Télécharger comme pdf

25 novembre 2020

Saints Louis Versiglia et Calixte Caravario

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

La Chine exerçait un grand attrait sur le cœur de saint Jean Bosco ; celui-ci avait d’ailleurs vu en songe s’élever, de cet immense pays jusqu’au ciel, deux grands calices, l’un rempli de la sueur, l’autre du sang de ses fils spirituels, Salésiens. Le 25 février 1930, deux d’entre eux, Mgr Louis Versiglia, premier vicaire apostolique de Shiu Chow, et Don Calixte Caravario, tout jeune prêtre, sont morts pour la défense de la foi et de la chasteté, réalisant ainsi le songe de Don Bosco. « Ils ont, à l’exemple du Christ, incarné à la perfection l’idéal du pasteur évangélique : pasteur qui est à la fois l’Agneau (cf. Ap 7, 17), et celui qui donne sa vie pour le troupeau (Jn 10, 11), expression de la miséricorde et de la tendresse du Père ; mais aussi, agneau qui se tient au milieu du trône (Ap 7, 17), et lion victorieux (cf. Ap 5, 5), combattant valeureux pour la cause de la vérité et de la justice, défenseur des faibles et des pauvres, vainqueur du mal, du péché et de la mort » (saint Jean-Paul II, homélie de la béatification, 15 mai 1983).

« Viens me voir ! »

Louis Versiglia est né à Oliva Gessi, près de Pavie, en Lombardie, le 5 juin 1873. C’est un enfant vif, doué pour l’arithmétique, passionné par les chevaux. Très jeune, il sert la Messe avec grande piété, au point que les gens voient en lui un futur prêtre ; mais Louis, qui rêve de devenir vétérinaire, n’écoute pas. En septembre 1885, il est accueilli à l’Oratoire du Valdocco à Turin, par Don Bosco qui le touche profondément, au point qu’il finira par changer d’avis. Le 24 juin 1887, jour de la fête de Don Jean Bosco, il est chargé de lui adresser un compliment au nom des élèves. Après l’hommage, alors qu’il baise la main du vieux prêtre, celui-ci lui glisse à l’oreille : « Viens me voir après, j’ai quelque chose à te dire. » La maladie et la mort du saint empêchent cet entretien, mais le garçon est conquis. En 1888, ému par la cérémonie de remise du crucifix à sept missionnaires en partance, Louis décide d’entrer dans la Congrégation salésienne, avec l’espoir de partir lui aussi en mission. Dès le mois d’août, il commence le noviciat à Foglizzo. Le 11 octobre 1889, il prononce ses vœux. Après une maîtrise en philosophie à l’Université grégorienne de Rome, il revient à Foglizzo où il enseigne la logique aux novices. Le 21 décembre 1895, il est ordonné prêtre avec dispense du Saint-Siège en raison de son âge, car il n’a pas même vingt-trois ans.

Dès 1896, Don Versiglia est nommé directeur et maître des novices de la maison de Genzano, à Rome. Il y reste neuf ans. « Exigeant envers nous, écrit un novice, il l’est bien plus envers lui-même. Il n’épargne pas les remarques, qu’il fait en temps et lieu opportuns avec une grande charité et une égalité d’humeur. Travailleur infatigable, c’est une main de fer dans un gant de velours envers qui montre une tendance à la paresse. Indulgent avec les esprits lents, il ne ménage ni sa peine pour les aider, ni ses encouragements. » Il aspire cependant toujours à la vie missionnaire, et il s’y prépare même par des exercices physiques. En 1905, Don Versiglia voit enfin le rêve de sa vie se réaliser : il est choisi pour conduire la première expédition salésienne en Chine. Arrivés à Macao, en 1906, les religieux commencent par ouvrir un modeste orphelinat. En 1917, Mgr de Guébriant, des Missions étrangères de Paris, qui gouverne la province de Canton en tant que vicaire apostolique, leur cède la région du Leng Nam Tou. Dès 1920, celle-ci sera érigée en vicariat apostolique de Shiu Chow. Don Albera, supérieur général des Salésiens, envoie alors un calice à Don Versiglia. Avec prémonition, celui-ci dit au religieux qui le lui remet : « Tu m’apportes un calice, et moi je l’accepte. Don Bosco a vu les missions de Chine prospérer lorsqu’un calice se remplirait du sang de ses fils. C’est à moi que le calice a été envoyé : c’est à moi de le remplir. »

