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3 mai 2022

Bienheureux Titus Brandsma

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

« Le Père Titus Brandsma est une figure presque de notre époque, qui se distingue par sa haute stature morale, disait le Pape Jean-Paul II ; un prêtre intègre, professeur d’université, consultant ecclésiastique pour la presse catholique, écrivain et journaliste. Une vie passée pour le Christ, jusqu’à l’immolation héroïque pour la défense de la vérité et de la foi catholique contre les agressions du totalitarisme, dans la période sombre de l’invasion nazie de la Hollande… Avec un courage intrépide, égal à la sérénité claire de l’âme, le Père Titus a affronté son épreuve, passant d’une prison à l’autre au milieu des atrocités infligées aux détenus, et scellant son témoignage au Christ avec le sacrifice suprême dans le camp de concentration de Dachau » (Homélie de béatification, 4 novembre 1985).

Titus Brandsma (père) et son épouse, Titsje Postma, sont fermiers en Frise néerlandaise (nord des Pays-Bas). Ils ont déjà quatre filles lors de la naissance, le 23 février 1881, d’un premier garçon qui reçoit dès le lendemain le Baptême sous le nom d’Anno. Un petit frère sera le dernier de la famille. Dans cette région à forte majorité protestante, ils sont catholiques fervents, vont quotidiennement à la Messe et prient chaque soir en famille. Membre du conseil paroissial et du conseil municipal, le père est chantre à la Messe dominicale. Cinq vocations fleuriront dans cette famille (trois des filles et les deux garçons).

Une livrée royale

Né frêle, Anno le restera toute sa vie, mais son intelligence et sa sensibilité sont vives. Élève chez les Franciscains, d’une mémoire prodigieuse, il sera bientôt le premier de sa classe. Il souffre toutefois fréquemment de maux d’estomac, ce qui ne l’empêche pas de patiner lorsque la Meuse est gelée. Très tôt, il est attiré par la vie religieuse. Une dévotion particulière à Marie et l’esprit de prière l’orientent vers les Carmes, et il entre dans leur couvent de Boxmeer. La discipline y est rude ; les cellules du noviciat ne sont chauffées que par un poêle dans le couloir. Il écrit toutefois à ses parents : « L’esprit du Carmel m’a conquis. » Le 22 septembre 1898, il reçoit l’habit religieux, avec le nom de Frère Titus. Le scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel lui apparaît comme l’uniforme de la garde d’honneur de Marie : « Ni talisman, ni amulette, mais un signe d’honneur et une livrée royale. » Il émet ses premiers vœux le 3 octobre 1899. Sa santé cependant le fait dispenser de certains offices, notamment celui de la nuit. Avant même d’avoir vingt ans, il compose une anthologie des œuvres de sainte Thérèse d’Avila sur trois cents pages, que ses supérieurs estimeront utile de publier.

En 1901, le Père Hubert Driessen, carme docteur en philosophie, arrive de Rome pour donner un nouvel élan aux études dans la province flamande. Frère Titus s’applique à aider les étudiants qui peinent à comprendre le maître, mais au bout de trois mois, atteint de graves maux gastriques, il doit s’aliter quelque temps. Bientôt le Père Driessen, nommé Procurateur général, regagne Rome. Après sa profession perpétuelle, Frère Titus se rend au couvent d’Oss pour y étudier la théologie. Ordonné prêtre le 17 juin 1905, il part poursuivre ses études à Rome, où il obtient le doctorat en philosophie en 1909. On le nomme alors professeur de philosophie et de théologie au couvent d’Oss. Le Père Hubert Driessen, devenu provincial pour les Pays-Bas, lui confie la direction des études pour les carmes néerlandais. De sa voix basse et un peu monotone, le Père Titus réussit à convaincre les étudiants que philosophie et théologie ne sont pas des sciences purement spéculatives, mais qu’elles permettent une meilleure connaissance de Dieu et nourrissent la vie spirituelle.

