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13 décembre 2021

Bienheureux Hyacinthe Cormier

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

« Dans le Père Cormier, affirmait saint Jean-Paul II, c’est le mouvement de l’intelligence humaine, éclairée par la foi, que l’Église veut reconnaître et honorer. En effet, le fondateur de l’Université de l’Angelicum (à Rome) nous rappelle que Dieu nous demande d’utiliser les facultés de notre esprit, reflet du sien, pour lui rendre gloire. Homme assoiffé de vérité, il sut également se donner à ses frères comme prieur, comme provincial et comme maître général de l’Ordre dominicain, dans le respect de ses traditions séculaires. Il guida les fils de saint Dominique avec sagesse et compétence pour les mener vers Dieu, pour faire d’eux de vrais enfants et de vrais témoins du Royaume » (Homélie de la Messe de béatification, 20 novembre 1994).

Henri Cormier est né à Orléans, en France, le 8 décembre 1832, jour de la fête de l’Immaculée-Conception ; il aura toujours une grande dévotion pour la Sainte Vierge. Son père, qui tient une épicerie, trouve son grand plaisir dans la musique, goût artistique dont hériteront ses deux fils ; il meurt toutefois peu d’années après la naissance d’Henri. Mme Félicité Cormier s’occupe donc seule de l’éducation des deux enfants. Henri aime par-dessus tout la prière, le rosaire en particulier, et servir la Messe. Il gardera un souvenir ému de sa première Communion. Dans sa scolarité, il réussit bien mais se montre plutôt paresseux. Entré au petit séminaire de la Chapelle-Saint-Mesmin (près d’Orléans) en 1846, il essaie tous les instruments de musique avant de choisir l’orgue. Doté d’une très belle voix, il se cache et demeure introuvable lorsqu’on voudrait le féliciter de solos bien réussis. Il s’adonne aussi à la peinture et goûte vivement les paysages champêtres. « Je peins pour l’éternité », est une de ses affirmations préférées. Henri reçoit un prix de littérature de l’Académie d’Orléans.

Trop longtemps ingrat

Son frère aîné, Eugène, séminariste, meurt en 1847. Henri perçoit désormais avec plus de gravité le sens de la vie et de la mort par rapport à l’éternité. Sa grande sensibilité lui occasionne de nombreuses souffrances, mais sa recherche de la beauté le tourne vers la splendeur de la vie éternelle. Toutes les semaines, Mme Cormier franchit les dix kilomètres qui séparent sa maison du petit séminaire pour s’enquérir de sa santé et de son travail. À la fin de sa scolarité, Henri passe au grand séminaire d’Orléans, où il acquiert un profond amour de la discipline. Dans ses notes de retraite de première année, on peut lire : « Je suis pénétré de la nécessité de me donner tout à Dieu… J’ai été trop longtemps ingrat… » Il trouve beaucoup de plaisir dans l’étude de la philosophie puis de la théologie, mais la piété demeure sa priorité. Attiré par le désir de la prédication de l’Évangile et par la dévotion au rosaire, qu’il récite chaque jour, il se fait recevoir dans le Tiers-Ordre de saint Dominique. Pour vivre plus pauvrement au service du Christ pauvre, il se prive des petits conforts de la maison.

« L’histoire du rosaire, écrivait saint Jean-Paul II, montre comment cette prière a été utilisée, spécialement par les Dominicains, dans un moment difficile pour l’Église à cause de la diffusion de l’hérésie. Aujourd’hui, nous nous trouvons face à de nouveaux défis. Pourquoi ne pas reprendre en main le chapelet avec la même foi que nos prédécesseurs ? Le rosaire conserve toute sa force et reste un moyen indispensable dans le bagage pastoral de tout bon évangélisateur » (Lettre apostolique, Rosarium Virginis Mariæ, 16 octobre 2002, n° 17).

À l’incitation du nouvel évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, le jeune séminariste consacre beaucoup de temps et d’énergie à l’enseignement de la doctrine chrétienne et du catéchisme.

Le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique rappelle l’importance de la catéchèse : « Les fidèles laïcs participent à la fonction prophétique du Christ en accueillant toujours plus dans la foi sa Parole et en l’annonçant au monde par le témoignage de leur vie, ainsi que par la parole, l’action évangélisatrice et la catéchèse. Une telle action évangélisatrice acquiert une efficacité particulière du fait qu’elle s’accomplit dans les conditions ordinaires de la vie dans le monde » (n°190).

