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1 octobre 2003 Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face |
Le 20 septembre 1801, dans l'ancien monastère de Sainte-Claire, à Carignano, en Piémont (Italie), non loin de Gênes, des ouvriers fouillent des tombes sous le pavement, espérant y trouver des objets de valeur ou tout au moins du plomb. Dans un cercueil, ils découvrent le corps absolument intact d'une femme. L'inscription révèle qu'il s'agit de Virginie Centurione, épouse de Gaspard Bracelli, morte à 65 ans le 15 décembre 1651, c'est-à-dire cent cinquante ans plus tôt. L'autorité civile, passablement anticléricale (le Piémont est alors sous la domination de Napoléon) s'efforce de tempérer l'enthousiasme que cette merveilleuse découverte suscite dans la population génoise. Le notaire Piaggio est chargé de démontrer scientifiquement que la conservation de ce corps résulte d'un embaumement. Mais lorsqu'il trouve le cadavre souple et flexible, Maître Piaggio abandonne l'examen et avise les soeurs de Bessagno que les restes de leur fondatrice ont été identifiés. Cet acte de sincérité, considéré par le gouvernement comme une trahison, lui vaut d'être rayé de la liste des notaires. Ne pouvant désormais exercer son métier, il accepte de vivre dans la plus grande pauvreté et s'emploie à rechercher les souvenirs concernant la défunte, en vue de sa glorification.
Née le 8 avril 1587, Virginie Centurione appartient à la riche noblesse génoise tant par sa mère que par son père. Celui-ci a exercé des responsabilités à la bataille de Lépante (1571) puis à la Diète de Ratisbonne (1582); après avoir rempli la charge d'ambassadeur à Madrid en 1599, il devient doge de Venise pour les années 1621 et 1622. Femme extraordinaire par sa piété, son intelligence, et sa beauté, Virginie souhaite se consacrer à Dieu dans la vie religieuse, mais, à l'âge de quinze ans, on la contraint à épouser un autre noble, Gaspard Bracelli, âgé de dix-neuf ans. Malgré la naissance de deux filles, Lelia et Isabelle, le ménage n'est guère heureux. Le mari ne songe qu'au jeu et au plaisir, au point de devenir victime de sa vie dissolue. Les médecins l'envoient se soigner à Alexandrie (Italie), sous un meilleur climat.
Le père de Virginie conseille alors à sa fille de se séparer de son mari, mais elle refuse et rejoint celui-ci. Le dévouement de son épouse touche le coeur de Gaspard qui se convertit et meurt chrétiennement à vingt-quatre ans, laissant une veuve de vingt ans. Malgré les instances de sa famille, Virginie refuse énergiquement de se remarier. Elle s'occupe de l'éducation de ses deux filles. Isabelle aura vingt et un enfants, dont dix se consacreront au service de Dieu; elle-même finira ses jours comme moniale. Quant à Lelia, elle mourra assez jeune et ses deux filles entreront en religion.
Se divertir, ou sauver les âmes?
Cette intervention de la Très Sainte Vierge Marie en faveur des pauvres nous montre que sa mission de «servante» du Seigneur n'est pas achevée. «Après son Assomption au ciel, le rôle de la Sainte Vierge dans le salut ne s'interrompt pas: par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel... Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la patrie bienheureuse» (Vatican II, Lumen gentium, 62). L'Église exprime sa foi en cette vérité en invoquant Marie sous les titres d'Avocate, d'Auxiliatrice, de Secourable, de Médiatrice.
«Tu resteras avec moi»
Le patrimoine de Virginie n'est cependant pas inépuisable: sans hésiter, la noble dame va mendier dans les rues, les magasins et les palais afin de nourrir ses protégées. En 1633, alors que ses protégées sont plus de deux cents, elle loue à son gendre, le mari de Lelia, un autre palais qui appartenait autrefois à son propre mari, sur la rive du torrent de Bisagno: d'où le nom de «Filles de Bisagno» donné aux jeunes filles qui y habitent. Une troisième maison, ouverte par la suite à Carignano, devient en quelque sorte la Maison-Mère. La fondatrice y possède sa chambrette meublée d'une vieille armoire, d'un prie-Dieu, de deux tabourets, d'un bureau et, en guise de lit, de deux tréteaux supportant quelques planches.
Le nombre des enfants recueillis atteignant bientôt les cinq cents, Virginie ne peut à elle seule administrer une telle communauté; le Sénat de la République de Gênes nomme des protecteurs particulièrement charitables, trois d'abord, puis un quatrième, Emmanuel Brignole. À cette époque, imitant sainte Catherine de Gênes (1477-1510), Virginie commence à envoyer ses plus grandes filles soigner les malades à l'hôpital Pammatone. Plus tard, lors d'une épidémie, en 1656-1657, cinquante-trois d'entre elles mourront victimes de leur dévouement.
