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13 avril 2003 Dimanche des Rameaux |
Le 16 septembre 1647, Benoîte Rencurel vient au monde dans la petite commune de Saint-Etienne d'Avançon (Alpes du Sud). Ses parents sont de bons catholiques, vivant modestement du travail de leurs mains. À la naissance de Benoîte, ils ont déjà une fille, Madeleine; une troisième, Marie, naîtra quatre ans plus tard. Le père, Guillaume Rencurel, meurt alors que Benoîte, pleine de vie et de gaieté, a sept ans. Pour la veuve et ses trois filles, cette disparition entraîne la misère matérielle. Il n'y a pas d'école à Saint-Etienne d'Avançon; aussi Benoîte ne saura-t-elle jamais lire ni écrire. Sa seule instruction vient du sermon de la Messe dominicale; elle y apprend que Marie est la toute miséricordieuse Mère de Dieu, ce qui éveille en elle le désir de la voir. Benoîte, âme contemplative, aime à prier longuement.
«Je m'appelle Dame Marie»
Quatre mois durant, la Dame se fait voir chaque jour, conversant très familièrement avec la jeune fille. Pour la préparer à sa mission future, elle l'éduque, corrigeant sa vivacité et sa brusquerie, son entêtement et son attachement aux choses et aux animaux. Benoîte raconte ses visions à sa patronne, qui d'abord ne la croit pas, mais qui, un beau matin, la suit secrètement au vallon des Fours. Là, elle ne voit pas la Dame, mais elle entend les paroles que celle-ci adresse à Benoîte. Or, l'apparition demande à la bergère d'avertir sa patronne des dangers que court son âme: «Sa conscience est en mauvais état. Qu'elle fasse pénitence!» Touchée, celle-ci se corrige, se remet à fréquenter les sacrements et vit le reste de ses jours très chrétiennement. Le 29 août, Benoîte demande à la visiteuse son nom, et s'entend répondre: «Je m'appelle Dame Marie». Mais en même temps, la Vierge lui annonce que les apparitions cesseront pendant un temps indéterminé. De fait, Benoîte passe un mois sans voir la Dame; cette absence, en la privant des consolations sensibles, contribue à purifier son âme.
Enfin un matin, à la fin de septembre, la bergère, qui a arrêté ses moutons et ses chèvres au bord d'une rivière, aperçoit, face à elle, éclatante comme un beau soleil, Dame Marie. Elle se hâte de la rejoindre. Mais le vieux pont de bois qui franchit la rivière est brisé. Elle passe le cours d'eau en montant sur le dos d'une grosse chèvre. Arrivée près de l'apparition, elle demande: «Ma bonne Dame, d'où vient que vous m'avez privée si longtemps de l'honneur de vous voir? Désormais, quand vous voudrez me voir, vous le pourrez dans la chapelle qui est au lieu du Laus», répond la Dame, en lui indiquant le chemin à suivre. Le lendemain, Benoîte se rend au hameau du Laus et arrive à la petite chapelle. Elle entre aussitôt et voit sur l'autel la Vierge Marie qui la félicite d'avoir bien cherché sans s'être impatientée. Ravie de revoir Notre-Dame, Benoîte est confuse de constater la pauvreté et la malpropreté du lieu; elle propose de couper son tablier en deux, afin de mettre une nappe sous ses pieds. La Dame lui répond que dans peu de temps, il n'y manquera rien: elle y verra linges, cierges et autres ornements; elle ajoute qu'elle veut faire bâtir une église en son honneur et en celui de son très cher Fils; beaucoup de pécheurs et de pécheresses s'y convertiront. Pendant l'hiver 1664-1665, Benoîte monte au Laus très souvent; chaque jour, elle voit la Vierge qui lui recommande «de prier continuellement pour les pécheurs». Notre-Dame nous donne à entendre par là que les pécheurs se trouvent dans un état pitoyable. Dieu est offensé par leurs fautes, mais Il veut leur prodiguer sa miséricorde, qui ne peut être acceptée que librement. La nouvelle des apparitions se propage parmi les villageois, à la faveur des veillées, les soirs d'hiver. Dès la Saint-Joseph (19 mars), les pèlerins accourent à Notre-Dame du Laus. Beaucoup ont obtenu des grâces par son intercession; ils viennent pour se confesser et prendre la résolution de changer de vie.
