2 février 2021
Vénérable François Libermann
Bien chers Amis,
« La tâche d’évangéliser tous les hommes constitue la mission essentielle de l’Église » , écrivait le Pape Jean-Paul II. La grande épopée missionnaire dont le continent africain a été le théâtre, au cours des deux derniers siècles, est une histoire que nous ne devons pas oublier. « La splendide croissance de l’Église en Afrique et ses réalisations sont dues essentiellement au dévouement héroïque de générations de missionnaires désintéressés : cela est unanimement reconnu. La terre bénie d’Afrique est parsemée de nombreuses tombes de ces vaillants hérauts de l’Évangile… L’Écriture sainte nous y invite : Souvenez-vous de vos prédécesseurs, qui vous ont annoncé la Parole de Dieu, et, considérant la fin de leur vie, imitez leur foi (He 13, 7) » (Exhortation Ecclesia in Africa, 14 septembre 1995, nos 55, 35, 37).
Le Père François Libermann est l’un de ces évangélisateurs de l’Afrique. Né à Saverne, en Alsace, le 11 avril 1802, Jacob Libermann est le cinquième des neuf enfants du rabbin de la ville, Lazare Libermann. Circoncis peu après, il est éduqué dans la plus stricte orthodoxie juive. Délicat et frêle, très sensible, voire craintif, docile et doux, timide mais très intelligent, l’enfant est aussi doué d’un esprit pratique et d’une volonté persévérante. Le père voit en lui son successeur. Jacob a la grande douleur de perdre sa mère à l’âge de onze ans. Jusqu’à sa vingtième année, il vit en israélite pratiquant, menant une vie vertueuse, mais la sévérité de certains rabbins le choque. En 1824, il poursuit ses études à Metz, dans une école supérieure israélite où il ne reçoit pas le bon accueil auquel il s’attendait, surtout de la part de l’un des professeurs qui avait été l’élève de son père. Là, il approfondit sa connaissance de la Loi et des Prophètes ; il soigne aussi l’apprentissage du français et du latin, deux langues qui lui seront plus tard d’une grande utilité.
Toutes les craintes tombent
Durant son séjour à Metz, il apprend la conversion de son frère aîné Samson, baptisé ainsi que sa femme dans l’Église catholique, le 15 mars 1824. Il attribue cette conversion à des motifs naturels et blâme surtout son frère pour la peine qu’il cause à leur père. Il continue toutefois à entretenir avec lui une correspondance dans laquelle les preuves de la vérité de la foi catholique sont souvent abordées. En novembre 1826, il rencontre à Paris Paul-Louis (David) Drach, ancien rabbin alsacien converti au christianisme, qui lui procure une chambre au collège Stanislas. Bientôt, Jacob s’y trouve seul, en tête-à-tête avec la Doctrine chrétienne et l’Histoire de la Religion avant la venue de Jésus-Christ de l’abbé Lhomond (†1794). Une première “conversion” se produit : la conviction intellectuelle que l’Église détient l’entière vérité révélée. « Ce moment, écrira-t-il, fut extrêmement pénible » , car, de cœur, il se sent encore attaché à la foi de ses ancêtres. « C’est alors que, me souvenant du Dieu de mes pères, je me jetai à genoux et le conjurai de m’éclairer sur la véritable religion. Le Seigneur, qui est près de ceux qui l’invoquent du fond de leur cœur, exauça ma prière. Tout aussitôt, je fus éclairé, je vis la vérité. La foi pénétra dans mon esprit et dans mon cœur. » Cette grâce est si profonde qu’il peut recevoir le Baptême dès la veille de Noël de la même année, prenant le prénom de François. À cette occasion, le Seigneur lui donne une grande confiance en sa toute-puissance ; François reçoit aussi la grâce d’un vif amour pour la Très Sainte Vierge Marie. Le jour de Noël, il fait sa première communion : « Toutes les incertitudes, toutes mes craintes tombèrent subitement. » Il est dans sa vingt-cinquième année. Il annonce par lettre sa conversion à son père, mais ne recueille de sa part que l’incompréhension la plus totale.