« Le missionnaire qui n’est pas uni à Dieu est un canal qui se détache de la source, écrit-il. Le missionnaire qui prie beaucoup fera aussi beaucoup. Aimer beaucoup les âmes : cet amour sera maître de toutes les industries pour leur faire du bien. » Nommé vicaire apostolique de Shiu Chow, le 4 mai 1920, il reçoit l’ordination épiscopale le 9 janvier 1921. Les années suivantes sont marquées par le travail, les voyages, les fondations : Mgr Versiglia réalise des prodiges sur une terre hostile aux catholiques, et montre ses compétences dans l’organisation du vicariat. Son souci continuel est le soin des missionnaires, la formation des chrétiens et la conversion des infidèles. En tant que supérieur, il s’applique à être plus père et frère qu’homme de commandement ; aussi les missionnaires et les chrétiens l’aiment-ils et lui obéissent-ils volontiers. Il fonde des écoles élémentaires dans presque tous les centres missionnaires du vicariat. À son arrivée, on comptait dix-huit centres ; en 1930, il y en aura cinquante-cinq. Au chef-lieu, il ouvre des écoles de professeurs, de catéchistes, une école professionnelle, un hospice pour les personnes âgées, un dispensaire médical et un petit séminaire. En douze ans, il aura ordonné vingt-et-un prêtres.

Le mandat du Christ

Constatant les objections contemporaines contre la nécessité des missions, le Pape saint Jean-Paul II écrivait : « À cause des changements de l’époque moderne et de la diffusion de nouvelles conceptions théologiques, certains s’interrogent : la mission auprès des non-chrétiens est-elle encore actuelle ? N’est-elle pas remplacée par le dialogue inter-religieux ? La promotion humaine n’est-elle pas un objectif suffisant ? Le respect de la conscience et de la liberté n’exclut-il pas toute proposition de conversion ? Ne peut-on faire son salut dans n’importe quelle religion ? Alors, pourquoi la mission ?… Nous répondons : l’Église ne peut se soustraire au mandat explicite du Christ (Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création… [Mc 16, 15]). L’annonce a pour objet le Christ crucifié, mort et ressuscité : en lui s’accomplit la pleine et authentique libération du mal, du péché et de la mort ; en lui, Dieu donne la vie nouvelle, divine et éternelle. Telle est la Bonne Nouvelle que tous les peuples ont le droit de connaître » (Encyclique Redemptoris missio, 1990, nos 4, 11, 44).

Le labeur missionnaire de Mgr Versiglia se déroule dans un contexte politique agité : la proclamation de la République chinoise à Nankin le 10 octobre 1911 avait entraîné, l’année suivante, l’abdication de l’empereur, un enfant de sept ans. Après la mort, en 1916, du premier président de la République, Yuan Che-K’ai, s’était ouverte une période d’anarchie, à laquelle mit fin le général Tchang Kaï-chek en remportant la victoire (1927) sur les “seigneurs de la guerre” qui tyrannisaient plusieurs régions. Mais les nationalistes de Tchang Kaï-chek se heurtent aux communistes de Mao Zedong. Dans ce chaos, les missionnaires, qualifiés de « diables blancs », sont l’objet de violences, spécialement de la part des soldats communistes pour qui la destruction du christianisme est un devoir programmé. Dans une lettre de janvier 1926, Mgr Versiglia écrit : « Comme vous le voyez, nous sommes en plein bolchevisme et nous ne savons pas où cela nous mènera… Nous savons bien que tout est dans les mains du Seigneur, et nous sommes disposés à accomplir sa sainte Volonté, même au prix de la vie. » Il écrit à l’un de ses collaborateurs : « Si le Seigneur désire une victime pour le bien de la Mission, me voilà prêt ! »