Le médecin qui sonde la plaie
Dieu a donné à l'homme la liberté pour L'aimer et Le servir. Le péché, qui est un abus de cette liberté, consiste en tout acte, parole ou désir contraire à la loi de Dieu. Toutefois les péchés n'ont pas tous la même gravité. On distingue péché mortel (ou grave) et péché véniel. Le péché véniel refroidit l'amour de Dieu en nos coeurs sans nous priver de la vie de la grâce.Le péché mortel, en tant qu'infraction grave à la loi de Dieu (par exemple le blasphème, l'idolâtrie, l'irréligion, l'hérésie, le schisme, le parjure, l'avortement, la contraception, l'adultère, la fornication), détourne l'homme de son Créateur, auquel le pécheur préfère un bien créé. Pour qu'un péché soit mortel, une matière grave ne suffit pas; il est requis également que l'acte soit accompli avec pleine connaissance et de propos délibéré. «Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l'amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c'est-à-dire de l'état de grâce. S'il n'est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l'exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l'enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour» (CEC 1861). L'Apôtre saint Jean décrivait ainsi le sort de ceux qui meurent en état de péché mortel: Pour les lâches, les incrédules, les dépravés, les meurtriers, les impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les hommes de mensonge, leur part est dans l'étang brûlant de feu et de soufre: c'est la seconde mort (Ap 21, 8). Cette vérité prend d'autant plus de relief que, pour chaque être humain, la mort est une certitude, et qu'après la mort, chacun de nous sera jugé. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive ce qu'il a mérité, soit en bien soit en mal, pendant qu'il était dans son corps (2 Cor 5, 10). Or, après la mort il n'y aura plus de temps pour se convertir. C'est donc maintenant qu'il faut faire pénitence. «Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels» (Saint François d'Assise).
Une huile miraculeuse
Notre-Dame s'est révélée au Laus comme la réconciliatrice et le refuge des pécheurs. Aussi donne-t-elle des signes pour convaincre ceux-ci de la nécessité de se convertir. Elle annonce alors à Benoîte que l'huile de la lampe de la chapelle (qui brûle devant le Saint-Sacrement), opérera des guérisons sur les malades qui s'en appliqueront, s'ils ont recours à son intercession avec foi. De fait, de nombreuses guérisons sont enregistrées en peu de temps: une enfant retrouve l'usage d'un oeil; une personne est guérie d'un ulcère à la main. Encore de nos jours, des miracles se produisent chez des personnes qui, confiantes en l'intercession de Notre-Dame, se servent avec dévotion de l'huile du Laus.
Une planche de salut
Cette obligation n'est pas un poids imposé aux pénitents de manière arbitraire, mais un moyen de libération pour retrouver la paix du coeur. Si, par le péché, nous nous sommes détournés de notre Père du Ciel, le sacrement de pénitence nous permet de revenir vers Lui, de nous jeter dans ses bras miséricordieux. La confession est ainsi l'occasion de retrouvailles amoureuses entre l'enfant et son Père. «Ce n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour Lui demander pardon, mais c'est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à Lui», disait le saint Curé d'Ars. «Pour recevoir le sacrement de pénitence, il faut trois choses, ajoutait le même saint: la Foi qui nous découvre Dieu présent dans le prêtre, l'Espérance qui nous fait croire que Dieu nous donnera la grâce du pardon, la Charité qui nous porte à aimer Dieu, et qui met au coeur le regret de L'avoir offensé». Benoîte encourage aussi les confesseurs à avertir les pénitents de ne s'approcher de la Sainte Communion qu'après une bonne confession, préparée par un examen de conscience à la lumière des dix Commandements et du Sermon sur la Montagne. En effet, «celui qui a conscience d'avoir commis un péché mortel ne doit pas recevoir la Sainte Communion, même s'il éprouve une grande contrition, sans avoir préalablement reçu l'absolution sacramentelle» (CEC 1457).
