22 février 2022
Bienheureuse Laura Vicuña
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
« Tout au long des siècles jusqu’en notre temps, écrivait le Pape Jean-Paul II, il ne manque pas d’enfants ni de jeunes parmi les saints et les bienheureux de l’Église… Le Rédempteur semble partager avec eux sa sollicitude pour les autres, pour leurs parents et pour leurs camarades, garçons et filles. Il attend tellement leur prière ! Quel pouvoir immense a la prière des enfants ! Elle devient un modèle pour les adultes eux-mêmes : prier avec une confiance simple et totale veut dire prier comme savent prier les enfants » (Lettre aux enfants, 14 décembre 1994).
L’Amérique du Sud a donné à l’Église une enfant béatifiée par le même Pape. Laura del Carmen est née le 5 avril 1891 à Santiago du Chili, de José Domingo Vicuña, militaire issu de l’une des familles les plus notables du Chili, et de Mercedes Pino, d’humble origine. Laura est baptisée près de trois semaines après sa naissance. Cette même année, de graves troubles sociaux mettent en danger la parenté de José Domingo, qui doit fuir avec sa famille. Ils s’installent à Temuco, à cinq cents kilomètres au sud de la capitale, dans une grande pauvreté. En 1894, naît une seconde fille, Julia Amanda ; mais le père meurt quelques mois plus tard. Sa jeune veuve reprend avec courage son métier de couturière et parvient à ouvrir une petite mercerie. Laura se révèle une enfant tranquille et obéissante : sa mère témoignera qu’elle ne lui fit jamais de peine.
En 1898, Mercedes fait la connaissance d’un groupe de Sœurs de la congrégation salésienne de Marie-Auxiliatrice, conduites par le Père Milanesio, un missionnaire intrépide. Elles souhaitent se rendre en Argentine, mais des pluies et d’abondantes chutes de neige dans les Andes les retiennent à Temuco. En janvier 1899, laissant Mercedes et ses filles sur place, les Sœurs prennent le chemin de la montagne et arrivent quelques jours plus tard à Junín, dans la province argentine de Neuquén. Ce poste militaire se situe à une altitude de 780 mètres, sur les premiers contreforts des Andes. Le bourg compte alors trois cent cinquante habitants, tandis que deux mille autres, la plupart indigènes et chiliens, vivent disséminés dans les “altiplanos” (hauts plateaux) et les vallées environnantes. Les premiers colons de l’endroit ne sont arrivés qu’une vingtaine d’années plus tôt. La conquête spirituelle a tout juste commencé : la première mission des Salésiens date de 1888. Don Milanesio a été l’un des audacieux missionnaires à cheval de la contrée ; il a baptisé plusieurs centaines, voire des milliers d’Arauncans (Indiens du sud du Chili et de l’Argentine). Les Filles de Marie-Auxiliatrice ouvrent la première école pour jeunes filles de la région, le 6 mars 1899. Une école de garçons est également ouverte par les Salésiens. Les Pères Augusto Crestanello et Zacarias Gen-ghini assurent la direction spirituelle des deux établissements.
Un seigneur féodal… sans foi
Se rendant bientôt compte qu’il n’y a pas d’avenir pour elle à Temuco, Mercedes se décide à partir avec ses filles. Pendant la belle saison, de décembre à mars, des caravanes se rendent régulièrement du Chili à la province voisine de l’Argentine, plus riche. Arrivée à Junín, la jeune femme cherche un emploi pour payer des études à ses filles. Durant cinq ou six mois, elle est employée comme domestique dans une ferme, puis elle se rend à Ñorquín, à l’extrême nord du Neuquén, et enfin à Las Lajas, où les Salésiens viennent de loin en loin. Mercedes est anxieuse de trouver un appui pour pouvoir offrir à ses filles une vie décente, et ne pas se sentir si seule. Elle rencontre alors Manuel Mora, propriétaire de la ferme de Quilquihue près du village de Chapelco, et d’autres exploitations. Très bon cavalier, d’une vigueur exceptionnelle, très riche, c’est l’homme fort du pays. Il aime se pavaner, et se comporte dans son domaine, avec de nombreux serviteurs et laboureurs, comme un seigneur féodal. Malheur à qui s’oppose à lui : il passe brusquement du mode aimable et chevaleresque au mode dur et grossier. Les Sœurs de Junín le décrivent comme un « riche propriétaire de bétail, peu instruit et sans foi ». Pourtant, Mercedes se laisse gagner, lorsqu’en échange de la prise en charge de la scolarité de ses filles, il lui demande de venir vivre avec lui. Don Genghini, de la mission salésienne, attestera qu’à l’époque 70 % des ménages vivaient en concubinage, sans se soucier de la loi civile ou religieuse.