Jusqu’en Chine

En 1922, Mgr Versiglia était revenu à Turin pour participer au chapitre général de la Congrégation salésienne. De nombreux religieux avait été touchés par cet évêque missionnaire : parmi eux, le jeune Calixte Caravario s’offrit généreusement à lui : « Oui, Monseigneur, vous le verrez. Je tiendrai ma parole. Je vous suivrai jusqu’en Chine. » Calixte Caravario est né à Cuorgnè, province de Turin, le 8 juin 1903. Ses parents ont pour seule richesse une foi profonde. En 1908, la famille se fixe à Turin. Calixte est inscrit à l’école publique. Avant sa première Communion, il suit, avec quelques camarades, une retraite chez les Sœurs du Cénacle. L’adolescent, d’un bon naturel, se montre obéissant, serviable, tempérant. Il manifeste à sa mère une tendre affection ; quand il aperçoit de la tristesse sur son visage, il lui prend les mains et lui dit avec tendresse : « Courage, maman, je prierai pour toi ! » Calixte fréquente l’Oratoire Saint-Joseph tenu par les Salésiens, puis, à partir de 1913, les cours de leur collège Saint-Jean l’Évangéliste. À l’Oratoire, il se livre au jeu, mais il aide aussi à la propreté et à l’ordre des salles. Auprès de ses camarades, il se révèle comme un petit apôtre, entretenant leur bonne humeur et leur piété. Heureux de servir la Messe, il se lève tôt, au risque d’attendre longtemps à la porte du collège, même en hiver. À l’exemple de saint Dominique Savio, il manifeste une angélique pureté de mœurs, nourrie par la communion fréquente.

Malgré l’opposition de certains membres de sa famille, Calixte exprime clairement ses aspirations à la vie religieuse. Sûr de la vocation du garçon, le supérieur du collège se charge de trouver des bienfaiteurs pour financer sa scolarité, car ses parents n’en ont pas les moyens. À l’automne 1914, Calixte commence l’étude du latin. Quatre ans plus tard, à peine âgé de quinze ans, il demande à entrer dans la Congrégation salésienne. Le 21 novembre 1918, il revêt la soutane, et en septembre de l’année suivante, il prononce ses premiers vœux. À partir de 1921, il poursuit sa formation, d’abord au Collège Saint-Jean, puis parmi les apprentis au Valdocco. Mais son grand désir demeure celui des Missions de Chine. La flamme du zèle apostolique le brûle, et il est prêt à tout sacrifier pour le développement du Royaume de Dieu parmi les non-chrétiens. En octobre 1924, ses désirs sont exaucés : le 7, il s’embarque pour Hong-Kong. « Le Seigneur m’a donné la force de faire volontiers, et mieux encore, avec joie, le sacrifice de moi-même, écrit-il à sa mère. Continue de prier pour moi ! » De Macao, le 11 décembre, il confirme : « Pour ma part, je ne regrette pas d’avoir quitté l’Italie : au contraire, je suis heureux. Ce fut un grand sacrifice, je le sais ; mais le Seigneur m’aidera. Aussi, je sais que mon départ a fait du bien à beaucoup et continuera d’en faire. »

Affecté à l’orphelinat Saint-Joseph de Shanghai, Don Caravario s’applique avec ténacité à l’étude du chinois, du français et de l’anglais. En peu de temps, il est capable de se faire comprendre par les enfants recueillis. Son premier soin est l’enseignement du catéchisme pour préparer au Baptême les nombreux enfants qui le demandent. Il se soucie des vocations indigènes, choisit parmi les jeunes ceux qui donnent des signes de vocation, les suit de plus près, les éduque à la piété, à la pureté et à l’allégresse. Il aura la joie de voir deux d’entre eux entrer dans la Congrégation salésienne. Sa charité n’est pas moindre envers les besoins physiques des élèves, dont la plupart sont amenés à l’orphelinat non seulement sales et revêtus de hardes, mais également dans un état de santé misérable. Grâce à ses soins, une centaine d’enfants environ seront bientôt guéris de corps et d’âme.

Un visiteur discret

Dans le même temps, Don Calixte poursuit l’étude de la théologie. Mais l’avancée des troupes communistes, en 1926, obligeant les Salésiens à quitter Shangai, il est alors envoyé à Timor (île de l’archipel indonésien alors sous domination portugaise), où il arrive en avril 1927. Là, deux années passées parmi les garçons de l’école de Dili révèlent ses qualités d’éducateur. « Don Caravario fut pour moi, dira Don Rossetti, supérieur de l’école, l’idéal du Salésien : humble, obéissant, pieux, actif… Voici, me disais-je, le futur supérieur de la Mission de Timor ! En quelques années, cette île pourra être entièrement chrétienne grâce à sa piété et à son zèle. Ses visites au Très Saint Sacrement étaient fréquentes et prolongées. Chaque soir, après les prières, alors que tous s’étaient retirés et qu’il pensait qu’aucun œil indiscret ne l’observait, il descendait lentement, pieds nus, à la chapelle ; agenouillé sur la petite marche de l’autel, droit, immobile, la tête inclinée, les mains jointes, il passait une bonne demi-heure en adoration. »

