6 octobre 2021

Sainte Émilie de Vialar

Bien chers Amis,

« Après le mariage avec Joseph, Marie se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint, rappelle le Pape saint Jean-Paul II dans sa Lettre apostolique sur saint Joseph… En de telles circonstances, Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier secrètement (Mt 1, 19). Il ne savait pas quelle attitude adopter devant cette étonnante maternité de Marie… Alors qu’il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus (Mt 1, 20-21) » (Redemptoris custos, 15 août 1989, nos 2-3). Cette apparition de l’ange Gabriel à saint Joseph, contemplée sur un tableau exposé dans un musée toulousain, a frappé vivement Émilie de Vialar qui a donné, en 1832, le nom de “Saint-Joseph de l’Apparition” à une nouvelle congrégation religieuse.

Sainte Émilie de Vialar Anne-Marguerite-Adélaïde-Émilie de Vialar est née le 12 septembre 1797 à Gaillac, dans le diocèse d’Albi (département du Tarn), fille du baron Jacques-Augustin de Vialar et d’Antoinette, née Portal. Le baron de Vialar, qui a lu Voltaire et adhère aux idées des Lumières sans pourtant être antireligieux, est membre du conseil communal de Gaillac au début de la Révolution. Il se marie en 1794, sous la Terreur, et un prêtre clandestin bénit les époux. Émilie est une enfant attirée par Dieu, mais aussi par le monde et la coquetterie. Elle ment parfois à ses parents pour éviter d’être grondée. En 1810, Mme de Vialar fait avec sa fille le voyage de Paris, afin de lui trouver une maison d’éducation religieuse. Fatiguée par une récente naissance, elle y meurt de maladie à trente-quatre ans. Émilie reste dans la capitale où elle étudie deux ans chez les religieuses de Notre-Dame, et fait sa première Communion. De retour à Gaillac en 1813, c’est une jolie jeune fille qui, jusqu’à l’âge de dix-huit ans, s’étourdit dans les réceptions mondaines, et délaisse les sacrements. En 1815, elle reçoit une grâce singulière : « Un jour, toute seule dans ma chambre, je fus comme ravie en Dieu. » Elle résiste cependant à la grâce, mais sa conversion a lieu l’année suivante, lors d’une mission paroissiale où elle est « saisie, un soir, d’une grande crainte des jugements de Dieu » . Elle se confesse et communie : c’en est fini de la vie mondaine, des conversations superficielles et médisantes.

Ouvrant alors les yeux, Émilie prend conscience de la pauvreté qui l’entoure. La ville de Gaillac compte environ huit cents indigents, mendiants pour la plupart. Cette « lèpre sociale » provoque sa compassion et sollicite son dévouement. Elle commence à rendre visite aux malades et à leur apporter des bouillons chauds, des vêtements, des remèdes, puis finit par les accueillir chez elle, au grand mécontentement de son père. La jeune fille travaille aussi à la conversion des pécheurs et au retour des protestants au catholicisme ; dans ce but, elle s’adonne à beaucoup de mortifications corporelles, mais ne parvient pas à demeurer dans le recueillement. Le Seigneur lui parle alors intérieurement : « Garde ma présence. Je t’y rappellerai quand tu t’en éloigneras. » À l’église Saint-Pierre, étant un jour en adoration devant le tabernacle, elle voit s’imprimer sur celui-ci l’image de Jésus crucifié. Émilie se sent appelée à consacrer entièrement sa vie à Dieu et, en dépit du désir de son père, ne manifeste aucune intention de se marier. Toutefois, elle reste à la maison pour ne pas le quitter car, sans elle, il abandonnerait toute vie chrétienne. En 1822, à l’âge de vingt-cinq ans, elle prononce le vœu privé de virginité. Elle perçoit deux attraits intérieurs qui lui indiquent un appel de Dieu : l’assistance aux malades à domicile, et les missions dans les pays païens.