Pendant les vacances, Henri se détend en famille mais n’oublie ni la piété ni l’étude. Peu après avoir reçu les premiers ordres mineurs, il prononce le vœu de chasteté. Conscient des dons que Dieu lui a faits, Henri prend des résolutions d’humilité : « Je me défierai beaucoup de moi-même… Je ne mettrai ma confiance qu’en Dieu… Ce à quoi je dois tendre est de devenir un homme d’oraison. »

Vocation nulle

Attiré par la personne de saint Dominique, Henri rencontre le Père Lacordaire, restaurateur des Dominicains en France. Il ressort de cette entrevue plutôt découragé : « Vocation nulle ou pas mûre », lui a affirmé le religieux. Toutefois, un autre Frère de l’Ordre en juge différemment, et ranime en lui l’idéal de la vie religieuse. Le 17 mai 1856, Henri est ordonné prêtre pour le diocèse d’Orléans, avec dispense d’âge, par MgrDupanloup. Sa résolution demeure toutefois d’entrer chez les Frères Prêcheurs. Soutenu par le directeur du séminaire, il obtient la permission de quitter le diocèse. À l’issue de sa première Messe, il annonce à sa mère son proche départ. Celle-ci en conçoit une grande douleur.

Fondé au début du xiiie siècle par saint Dominique, l’Ordre des Prêcheurs prit un rapide essor ; à la fin du siècle, il comptait déjà plus de 400 prieurés et quelque 15000 religieux. La Révolution de 1789 le réduira à néant en France. En 1839, un prêtre français, l’abbé Lacordaire, entre au noviciat romain de l’Ordre, et en 1843, il fonde le premier couvent dominicain restauré, à Nancy, malgré une forte opposition des autorités civiles et de certains courants de l’épiscopat français. En 1850, la province française de l’Ordre est rétablie.

Entré au noviciat des Dominicains, à Flavigny-sur-Ozerain, le Père Cormier reçoit l’habit, avec le nom de Frère Hyacinthe, auquel il ajoutera plus tard celui de Marie. Sa douceur lui attire les cœurs. Parmi les novices, servir sa Messe est perçu comme un privilège. De cet heureux temps, il dira : « Je ne souffrais que de ne pas souffrir. » Sous la direction de ses maîtres des novices successifs, il acquiert un solide esprit dominicain. Pendant ses temps libres, quand il ne prie pas le rosaire, il lit soit la règle (de saint Augustin), soit les Constitutions. Attentif à la lettre de l’obéissance, il en cherche surtout l’esprit : « Il nous faut demander à Dieu, avec larmes et gémissements, l’Esprit qui vivifie du dedans. »

« La vie dans l’Esprit est naturellement première, rappelait saint Jean-Paul II. En elle, la personne consacrée retrouve son identité et une sérénité profonde ; elle accroît son attention aux appels quotidiens de la Parole de Dieu et elle se laisse guider par l’intuition originelle de son Institut. Sous l’action de l’Esprit, les temps d’oraison, de silence et de solitude doivent être préservés avec persévérance, en demandant avec insistance au Très-Haut le don de la sagesse dans le labeur de chaque jour » (Exhortation Vita consecrata, 25 mars 1996, n° 71).

Toutefois, l’état de santé du jeune religieux, qui souffre d’hémoptysie (crachements de sang), remet en cause sa vocation. Ses supérieurs doutent de sa capacité à faire profession comme dominicain. Cette épreuve est accrue par l’intervention de sa mère qui le pousse à quitter l’habit religieux pour reprendre son ministère de prêtre diocésain. Malgré tout, le novice garde confiance en Dieu, et il recourt à l’intercession de Marie : « Abandon à la Sainte Vierge ; lui abandonner ma santé. Elle a soigné celle de Jésus-Christ, elle soignera la mienne… Oui, Seigneur, faites de mon être tout ce que vous voudrez. » Le 29 juin 1857, le Père Hyacinthe est admis à faire profession pour deux ans seulement, tandis que les autres novices prononcent leurs vœux perpétuels.