Désirant devenir prêtre, François est admis, en 1827, au séminaire parisien de Saint-Sulpice. « Je suis toujours content, toujours heureux, écrit-il à son frère Samson ; mon cœur est toujours dans la parfaite tranquillité et rien ne sera capable de troubler cette paix. » De fait, il fera toujours rayonner la paix autour de lui. Supérieur, il écrira à ses missionnaires : « Ne crois pas que l’idéal du missionnaire soit d’être toujours en mouvement, en effervescence. Tu agiras beaucoup, certes, mais avec la paix dans ton âme. Si tu es agité, troublé, empressé, c’est le signe que tu as déjà oublié Jésus. »
L’épilepsie, maladie qui l’éprouvera pendant de longues années, commence alors à se manifester. Malgré les premières crises, l’année 1828 se passe relativement bien, et les résultats de ses études sont exceptionnels ; mais à la fin de l’année suivante, il est terrassé par une forte crise qui ne laisse aucun doute sur la gravité de son état. Par la suite, des périodes de rémission auront lieu et, avec le temps, il arrivera à prévoir les crises. Il apprendra à se soigner et à pratiquer vis-à-vis de ce qu’il appelle sa « chère maladie » le calme et l’égalité d’âme. Le droit de l’Église à cette époque ne permettait pas à un épileptique d’accéder à la prêtrise. Cependant, à cause de sa bonne influence sur les séminaristes, on autorise François, qui déclare ne pas pouvoir rentrer dans le monde, à rester dans la maison sulpicienne d’Issy-les-Moulineaux. « Je suis content de n’avoir d’autre ressource que Dieu seul » , affirme-t-il. Pendant six ans, il est l’auxiliaire de l’économe de la maison, tout en continuant ses études. On lui confie divers travaux matériels, ainsi que l’accueil des nouveaux séminaristes et le soin spirituel des domestiques. Son ascendant sur les séminaristes est considérable. De cette époque datent ses premières lettres de direction spirituelle. Dans l’une d’elles, il écrit : « Le grand principe de la vie spirituelle, c’est de simplifier les choses le plus que l’on peut. Plus notre conduite est simple et uniforme, plus elle est parfaite. »
Une grande imprudence
En 1837, on le presse de se rendre à Rennes, chez les Eudistes (congrégation fondée par saint Jean Eudes en 1643) pour remplir la fonction d’assistant du maître des novices. Il gagne rapidement la confiance et l’estime des jeunes religieux ainsi que des supérieurs, mais lui ne se sent ni utile, ni à sa place. Il y reste pourtant deux ans. Deux séminaristes, MM. Frédéric Le Vavasseur, un Créole de la Réunion, et Eugène Tisserant lui font part séparément de leurs projets en faveur de l’évangélisation des Noirs. François perçoit alors que le Saint-Esprit l’appelle à collaborer à cette œuvre d’évangélisation. Les jeunes gens lui demandent d’adapter à leur projet missionnaire la règle des Eudistes. Peu à peu, sans le vouloir, François prend la tête de l’entreprise, qui prendra corps le 28 juillet 1839. Il désire obtenir l’approbation de cette intuition par le Saint-Siège, mais tous ses conseillers sont d’un avis opposé : il en ressent un profond désarroi qui ne cessera qu’aux pieds de Notre-Dame de Fourvière à Lyon. « J’ai quitté Rennes pour toujours, écrit-il à son frère Samson. C’est une grande imprudence – pour ne pas dire une folie – selon ceux qui jugent des choses en hommes de ce monde. J’avais là un avenir certain, j’étais sûr d’avoir de quoi vivre et d’avoir même une certaine existence honorable. Mais malheur à moi si je cherche à être à mon aise sur la terre et à vivre honoré et estimé. Souvenez-vous d’une chose : cette terre passe, la vie que nous y menons ne dure qu’un instant… N’ayez aucune crainte ; reconnaissez que je suis l’homme le plus heureux du monde, parce que je n’ai plus que Dieu seul ! »
Il arrive à Rome en janvier 1840. Là, il retrouve M. Drach, alors bibliothécaire à la Congrégation pour la Propagation de la Foi. Tous deux obtiennent une audience du Pape Grégoire XVI, le 17 février. François prie beaucoup dans les basiliques romaines, sur les tombeaux des Apôtres, et médite son dessein missionnaire. Le mois suivant, il présente un mémoire à la Congrégation. Au début du mois de juin, il apprend que son projet d’une œuvre en faveur des Noirs est accueilli favorablement, sous réserve qu’il reçoive l’ordination sacerdotale. Il est alors âgé de trente-huit ans ; l’absence de crises d’épilepsie depuis un long temps fait considérer la maladie comme guérie. François reste encore quelques mois à Rome, y met définitivement au point la règle qu’il avait préparée à Rennes, et compose un commentaire sur l’Évangile de saint Jean.