Après avoir reçu un important héritage de son grand-père, Émilie, rejointe par trois compagnes, achète à Gaillac une maison pour héberger la congrégation qu’elles veulent fonder. Elle quitte alors la maison paternelle, mais sans abandonner son père qu’elle visite quotidiennement ; celui-ci, pourtant, ne lui témoigne que de la froideur. Le jour de Noël 1832, l’institut Saint-Joseph de l’Apparition naît, avec comme objectif le soin des pauvres et des malades. Les vocations affluent : six mois plus tard, les Sœurs sont déjà vingt-six. Leur costume est discret : une robe de laine noire et un tablier à bavette, une coiffe blanche semblable aux chapeaux féminins de la région. Elles n’ont ni clôture ni grilles, ce qui fait jaser. Pressenties par les autorités civiles, les nouvelles religieuses acceptent d’ouvrir des écoles de filles gratuites. En janvier 1834, la fondatrice soumet à l’archevêque d’Albi un premier règlement, qu’il approuvera l’année suivante. L’appellation “Saint-Joseph de l’Apparition” se réfère surtout à l’apparition de l’archange Gabriel à saint Joseph, mais peut-être fait-elle aussi allusion à une apparition de saint Joseph qu’aurait eue la fondatrice dans un moment de découragement.

Gagner la sympathie

Bientôt, un grand appel parvient aux Sœurs. En 1830, la marine française avait pris pied en Algérie, jusqu’alors foyer de piraterie infestant tout l’ouest du bassin méditerranéen. Augustin de Vialar, frère d’Émilie et officier, s’était établi comme colon en Algérie, dans la région encore mal pacifiée de Boufarik, près d’Alger. Son principe : « Il ne faut pas maintenir les indigènes par la force des armes, mais nous les attacher par les bienfaits de la civilisation. » Il fait ouvrir à ses frais une ambulance réservée aux bédouins malades, et demande à sa sœur de venir l’aider ; au même moment, le conseil municipal d’Alger adresse à Émilie une demande officielle pour l’hospice d’Alger. Mgr de Gualy encourage celle-ci à partir. La fondatrice s’embarque avec trois Sœurs et arrive le 3 août 1835, alors que fait rage une épidémie de choléra. Les religieuses se dépensent sans compter et gagnent aussitôt la sympathie de la population musulmane, d’autant qu’elles ne reçoivent aucun subside et que la congrégation repose entièrement sur la fortune de la Mère. Celle-ci fonde un pensionnat payant pour jeunes filles de familles aisées, afin de financer une école gratuite dont le succès est immédiat.

En 1838, Mère Émilie, élue supérieure générale à Gaillac, ouvre de nombreuses maisons en Algérie. La même année, le gouvernement français obtient de Rome la nomination de l’abbé Antoine-Adolphe Dupuch comme premier évêque d’Alger et de toute l’Algérie. Dès son arrivée, ce prélat manifeste, à côté d’un zèle réel, un tempérament brouillon et dominateur. En 1840, une fondation qu’Émilie réalise à Constantine déclenche son hostilité, car il entend mettre les Sœurs sous son autorité exclusive. Il prétend faire lui-même les nominations et assurer la direction spirituelle des Sœurs. Il n’apprécie pas l’esprit romain de Mère Émilie, ni surtout son refus de le reconnaître comme l’unique supérieur de sa congrégation, qui se développe pourtant en divers lieux. Dès 1839, soumises par l’évêque d’Alger à de nombreuses vexations et à des mesures disciplinaires (interdiction de la célébration de la Messe dans les chapelles des Sœurs, refus des sacrements), Mère Émilie de Vialar et ses religieuses s’appliquent à continuer leur apostolat, soutenues par la population aussi bien chrétienne que musulmane ou juive dont elles soignent les malades et éduquent les filles.