Une vie intérieure aimable et forte

Lors d’un passage à Flavigny, le Père Jandel, alors maître général de l’Ordre, est impressionné par la ferveur du Père Cormier et par le rapport très favorable du maître des novices à son sujet. Il décide de l’emmener à Rome dont le climat plus doux sera favorable à sa santé, et d’en faire son secrétaire. L’intention du Père général est de rétablir l’Ordre dans sa discipline primitive, avec ses longs temps de prière et la vie commune. En cela, il s’oppose au Père Lacordaire qui désire surtout favoriser les études et l’apostolat des religieux. Pour atteindre son but, le Père Jandel entreprend une synthèse des Constitutions dont beaucoup de prescriptions ne sont plus applicables. La tâche du Père Hyacinthe consiste à explorer les documents anciens de l’Ordre afin de ramener les observances à l’essentiel ; il acquiert ainsi une connaissance profonde de l’esprit dominicain. Pour ses Frères, il souhaite une « vie intérieure éclairée, aimable et forte. Cette vie doit résulter de nos observances que la sagesse de Dieu a disposées dans ce but. » Jamais il ne demande de bénéficier de dispenses pour lui-même, malgré son état de santé déficient.

En effet, au terme de ses deux années de vœux temporaires, les hémorragies reprennent, rendant plus incertaine que jamais la possibilité d’une profession perpétuelle. À cette même époque, sa mère, qui a fait seule le trajet d’Orléans à Rome, tente une dernière fois de le détourner de la vie religieuse ; mais, vaincue par la détermination de son fils et touchée par la grâce, elle accepte finalement sa vocation. Le bienheureux Pape Pie IX accorde au Père Hyacinthe la permission de prononcer ses vœux définitifs, si toutefois les symptômes de son mal disparaissent pendant trente jours. Après vingt-neuf jours, le Père est atteint par une nouvelle hémorragie. Le Père Jandel intercède alors auprès du Pape, qui autorise la profession. La cérémonie a lieu le 23 mai 1859, dans l’église Sainte-Sabine, tenue par les Dominicains à Rome. À la surprise générale, le Père, qui paraissait comme à l’article de la mort, se rétablit peu à peu. Après un temps de repos, il est nommé sous-maître des novices.

Deux ans plus tard, le Père Hyacinthe part en Corse, où il est nommé maître du nouveau noviciat de Corbara. Ses relations avec le prieur de la maison se révèlent délicates : celui-ci, en effet, au lieu d’opter pour une formation basée sur la patience et l’observance de la Règle, veut obtenir des résultats immédiats. Le Père Hyacinthe en vient à proposer sa démission au maître général, qui, avec son refus, lui adresse ces lignes : « Au milieu de tous ces orages, ne perdez pas courage, mais conservez la paix et la confiance en Dieu. Tenez-vous uni à Notre-Seigneur. Ces moments d’épreuve sont le présage de consolations. » En 1863, il devient prieur de cette maison de Corbara qui restera longtemps marquée par l’impulsion qu’il lui donne. Il note dans son journal : « Que l’excellence de la renommée des Frères naisse de la pauvreté et de la mortification de la vie claustrale, ainsi que d’une charité affable pour tous ! » En 1865, le Père Cormier est nommé provincial de la province de Toulouse, berceau de l’Ordre, récemment restaurée ; il exercera cette responsabilité jusqu’en 1874 ; puis de 1874 à 1891, il exerce, tour à tour et en différents lieux, les fonctions de prieur conventuel ou de provincial.

Fomenter le bon esprit

En 1891, se tient à Lyon un Chapitre général : le Père Hyacinthe est élu définiteur de l’Ordre (le définiteur représente sa province au Chapitre général et à Rome). Le nouveau maître général, le Père Früwirth, l’appelle à ses côtés. Ces deux tempéraments si différents se heurtent parfois, mais le Père Hyacinthe montre son esprit de foi dans les menus incidents de chaque jour : « Une journée sans sacrifice, dit-il, est comme un pays sans église ; tout y est matériel et triste. » Bientôt, on lui confie la charge de procurateur, ce qui lui donne le deuxième rang dans l’Ordre. Le procurateur traite les affaires de l’Ordre dans ses relations avec les institutions ecclésiales ou civiles. Le Père Hyacinthe est également consulteur de différentes congrégations de la Curie, et les Papes Léon XIII puis saint Pie X lui confient plusieurs missions délicates. Dans toutes ces fonctions, il recherche avant tout les réalités spirituelles : « Il est vrai qu’à l’occasion des affaires, je puis trouver le moyen de fomenter le bon esprit… » En 1899, le Pape Léon XIII veut le nommer cardinal, mais l’hostilité du gouvernement français envers les religieux le contraint à y renoncer.