« Tu iras vers les plus pauvres »
Au cours d’un pèlerinage à la sainte maison de Lorette, il accepte l’idée de devenir prêtre. Constatant que sa santé s’améliore, il entreprend des démarches dans ce sens auprès de l’évêché de Strasbourg, son diocèse d’origine. Le 23 février 1841, il entre au grand séminaire de Strasbourg. À la même époque, M. de Brandt, ancien séminariste de Saint-Sulpice, propose pour la congrégation naissante la location d’une maison à La Neuville, aujourd’hui un quartier d’Amiens, et présente les aspirants religieux à son oncle, Mgr Mioland, évêque d’Amiens. Ordonné diacre, à Strasbourg, le 10 août 1841, François Libermann se rend à Amiens, où Mgr Mioland l’ordonne prêtre, le 18 septembre. Le 25, il célèbre une première Messe en action de grâces au sanctuaire parisien de Notre-Dame-des-Victoires en présence de la majeure partie de ses compagnons. C’est en quelque sorte la Messe de fondation de l’institut qui prend le nom de « Société du Saint-Cœur de Marie » . Le lundi 27 septembre, le noviciat de La Neuville est instauré. Un an plus tard, les novices atteignent la douzaine, dont sept prêtres. En ces premiers temps de la fondation, la pauvreté est grande et plusieurs dorment dans des couloirs, mais la joie et la ferveur les animent tous.
En mars 1842, le Père Libermann achète la propriété de La Neuville et entreprend la construction de deux ailes et d’une chapelle. Lui-même contribue aussi bien aux travaux de jardinage qu’à la formation spirituelle des siens : « Je suis serviteur de Jésus. Il veut que j’aime tous les hommes comme il les aime ; mais il m’inspire un amour plus vif, plus tendre pour les hommes noirs. » L’appel reçu du Seigneur le porte dans ce sens : « Tu iras ainsi vers les plus pauvres, ceux auxquels personne ne pense. » Il écrira pour ses fils : « Il ne vous est pas possible de vous sanctifier sans travailler de toutes vos forces au salut des âmes… Il n’est guère possible de sanctifier ces âmes en vous négligeant vous-mêmes. »
« On répète souvent, de nos jours, écrira le Pape Paul VI, que ce siècle a soif d’authenticité. À propos des jeunes, surtout, on affirme qu’ils ont horreur du factice, du falsifié, et recherchent par-dessus tout la vérité et la transparence. Ces signes du temps devraient nous trouver vigilants. Tacitement ou à grands cris, toujours avec force, l’on demande : Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? Plus que jamais le témoignage de la vie est devenu une condition essentielle de l’efficacité profonde de la prédication » (Evangelii nuntiandi, 8 décembre 1975, n° 76). Commentant le verset : Faisons attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes (He 10, 24), le Pape Benoît XVI affirmera : « Cela veut dire que “l’autre” m’est uni de manière particulière ; sa vie, son salut, concernent ma vie et mon salut. Notre existence est liée à celle des autres, dans le bien comme dans le mal ; le péché comme les œuvres d’amour ont aussi une dimension sociale » (Message pour le Carême de l’année 2012).