En 1840, Mgr de Gualy envoie Émilie de Vialar à Rome pour demander au Pape l’approbation canonique de l’institut. Malgré un accueil favorable de Grégoire XVI, la fondatrice, qui restera dix-huit mois dans la Ville éternelle, n’obtiendra qu’un “décret laudatif”, à cause des manœuvres de l’évêque d’Alger. En 1842, une pétition signée par cent trente-trois notables musulmans en faveur des Sœurs, et le soutien du Saint-Siège, n’empêchent pas le gouvernement civil, influencé par Mgr Dupuch, de chasser d’Algérie les Sœurs de Saint-Joseph. Un soir, alors qu’elles servent les repas des malades, les dix-huit Sœurs de l’hospice d’Alger sont mises en demeure de céder immédiatement la place aux religieuses d’une autre congrégation. « Pourquoi pleurez-vous ? demande Mère Émilie à ses Sœurs. Ce n’est qu’une épreuve… Notre-Seigneur a souffert bien plus que nous ! » Par un retour des choses, permis par la Providence, quatre ans plus tard, l’évêque, criblé de dettes contractées pour financer ses bonnes œuvres et traqué par ses créanciers, sera hébergé à Alger par Augustin de Vialar. Mère Émilie approuvera ce geste miséricordieux de son frère. Toutefois, une demande adressée par Émilie de Vialar au gouvernement français, en vue d’obtenir une indemnisation pour les énormes dépenses de construction et d’entretien engagées à ses frais en Algérie, se heurte à l’inertie administrative. La fondatrice supporte cette ruine temporelle dans des sentiments d’abandon confiant à la divine Providence.

Un refus poli

Cependant, à Gaillac, Mère Émilie est considérée avec suspicion par le nouvel archevêque d’Albi, Mgr de Jerphanion, prévenu contre elle par des créanciers impatients. Elle se rend à Paris afin d’obtenir la reconnaissance civile de sa congrégation. Malgré des éloges pour le travail accompli en Algérie, le Garde des sceaux lui oppose un refus poli : le gouvernement estime que la France compte déjà suffisamment de congrégations religieuses. Pourtant, après des fondations en Tunisie dès 1840, d’autres sont réalisées en 1844, à Rome, à Chypre, et une troisième à Malte l’année suivante. Là, les vocations abondent et des écoles sont ouvertes. Une fondation en Grèce a lieu ensuite. Les voyages incessants qu’elle foit faire nuisent à la santé de la fondatrice et l’obligent à se reposer.

En 1846, le baron de Vialar fait une mort édifiante, assisté par sa fille, après avoir reçu avec piété les derniers sacrements. Mais à Gaillac, le clergé devenu hostile à Mère Émilie, lui refuse la sainte Communion, qu’elle va recevoir dans un diocèse voisin. Toutefois, les jésuites de Toulouse lui procurent une aide spirituelle d’autant plus appréciée que son institut compte de nombreuses novices. La gestion du temporel de la congrégation est alors entre les mains d’un homme d’affaires douteux, M. Molis, qui réussit à endormir la vigilance d’Émilie. Bientôt ruinée par les malversations de celui-ci, la Mère s’aperçoit de plus que la supérieure de Gaillac, Sœur Pauline, impatientée de ne pas recevoir les fonds qu’elle estime nécessaires, se rebelle contre elle. Déboutée de sa requête au tribunal civil contre l’escroc, la fondatrice se voit contrainte de solder toutes les dettes contractées. Elle puise dans l’héritage reçu de son père, et offre à Dieu l’épreuve de cette perte matérielle. Le litige prendra fin en 1851 seulement, par un ultime jugement, fondé sur un faux fabriqué par Molis, qui achèvera de ruiner Émilie de Vialar et sa famille. « J’ai reçu une grande leçon, écrit-elle à son Père spirituel ; c’est celle de comprendre que les avantages temporels ne doivent pas être désirés outre mesure, et qu’il faut se reposer avec tranquillité sur le Seigneur pour nos intérêts quels qu’ils soient… La paix est toujours dans mon esprit même quand le cœur est oppressé. Comme Dieu est bon pour ceux qui désirent L’aimer ! Ce Vendredi-Saint, j’ai été inondée par l’effusion de son amour. »

