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29 juillet 2021

Vénérable Marie-Magdeleine de la Croix

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Émue dès son enfance par la triste condition des esclaves, Mère Marie-Magdeleine de la Croix (1810-1889), fondatrice des Filles de Marie a la conviction qu’il lui faut rassembler dans une même congrégation religieuse des anciennes esclaves avec des filles de la société libre : toutes seraient alors libres, de la liberté des enfants de Dieu. « Cette œuvre, que je suis appelée à établir, écrivait-elle, fait horreur aux personnes du monde, et même à celles qui sont consacrées à Dieu, car il ne s’agit de rien de moins, pour confondre l’orgueil des grands et faire voir l’excessive charité du Christ, que d’une communion entre les personnes blanches et les personnes noires qui vont composer cette communauté. »

Marie-Françoise-Aimée vient au monde le 2 juin 1810 à Saint-André, dans l’île Bourbon. Cette île est située à l’est de Madagascar, dans l’océan indien. Escale de la Compagnie commerciale française des Indes orientales, elle devient vers 1710 une véritable colonie, puis passe sous le contrôle direct du roi de France dans les années 1760, avant d’être réaffectée à l’industrie de la canne à sucre, sous Napoléon. En 1848, elle est définitivement rebaptisée île de la Réunion.

Dernière d’une famille de quatre enfants, Aimée est fille de Gaëtan Pignolet de Fresnes et de Marianne Notaise, veuve ayant déjà trois enfants. Monsieur Pignolet de Fresnes gère “Le Désert”, domaine agricole et industriel. Selon une coutume de l’époque, l’enfant est confiée, dès l’âge de deux ans, à une parente qui n’en a pas, sa marraine, Mme Mézières de Lépervanche qui la reçoit dans sa propriété, à Sainte-Suzanne. La séparation d’avec ses parents fait profondément souffrir Aimée. Sa mère adoptive évite de la contrarier, d’autant qu’elle est de santé fragile, et la petite fille se comporte en enfant gâtée : d’une nature vive et susceptible, elle n’accepte pas la moindre réprimande ; capricieuse, elle choisit elle-même ses vêtements de chaque jour. Elle sait cependant se montrer généreuse : elle consacre ses petites économies à l’achat de mouchoirs qu’elle glisse discrètement dans le coffre d’une esclave originaire de Madagascar, âgée et aveugle, qui en est dépourvue. À huit ans, elle manifeste un amour extraordinaire pour Jésus crucifié : son regard est attiré comme un aimant vers Lui, et il se concentre vers Celui qui « a tant souffert pour nous pardonner », comme elle-même l’écrit. Un jour, elle voit un maître s’acharner sur un esclave : elle l’arrête. « Je ne pouvais pas voir souffrir un être malheureux, écrira-t-elle dans ses souvenirs intimes ; les pauvres esclaves avaient toute ma compassion. J’avais en horreur les maîtres qui étaient durs et même barbares à leur égard ; je souffrais horriblement toutes les fois que je savais qu’on les corrigeait au-delà de ce que la justice exigeait. »

D’autres esclavages

De nos jours, l’esclavage existe encore sous d’autres formes. Dans son message pour la célébration de la 48e Journée mondiale de la Paix, le 1er janvier 2015, le Pape François évoquait les victimes de l’esclavage contemporain : « Tous ceux qui, mineurs ou adultes, font l’objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes, pour être enrôlés comme soldats, pour mendier… Enfin, tous ceux qui sont enlevés et tenus en captivité par des groupes terroristes, asservis à leurs fins comme combattants ou, surtout en ce qui concerne les jeunes filles et les femmes, comme esclaves sexuelles. Beaucoup d’entre eux disparaissent, certains sont vendus plusieurs fois, torturés, mutilés, ou tués. » Le Pape rappelait la cause profonde de l’esclavage : « Aujourd’hui comme hier, à la racine de l’esclavage, il y a une conception de la personne humaine qui admet la possibilité de la traiter comme un objet. Quand le péché corrompt le cœur de l’homme, et l’éloigne de son Créateur et de ses semblables, ces derniers ne sont plus perçus comme des êtres d’égale dignité, comme frères et sœurs en humanité, mais sont vus comme des objets. Par la force, par la tromperie ou encore par la contrainte physique ou psychologique, la personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, est privée de sa liberté, commercialisée, réduite à être la propriété de quelqu’un, elle est traitée comme un moyen et non comme une fin. »