En 1916, il entreprend la traduction en néerlandais des œuvres de sainte Thérèse d’Avila. Membre et secrétaire de l’Union catholique de Frise, il traduit en frison (une langue germanique) l’Imitation de Jésus-Christ, et sera l’un des artisans de l’instauration d’une chaire de frison à l’Université catholique de Nimègue. Dans sa vie quotidienne, il rend tous les services possibles, conseillant ceux qui le consultent, corrigeant des articles pour la publication, cherchant une maison pour les sans-logis. Après la Grande Guerre, il instaure des semaines missionnaires pour financer les œuvres des carmes au Brésil. Durant l’été 1921, il prêche des missions en Hollande. Mais la fatigue et des saignements intestinaux le terrassent et il doit s’aliter. Son courage et sa volonté de guérir lui permettent toutefois de reprendre ses travaux dès le mois d’octobre.

Le Père Titus postule généreusement pour partir avec la mission carme à Java, alors colonie néerlandaise. Mais ses supérieurs estiment sa présence plus utile dans la province flamande, surtout après sa nomination en 1923 comme professeur à la nouvelle université catholique de Nimègue. Là, tout doit être organisé, depuis la construction d’un nouveau couvent de Carmes dans le voisinage – dont il sera d’ailleurs nommé prieur – jusqu’à l’accueil des étudiants. Il met en place des congrès annuels pour faire connaître l’université et la culture catholique flamande, même à l’étranger. Dans l’élan qui accompagne l’instauration, par le Pape Pie XI, en 1925, de la fête du Christ-Roi, il contribue à l’érection à Oss d’une statue géante du Christ-Roi.

Les yeux et les oreilles captivés

En 1926, il participe au mouvement de l’Apostolat de la réunification en vue de la réunion à l’Église romaine des Églises séparées orientales, et il obtient la fondation d’une chaire de théologie orientale à Nimègue. Il manifeste aussi sa sympathie aux Arméniens persécutés et étend sa charité à tous les chrétiens non catholiques. Ses responsabilités à l’université vont de pair avec le souci de l’enseignement secondaire et la fondation de lycées. Il fait plusieurs visites au ministère de l’Instruction pour obtenir des subventions d’État en leur faveur. Élu recteur de l’université de Nimègue en 1932, pour trois ans, il se révèle un excellent administrateur, capable de gérer des situations très délicates. Au lendemain de sa sortie de fonction, en 1935, il retourne paisiblement à ses cours et apostolats. Il s’adonne aussi au ministère du sacrement de Pénitence. Bientôt invité aux États-Unis pour une tournée de conférences, il manifeste son intérêt pour les minorités et pour la presse catholique. Durant ce voyage, il séjourne au monastère de Niagara Falls : la beauté et l’immensité de la nature le plongent dans le mystère du Dieu Créateur, et lui font percevoir son Amour, tandis que ses yeux et ses oreilles restent captivés par la splendeur des chutes du Niagara.

Au sein de tant d’occupations, le Père Titus conserve une vie intérieure intense. Il s’applique à faire de toutes ses actions une prière et une louange : « La prière, dit-il, est vie, et non une oasis dans un désert. » Le Pape Benoît XVI explicitera la même pensée : « La véritable prière consiste à unir notre volonté à celle de Dieu. Par conséquent, pour un chrétien, prier ne signifie pas fuir la réalité et les responsabilités qu’elle comporte, mais les assumer jusqu’au bout, en ayant confiance dans l’amour fidèle et inépuisable du Seigneur. Chers frères et sœurs, la prière n’est pas un accessoire, une option, mais une question de vie ou de mort. En effet, seul celui qui prie et se confie à Dieu avec un amour filial, peut entrer dans la Vie éternelle qui est Dieu lui-même. » (4 mars 2007).

Le Père Titus écrit : « Si chaque humain voulait vivre en présence de Dieu, et si tous nous vivions dans une totale dépendance vis-à-vis de cette présence, la lumière du Seigneur serait si vive en nous que nous ne pourrions agir qu’en conformité à ses lois. Les hommes doivent retrouver Dieu et vivre dans sa lumière : c’est ce qu’on nomme la mystique. L’esprit mystique ne s’oppose pas à la nature, bien au contraire : n’est-ce pas la vocation humaine que de voir Dieu ? » Ayant beaucoup étudié les mystiques, surtout ceux de son Ordre et de son pays, il se fait l’apôtre de la théologie spirituelle, s’attachant plus à l’enseignement des saints qu’aux phénomènes extraordinaires. À l’occasion de la béatification de sainte Thérèse de Lisieux, en 1923, il a écrit : « Généralement on attend quelque chose de spécial d’un saint, quelque chose qui sorte de l’ordinaire… Ici, pourtant, on voit la sainteté si prosaïque et ordinaire que, de l’extérieur, on n’y voit pas la sainteté. Mais, précisément, c’est cela la vraie sainteté. » La pauvreté lui tient à cœur : « Sans la pauvreté, le religieux n’est qu’un pharisien. Ici aux Pays-Bas, plus qu’ailleurs, nous sommes trop attachés à toutes sortes de choses, et nous usons du confort. » Mais, pour bien travailler, il s’assure un chauffage convenable et les livres qui lui sont nécessaires. Sa vie spirituelle le rend, de plus, très attentif aux autres ; il sait offrir à un hôte un cigare ou une tasse de café, y renonçant d’ailleurs pour lui-même.

