jusqu'à sa mort en 1938, pendant encore seize ans, il donne plus que jamais l'impression d'un solide équilibre et d'une pleine sérénité. Le Père Joseph Moar, qui a été son compagnon durant les sept dernières années de sa vie, a affirmé au procès de béatification que c'est seulement par les biographies qu'il a appris les dépressions passées du Père Rebuschini. «Lorsque je l'ai connu, il était absolument équilibré et toujours égal à lui-même. Il ne me serait jamais venu à l'esprit qu'il ait pu avoir des dépressions».
À travers ces souffrances, le Père Henri a pu pratiquer les principes de sagesse chrétienne que le Saint-Père Jean-Paul II donne aux malades: «Chers malades, je voudrais laisser en vos mémoires et en vos coeurs trois petites lumières qui me semblent précieuses. Tout d'abord, quelle que soit votre souffrance, physique ou morale, personnelle ou familiale, apostolique, voire ecclésiale, il importe que vous en preniez lucidement conscience sans la minimiser ni la majorer, et avec tous les remous qu'elle engendre dans votre sensibilité humaine: échec, inutilité de votre vie, etc. Ensuite, il est indispensable d'avancer sur la voie de l'acceptation. Oui, accepter qu'il en soit ainsi, non par résignation plus ou moins aveugle, mais parce que la foi nous assure que le Seigneur peut et veut tirer le bien du mal. Enfin, le plus beau geste reste à faire: celui de l'oblation. L'offrande, effectuée par amour du Seigneur et de nos frères, permet d'atteindre à un degré, parfois très élevé, de charité théologale, c'est-à-dire de se perdre dans l'amour du Christ et de la très Sainte Trinité pour l'humanité. Ces trois étapes vécues par chacun des souffrants, selon son rythme et sa grâce, lui apportent une libération intérieure étonnante. N'est-ce pas l'enseignement paradoxal rapporté par les Évangiles: Celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera?» (Message aux malades: Lourdes, 15 août 1983).
On ne pouvait résister
Le succès du Père Rebuschini auprès des âmes s'explique par son union à Dieu, spécialement par la pieuse célébration de la Sainte Messe, la fervente récitation du bréviaire, l'adoration du Saint-Sacrement et un remarquable amour de la Très Sainte Vierge. Ses génuflexions sont empreintes d'un grand respect. À l'élévation de l'hostie, lors de la Messe, il s'arrête un moment en adoration. Le Notre Père, qui nous fait prier avec les paroles même de Jésus, lui semble le moment le plus émouvant du Saint-Sacrifice.
Au début de mai 1899, le Père Henri est envoyé au couvent de Crémone. La première charge qui lui est confiée est celle d'aumônier des Soeurs camilliennes. L'année suivante son Supérieur le nomme de plus, économe de son couvent. Homme de vie intérieure et de prière, le Père Henri remplit cette charge qui n'est pas dans ses goûts, afin d'accomplir la volonté de Dieu. Il n'a à sa disposition ni bureaux, ni secrétariats. Cependant, il peut s'appuyer sur la collaboration de Frères actifs et intelligents. En temps ordinaire, il lui faut acheter les divers produits, réparer les pannes d'eau ou d'électricité, assurer le fonctionnement du bloc opératoire de la clinique, rentabiliser le potager, le poulailler, surveiller l'évolution du vin dans les caves, préparer les enveloppes de salaires. Mais les travaux extraordinaires ne manquent pas au fil des années: rénovation de la cuisine, raccordement au réseau électrique de la ville, réfection des toitures, installation du chauffage central, sans compter les difficultés dues à la faillite de la banque où se trouvent les modestes économies de la communauté...
Optimiste, par principe
Attentifs à ceux qui souffrent
C'est par l'intercession du Bienheureux Henri Rebuschini que nous prions pour vous, pour ceux qui vous sont chers, pour tous ceux qui se trouvent confrontés à des faiblesses ou à des maladies nerveuses, fréquentes dans le monde actuel, et à toutes vos intentions.