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28 décembre 2020

Bienheureuse Marie-Thérèse Soubiran

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

« À moins de considérer les choses uniquement sous la lumière surnaturelle de la foi, affirmait le Pape Pie XII aux religieuses de Marie-Auxiliatrice, l’esprit humain demeure déconcerté par le récit de la vie mortelle de votre bienheureuse Mère, par le contraste entre l’œuvre grandiose et lumineuse à laquelle Dieu la destinait et la série des vicissitudes à travers lesquelles Il l’a conduite… Toute la vision de son esprit, tout l’élan de son cœur paraissent s’exprimer dans cette exclamation du psaume qui lui est particulièrement chère : Il m’a ouvert un chemin spacieux, parce qu’Il m’a véritablement aimée (cf. Ps 17, 20 ; 30, 9). La voie de Marie-Thérèse de Soubiran, un chemin spacieux ouvert par l’amour ? Fut-il jamais sentier plus étroit, plus escarpé, plus raboteux, plus obscur ? Sentier plus incohérent même, dirait la pauvre sagesse humaine ? Et il fut tel toute sa vie ! » (22 octobre 1946).

Fille du baron Joseph de Soubiran et de Noémi Gélis, Sophie-Thérèse naît le 16 mai 1834, à Castelnaudary. À trois ans, après le décès en bas âge de quatre frères et sœurs, elle-même est atteinte d’une fièvre typhoïde. Une amie suggère de lui donner le scapulaire du Mont-Carmel. Sous cet habit de la Sainte Vierge, elle guérit. En action de grâces, on l’inscrit dans la congrégation des Enfants de Marie, dirigée par son oncle, le chanoine de Soubiran. Bientôt, une petite sœur, Marie, vient égayer l’enfance de Sophie-Thérèse. Lors de sa première Communion, le 29 juin 1845, Sophie-Thérèse demande à Jésus la grâce de la vocation religieuse. À douze ans, pendant une retraite, elle perçoit nettement l’amour de Dieu dans son cœur, et deux ans après, elle obtient la permission de prononcer un vœu temporaire de virginité. Elle apprend de plus, non sans mal, le renoncement à sa volonté propre. Son désir ardent est d’entrer au Carmel, mais le Seigneur lui fait comprendre intérieurement que cette grâce ne lui sera pas donnée.

Une nièce très timide

Dans la congrégation des Enfants de Marie, un petit noyau de jeunes filles désire mener une vie plus retirée et adonnée à la prière. Le chanoine de Soubiran pense alors installer à Castelnaudary un béguinage, c’est-à-dire un groupement de femmes qui, sans prononcer de vœux, vivent sous un règlement adapté. Sophie-Thérèse perçoit ce que le projet a de chimérique, mais l’oncle conseille à sa « très timide nièce », comme il l’appelle parfois, de considérer la proposition et de consulter d’autres personnes. Elle s’adresse au Père Roucanière, jésuite, qui l’incline à y voir un appel de la Providence. Sophie-Thérèse est accablée, et un véritable effroi l’assaille. Pourtant, une entrevue avec Mgr Delbecque, évêque de Gand (Belgique) et supérieur d’un béguinage, lui rend la paix de l’âme. Elle écrira cependant : « Le détail des peines à venir m’était si clairement montré que j’en restais glacée d’épouvante. Et, en effet, vingt ans plus tard, tout s’est réalisé avec la plus fidèle exactitude. Ainsi, c’est à remarquer, presque toujours Dieu daigne, avant que d’agir, solliciter et obtenir le consentement de l’âme, traitant avec un respect plein d’amour la liberté de l’ouvrage de ses mains. Une grande paix suivit cette résolution. Jamais, depuis, je n’eus le plus léger doute. »

En août 1854, Sophie-Thérèse et une compagne effectuent un séjour au béguinage de Gand. Au mois de septembre, les deux jeunes filles rentrent en France pour établir un béguinage à Castelnaudary. Les débuts, sous les commentaires malveillants des voisins, sont difficiles. Mais bientôt, Sophie-Thérèse constate que plusieurs de ses compagnes désirent mener une vie religieuse plus formelle, et elle les oriente dans ce sens. Ainsi, deux genres de vie coexistent dans le petit enclos : on y trouve les petites maisons individuelles du béguinage, mais aussi, groupées autour de celle qui est devenue Mère Thérèse, les jeunes filles qui veulent mener une vie religieuse plus stricte. Le 5 janvier 1855, la Mère prononce le vœu perpétuel de virginité.