Le 21 mai 1904, lors d’un Chapitre général, le Père Hyacinthe est élu maître général de l’Ordre. Malgré ses soixante-douze ans, il accepte cette charge, qu’il assumera jusqu’en 1916, dans un esprit surnaturel. À cette nouvelle, le Pape saint Pie X manifeste son contentement : « C’est un saint… Je me réjouis grandement ! » Avant l’élection, il avait d’ailleurs déclaré au Père : « S’il est question de quelque chose pour vous, il faudra courber la tête ! » Le nouveau général a pour dessein de promouvoir une forte vie spirituelle dans les couvents, fondée sur l’observance de la Règle et des Constitutions, primant sur les hautes études, mais ne les supprimant pas. Dans sa première lettre circulaire, il expose ses vues : « Faire refleurir dans tout l’Ordre, dans les couvents comme dans les individus, propager au-dehors le même esprit d’oraison, d’humilité, d’obéissance, de pauvreté, d’abnégation, de piété pour le prochain et de zèle pour l’intégrité de la foi, dont était animé notre saint patriarche Dominique ». Dans cet esprit, le Père entreprend, malgré son âge, de visiter tous les couvents de l’Ordre, dans un contexte politique de persécution de l’Église qui impose aux religieux des conditions de vie très difficiles. En 1903, les Dominicains français sont chassés de leurs couvents ; ils doivent chercher refuge dans d’autres pays.

« Il faudra obéir ! »

La santé du Père Hyacinthe reste toujours fragile ; il écrit toutefois : « Grâce à Dieu, ma santé est assez bonne. En suivant mes habitudes et mon régime à la maison, je puis travailler tout le jour. » Il s’efforce de ne pas laisser paraître ses moments de fatigue ; lors de ses déplacements, il refuse tout confort alors que ses adjoints le supplient de se ménager. Le Saint-Père dit de lui avec humour : « Ces braves saints, ils viennent nous demander de les béatifier, mais ils ne savent pas obéir… » À la fin d’une audience privée, saint Pie X déclare amicalement au Frère Damiano, chargé d’assister le Père Hyacinthe : « Vous devez le soigner. Si vous ne le soignez pas bien, je vous excommunierai ! Vous avez bonne mine, vous, mais ce pauvre vieux, voyez comme il est maigre ! » ; il ajoute, à l’intention du Père Hyacinthe : « Il faudra obéir au Frère Damiano ! » Le Père se soumettra jusqu’à sa mort à cette demande du Pape. Sa faiblesse et son humilité lui suggèrent de démissionner ; mais son entourage et le Pape lui-même s’y opposent.

Le généralat du Père Cormier coïncide avec la période difficile du modernisme. Il doit prendre la défense de ses religieux, particulièrement du Père Lagrange, accusé d’infidélité à la doctrine catholique dans son exégèse, non sans le modérer dans ses affirmations. Son désir est que « l’Ordre demeure fidèle à ses traditions de recherche ardente de la vérité dans l’entière soumission au Saint-Siège ». Il promulgue une nouvelle ratio studiorum (organisation des études) pour l’Ordre, et joue un rôle important dans la restructuration du Collège Saint-Thomas à Rome, communément appelé l’Angelicum. Conformément aux vues du Pape Léon XIII, il encourage la fidélité à la philosophie et à la théologie thomistes. Le Père Cormier donne à l’Angelicum sa propre devise de maître général : Caritas veritatis (la charité de la vérité). Il contribue, de même, à l’établissement des universités de Fribourg, Jérusalem et Louvain. Il redonne également vie au Tiers-Ordre dominicain, et restaure ou érige de nouvelles provinces dominicaines dans le monde. Toutefois, la principale sollicitude du Père demeure pour les noviciats. Les tensions entre l’Église et l’État, spécialement en France et en Italie, puis la Première Guerre mondiale, où tant de religieux sont envoyés aux armées (le plus souvent comme aumôniers ou brancardiers), lui causent une grande douleur. Le Jeudi Saint de 1916, peu avant sa sortie de charge, il prononce à l’Université romaine une allocution sur le thème de la vie intime avec Jésus, que l’on considère comme son testament spirituel aux maîtres et aux étudiants. Il y met l’accent sur la primauté de la vie intérieure et de l’union avec le Sauveur.