En 1817, Aimée reçoit le sacrement de Confirmation. Elle suit alors les cours de catéchisme à Saint-André, et peut rendre des visites à sa famille. À l’occasion de sa première Communion, le 18 mai 1823, elle reconnaît : « Comme j’étais heureuse ! Je croyais naïvement que ce bonheur serait éternel ! » À vingt ans, un mal étrange l’atteint : elle souffre d’horribles migraines et de démangeaisons insupportables sur tout le corps. Aucun remède ne parvient à la soulager, mais elle est presque heureuse de souffrir quelque chose pour Dieu, et remarque que la souffrance l’attire vers Lui. À l’issue de cette douloureuse épreuve, elle est davantage portée à la piété.

Infirmière et catéchiste

Ruiné par la crise sucrière de 1828-1829, son oncle s’installe à Saint-André. Aimée, qui vit encore chez lui, fait alors de l’église sa seconde demeure. À la mort de sa mère adoptive, en 1837, elle retourne chez ses parents, mais sa santé se détériore à nouveau. Elle prend la résolution d’accepter son état comme pénitence, s’agrège à la confrérie du Sacré-Cœur de Jésus et commence un apostolat auprès des esclaves, veillant sur leur santé en se faisant infirmière, et sur leur âme par des cours de catéchisme. Sa bonté est bientôt connue et, après les esclaves du “Désert”, ceux des autres domaines voisins viennent, le soir, profiter de ses instructions. Pour mieux se consacrer au service de Dieu, elle transforme sa chambre en oratoire, et fait chambre commune avec sa sœur. Mais leur père, dont la pratique se limite à une certaine dévotion envers la Sainte Vierge, craint que la maison ne devienne un couvent. Ruiné lui aussi, affaibli psychologiquement, il souffre bientôt d’une maladie pulmonaire. Inquiète pour son salut, Aimée prie afin de lui obtenir une mort chrétienne. Lorsqu’il accepte enfin de demander pardon à Dieu pour ses fautes, de communier et de revêtir le scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel, Aimée comprend que ses prières ont été exaucées. Après le décès de son père, elle garde des habits noirs, en signe de sa rupture avec le monde.

Sa vocation lui apparaît plus claire : servir Dieu à travers les êtres les plus abandonnés, surtout les infirmes, les vieillards et les lépreux. Cette part que le monde rejette, Aimée la considère comme son lot. Elle s’ouvre de son dessein au Père Frédéric Levavasseur, de la Société du Saint-Cœur de Marie. Ce religieux lui propose une règle de vie stricte, et l’encourage à continuer son apostolat dans le monde pour laisser mûrir son projet : fonder une nouvelle congrégation, ouverte à toutes les filles, indépendamment de leur condition sociale, « car, écrit-elle, devant Dieu tous les hommes sont égaux ; après la mort nous redevenons tous poussière, et à l’heure du jugement dernier, tous seront évalués de la même manière. » Elle confie son idée à sa sœur Marie-Anne, qui lui avoue nourrir le même dessein. La pensée de fonder une congrégation dédiée à Marie émerge rapidement de leurs échanges. Cependant rien ne pourra aboutir avant l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, qui sera décrétée le 20 décembre 1848.

Le choix d’un lieu pour la fondation revient au Père Levavasseur. Dès 1849, les travaux de construction d’un couvent commencent sur un terrain qui leur est donné à la Rivière-des-Pluies. Le 15 avril, Aimée s’installe dans ce couvent. Les esclaves la supplient, en pleurs, de ne pas les abandonner. Il lui apparaît clairement alors que sa mission menée à Saint-André a porté ses fruits. Le couvent qui l’accueille est constitué de cases en torchis, recouvertes de paille. Le mobilier est réduit à sa plus simple expression : pour lits, des nattes à même le sol, quelques bancs et quelques chaises pour s’asseoir, deux tables, deux ou trois lits pliants pour les malades. « Je renonce à tout jusqu’à ma mort, écrit-elle, je renonce à ma famille, aux affranchis que j’avais convertis. Ma vie désormais doit être une vie de renoncement. » Ce renoncement constitue l’acte fondateur des Filles de Marie.