En janvier 1929, Don Calixte annonce à sa mère sa prochaine ordination sacerdotale : « Que le Seigneur fasse de moi un prêtre selon son Cœur ! » Il quitte Timor en mars 1929. Son regret de quitter l’île est atténué, témoignera Don Rossetti, par la grande probabilité du martyre que lui offre la Chine : « Cette suprême épreuve d’amour pour Dieu et pour les âmes était, peut-on dire, le sujet de conversation de tous les jours : sujet que je provoquais volontiers, en me réjouissant de le voir s’enflammer, et de l’entendre répondre aux raisons de ceux qui ne partageaient pas son enthousiasme. » Lors de ses adieux, il affirme retourner en Chine, « où l’attend le martyre ». Le 18 juin, il est ordonné prêtre à Shiu Chow par Mgr Versiglia. Le soir même, il trace ces lignes pour sa mère, la confidente de son cœur d’apôtre : « Je t’écris aujourd’hui, ma bonne maman, le cœur plein de joie. Ce matin, j’ai été ordonné prêtre… Remercie avec moi le Seigneur pour cette grâce vraiment extraordinaire… Le plus grand désir de mon cœur est accompli. Demain je monterai à l’autel pour la Première Messe… Que dois-je te dire, ma bonne maman ? Que tu remercies avec moi le Seigneur et que tu Le pries de m’octroyer la fidélité aux promesses solennelles que je lui ai faites. » Puis, sous l’action de l’Esprit Saint, comme prévoyant ce qui l’attend, il pose la question : « Sera-t-il long ou bref, mon sacerdoce ? Je ne le sais pas. L’important c’est que je fasse du bien et que, quand je serai en présence du Seigneur, je puisse Lui dire que j’ai fait, avec son aide, fructifier les grâces qu’Il m’a données. »

Gagner leur amitié

Début juillet, Don Caravario arrive à Lin Chow, le premier champ missionnaire que lui confie Mgr Versiglia. Accompagné d’un catéchiste chinois, il visite chacune des familles chrétiennes. Ni les difficultés, ni les préjugés ne l’empêchent de s’adapter aux coutumes et aux usages locaux. Il se montre heureux de tout, dissimule fatigues et inconforts, et se tient prêt à exercer partout son ministère. Il gagne bientôt l’amitié des élèves de l’école et leur inculque la dévotion envers la sainte Eucharistie. Plusieurs fois pendant la journée, des élèves chrétiens et païens se rendent à la chapelle pour visiter le Très Saint Sacrement. Tous étudient avec diligence le catéchisme. Son successeur témoignera : « J’ai remarqué combien était florissante la mission dans laquelle Don Caravario avait travaillé six mois. La pratique était fervente, les écoles bien entretenues, les catéchistes bien préparés à l’enseignement de la doctrine. Une mission pleinement efficace, riche de promesses pour l’avenir. »

En février 1930, Don Caravario se rend à Shiu Chow auprès de Mgr Versiglia qu’il doit accompagner pour la visite pastorale de sa mission de Lin Chow. Or, une guérilla sévit dans les territoires du sud de la Chine : pirates et révolutionnaires communistes rendent les voyages dangereux. Mgr Versiglia décide de partir tout de même : « Si nous attendons que les voies soient sûres, dit-il, nous ne partirons jamais. Non, malheur si la peur prend le dessus ! Arrivera ce que Dieu voudra. » Outre l’évêque et le jeune prêtre, le groupe se compose de deux garçons, qui rentrent chez eux pour les vacances, de deux de leurs sœurs et d’une jeune femme, Maria Thong, qui a l’intention de se faire religieuse dans une communauté indigène fondée par l’évêque. Tous ont retardé leur voyage pour être accompagnés par les missionnaires.