La subsistance des Sœurs est assurée par le travail quotidien, et la pauvreté n’est pas un vain mot. Les bâtiments, nécessaires à l’accueil des postulantes et d’enfants sans domicile qui affluent, sont édifiés avec la participation active de la communauté qui charrie des matériaux et creuse les fondations. Mais dans la nuit du 5 au 6 novembre 1861, un incendie ravage le bâtiment qui avait coûté tant de peine. Les orphelines logées à l’étage parviennent avec leur gardienne à monter sur le toit. Mais la ville n’est pas équipée pour lutter contre l’incendie, et les échelles sont trop courtes ! Un ancien forçat grand et vigoureux se colle à la muraille et soutient la plus grande échelle sur sa poitrine. Mère Thérèse lance un scapulaire du Mont-Carmel dans le foyer : les flammes s’écartent suffisamment pour permettre le sauvetage. Il y a cependant une victime dans le désastre. Après le drame, la Mère termine la nuit en prière avec ses filles.

Bientôt, l’institut devient une congrégation centrée sur l’adoration eucharistique, sous le patronage de Marie-Auxiliatrice. Le 8 septembre 1862, la nouvelle famille religieuse est consacrée à la Vierge pour qu’elle en soit la Mère et la supérieure ; les religieuses porteront toutes son nom béni. La vie de pauvreté de la communauté s’intensifie. Toutes les Sœurs travaillent avec ardeur, et la charité publique afflue : les malheurs supportés avec tant de courage ont vaincu les préventions de la population.

Des éclairs d’amour

Mère Marie-Thérèse entre alors dans une période de quatre années de violentes tentations contre la foi ; colère et obscurité sont son lot quotidien. De loin en loin, un éclair d’amour la confirme dans sa vocation, mais aussitôt après, la tentation revient. Ici-bas, enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, « nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2 Co 5, 7), et nous connaissons Dieu comme dans un miroir, d’une manière confuse…, imparfaite (1 Co 13, 12). Lumineuse de par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans l’obscurité. Elle peut être mise à l’épreuve. Les expériences du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire la Bonne Nouvelle ; elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation » (CEC, n° 164). Confrontée avec intensité à cette épreuve spirituelle, Mère Marie-Thérèse persévère patiemment dans un chemin d’obscurité, poursuivant le dessein qu’elle avait embrassé sous la lumière divine.

En 1863, le jour anniversaire de l’incendie, elle organise une veillée d’adoration du Très Saint Sacrement. Bientôt, à la demande des Sœurs, l’adoration nocturne devient quotidienne. Au terme d’une retraite ignacienne de trente jours, la Mère comprend clairement que Dieu voulait “Marie-Auxiliatrice”, avec, pour elle, « l’obligation d’y rester, de travailler à sa formation et à son extension. » Les orientations de la nouvelle Société sont l’expiation des péchés, l’imitation du Christ, l’humble obéissance amoureusement fidèle, la pauvreté constamment recherchée et la chasteté, sous le regard de Marie-Auxiliatrice. Mère Marie-Thérèse constate l’exode rural des jeunes vers la ville où l’industrialisation commence à se développer. Le projet apostolique de la congrégation de Marie-Auxiliatrice sera donc de « soutenir les jeunes filles de l’âge de quatorze à vingt-cinq ans environ. Très spécialement cette partie de la jeunesse qui, sans famille, réside dans les grandes villes, fréquente l’atelier et les fabriques. Ce but étant un besoin de nos sociétés modernes qui centralisent tout et remplacent les familles chrétiennes par des masses d’individus. » Après avoir nommé une supérieure pour diriger le béguinage de Castelnaudary, la Mère émigre, avec celles qui le souhaitent, vers Toulouse. Le 20 novembre, leur chapelle est bénie et l’adoration du Très Saint Sacrement instaurée dès le lendemain.