L’aurore d’un très beau jour

Lors d’un voyage à Rome, elle reçoit un excellent accueil du nouveau Pape, Pie IX, qui lui promet une rapide approbation de sa congrégation. L’hostilité du clergé de Gaillac et l’indifférence de l’archevêque d’Albi l’obligent toutefois à envisager l’installation du noviciat de sa congrégation dans un autre diocèse. En 1847, Émilie et ses religieuses s’installent à Toulouse. Éprouvée par la perte de plusieurs religieuses emportées par la maladie, par les soucis financiers et par les mesquineries de certaines de ses Sœurs, la supérieure accuse la fatigue et sa santé s’altère. Mais, forte dans sa foi, elle déchiffre dans les événements des signes d’espérance : « Ce qui me console dans toutes mes peines, c’est que Dieu ne permet tout ce qui me contrarie que pour un plus grand bien, et qu’Il a quelques vues particulières pour nos intérêts… Au milieu de ces croix, et sans doute par leur moyen, notre maison est dans l’aurore d’un très beau jour. » Consolée par des fondations réalisées en Terre Sainte, Mère Émilie rappelle la supérieure du couvent de Jérusalem, et lui confie l’enseignement de la langue arabe aux jeunes vocations destinées au Proche-Orient. La même année, elle visite le Liban et y fonde une école pour seconder la mission jésuite de Zahlé. Puis, à l’appel d’une congrégation italienne de prêtres, elle envoie six jeunes religieuses anglophones en Birmanie. Mère Émilie sait que, malgré les difficultés, ses Sœurs sont prêtes à porter au loin, en pays païen, la bonne nouvelle de l’Incarnation du Fils de Dieu. Elles croient à la protection de saint Joseph qui « sait rendre possibles les choses les plus impossibles » (saint François de Sales). Cette fondation lointaine est financée par l’œuvre de la Propagation de la foi, fondée à Lyon par la vénérable Pauline Jaricot. Dans la dangereuse traversée en chariot de l’isthme de Suez (le canal n’existe pas à cette époque), les Sœurs sont convoyées par des guides peu sûrs. Mais à chaque moment difficile, elles rencontrent un bon vieillard qui les secourt et les rassure en disant : « C’est moi, mes enfants, ne craignez rien, je suis là ! » Cet homme disparaît après les avoir conduites à Suez jusqu’au bateau. Les Sœurs l’identifieront sans hésiter avec saint Joseph, leur protecteur céleste.

« Le patronage de saint Joseph, écrivait le Pape saint Jean-Paul II, doit être invoqué, et il est toujours nécessaire à l’Église, non seulement pour la défendre contre les dangers sans cesse renaissants mais aussi et surtout pour la soutenir dans ses efforts redoublés d’évangélisation du monde et de nouvelle évangélisation des pays et des nations où la religion et la vie chrétienne étaient autrefois on ne peut plus florissantes et qui sont maintenant mis à dure épreuve. Pour apporter la première annonce du Christ ou pour la présenter à nouveau là où elle a été délaissée ou oubliée, l’Église a besoin d’une particulière force d’en haut (cf. Lc 24, 49), don de l’Esprit du Seigneur, assurément, mais non sans lien avec l’intercession et l’exemple de ses saints. En plus de la protection efficace de Joseph, l’Église a confiance en son exemple insigne, exemple qui ne concerne pas tel état de vie particulier, mais est proposé à toute la communauté chrétienne, quelles que soient en elle la condition et les tâches de chaque fidèle » (ibid., nos 29-30).

Conseils et soutien d’un saint

En 1852, une fondation a lieu à Trébizonde, en Turquie. Les Sœurs de Saint-Joseph sont désormais présentes dans tout l’Empire ottoman, depuis l’Afrique du Nord jusqu’à la mer Noire. La maison mère de la congrégation ne peut cependant rester à Toulouse, et l’évêque de Marseille, saint Eugène de Mazenod, fondateur des Oblats de Marie Immaculée, l’accueille, prodiguant à la fondatrice conseils et soutien ; il approuve la congrégation en 1853. L’approbation romaine ne viendra qu’après la mort d’Émilie, en 1865. Les constitutions de la congrégation précisent : « Les Sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition se consacrent à l’éducation des jeunes filles de la classe aisée moyennant une faible rétribution, qui servira à leur permettre de soigner gratuitement les malades pauvres de leur paroisse ainsi qu’à se vouer à toutes les œuvres de bienfaisance auxquelles l’évêque diocésain voudra les employer. »