Braver un préjugé

En accueillant des filles noires, hier esclaves, et des filles blanches, Aimée brave le préjugé de couleur qui gangrène la société réunionnaise. Elle commence sans le moindre sou : aussi, nombreux sont ceux qui ne croient pas à sa réussite. Sans la contredire en face, on la considère comme une exaltée, une folle, et tous prédisent son échec. Les premières années de la congrégation se déroulent dans ce climat d’hostilité. « Notre œuvre étant celle de Dieu, écrit-elle, elle marchera envers et contre tout ; on aura beau se lever contre elle, c’est Jésus qui s’y montrera dans tout ce qui se fait, pour mettre chacun à sa place. » Elle souligne l’importance de la confiance en Dieu : « Sans la confiance en Dieu, le découragement en gagnerait plus d’un. Je vous le dis à ma honte, je sens que plus d’une fois, je serais tombée dans un profond découragement… Jésus, Marie, Joseph me soutiennent. Je regarde la croix et la conjure de m’aider à traverser cette vie si rude et si pénible. » Le Père Levavasseur lui donne sans attendre l’habit religieux. Dès le 19 mai 1849, elle prononce ses vœux et reçoit le nom de Mère Marie-Magdeleine de la Croix. Non sans réticence et crainte, elle accepte la charge de supérieure des douze premières postulantes, dont huit anciennes esclaves. En 1852, Marie-Anne, sa sœur de sang, qui était jusque-là retenue auprès de leur mère, rejoint la communauté et prend le nom de Mère Marie-Thérèse de Jésus.

Mère Marie-Magdeleine écrira en 1858 : « Mon Dieu, que vous êtes admirable dans ce que vous faites ; vous appelez à vous, pour fonder une œuvre, l’être le plus faible, le plus misérable, le moins capable, celle qui vous a offensé plus que les autres… En un mot, vous prenez pour vous tout ce que le monde eût rejeté cent fois. » Elle éprouve le désir extrême d’accomplir la seule volonté de son divin Maître et de ne chercher que Lui. « Il me semble que l’amour que j’ai pour Lui est grand et fort comme Jésus même, que ce n’est ni la crainte de l’enfer, ni le désir du Ciel qui me font aimer Jésus ; je L’aime par pur amour. » Elle considère la souffrance comme le ciment de son attachement à Jésus, comme la route la plus sûre pour aller au Ciel. Au pied du Calvaire et du tabernacle, elle trouve réconfort et reprend des forces.

Placées entre les pécheurs et l’enfer

Les Filles de Marie désirent gagner un grand nombre d’âmes à Dieu, par leurs prières et leur vie de pauvreté, de pénitence et de travail. « Oui, écrit la fondatrice, comme je souffre en pensant aux pauvres pécheurs ! Que ne donnerais-je pas pour sauver leurs âmes ! Quand je pense à tous ceux que j’ai laissés dans le monde et qui vivent comme s’ils devaient passer l’éternité sur la terre ! Passer toute une vie dans le péché, ne voulant pas se soumettre à la volonté divine, évitant de penser à la mort qui viendra frapper à leur porte au moment où ils y penseront le moins !… Grâce, Seigneur, pour ces pauvres âmes ! Oh ! Je donnerais volontiers ma vie pour les arracher à l’enfer ! Miséricorde, Seigneur ! Placez entre eux et l’enfer les pauvres Filles de Marie, afin que par leur intercession, leur Mère chérie sauve ces âmes qui vous ont coûté si cher ! »

« La mort, rappelle le Catéchisme de l’Église catholique, met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10)… La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que d’autres textes du Nouveau Testament parlent d’une destinée ultime de l’âme qui peut être différente pour les unes et pour les autres. Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours » (CEC, n° 1021-1022). Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra, dit Jésus ; celui qui perdra sa vie à cause de moi, la trouvera. Et que sert à un homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? (Mt 16, 25-26).