« Ta mission est finie »

Pénétrée de la spiritualité des Exercices de saint Ignace et de l’esprit du Carmel, Mère Marie-Thérèse écrit dans les règles de Marie-Auxiliatrice : « L’esprit de simplicité et de sainte petitesse doit être notre esprit propre ; il nous empêchera toujours de dédaigner comme trop commune et trop vulgaire aucune des œuvres qu’il plaira à la Providence de nous confier… » Elle souhaite que les filles de Marie-Auxiliatrice prennent d’emblée la dernière place, aient une prédilection pour les délaissés, une souplesse infinie à créer, quitter, persévérer, renoncer. Le 19 décembre 1868, Pie IX approuve officiellement la Société. Des fondations à Amiens, Lyon et Londres se font dans un esprit de paix, malgré de grandes tribulations et de grandes privations. L’âme de la Mère se trouve dans des ténèbres épaisses, mais cet état douloureux ne l’empêche pas de rayonner assurance et stabilité de vues : « C’est, reconnaît-elle, le sujet d’un grand miracle de la bonté de Notre-Seigneur pour la Société, le miracle de tout conserver malgré moi. »

La fondation de Londres s’était effectuée à l’occasion de la guerre franco-prussienne de 1870 : en 1871, les Sœurs qui avaient dû fuir rentrent en France. Pendant leur séjour en Grande-Bretagne, l’une d’elles, Mère Marie-François de Borgia avait commencé à prendre de l’importance. Cette femme, entrée déjà mûre dans la très jeune communauté en 1868, avait réussi à cacher sa condition de femme mariée. Durant plusieurs années, sa facilité prodigieuse d’adaptation a masqué une extrême confiance en elle et un amour démesuré de la gloire. Incapable de comprendre l’esprit de soumission, elle en vint à considérer l’héroïsme sans éclat et l’humilité de la supérieure comme une lacune la rendant impropre à gouverner. Fascinées par la forte personnalité de Mère Marie-François, les Sœurs l’élisent assistante générale auprès de la fondatrice. L’attitude d’effacement habituel de celle-ci et sa défiance envers ses propres vues l’inclinent à s’appuyer de plus en plus sur son assistante. Elle se reprochera plus tard de n’avoir pas eu assez de confiance en la Toute-Puissance de Dieu, et de s’être trop confiée à la créature. Dans une locution intérieure, le Seigneur l’avertit : « Ta mission est finie ; bientôt, il n’y aura plus même de place pour toi dans la Société ; mais je conduirai toutes choses avec autant de force que de douceur. »

Mère Marie-François, qui conçoit le projet de recueillir les orphelines de guerre et de leur apprendre un métier, obtient d’être nommée économe générale. Sous son impulsion, en 1873, toutes les maisons se doublent d’ateliers qui accueillent jusqu’à 150 enfants. Mère Marie-Thérèse expose à son assistante les difficultés rencontrées. Celle-ci commence alors à distiller habilement dans la communauté un doute sur la fondatrice. Dans un rapport sur l’état des finances, elle affirme que la Société est grevée d’une dette considérable. En fait, beaucoup de devis y figurent comme « dettes » ; de plus, il eût suffi de suspendre quelques constructions et de fermer quelques ateliers pour rétablir la situation financière. Mais Mère Marie-François accuse, en plein conseil, la fondatrice « d’orgueil, d’ambition, d’affreuse irrégularité qui ne peut qu’attirer sur la Société la malédiction de Dieu, et de ne savoir en rien gouverner ni administrer ». La menace de la faillite, brandie par l’assistante, a un effet décisif sur les Sœurs : il faut démettre la fondatrice ! Mgr de la Tour d’Auvergne, supérieur ecclésiastique de la Société, croit, lui aussi, à la faillite. La fondatrice démissionne. Mère Marie-François se fait nommer supérieure générale, le 13 février 1874. Elle décide aussitôt d’éloigner Mère Marie-Thérèse. Celle-ci se rend chez les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul à Clermont-Ferrand.

Le poids des âmes

«Pour sauver cette chère petite Société, écrira la fondatrice, je fis le sacrifice si dur de ne plus la revoir. Dieu seul sait combien elle m’était chère… Ma douleur la plus aiguë était la vue de tant d’âmes qui, en quelque sorte, m’appartenaient, et dont les vœux, me disait-on, allaient être brisés par ma seule faute [si elle ne démissionnait pas]. Oh ! le poids des âmes est une douleur à nulle autre pareille et que seul peut comprendre celui qui l’a soufferte… Avec cette mer d’amertume, il m’était une autre douleur bien sensible : la séparation d’avec ma sœur [Mère Marie-Xavier, qui était religieuse avec elle]… Enfin, une troisième épine était ma vocation tant aimée que j’étais près de perdre pour toujours ; mes vœux sur le point de se rompre, sans guère d’espérance de les retrouver jamais… Abandonnée de tous ceux que j’aimais, de ceux en qui j’avais placé toute ma confiance, je fus rejetée sans asile… obligée de garder le silence et de laisser ainsi tout peser sur moi seule. » Dans cette détresse profonde, la Mère élève son âme : « Je n’aurais pas voulu changer ma place… Il me semblait que, par cette souffrance, je travaillais plus que par toute autre chose au bien de la Société, à l’allègement des angoisses et des difficultés qui l’oppressent. »