Une voix énergique

En 1933, Adolf Hitler accède au pouvoir en Allemagne. Il opère un redressement économique spectaculaire, mais instaure une dictature fondée sur une idéologie extrêmement nocive, marquée par le racisme. Le Père Titus est l’un des premiers à la dénoncer. Dès 1934, dans une lettre pastorale, les évêques de Hollande interdisent aux catholiques de faire de la propagande pour le nazisme. En 1936, paraît à Amsterdam un opuscule intitulé : “Voix hollandaise sur le traitement des Juifs en Allemagne”. Parmi ces voix, il y a celle, énergique, du professeur Brandsma. Cette prise de position du Père Titus ne passe pas inaperçue en Allemagne : à Berlin, un journal publie un article insultant, intitulé “Ce méchant professeur” ; à la suite de cet article, une campagne de dénigrement circule à Nimègue, l’accusant d’être favorable au communisme. En 1937, Pie XI condamne, à quelques jours d’intervalle, le nazisme (Encyclique Mit Brennender Sorge) et le communisme (Encyclique Divini Redemptoris). Le Pape discerne dans le nazisme un néo-paganisme provoquant une apostasie et un reniement de l’unique Église du Christ.

Dans ses cours de philosophie, le Père Titus n’hésite pas à montrer toute la perversité de l’idéologie nazie, issue de la philosophie de Nietzsche et axée sur la volonté de puissance. Dans son livre intitulé : “Itinéraire spirituel du Carmel”, il écrit : « Le néo-paganisme peut répudier l’amour, l’histoire nous enseigne que, malgré tout, nous serons vainqueurs de ce néo-paganisme par l’amour. Nous n’abandonnerons pas l’amour. L’amour nous regagnera le cœur de ces païens. La nature est plus forte que la philosophie. Qu’une philosophie rejette et condamne l’amour et l’appelle faiblesse, le témoignage vivant d’amour renouvellera toujours sa puissance pour conquérir et captiver le cœur des hommes. » Pie XI affirme : « Le premier don de l’amour du prêtre à son entourage, celui qui s’impose le plus évidemment, c’est celui qui consiste à servir la vérité, toute la vérité, à dévoiler et à réfuter l’erreur sous quelque forme, sous quelque masque ou déguisement qu’elle se présente » (Mit Brennender Sorge, n° 46).

Face à la persécution

En mai 1940, les troupes allemandes envahissent les Pays-Bas, pourtant neutres dans le conflit européen. Un an après, les religieux et les prêtres sont privés du droit de diriger les écoles. L’archevêque d’Utrecht demande alors au Père Brandsma, en tant que président de l’Union des écoles catholiques, d’intervenir auprès du ministère, en faveur de la liberté de l’enseignement. Celui-ci obtient des promesses, qui ne seront pas tenues. En août 1941, les écoles catholiques sont sommées d’expulser les élèves juifs. Titus déclare : « L’Église ne fait aucune discrimination de race et de peuple. Nous ne pouvons pas ne pas admettre ces enfants dans nos écoles. » La presse catholique est aussi un sujet de conflit avec l’occupant. Titus, qui avait été nommé en 1935 conseiller ecclésiastique des journalistes catholiques, déclare que la liberté de conscience doit être respectée. Le 18 décembre, le ministère de la propagande informe la presse hollandaise qu’il lui est interdit de refuser l’insertion des articles émanant du mouvement national-socialiste. Le 31 décembre, Titus écrit une lettre aux journalistes catholiques pour les inciter à passer outre : les journaux qui accepteraient d’insérer ces articles perdraient leur caractère catholique. Dans un entretien, l’archevêque conseille au Père Titus la prudence : « Ils vous arrêteront plus facilement que moi. – Je sais, répond le carme, mais je puis agir plus facilement que vous. »