Comme des serviteurs pour leurs maîtres
Après quatre mois seulement de noviciat, M. Le Vavasseur part pour son pays d’origine, l’île Bourbon (La Réunion). Eugène Tisserant se rend à la Martinique, et y attend une occasion de pénétrer à Haïti. Ainsi, un an à peine après les débuts de la nouvelle congrégation, certains de ses membres travaillent déjà dans leur champ d’apostolat. Le 28 septembre 1842, le Saint-Siège érige en Afrique l’immense vicariat apostolique des Deux-Guinées et de la Sierra Leone qui s’étend sur huit mille kilomètres de côtes. Il est confié à Mgr Edward Barron, ancien vicaire général de Philadelphie (Amérique du Nord). Le prélat entre en contact avec le Père Libermann qui lui propose le concours de sept missionnaires. Conscient des conditions pénibles de leur mission, le Père collecte vingt tonnes d’approvisionnement et exige des partants un entraînement physique. Le 13 septembre 1843, les sept prêtres, accompagnés de trois laïcs, s’embarquent pour l’Afrique. « Dépouillez-vous de l’Europe, leur demande le Père, de ses mœurs, de son esprit… faites-vous Noirs avec les Noirs pour les former comme ils doivent l’être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres ; aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres ; et cela pour les perfectionner, les sanctifier, en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C’est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, pour les gagner tous à Jésus-Christ (cf. 1 Co 9, 22). »
Annoncer Jésus-Christ n’est pas contraire au respect des peuples, mais le promeut : « L’Église, écrivait saint Jean-Paul II, pense que ces multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ (cf. Ep 3, 8) dans laquelle nous croyons que toute l’humanité peut trouver, dans une plénitude insoupçonnable, tout ce qu’elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l’homme et de sa destinée, de la vie et de la mort, de la vérité » (Ecclesia in Africa, n° 47).
Le 29 novembre 1843, les missionnaires arrivent au Libéria, où Mgr Barron a établi sa résidence ; toutefois, lui-même n’est pas là pour les accueillir. Sans attendre, les missionnaires se mettent avec ardeur à l’étude de la langue locale. Ils adoptent un mode de vie austère et une nourriture frugale. Leur zèle totalement inexpérimenté, dans un pays au climat équatorial, produit des effets dramatiques : en moins de deux semaines, sept sur douze tombent malades, et à la fin du mois de décembre, la mort enlève deux d’entre eux. Le Père écrit à ses fils : « Toutes les œuvres qui ont été entreprises et exécutées dans l’Église ont rencontré ces mêmes difficultés et souvent de bien plus grandes encore, et cependant ces difficultés n’ont pas effrayé les hommes apostoliques… Il a toujours été dans l’ordre de la Providence de manifester ses soins maternels au milieu des obstacles, et les plus heureux résultats ont ordinairement été produits après les plus grandes difficultés. »
« Marche à son pas ! »
Monseigneur Barron décide de ne laisser sur place que le Père Bessieux avec deux compagnons et il emmène les autres à Grand Bassam (aujourd’hui en Côte d’Ivoire) ; là, ils succombent l’un après l’autre. En septembre 1844, l’évêque, découragé devant ce désastre, rentre en Europe. « Sois avant tout un homme de persévérance, se dit le Père Libermann. On n’entreprend rien pour Jésus sans rencontrer des difficultés et Dieu aime prendre son temps. Marche à son pas. » Le Père Bessieux et le Frère Grégoire, seuls survivants de cette expédition, se rendent alors au Gabon, et s’installent à Libreville.
Les Pères du Saint-Cœur de Marie entrent en relation avec une autre congrégation missionnaire française, les Spiritains, fondée en 1703 par Claude Poullart des Places (1679-1709), jeune aristocrate breton, ordonné prêtre après avoir renoncé à une carrière au Parlement de Rennes. Celui-ci regroupa des étudiants pauvres désireux de devenir prêtres et de servir dans des paroisses pauvres. Ainsi sont nés, le 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, la Société et le séminaire du Saint-Esprit. À partir de 1816, le séminaire a également été chargé de fournir le clergé de toutes les colonies françaises ; les Spiritains s’occupent principalement des Européens qui vivent en Afrique. Or, la Société fondée par le Père Libermann regorge de vocations mais elle manque d’un statut juridique précis ; celle du Père Poullart des Places existe officiellement, mais peu nombreux sont les missionnaires en activité, et les vocations sont rares. La similitude des buts permet d’envisager la fusion des deux congrégations. Quelques démarches à Rome permettent la réalisation de ce projet, le 28 septembre 1848. S’adressant aux deux supérieurs, la Congrégation pour la Propagation de la Foi précise : « Il vous appartient de mener à bien la fusion de vos deux instituts, de façon que, dorénavant, la Congrégation du Saint-Cœur de Marie cesse d’exister et que ses membres et ses aspirants soient intégrés à la Congrégation du Saint-Esprit. » Le 3 novembre suivant, la Propagande approuve l’élection du Père Libermann comme supérieur de la Congrégation du Saint-Esprit ; il résidera à Paris.