Mère Marie-François laisse entendre aux conseillères que leur Mère fondatrice est sortie spontanément de l’institut. Le 26 mars 1874, Mère Thérèse lui écrit : « Je suis à la disposition de Notre-Seigneur, c’est-à-dire en vos mains… J’espère que la sainte obéissance dira le dernier mot et que je serai tranquille quoi qu’elle décide… J’ai dû écrire à Mgr de Bourges (Mgr de la Tour d’Auvergne) comme je l’avais fait à vous-même que, si je ne devais plus rentrer dans la Société, je priais Sa Grandeur de me relever de mes vœux, de vouloir bien faire dégager ma signature de toutes les affaires de la Société… » Mère Marie-François essaie de lui faire accepter le supériorat de la maison de Londres avec l’intention de séparer ensuite cette maison de l’institut. Mais l’évêque pressent la manœuvre et prévient la fondatrice. « Nos bonnes Mères n’ont voulu ma rentrée, écrira celle-ci, qu’en faisant de Londres une maison séparée de Marie-Auxiliatrice. C’était inacceptable. » Dans l’épreuve, elle s’ancre dans la prière : « Mon Dieu seul me restait. Seul Il était bon et tendre… et Il daignait verser en mon âme des trésors de foi, d’espérance et d’amour que, sans ce torrent de douleurs, je le sais, je n’eusse jamais goûtés… Autant qu’il dépendait de moi, je me fis pauvre avec Jésus-Christ pauvre… et mon âme surabondait de joie de n’avoir que son Dieu. »

Une toute petite postulante

Après l’échec de diverses tentatives pour entrer dans un ordre religieux, Mère Marie-Thérèse est reçue, le 20 septembre, à Notre-Dame de Charité du Refuge, à Paris, où on lui donnera le nom de Sœur Marie du Sacré-Cœur. Elle écrit à Mère Marie-François : « Me voilà devenue toute petite postulante. Daigne Celui qui, avec tant d’amour, s’est fait petit et pauvre, me donner assez de courage pour vouloir être aussi, à son exemple, petite et vraiment pauvre de moi-même. » Elle se soumet avec simplicité à toutes les petites habitudes propres à une communauté qu’elle ne connaît pas encore : « Je me montrerai douce, humble, reconnaissante du travail de mort que Dieu veut bien opérer en moi par les créatures qui me blessent, note-t-elle… ici-bas je suis étrangère, je vais partir. » Des religieuses témoigneront que « lorsqu’elle parlait de Dieu son visage s’enflammait, ses yeux s’illuminaient, une vie intense semblait la saisir, ce qui contrastait fort avec son extérieur habituellement maladif ».

Dans la Société qu’elle a fondée, les novices n’entendent même plus parler d’elle. Mais le gouvernement de Mère Marie-François prend un tour despotique : activités incessantes qui rendent difficiles le recueillement et la vie intérieure, expulsion, sans prendre l’avis du conseil, d’une trentaine de religieuses. On abandonne la spiritualité de saint Ignace pour celle de saint François puis de saint Dominique ; finalement on ne vit de l’esprit d’aucun d’eux. Les maisons se fondent et se ferment à une cadence élevée : en quinze ans, la Société connaît onze transferts de noviciat et sept changements de maîtresse des novices. Consciente du mal, l’autorité ecclésiastique n’ose pas trancher, pour éviter de porter un coup fatal à la Société. Les souffrances des religieuses ne franchissent pourtant pas les murs, et le plus pur esprit religieux se maintient grâce à ces immolations silencieuses, fruits de celle de la fondatrice ignorée. Mère Marie-Xavier obtient la permission d’aller la visiter chaque année, avec toutefois l’interdiction absolue de parler de la Société. Mais le 3 janvier 1881, elle-même, subitement mise à la porte, vient demander son admission à Notre-Dame de la Charité. Le coup est rude pour la fondatrice.