Mercedes ne se plaît pas chez Manuel Mora, mais elle y trouve une certaine sécurité. Aussi supporte-t-elle même les brutalités de son concubin. Lorsqu’elle apprend l’ouverture d’une école par les religieuses qu’elle avait connues à Temuco, elle s’y rend pour inscrire ses filles. Laura est très heureuse au collège qu’elle appelle “mon paradis” ; les Sœurs apprécient sa piété, sa charité fraternelle et sa fidélité aux devoirs quotidiens. Elle est gaie et cherche à aider ceux qui en ont besoin. Mercedes en est soulagée. Plus tard, Laura affirmera : « L’Enfant-Jésus devait être content de la résolution de ma mère, et moi aussi. » La fiche d’inscription mentionne : « Junín, janvier 21, 1900. Julia Amanda Vicuña, 6 ans, Laura del Carmen Vicuña, 9 ans ; chiliennes ; parents : Domingo et Mercedes Pino, chiliens. Payent quinze pesos par mois chacune. » Les élèves de l’école sont des jeunes filles qui empoignent plus facilement les rênes des chevaux que la plume ou l’aiguille.
« Ma meilleure prière »
La directrice, Mère Piai, déclarera : « Dès les premiers jours au collège, on remarquait chez Laura un jugement supérieur à son âge, et une véritable inclination à la piété. Sa dévotion, bien qu’il s’agisse d’une petite fille, était sérieuse, sans affectation ni aucune exagération. » En attendant le début de l’année scolaire, le 1er avril, les sœurs Vicuña vivent avec les religieuses. « Réalisant d’emblée que j’avais en face de moi une créature aussi exceptionnelle, écrira encore Mère Piai, j’eus comme un sentiment de peur, et je me demandai si je ne risquais pas de ruiner l’œuvre du Seigneur en elle. C’est pourquoi je la confiai particulièrement à Don Crestanello, qui, plus que moi, dut avoir l’intuition immédiate du trésor de cette âme angélique, puisqu’il ne se limita pas à en admirer la beauté, mais qu’il l’instruisit pendant quatre ans avec sagesse spirituelle et paternité salésienne. » Laura affirmera : « Pour moi, prier ou travailler, c’est la même chose, prier ou jouer, prier ou dormir. En faisant ce qu’on me demande de faire, je fais ce que Dieu veut que je fasse, et c’est cela que je veux faire ; c’est ma meilleure prière. » Elle atteint un degré de prière si haut et si continu, témoignera sa directrice, qu’on la voyait parfois, lors des récréations, absorbée en Dieu. « Il me semble, disait Laura, que c’est Dieu lui-même qui maintient en moi le souvenir de sa divine Présence. Où que je me trouve, que ce soit en classe ou dans la cour, ce souvenir m’accompagne, m’aide et me console. »
Toutefois, la situation matrimoniale de sa mère fait profondément souffrir l’enfant. « Je me souviens que la première fois que j’ai expliqué le sacrement du mariage, rapportera une des Sœurs, Laura s’est évanouie, sans doute parce qu’elle comprit à mes paroles que sa maman serait en état de péché mortel aussi longtemps qu’elle resterait chez ce monsieur… J’en parlai à la directrice, et celle-ci me dit de revenir sur ce sujet pour voir si Laura en souffrait vraiment et s’en rendait compte. Ce que je fis. Alors, elle pâlit de nouveau, et je dus accourir à son aide. » Dès lors, Laura se mit à multiplier prières et pénitences pour obtenir le retour de sa mère à Dieu, et sa séparation d’avec Manuel. Lors du procès pour la béatification de sa sœur, Julia Amanda affirmera : « Elle m’invitait à prier, surtout pour maman ; j’en ignorais alors les motifs, mais je sus plus tard qu’elle le faisait pour obtenir son retour dans le droit chemin. »
Une bonne intention ne suffit pas
Le cœur pur de Laura discerne le danger qui menace sa mère, car il n’est jamais permis de faire le mal, même en vue d’un bien (cf. Rm 3, 8). La pauvreté et la sollicitude pour l’avenir de ses filles constituent assurément, pour Mercedes, des circonstances atténuantes ; cependant le Catéchisme de l’Église catholique enseigne : « Une intention bonne (par exemple : aider le prochain) ne rend ni bon ni juste un comportement en lui-même désordonné (comme le mensonge et la médisance). La fin ne justifie pas les moyens… Les circonstances ne peuvent de soi modifier la qualité morale des actes eux-mêmes ; elles ne peuvent rendre ni bonne, ni juste une action en elle-même mauvaise » (CEC, nos 1753-1754). Saint Jean-Paul II explique ce principe : « L’Apôtre saint Paul déclare que n’hériteront du Royaume de Dieu ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères (1 Co 6, 9-10)… La raison en est la suivante : le commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ne comporte dans sa dynamique positive aucune limite supérieure, mais il a une limite inférieure en dessous de laquelle il est violé… L’Église a toujours enseigné que l’on ne doit jamais choisir des comportements prohibés par les commandements moraux, exprimés sous forme négative par l’Ancien et le Nouveau Testament… Il y a péché mortel quand l’homme choisit, consciemment et volontairement, pour quelque raison que ce soit, quelque chose de gravement désordonné. En effet, un tel choix comprend par lui-même un mépris de la Loi divine, un refus de l’amour de Dieu pour l’humanité et pour toute la création : l’homme s’éloigne de Dieu et perd la charité » (Encyclique Veritatis splendor, 6 août 1993, nos 49, 52, 63).