Au lendemain de l’abolition de l’esclavage, de nombreux anciens esclaves sont en difficulté : vieillards et malades privés de soins, enfants sans école, jeunes handicapés cloîtrés à l’intérieur des foyers. La première action de Mère Marie-Magdeleine est d’assurer, au couvent même, les soins d’une petite fille handicapée. Avec ses Filles, elle travaille aussi dans les hôpitaux privés de Sainte-Suzanne et de Saint-Gilles-les-Hauts. Mais sa compassion et sa sollicitude se portent surtout vers les lépreux : « Le lépreux est l’être le plus malheureux qui existe, écrit-elle. Aussitôt qu’il est reconnu atteint de cette maladie, il est répudié de sa famille. Il faut le séquestrer, il faut qu’il fuie bien loin du monde, car il n’inspire que de l’horreur à tous ceux qui le voient… Les lépreux doivent être le pain des Filles de Marie. » En 1856, elle installe quelques-unes de ses Filles à la léproserie de Saint-Bernard. De là, elle écrit à celles qui résident à la Rivière-des-Pluies : « J’ai parcouru cette longue salle où cinquante lépreux nous saluaient avec une expression de contentement, sans que j’aie éprouvé d’autre sentiment que celui de joie et de bonheur… Que vous dire de ces pauvres êtres, si ce n’est qu’on peut puiser bien des sujets de profonde méditation en les considérant. »

Faire aimer saint Joseph

En 1859, la communauté quitte son couvent en torchis pour s’installer à Saint-Denis, la capitale, dans un bâtiment en pierre, que l’on nomme “La Providence”. Mère Marie-Magdeleine a une confiance illimitée en la divine Providence : « Jamais je ne m’embarrasse du lendemain, affirme-t-elle, je sais que Dieu me donnera le nécessaire, nous n’avons besoin de rien de plus… Lorsque, dans le moindre petit besoin, j’ai eu recours à Jésus et Marie, et qu’après je vois que j’ai été exaucée, il faudrait être bien insensée pour frapper ailleurs qu’à la porte de ces divins Cœurs. J’aime mille fois mieux un morceau de pain donné par la Providence que les mets les plus exquis que je devrais aux caprices des hommes. Aujourd’hui, vous êtes dans leurs bonnes grâces, ils vous élèvent aux nues, et demain s’ils sont contrariés, ils ne songent plus à vous. » Et elle se félicite d’avoir saint Joseph pour économe : « Il me semble que la tendresse que j’ai pour ce grand saint est un don que m’a fait Jésus, il me semble que saint Joseph est à moi, qu’il y a quelque chose qui m’unit à ce bon Père que je ne peux reproduire, mais qui fait que je ne peux me passer de lui parce que Jésus le veut. Je voudrais le faire aimer de tout le monde… Quand j’ai besoin de quelque chose pour la communauté, je lui écris un petit billet, ou, m’agenouillant à ses pieds, je lui parle de mes besoins, je lui énumère ce que je désire, puis je m’en vais, bien assurée que je serai exaucée. »

À l’occasion des 150 ans de la déclaration, par le bienheureux Pape Pie IX, de saint Joseph comme Patron de l’Église universelle, le Pape François a voulu partager quelques réflexions sur cette figure exceptionnelle : « Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en “deuxième ligne” jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut… La grandeur de saint Joseph consiste dans le fait qu’il a été l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus. Comme tel, il se mit au service de tout le dessein salvifique… En raison de son rôle dans l’histoire du salut, saint Joseph est un père qui a toujours été aimé par le peuple chrétien… De nombreux saints et saintes ont été ses dévots passionnés, parmi lesquels Thérèse d’Avila, qui l’adopta comme avocat et intercesseur, se recommandant beaucoup à lui et recevant toutes les grâces qu’elle lui demandait ; encouragée par son expérience, la sainte persuadait les autres de lui être dévots… La confiance du peuple en saint Joseph est résumée dans l’expression Ite ad Joseph, qui fait référence au temps de la famine en Égypte, quand les gens demandaient du pain au pharaon, et il répondait : Allez trouver Joseph, et faites ce qu’il vous dira (Gn 41, 55). Il s’agit de Joseph, le fils de Jacob qui, par jalousie, avait été vendu par ses frères et qui est devenu par la suite vice-roi d’Égypte (cf. Gn 37) » (Lettre Apostolique Patris corde, n° 1).