En janvier 1942, à la demande de l’archevêque, le Père fait un voyage à travers le pays pour rencontrer les évêques et les directeurs de journaux catholiques, et les convaincre de mettre en œuvre les directives de sa lettre du mois précédent. Le 15 janvier, les autorités allemandes imposent à tous les journaux de publier deux communiqués dans les deux jours. Le 16, l’archevêque menace de sanctions ceux qui soutiendraient le mouvement nazi. Attentive à son opposition habile et tenace, la Gestapo suit de près le Père Titus, ce « petit religieux, petit mais dangereux ». Le 19 janvier, deux visiteurs se présentent au couvent : ce sont des agents de la Gestapo venus l’arrêter. Le Père, qui revient de donner un cours, mais prévoyait son arrestation, se présente à eux : « Me voici ! » Ils lui annoncent qu’ils doivent l’emmener au train de 18 h 30 pour Arnhem, et commencent par une perquisition minutieuse de sa chambre, où ils ne trouvent rien de compromettant. À l’approche de l’heure du train, le Père les interpelle : « Messieurs, c’est l’heure ! Les trains hollandais n’ont pas l’habitude d’être en retard, pas même pour attendre les policiers allemands ! » Dans l’escalier, ils rencontrent le directeur du quotidien catholique de Nimègue, venu consulter le Père : « Je suis désolé, mais je ne puis vous recevoir : ces messieurs sont venus m’arrêter… Remettons l’entretien à plus tard ! » À la sortie du bâtiment, la communauté est là ; le Père demande au prieur la permission de sortir…

Un élément dangereux

Le 20 janvier, il est transféré au quartier politique de la prison de Scheveningen, aux Pays-Bas, et subit son premier interrogatoire. Des évêques lui avaient conseillé de tout mettre sur leur compte, mais il avait refusé. Le Père Titus expose à l’officier Hardegen comment la foi donne aux fils de l’Église la force pour supporter tous les sacrifices. L’officier conclut que l’archevêque et le Père Titus sont les principaux artisans de la résistance aux consignes du parti. Le lendemain, le carme remet à ses interrogateurs un rapport écrit sur l’incapacité du parti nazi néerlandais d’influencer en profondeur la société néerlandaise, profondément imbue de culture chrétienne. Dans la conclusion de ses interrogatoires, l’officier laisse paraître son admiration pour la détermination du Père, mais il estime qu’il faut le garder en prison, jusqu’à la décision des autorités supérieures, comme un élément dangereux pour la politique du Reich. Le Père Titus reste cinquante jours à Scheveningen. Il transforme sa cellule de prisonnier en cellule de religieux : le matin, il récite les prières de la Messe, fait la Communion spirituelle ; puis c’est l’oraison et les Heures du Bréviaire. Pendant sa détention, il rédige sept chapitres d’une biographie de sainte Thérèse d’Avila qu’il avait entreprise, et qu’un de ses confrères achèvera après sa mort. S’adressant au Seigneur, il dit : « Quand je Te regarde, ô Jésus, je comprends que Tu m’aimes comme le plus cher de tes amis ! » Et encore : « Toi, ô Jésus, sois près de moi, je n’ai jamais été si proche de Toi. Reste avec moi. Reste avec moi, mon doux Jésus. Ta proximité me rend toute chose bonne. » Plus tard, il confiera : « Je me suis rarement senti si heureux. »

Le 12 mars, il est transféré au camp d’Amersfoort, lieu de travaux forcés : près de dix heures de travail par jour, à creuser la terre gelée pour préparer un champ de tir. Il écrit pourtant à des confrères : « J’ai la possibilité d’être à l’air libre et de parler avec des connaissances. Tout va bien pour moi ; ne vous inquiétez pas. » Très peu alimentés, les prisonniers maigrissent rapidement. Le Père souffre de malaises et de vertiges ; puis, atteint de dysenterie, il doit gagner l’infirmerie. Il trouve cependant la force de soutenir le moral des autres : on l’appelle “oncle Titus”, et tous cherchent sa compagnie. Profitant d’une certaine tolérance des gardiens, il donne, le Vendredi Saint, une conférence devant une centaine de détenus sur le sens de la souffrance : « Jésus est notre exemple ; Il est notre force ; sa vie, sa Passion sont le premier objet de notre contemplation. »