La tâche de Benoîte n'est pas facile; la Vierge lui demande d'admonester les femmes et les filles qui mènent une vie scandaleuse, allant parfois jusqu'à l'infanticide, les gentilshommes injustes ou pervers, les prêtres et les religieux infidèles à leurs engagements sacrés. Mais la voyante s'en acquitte bien. Elle encourage les pénitents, avertit ceux qui n'osent confesser leurs péchés, et les oriente vers un confesseur approprié. «En célébrant le sacrement de la Pénitence, le prêtre accomplit le ministère du Bon Pasteur qui cherche la brebis perdue, celui du Bon Samaritain qui panse les blessures, du Père qui attend le fils prodigue et l'accueille à son retour, du juste juge qui ne fait pas acception de personnes et dont le jugement est à la fois juste et miséricordieux. Bref, le prêtre est le signe et l'instrument de l'amour miséricordieux de Dieu envers le pécheur» (CEC 1465). Surtout, Benoîte se sacrifie pour les pécheurs et prie pendant qu'ils se confessent. Pour réparer leurs péchés et leur obtenir des grâces, elle s'adonne à des pénitences sévères au point de compromettre sa santé.
Un temps propice pour se réconcilier
Entre 1669 et 1679, Benoîte est favorisée de cinq apparitions du Christ qui se révèle à elle dans un état de souffrance. Un vendredi de juillet 1673, le Sauveur tout ensanglanté lui dit: «Ma fille, je me fais voir en cet état afin que vous participiez aux douleurs de ma Passion». Le Seigneur Jésus, en effet, veut associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires (cf. CEC 618). Saint Pierre nous avertit: Il a souffert pour nous, Il nous a tracé le chemin afin que nous suivions ses pas (1 P 2, 21). Le temps de la Passion nous rappelle que ce sont nos péchés qui ont fait subir à Notre-Seigneur le supplice de la Croix. «À coup sûr, ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal crucifient de nouveau dans leur coeur, autant qu'il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion (He 6, 6)» (CEC 598). Mais, par sa mort, le Christ nous libère du péché, et par sa Résurrection, Il nous ouvre l'accès à une vie nouvelle. Ainsi, Pâques est-il un temps propice pour recevoir le sacrement de Pénitence et se réconcilier avec Dieu.
«Elle est la cause que je perds tant d'âmes!»
Après vingt ans de calvaire, Benoîte peut de nouveau exercer sa mission dans la paix; une foule de pèlerins vient à elle. Mais tant d'austérités et d'épreuves ont eu raison de sa santé. Alitée depuis plus d'un mois, elle reçoit le saint Viatique le jour de Noël 1718. Trois jours plus tard, elle se confesse et reçoit l'Extrême-Onction, avec grande consolation. Vers huit heures du soir, Benoîte dit adieu à ceux qui l'entourent, puis, ayant baisé un crucifix, les yeux levés au Ciel, elle décède dans la paix et va rejoindre au Ciel son Époux Jésus et sa Très Sainte Mère Marie. La cause de béatification de la Servante de Dieu Benoîte Rencurel, introduite en 1871, a récemment été reprise en main par le diocèse de Gap. Après avoir été administré successivement par les Pères gardistes, les Oblats de Marie Immaculée et les Missionnaires de Notre-Dame du Laus, le sanctuaire est aujourd'hui confié au clergé diocésain, avec l'assistance d'une communauté de Frères de Saint-Jean. Le sanctuaire du Laus est un centre spirituel qui, fidèle à sa mission, accueille des pèlerins venus se mettre sous la protection maternelle de Marie et recevoir le sacrement du pardon.
Demandons à la Mère de Miséricorde de renouveler chez les chrétiens l'estime et la fréquentation de ce sacrement qui est un moyen privilégié, institué par le Sauveur lui-même, pour recouvrer la grâce de Dieu et la paix de l'âme.