Mère Marie-Magdeleine envoie des Sœurs dans les lieux où la misère est la plus grande. Bientôt, elle aura fondé dix-sept communautés à la Réunion. Elle vient également en aide aux pauvres des pays limitrophes : l’île Maurice, Madagascar, les Seychelles, mais aussi l’Afrique. Le projet aux Seychelles ne pourra aboutir de son vivant ; en revanche, dès 1860, les Filles de Marie sont présentes en Afrique. L’envoi des jeunes Sœurs au loin, dans certains pays où les musulmans sont majoritaires, est ressenti par la Mère comme une lourde responsabilité : « J’ai plus souffert en voyant partir mes Sœurs pour l’Afrique que lorsque j’ai fermé les yeux à celles qui sont mortes », avoue-t-elle… Mais, en revanche, « n’oublions pas, continue-t-elle, qu’hier Bourbon retirait des esclaves de l’Afrique. C’était quelque part assez réjouissant de voir les filles dont les parents étaient venus esclaves à Bourbon repartir pour soigner et éduquer leurs frères. Elles effectuaient un retour aux sources qui n’était pas banal. Dieu le voulait ainsi, qu’Il en soit loué ! » Sa propre sœur, Mère Marie-Thérèse de Jésus, contractera la fièvre en visitant les communautés d’Afrique. Sa mort, le premier vendredi du mois d’avril 1868, est « le sacrifice le plus affreux et le plus complet que Dieu pouvait m’imposer, dira Mère Marie-Magdeleine… Désormais, je ne devais m’appuyer que sur ma croix et c’est à son pied que je devais verser toutes les amertumes de mon cœur… Dieu a voulu que je fusse seule au milieu de mes souffrances, pour m’apprendre que je ne dois m’attacher qu’à Lui seul. »

La fondatrice recommande à ses Filles la pratique assidue des vertus de pauvreté, d’obéissance, d’humilité et de charité. « Je crois que Dieu récompensera largement celles qui feront tout pour maintenir la paix dans la congrégation. Ce ne sera qu’au prix de bien des sacrifices, mais qu’importe, si nous pouvons procurer la gloire de Dieu et aider nos Sœurs à se sanctifier ! Il faut accomplir la volonté de Dieu là où Il veut et comme Il veut. Il nous faut savoir ce que Dieu veut, car tout est là ; chaque jour nous apprend que la vie est un enchaînement de douleurs qu’il faut savoir souffrir dans le calme et la paix, pour tâcher de mériter le Ciel à quelque prix que ce soit. Ce repos du Ciel sera si doux après l’affreux combat de la terre ! »

Donnez, je vous le rendrai !

À partir de 1873, la santé de Mère Marie-Magdeleine est minée par le paludisme. Le 16 janvier 1882, Dieu rappelle à Lui le Père Levavasseur, son Père spirituel, cofondateur de son œuvre. En 1887, une autre épreuve l’atteint : les communautés de l’île Maurice se séparent de la congrégation. En janvier 1889, sur son lit d’agonie, la Mère répète inlassablement à ses Filles : « Charité pour les pauvres, pour les enfants, pour les orphelins, pour les vieillards… Donnez, donnez mes Filles, je vous promets de vous le faire rendre au centuple lorsque je serai là-haut. » Elle s’éteint paisiblement le 27 janvier. En 2007, le Pape Benoît XVI a reconnu l’héroïcité des vertus de Mère Marie-Magdeleine de la Croix. Aujourd’hui, la congrégation des Filles de Marie compte plus de 300 religieuses réparties dans une cinquantaine de communautés. Elles exercent leur apostolat à la Réunion, l’île Maurice, Rodrigues, Madagascar, aux Seychelles et en Afrique.

Que la vénérable Mère Marie-Magdeleine de la Croix nous aide à mettre en pratique le commandement nouveau que Jésus nous a laissé : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! (Jn 13, 34)

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