En 1846, le Père Libermann avait acquis un immeuble près d’Amiens, pour remplacer la maison de La Neuville, trop petite. Il lui fallait aussi trouver un lieu pour recevoir ses trente étudiants, philosophes et théologiens. Il achète l’abbaye de Notre-Dame du Gard, à quelques kilomètres au nord d’Amiens. Au cours de ses voyages à travers la France, le Père constate que beaucoup de pauvres y sont aussi abandonnés qu’en pays de mission. Il souhaite les inclure dans l’appel reçu jadis : « Tu iras ainsi vers les plus pauvres, ceux auxquels personne ne pense » , et il oriente la congrégation vers une action sociale et religieuse parmi les ouvriers, parallèlement aux missions proprement dites. En mai 1851, il rédige ses “Instructions aux missionnaires”, cahier de soixante-quatre pages, qui constitue son testament spirituel.
Zèle pour les âmes
À la fin de la même année, une grande fatigue s’abat sur lui : sa santé, qui a toujours été précaire, se détériore rapidement. Le Père Le Vavasseur, revenu à ses côtés après un bel apostolat missionnaire, écrit alors au frère du malade, le docteur Libermann : « C’est à peu près la même maladie qu’il y a trois ans. Il ne peut pratiquement rien prendre. » Le 27 janvier 1852, on lui administre l’Extrême-Onction. Le 30 janvier au soir, devant la communauté rassemblée, le fondateur prononce avec difficulté ces quelques mots : « Je vous vois pour la dernière fois. Je suis heureux de vous voir. Sacrifiez-vous pour Jésus, pour Jésus seul. Dieu c’est tout, l’homme n’est rien. Esprit de sacrifice, zèle pour la gloire de Dieu et pour les âmes ! » Son agonie dure jusqu’au 2 février. Il expire au moment même où, dans la chapelle voisine, on chante le Magnificat des vêpres de la Purification de Marie. Ses derniers mots sont pour Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu… » Son corps repose, depuis 1967, dans la chapelle de la maison mère de la Congrégation du Saint-Esprit, à Paris, rue Lhomond (5e arrondissement), sur la montagne Sainte-Geneviève. Le décret reconnaissant l’héroïcité de ses vertus, publié le 19 juin 1910, confère officiellement au Père François Libermann le titre de “Vénérable”.
Le Père Libermann voulait chez ses missionnaires non seulement un réel et profond effort d’inculturation, mais aussi qu’ils fassent participer les Africains à l’évangélisation de leurs propres pays, en formant des catéchistes, des communautés religieuses, puis des prêtres autochtones. Le Pape Jean-Paul II exhortait de même spécialement les jeunes africains : « Je désire adresser un appel aux jeunes : chers jeunes, le Synode vous demande de prendre en charge le développement de vos nations, d’aimer la culture de votre peuple et de travailler à sa redynamisation, fidèles à votre héritage culturel, en perfectionnant votre esprit scientifique et technique et surtout en rendant témoignage de votre foi chrétienne » (ibid., n° 115).
Demandons au vénérable François Libermann la grâce d’un zèle ardent pour l’évangélisation dont dépend le salut éternel d’innombrables âmes. Après sa Résurrection, Jésus a en effet envoyé ses apôtres : Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui refusera de croire sera condamné (Mc 16, 15-16). « Évangéliser est la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde, affirmait saint Jean-Paul II. Elle existe pour évangéliser. En effet, elle naît de l’action évangélisatrice de Jésus et des Douze… Comme l’Apôtre des Nations, l’Église peut dire : Annoncer l’Évangile… c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! (1 Co 9, 16) » (ibid., n° 55).
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