Un remède trop fort

Doté d’une magnanime propension à ne pas croire en la méchanceté, le Père Hyacinthe est souvent victime de cette généreuse incrédulité. D’aucuns ne le trouvent pas assez vigoureux face à certaines situations, mais il répond : « Un remède trop fort pourrait emporter non le mal mais le malade. » Quand il impose des sanctions, celles-ci sont dictées par la sagesse et la charité. Dans son humilité, il affirme « qu’il suffit d’employer en conscience les moyens que l’on a, Dieu se charge du reste, y faisant même contribuer nos faiblesses ».

« Si nous vivons tendus, prétentieux face aux autres, nous finissons par être fatigués et épuisés, affirme le Pape François. Mais si nous regardons leurs limites et leurs défauts avec tendresse et douceur, sans nous sentir meilleurs qu’eux, nous pouvons les aider et nous évitons d’user nos énergies en lamentations inutiles. Pour sainte Thérèse de Lisieux, “la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses”. Saint Paul mentionne la douceur comme un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 23). Il propose que, si nous sommes parfois préoccupés par les mauvaises actions d’un frère, nous nous approchions pour le corriger mais avec un esprit de douceur (Ga 6, 1), et il rappelle : Tu pourrais bien toi aussi être tenté (ibid.)… Réagir avec une humble douceur, c’est cela la sainteté ! » (Exhortation apostolique, Gaudete et exsultate, 19 mars 2018, nos 72-74).

À la fin de son généralat en 1916, le Père Hyacinthe se retire dans le couvent contigu à la basilique Saint-Clément de Rome. Longtemps après, les religieux se souviendront de ses longues heures de prière. Jeune dominicain, le Père disait en effet : « Quand je ne pourrai plus me consacrer aux œuvres extérieures, quand il me sera impossible de prêcher, d’enseigner, de psalmodier même, je dirai encore le rosaire ; et si je ne puis plus, je le tiendrai encore entre mes mains ou devant mes yeux. Il sera sous des formes diverses, ma patience pour souffrir, ma préparation pour mourir. » Il récite deux rosaires complets chaque jour, un pour l’Église et le Pape, l’autre pour l’Ordre dominicain et d’autres intentions. Il continue à célébrer quotidiennement sa Messe. Malgré son désir de cacher les faveurs surnaturelles qu’il reçoit, il est plusieurs fois aperçu en extase ou en lévitation. Il se plaint parfois qu’on le soigne trop : « Ma retraite dans cette maison a pour but de m’aider à bien mourir. Et elle semble faite pour m’empêcher de mourir, tellement on l’a soigneusement organisée, et on m’y assiste avec soin… » Le déclin de sa santé s’accélère en novembre. Il souffre sereinement, disant : « Mon Dieu, prenez-moi ! », et : « J’ai dit au Bon Dieu de faire vite, mais Il ne veut pas ! » Le 17 décembre, septième centenaire de l’approbation de l’Ordre dominicain, il renouvelle ses vœux en présence du maître de l’Ordre et de la communauté, participe au chant du Salve Regina et expire paisiblement. Son dernier geste est celui que fait le prêtre en disant le Dominus vobiscum, comme pour confier au Seigneur tous les présents. Son corps repose sous l’autel de l’église de l’Angelicum.

« Le Père Cormier, déclarait saint Jean-Paul II, n’a cessé de vivre de la vérité et il l’a transmise à tous ses frères dominicains avec humilité et persévérance. N’avait-il pas associé la vérité à la charité dans sa devise : Caritas veritatis ? Il disait, en effet, que donner la vérité est “la plus belle charité” » (20 novembre 1994). Demandons à Notre-Dame du Rosaire cette grâce d’être des témoins du Christ qui est la Vérité, par notre vie et notre amour du prochain.

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