Vers 1644, Virginie rédige à leur intention des constitutions: elles observeront l'Évangile à la perfection, et travailleront à la conversion des pécheurs par le moyen de la prière, de la mortification et du service des malades. Enthousiaste admirateur de la fondatrice, Emmanuel Brignole organise la vie de travail, d'étude, d'éducation religieuse, de soins domestiques de la maison. Il s'y adonne avec tant de zèle que les «Soeurs de Notre-Dame du Refuge sur le Mont Calvaire» sont appelées par le peuple, les «Brignolines».
Retirée dans la maison de Carignano, Virginie Centurione quitte cette terre pour le Ciel le 15 décembre 1651, et elle est inhumée le lendemain dans l'église du monastère de Sainte-Claire. Quant à ses filles, elles continuèrent leur apostolat charitable en divers hôpitaux de Gênes ou en des maisons d'accueil pour les pauvres. Au début du troisième millénaire, elles sont presque 200 religieuses, réparties en plus de 30 maisons en Italie, en Inde, en Afrique Centrale et en Amérique latine.
La lumière d'un message
À l'exemple de la Bienheureuse Virginie Centurione, tournons-nous vers la Très Sainte Vierge. Le Pape Jean-Paul II nous invite à nous adresser à Marie par la récitation du Rosaire. Déjà, au début de son pontificat, il disait: «L'Église nous propose une prière toute simple, le Rosaire, le chapelet, qui peut calmement s'échelonner au rythme de nos journées. Le Rosaire, lentement récité et médité en famille, en communauté, personnellement, vous fera entrer peu à peu dans les sentiments du Christ et de sa Mère, en évoquant tous les événements qui sont la clef de notre salut. Avec Marie, vous ouvrirez votre âme à l'Esprit-Saint, pour qu'Il inspire toutes les grandes tâches qui vous attendent» (6 mai 1980).
En effet, de même que les enfants imitent ce que font leurs parents, qu'ils apprennent leur langage en les entendant parler, de même ceux qui récitent le Rosaire et considèrent sérieusement et dévotement les vertus de Jésus-Christ dans les mystères de sa vie, deviennent semblables à ce divin Maître, avec le secours de sa grâce et par l'intercession de la Sainte Vierge. «De la récitation du saint Rosaire, pratiquée de façon à produire son plein effet, découleront, non seulement pour les individus en particulier, mais pour toute la société chrétienne, les avantages les plus précieux», affirmait le Pape Léon XIII (Encyclique Lætitiæ sanctæ, 8 septembre 1893). Le même Souverain Pontife explicitait les bienfaits qui découlent de la méditation des mystères joyeux: «Les grands exemples de modestie et d'humilité, de patience dans le travail, de bienveillance envers le prochain, d'un parfait accomplissement des menus devoirs de la vie privée et de toutes les vertus (de la sainte Famille de Nazareth) ne sauraient être médités ni se fixer ainsi peu à peu dans la mémoire, sans qu'insensiblement il n'en résulte une salutaire transformation dans les pensées et dans les habitudes de la vie».
Dans la vie de chaque jour
Des mystères douloureux, le Pape Léon XIII disait: «Quiconque contemplera fréquemment, non pas seulement des yeux du corps, mais par la pensée et la méditation, d'aussi grands exemples de force et de vertu (que ceux de Jésus et de Marie pendant la Passion) comment ne brûlerait-il pas du désir de les imiter?... Mais quand nous parlons de patience, nous n'entendons nullement cette vaine ostentation d'une âme endurcie à la douleur... mais bien cette patience qui prend modèle sur celui qui, renonçant à la joie qui lui était proposée, a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix (He 12, 2)».
Quant aux mystères glorieux, il ajoutait: «Dans les mystères glorieux, nous apprenons que la mort n'est pas une ruine qui ne laisse rien derrière elle, mais le passage d'une vie à une autre, et que le chemin du ciel est ouvert à tous. Quand nous y voyons monter le Christ Jésus, nous nous rappelons sa promesse de nous y préparer une place (Jn 14, 2). Le saint Rosaire nous fait souvenir qu'il y aura un temps où Dieu séchera toute larme de nos yeux, où il n'y aura plus de deuil, ni de gémissement, ni aucune douleur, où nous demeurerons toujours avec le Seigneur, semblables à Dieu parce que nous le verrons comme Il est; nous serons enivrés du torrent de ses délices, concitoyens des saints, et donc de la bienheureuse Vierge, notre Mère... Comment une âme qui se nourrit de semblables pensées, ne se consolerait-elle pas, en songeant qu'une légère tribulation momentanée produit en nous un poids éternel de gloire (cf. 2 Co 4, 17)? En vérité, là seulement est le secret d'unir, comme il convient, le temps à l'éternité, la cité terrestre à la cité céleste, et de former des caractères nobles».