À la fin de l’année 1900, les élèves se dispersent et rentrent chacune chez elle pour les vacances. S’éloigner du collège est un véritable sacrifice pour Laura ; elle y assistait quotidiennement à la Messe, à la prière du Rosaire avec toutes les élèves et les Sœurs, s’y confessait souvent, et bénéficiait des conseils pleins de sagesse du Père Crestanello. Aussi le retour au collège en mars 1901 est-il pour elle une fête. Lorsque son confesseur lui annonce qu’elle sera admise cette année-là à faire sa première Communion, elle verse des larmes de joie. Cette première rencontre avec Jésus dans l’Eucharistie a lieu le 2 juin 1901 ; Laura a dix ans. Son confesseur écrira : « Elle avait toujours été obéissante, soumise, humble et aimable, mais de ce jour-là on remarqua qu’elle mettait en tout une plus grande perfection, un plus grand recueillement et une plus grande ferveur dans ses pratiques de piété. » Laura elle-même expliquera plus tard : « Quels instants délicieux ! Unie à Jésus, je lui parlai de tout le monde, et pour tous j’invoquai des grâces et des faveurs ! » Le Père Crestanello commentera : « On peut espérer de grandes choses d’un enfant qui fait bien sa première Communion. » À l’instar de saint Dominique Savio, proposé comme modèle dans les écoles salésiennes, Laura écrit de sa propre main trois résolutions : « 1. Je veux, mon Jésus, T’aimer et Te servir durant toute ma vie ; pour cela je T’offre toute mon âme, tout mon cœur et tout mon être. 2. Je préfère mourir plutôt que de T’offenser par le péché ; je veux donc m’éloigner de tout ce qui pourrait me séparer de Toi. 3. Je promets de faire tout mon possible, même de grands sacrifices, afin que Tu sois toujours plus connu et aimé, et pour réparer les offenses que, tous les jours, T’infligent les hommes qui ne t’aiment pas, spécialement celles que Tu reçois de ceux qui me sont proches. Ô mon Dieu, accorde-moi une vie d’amour, de mortification et de sacrifice ! » La seule peine qui assombrit ce jour est que sa mère ne communie pas avec elle.
Une source de force
«La première Communion est sans aucun doute une rencontre inoubliable avec Jésus ; c’est un jour qu’il faut se rappeler comme l’un des plus beaux de sa vie. L’Eucharistie, instituée par le Christ à la veille de sa Passion, au cours de la dernière Cène, est un sacrement de la Nouvelle Alliance, et c’est même le plus grand des sacrements. Le Seigneur s’y donne en nourriture des âmes sous les espèces du pain et du vin. Les enfants le reçoivent solennellement une première fois – précisément à la première Communion – et ils sont invités à le recevoir par la suite le plus souvent possible, pour rester dans une relation d’amitié intime avec Jésus… Dans l’histoire de l’Église, l’Eucharistie a été pour bien des enfants une source de force spirituelle, parfois même d’héroïsme » (Jean-Paul II, Lettre aux enfants, 21 novembre 1994).