Le 7 octobre 1888, Mère Marie-Thérèse entre à l’infirmerie où elle s’éteint la veille de la Pentecôte, le 7 juin 1889, avec ces mots sur les lèvres : « Venez, Seigneur Jésus, venez ! » Ses écrits intimes s’achèvent ainsi : « Je dois affirmer comme des vérités très certaines : que personne n’a voulu réellement me faire de la peine… que tout s’est pourtant fait parce que le Bon Dieu l’a voulu ou permis dans des desseins de miséricorde et d’amour pour mon âme ; que par une grâce particulière, malgré mon orgueil, avec raison, je n’ai jamais mis en doute qu’à tous les points de vue il était très avantageux à Marie-Auxiliatrice de se débarrasser de moi. Seulement ma nature a trouvé les moyens violents, alors surtout que je me fusse prêtée à tout, ce me semble ; mais, encore une fois ces moyens étaient nécessaires à mon âme et ils m’ont procuré de très grands bien spirituels. »

Une vénération enfin possible

Le gouvernement de Mère Marie-François s’effondre après la mort de Marie-Thérèse de Soubiran ; le 13 février 1890, l’usurpatrice notifie brusquement sa démission puis quitte l’Institut. Deux conseillères mettant de l’ordre dans les papiers de l’ex-supérieure, exhument la correspondance qu’elle avait eue avec leur fondatrice. La vérité vient alors au jour. La fondatrice est réhabilitée dans la communauté et les Sœurs anciennes peuvent transmettre ouvertement aux plus jeunes leur vénération pour leur véritable Mère. Le 20 octobre 1946, Mère Marie-Thérèse de Soubiran était proclamée bienheureuse par Pie XII. En 2017, sa congrégation comptait cent soixante Sœurs réparties dans vingt-trois maisons, en Europe, Afrique, Asie et Océanie.

L’histoire de Mère Marie-Thérèse est déroutante. Fondatrice, celle-ci est injustement accusée puis obligée de quitter son institut pour aller, sans aucune ressource, finir sa vie dans une autre congrégation religieuse, tandis qu’une intrigante prend sa place et met en péril son institut. Seul, un regard de foi vers la Providence peut tenter de l’expliquer. Dieu gouverne le monde de façon souveraine, et, tout en respectant la liberté qu’Il a donnée à ses créatures intelligentes, sa Toute-Puissance fait en sorte que tout concoure au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8, 28). « Dieu a fait le monde et Il le bouleverse uniquement pour faire des saints », affirmait la Mère de Soubiran. À travers ses lourdes épreuves, dans un dépouillement universel si douloureux, elle a retrouvé sa pureté d’enfance. Elle pouvait écrire, à la fin de sa vie : « Le Bon Dieu me ramène à mon âme de quinze ans, je veux dire à l’amour simple et tendre que j’avais à cet âge. Comme un enfant d’amour, je vis en tranquillité sur le sein de mon Dieu et j’y jouis de mon bien. J’ai pour Lui la confiance de l’enfant dans les bras de la plus tendre des mères. En Lui et par lui, je ne doute de rien. J’attends tout de Lui pour moi et pour ceux que j’aime, pour le temps et pour l’éternité » (Écrits spirituels, p. 63).

La Vérité enseignait deux choses à Mère Marie-Thérèse, affirmait le Pape Pie XII : « La première, c’est le secret du détachement total qui la libère des défiances du cœur, de l’orgueil de l’esprit, qui lui montre le néant et l’instabilité des choses créées… La seconde, qu’elle recueille des lèvres mêmes du divin Maître : Si le grain de froment ne tombe dans la terre et n’y meurt, il reste seul : mais s’il meurt, il portera beaucoup de fruit (Jn 12, 24-25)… Il nous est donné aujourd’hui d’admirer la puissante efficacité de ces deux vérités. Par tant de bouleversements, quelle merveille de sainteté Dieu a réalisée en elle ! De son abaissement, de son enfouissement dans le plus profond abîme de l’humiliation, quelle admirable moisson a germé ! Et quelle voie large et spacieuse l’amour a ouverte sous ses pas ! »

Que la bienheureuse Marie-Thérèse de Soubiran nous obtienne la grâce de suivre ses exemples d’humilité !

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