Ainsi, par la contemplation des mystères, le Rosaire développe-t-il en nous la foi. Le Pape Léon XIII écrivait: «Le Rosaire offre un moyen pratique d'inculquer et de faire pénétrer dans les esprits les dogmes principaux de la foi chrétienne... Le chrétien est tellement préoccupé par les soucis divers de la vie et si facilement distrait par les choses futiles, que, s'il n'est pas souvent averti, il oublie peu à peu les choses les plus importantes et les plus nécessaires, et qu'il arrive que sa foi languisse et même s'éteigne... Le Rosaire amène à contempler et à vénérer successivement les principaux mystères de notre religion... C'est pourquoi on peut affirmer sans exagération que chez les personnes, dans les familles et parmi les peuples où la pratique du Rosaire est restée en honneur comme autrefois, il n'y a pas à craindre que l'ignorance et les erreurs empoisonnées détruisent la foi» (Encyclique Magnæ Dei Matris, 7 septembre 1892).
Régénérer les peuples
Mais, il ne suffit pas d'exprimer nos demandes par le Rosaire; il convient encore d'y apporter une grande attention, car Dieu écoute plutôt la voix du coeur que celle de la bouche. Prier Dieu avec des distractions «volontaires» serait, en effet, une grande irrévérence. On ne peut guère, à la vérité, réciter le Rosaire sans avoir quelques distractions «involontaires»; il est même bien difficile de dire un seul Ave Maria sans que notre imagination ne nous ôte quelque chose de notre attention: «Comme il n'y a point de prière plus méritoire à l'âme et plus glorieuse à Jésus et à Marie que le Rosaire bien dit, affirme saint Louis-Marie, il n'y en a point aussi qui soit plus difficile à bien dire et dans laquelle il soit plus difficile de persévérer, à cause particulièrement des distractions qui viennent comme naturellement dans la répétition si fréquente de la même prière» (Le secret du Rosaire). Remarquons que l'habitude de regarder le flot d'images déversées par la télévision et les médias fait perdre beaucoup de temps, multiplie les distractions et entrave la récitation du Rosaire.
Sans voir, sentir, ni goûter
On peut réciter le Rosaire en accomplissant un travail manuel, car le travail manuel n'est pas toujours contraire à la prière vocale. Si on ne peut trouver assez de temps pour dire tout un Rosaire à la suite, il est possible d'en dire une dizaine ici, une dizaine là, en sorte que malgré toutes les occupations et affaires, au moins un chapelet entier soit achevé, avant le coucher. Mais la récitation du chapelet en famille ou avec d'autres est encore meilleure.
La prière du Rosaire demande humilité, foi et beaucoup de confiance, selon les paroles de Jésus-Christ: Croyez que vous recevrez de Dieu ce que vous lui demanderez, et Il vous exaucera (Mc 11, 24). Le plus grand désir qu'ait le Père éternel à notre égard, c'est de nous communiquer les eaux salutaires de sa grâce et de sa miséricorde. C'est faire plaisir à Jésus-Christ de lui demander ses grâces, et si on ne le fait pas, Il s'en plaint amoureusement: Jusqu'ici vous ne m'avez rien demandé... Demandez, vous obtiendrez; cherchez, vous trouverez; frappez, la porte vous sera ouverte (Jn 16, 24 - Mt 7, 7). De plus, pour nous donner encore plus de confiance à le prier, Il a engagé sa parole en affirmant que le Père éternel nous accorderait tout ce que nous lui demanderions en son nom (Jn 16, 23).
Mais à notre confiance, joignons la persévérance dans la prière. Seul, celui qui persévérera à demander, à chercher et à frapper, recevra, trouvera et entrera (cf. Mt 24, 13). Il ne suffit pas de demander quelques grâces à Dieu pendant un mois, un an, dix ans, vingt ans; il ne faut pas se lasser, mais demander jusqu'à la mort. Dieu fait parfois longtemps chercher et demander les grâces qu'il veut accorder, afin de les augmenter encore davantage, afin que la personne qui les recevra en ait une grande estime et afin qu'elle se garde de les perdre après les avoir reçues, car on n'estime pas beaucoup ce qu'on obtient en un moment et à peu de frais.
Demandons à la Bienheureuse Virginie Centurione de nous aider à prier la Sainte Vierge et à nous abandonner à Dieu, selon sa propre formule: «Me remettre en tout et pour tout entre les mains de Celui qui m'a créé, de Celui qui m'aidera plus que je ne peux le penser».