Durant une période de vacances, Laura subit de violentes attaques de Manuel Mora, qui, attiré par sa beauté naissante, cherche à la séduire. Face au refus très ferme qu’elle lui oppose, il annonce à Mercedes qu’il cesse dorénavant de payer la scolarité de ses filles. Les responsables du collège permettent alors à Laura et Julia Amanda de continuer gratuitement leurs études. Mais Laura souffre de voir que la situation de sa mère est devenue pire, et elle se reproche de ne rien faire pour l’aider. L’année scolaire 1902 commence, le 1er mars, avec les préparatifs de la mission que prêchera à Junín Mgr Cagliero, salésien, vicaire apostolique pour la Patagonie du nord. Cette mission est ouverte le 25 mars. Doña Mercedes vient quelques jours à la mission, car ses deux filles doivent, le 29 mars, recevoir la Confirmation. Aux dires des missionnaires, « le prodige le plus éclatant de la grâce pendant la mission fut le grand nombre de mariages qui purent être bénis et légitimés ». Mercedes pourtant n’en profite pas.
Laura conçoit dans son cœur le projet de rester pour toujours avec les Sœurs, et elle demande à la directrice la faveur d’être admise comme aspirante chez les Filles de Marie-Auxiliatrice. Mais la réponse est négative. Son amie Francisca Mendoza expliquera plus tard : « Elle me dit qu’elle voulait entrer à l’Institut des Filles de Marie-Auxiliatrice et faire ses vœux, mais qu’elle avait la grande peine de ne pas pouvoir le faire, parce qu’elle n’avait pas les documents nécessaires ; et elle me demanda de l’aider en priant pour elle. » En fait, l’adultère de Doña Mercedes avait suscité des doutes quant à la légitimité de la naissance de Laura, et les Constitutions des Filles de Marie-Auxiliatrice sont strictes sur ce sujet. Ce n’est que bien des années plus tard – en 1943 – qu’on retrouvera son certificat de Baptême, et que le doute sera dissipé. Laura pourtant ne se décourage pas et, préparée par son confesseur, elle prononce des vœux privés, en mai 1902. Cette année-là, tout en suivant les cours de sa classe, Laura aide les plus petites élèves à s’habiller, à se peigner, à faire leur lit, à rester propres et joyeuses. Elle rembourse ainsi sa dette de gratitude envers le collège qui la reçoit gratuitement. Francisca Mendoza affirmera : « Elle se comportait comme une mère avec les petites » ; et une ancienne compagne ajoutera : « En deux ans où je fus avec elle, jamais je ne la vis donner de signes de mauvaise volonté ou de répugnance, comme il arrive à ceux qui rendent des services. »
« Que ma mère soit sauvée ! »
Peu après la mission de Junín des Andes, qui portait des fruits de conversion si manifestes, voyant que sa mère n’avait pas quitté sa vie désordonnée, Laura prend une décision de charité héroïque, qui demeure comme la caractéristique de sa brève existence : s’offrir à Dieu en victime pour la conversion de sa mère. Elle se souvient, en effet, de la phrase de Jésus : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15, 13). « Sa confiance en la protection de Marie et en la bonté du divin Cœur, rapportera son confesseur, l’encourageait à insister dans sa demande et, n’ayant plus rien d’autre à offrir pour obtenir cette grâce, elle se décida à offrir sa vie même, et à accepter volontiers la mort en échange de cette conversion tant désirée. » Elle supplie le prêtre de l’autoriser à faire cet acte héroïque et de bénir son ardent désir. Après un temps d’hésitation et devant son insistance, celui-ci accorde la permission demandée, voyant en cette détermination l’action manifeste de l’Esprit Saint. Laura court immédiatement se jeter aux pieds du Seigneur et, versant des larmes de joie, dans l’espérance d’être écoutée, elle s’offre en holocauste à Jésus et à Marie. Quelques mois plus tard, elle tombe malade : « Seigneur, que je souffre tout ce qui te semble bon, mais que ma mère se convertisse et soit sauvée ! »