« Dans la souffrance, remarque saint Jean-Paul II, le Père Titus savait qu’il était profondément lié au Christ. Cela lui a donné un calme chrétien même envers ses bourreaux, et lui a donné la force de répondre avec amour à la haine qu’il subissait. Sa solidarité avec ses codétenus et la foi qu’il a vécue – qui l’a même fait prier pour ses bourreaux – ont transmis lumière et espérance à tous ceux qui partagaient avec lui la cruauté et l’inhumanité du camp » (4 novembre 1985).

« Nous ne pouvons le tolérer ! »

Le 28 avril, de retour à Scheveningen, il est de nouveau longuement interrogé par Hardegen, qui constate que l’épreuve des travaux forcés n’a pas ébranlé sa détermination. L’officier prononcera la sentence suivante : Titus « n’est pas anti-allemand mais opposé au nazisme, et cela, nous ne pouvons le tolérer ». Le Père partage sa cellule avec deux jeunes détenus protestants. Au cours de leurs longs entretiens, il leur raconte sa vocation. Ensemble, ils méditent la Bible et prient, y compris pour leurs gardiens. L’un de ceux-ci, impressionné par la joie rayonnante de Titus, se confesse à lui. « Nous considérons comme une chose merveilleuse d’avoir eu pour compagnon de prison le Père Brandsma, diront les deux prisonniers. Nous sommes convaincus que c’était un homme extraordinaire et qu’il est à présent au paradis. Il est mort martyr pour sa foi. » Le samedi 16 mai, on transfère le Père à Clèves, en Allemagne, dans une prison de triage des déportés. La vie y est plus supportable. Les prisonniers ne sont pas condamnés au travail et jouissent d’une relative tranquillité. Il y a une chapelle où Titus peut assister à la Messe et communier le dimanche et les jours de fête. Sa plus grande souffrance est alors la faim. Le 13 juin, il est associé à un groupe de prisonniers envoyés au camp de concentration de Dachau. Chaque jour, lors des marches forcées, puis au camp, des gardiens le frappent. De ses bourreaux, il va jusqu’à dire : « Eux aussi sont des enfants de Dieu, et peut-être quelque chose en est-il resté en eux. » Déclaré apte au travail, en dépit de son état de fatigue, il doit chaque jour faire deux heures de marche et onze heures de travaux, pour l’aménagement d’un parc. Le 12 juillet il écrit pourtant aux siens : « Je vais bien. Une fois de plus, avec l’aide de Dieu, je m’adapte. » Mais ses forces déclinent, et il peine à suivre le rythme, ce qui lui vaut de nouveaux coups, malgré la protection de ses codétenus. Il passe trente-sept jours à Dachau, où il communie souvent, car des prêtres allemands détenus célèbrent la Messe en cachette. En cinq ans, en effet, 2600 ecclésiastiques passeront par le camp, et 1600 y mourront. Le 26 juillet 1942, une infirmière achève le Père Titus en lui injectant de l’acide phénique.

Le 20 juillet, les évêques catholiques de Hollande avaient publié une lettre pour stigmatiser les persécutions nazies contre les Juifs. Le 27, un décret du Commissaire du Reich pour les Pays-Bas ordonne : « Tous les juifs catholiques seront déportés dans le courant de cette semaine. » C’est ainsi qu’Édith Stein est arrêtée et déportée avec sa sœur et des milliers de Juifs vers le camp d’extermination d’Auschwitz, où elle sera mise à mort dans une chambre à gaz le 9 août.

Lors de la béatification du Père Titus, saint Jean-Paul II affirmait : « Le bienheureux Titus Brandsma disait : “Quiconque veut gagner le monde au Christ doit avoir le courage d’entrer en conflit avec lui.” Lui-même a vécu de cette façon et nous en a donné l’exemple. Vous aussi, ayez le courage de ne pas vous conformer au monde, pour l’amour du Christ, de résister à ses tentations trompeuses et de suivre fidèlement les seules voies de Dieu ! »

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