Le 24 février, ils partent en train pour Ling Kong How. Le lendemain, ils continuent en bateau sur la rivière Pak-kong. À midi, alors qu’ils récitent l’Angélus, un cri sauvage explose soudain du rivage : une dizaine d’hommes armés de fusils crient : « Arrêtez le bateau ! Débarquez ! – Ce n’est pas nécessaire, nous sommes de la Mission. – Débarquez quand même ! » Le batelier s’approche du rivage. Dans la barque, sous le toit d’abri, les jeunes femmes, tremblantes, prient. « Sous quelle protection voyagez-vous ? – De personne, répond le batelier, jamais personne ne l’a imposée aux missionnaires. – Pour amende vous devrez payer cinq cents dollars. – Mais nous n’avons pas une telle somme ! » Deux hommes se précipitent dans le bateau et aperçoivent les femmes : « Sortons les femmes ! » Mais déjà l’évêque et le prêtre font barrière de leur corps. Les pirates se précipitent sur eux et, avec des jurons et des blasphèmes, leur assènent des coups de crosse de fusil. L’évêque tombe à terre. Don Calixte s’oppose aux agresseurs, jusqu’à ce qu’il s’effondre à son tour en murmurant : « Jésus… Marie ! » Les jeunes femmes résistent encore. « Fille, murmure Mgr Versiglia à Maria Thong, augmente ta foi ! » La lutte continue, mais les forces sont désormais inégales. Il n’est plus question de permis de transit, ni de taxe à payer : les véritables motifs de tant de violence sont la haine contre les missionnaires et la passion pour les femmes. L’enquête montrera qu’il s’agissait d’un guet-apens bien préparé : la cible en était la jeune candidate à la vie religieuse, qui depuis plusieurs années refusait d’épouser un chef de brigands.

Morts contents

Les missionnaires sont entraînés dans un bois voisin. Mgr Versiglia fait une dernière tentative, en offrant de l’argent, pour arracher les jeunes femmes des griffes des pirates. L’un d’eux s’écrie : « Il faut détruire l’Église catholique ! » Les jeunes femmes tremblent en serrant le crucifix. On le leur arrache : « Pourquoi aimes-tu ce crucifix ? Nous le haïssons ! » Mgr Versiglia et Don Caravario comprennent que l’heure est venue de témoigner du Christ également par le don de leur vie. Sereins, ils prient à haute voix et réussissent à se confesser mutuellement. L’évêque essaye encore de sauver son compagnon : « Je suis âgé, tuez-moi ; mais lui, il est jeune. Épargnez-le ! » Soudain, cinq coups secs de fusil résonnent dans l’air : le sacrifice est consommé. « C’est inexplicable, disent alors les assassins : nous en avons vu beaucoup, et tous avaient peur de mourir. Ces deux-là, au contraire, ils sont morts contents, et celles-ci, faisant allusion aux jeunes filles, elles ne désirent que mourir. » En larmes, les jeunes filles doivent suivre leurs agresseurs ; on ordonne aux deux garçons de partir sans se retourner. Ils préviennent les autorités, qui envoient des escouades de soldats. Le 2 mars, les soldats atteignent la cachette des bandits qui, après une brève fusillade, s’enfuient, laissant libres les jeunes filles, devenues des témoins précieux du martyre des deux missionnaires. Reconnus martyrs, Mgr Versiglia et Don Caravario ont été canonisés le 1er octobre 2000 par saint Jean-Paul II.

« C’est toujours pour son témoignage de foi que le martyr est assassiné… Les meurtriers prouvent leur haine de la foi, non seulement quand leur violence se déchaîne contre l’annonce explicite de la foi… mais aussi quand cette violence s’acharne contre les œuvres de charité en faveur du prochain, des œuvres qui ont objectivement et réellement dans la foi leur justification et leur raison. Ils haïssent ce qui jaillit de la foi, et montrent leur haine de cette foi qui en est la source. C’est le cas des deux martyrs Salésiens… Ils ont donné leur vie pour le salut et l’intégrité morale du prochain. Ils se firent boucliers pour défendre la personne de trois jeunes filles, élèves de la mission… Au prix de leur sang, ils ont défendu le choix responsable de la chasteté opéré par ces jeunes qui risquaient de tomber entre les mains de personnes qui ne les auraient pas respectées. Témoignage héroïque, donc, en faveur de la chasteté, qui rappelle encore à la société d’aujourd’hui la valeur et le prix très élevé de cette vertu dont la sauvegarde, liée au respect et à la promotion de la vie humaine, mérite bien qu’on risque sa vie pour elle, comme nous pouvons le voir et l’admirer dans d’autres exemples lumineux de l’histoire du christianisme » (saint Jean-Paul II, ibid.).

Que le Seigneur nous accorde, par l’intercession des deux saints martyrs, la grâce de méditer leur exemple et de les imiter, selon les diverses responsabilités et circonstances de nos vies !

Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.