Le 8 décembre 1902, Laura est admise dans la confrérie des Filles de Marie. Vêtue de blanc, avec une ceinture bleue, l’aspirante s’approche du prêtre qui lui remet le ruban avec la médaille et le manuel de Fille de Marie, tout en lui disant : « Reçois ce ruban et cette médaille comme insigne de Marie-Immaculée et comme signe extérieur de ta consécration à cette douce Mère. Souviens-toi qu’en la portant, tu dois te montrer sa digne fille, à la vie innocente et sainte. » Julia Amanda affirmera : « Le jour où Laura reçut le ruban de Fille de Marie fut l’un des plus joyeux pour elle ! » Félix Ortiz, un séminariste salésien, témoignera dans le journal de Viedma du 14 mai 1910 : « Moi aussi j’allai lui rendre visite… En m’approchant de son lit, je lui demandai ce qui la rendait le plus heureuse en cet instant. En souriant, elle me murmura presque à l’oreille : “Ce qui me console le plus en cet instant, c’est d’avoir toujours été dévouée à Marie. Oh oui, elle est ma Mère, elle est ma Mère ! Rien ne me rend plus heureuse que de penser que je suis une Fille de Marie ! » Sœur María Rodríguez confirmera ce témoignage en déclarant : « Laura avait une grande dévotion pour la Vierge, spécialement la Vierge du Carmel, comme toute bonne Chilienne. »
« Demain, je me confesserai ! »
À la mi-janvier 1904, Laura se confesse pour la dernière fois, puis reçoit la sainte Communion. Elle sent que sa fin approche. Apprenant alors que Mère Piai, Sœur Azocar et le Père Crestanello vont se rendre au Chili : « Mon Dieu, soupire-t-elle, je devrai mourir sans qu’aucun de ceux qui peuvent m’aider ne se trouve auprès de moi ! Ah, mon Jésus, que c’est difficile ! Mais que Ta volonté soit faite ! » Son confesseur prie le Père Genghini de bien vouloir l’assister jusqu’à sa mort. Le 22 janvier, à 5 heures du matin, alors que la caravane se met en route vers Temuco, le Père Genghini lui apporte la Communion en viatique et, au cours de la matinée, lui administre l’Extrême-Onction. Deux de ses amies sont présentes, María et Mercedes Vera (toutes deux se feront religieuses, Filles de Marie-Auxiliatrice), ainsi que sœur María Rodríguez, et Félix Ortiz. À 5 heures de l’après-midi, Laura demande au Père Genghini d’appeler sa mère. Celle-ci, comprenant que c’est la fin, s’exclame : « Ma fille, ma fille ! Tu vas me laisser ? » Surmontant son émotion, Laura lui répond d’une voix tremblante mais pleine de tendresse : « Oui Maman, je meurs, parce que je l’ai demandé moi-même à Jésus… Cela fait presque deux ans que je lui ai offert ma vie pour toi, pour obtenir la grâce de ta conversion à Dieu. Oh maman ! n’aurai-je pas la joie, avant de mourir, de te voir te repentir ? – Ma chère Laura, je te jure en cet instant que je ferai ce que tu me demandes… Je me repens, Dieu est témoin de ma promesse ! » Doña Mercedes ajoute : « Oui, ma fille. Demain matin, j’irai à l’église avec Amanda et je me confesserai. » Laura se réjouit : « Merci Jésus, merci Marie ! Maintenant je meurs contente ! » Elle expire après ces paroles, à six heures du soir, ce 22 janvier. Elle a douze ans et neuf mois. « Dans son cercueil, remarque Julia, elle était vêtue en Fille de Marie ». L’après-midi même de la mort de Laura, Doña Mercedes prie le Père Genghini de faire savoir à Manuel Mora de ne plus penser à elle, parce qu’elle a décidé de changer de vie. Le prêtre témoigne : « Lors de la Messe de funérailles de Laura, Madame Vicuña se confessa et reçut la Sainte Communion… Dès lors, et jusqu’à son retour au Chili, je fus son directeur de conscience. » Doña Mercedes se cache, puis s’enfuit à Temuco. Elle revint ensuite à Junín des Andes et vécut de son travail, jusqu’au mariage de sa fille Julia Amanda en 1906. Elle partit alors pour le Chili, s’y remaria et vécut chrétiennement jusqu’à sa mort, le 17 septembre 1929, à l’âge de cinquante-neuf ans.
Laura a été déclarée bienheureuse par le Pape saint Jean-Paul II, le 25 février 1982. Celui-ci écrivait, dans sa Lettre aux enfants : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux (Mt 18, 3). Jésus ne fait-il pas de l’enfant un modèle même pour les adultes ? Chez l’enfant, il y a quelque chose qui ne doit jamais faire défaut à celuWi qui veut entrer dans le Royaume des cieux. Le ciel est promis à tous ceux qui sont simples comme les enfants, à tous ceux qui, comme eux, sont remplis d’un esprit d’abandon dans la confiance, purs et riches de bonté. Eux seuls peuvent retrouver en Dieu un Père et devenir à leur tour, grâce à Jésus, des fils de Dieu » (13 décembre 1994). Demandons à la bienheureuse Laura de nous inspirer une grande compassion pour les pécheurs et un amour filial pour notre Père des cieux !
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