Vingt ans après la fondation, Mère Émilie de Vialar, rassasiée d’épreuves matérielles et spirituelles, voit son œuvre s’accroître de manière inespérée : en 1856, elle comptera, en effet, quarante-deux maisons dont une en Australie. Toutefois, la fondatrice est obligée, pour apaiser ses créanciers, de vendre sa maison familiale, puis la maison de Gaillac qui avait été le premier monastère des Sœurs de Saint-Joseph. Au terme d’années de tourments intérieurs très douloureux, la fondatrice constate maintenant : « La divine Providence a suspendu ses épreuves. Mon âge l’oblige à adoucir les croix que, dans son amour pour moi, le Seigneur daignait me départir. » Au milieu des mille affaires de ce monde, Émilie a trouvé la paix de l’âme dans le don d’elle-même : « Plaire au Seigneur, lui rendre gloire, n’est-ce pas le bien par excellence ? » La fondatrice a cependant la douleur d’assister à la mort prématurée de nombreuses Sœurs, victimes des maladies tropicales. Elle s’applique pourtant à soutenir les supérieures locales, les informant, par exemple, des soins à donner aux personnes atteintes de la malaria, sans, toutefois, leur enlever l’initiative propre dont elles ont besoin : une grande marge de manœuvre leur est laissée pour adapter les usages de leurs maisons à la situation des différents pays.

« Nous eûmes du pain ! »

En 1854, un nouvel évêque d’Alger, Mgr Pavy, se rend à Marseille pour rencontrer la fondatrice et lui demander des Sœurs pour son diocèse ; Mère Émilie acquiesce, empressée d’accomplir cette “vengeance” chrétienne : après avoir été chassée, revenir en Algérie sans évoquer le passé… En octobre 1855, Mère Émilie reçoit le décret d’approbation légale de son institut, indispensable en régime de concordat ; la congrégation pourra désormais posséder en toute légalité des biens matériels. La fondatrice ne regrette pourtant pas les ennuis d’argent qui ont enraciné les Sœurs de Saint-Joseph dans la pauvreté de la Sainte Famille de Bethléem : « Si je n’étais devenue pauvre, je n’aurais pu établir la congrégation… Tout doit être marqué du sceau de la Croix. On ne comprend pas le bonheur qu’il y a d’être pauvre pour l’amour de Jésus… Dieu nous assiste toujours » (Lettre de 1855). Elle donne l’exemple à ses Sœurs, jusqu’à se dépouiller même de ses propres vêtements. Si elle attend beaucoup de l’esprit de sacrifice de ses filles, Mère Émilie ne manque pas d’humanité. Elle écrit à une Sœur à la santé fragile : « Je vous engage, si vous voyez que les bains de mer vous sont favorables, à en prendre tout de suite, le plus possible, parce qu’ils fortifieront votre santé. » Mais sa joie est de prier longuement, et si on lui demande : « Que faites-vous ? » , elle répond : « Ce que je fais, ma bonne ! Je contemple l’Amour du Seigneur ! » Quelques jours avant sa mort, la supérieure reçoit à Marseille un pauvre qui crie famine. Elle lui donne le peu de pain qui reste ce jour-là. À la Sœur cuisinière qui se récrie, elle répond : « Chut ! Chut, ma bonne, calmez-vous, cet homme a faim et il faut qu’il mange. Saint Joseph viendra à notre aide. » La Sœur témoignera : « J’ignore par quelle voie et quel moyen, mais ce qui est certain, c’est que nous eûmes du pain pour souper. »

Le 24 août 1856, la fondatrice meurt brutalement, à cinquante-huit ans, d’une hernie étranglée, séquelle d’un accident qui lui était arrivé dans sa jeunesse en transportant un gros sac de farine pour les pauvres. Elle a été canonisée le 24 juin 1951 par le Pape Pie XII ; sa fête se célèbre le 24 août. En 2017, sa congrégation comptait 829 Sœurs dans 144 maisons et 24 pays. Les Sœurs font face à des situations souvent difficiles et périlleuses, en vivant de cette parole de l’ange Gabriel à saint Joseph : « Ne crains pas ! »

Sainte Émilie avait pour devise : « Révéler l’immense amour de Dieu pour l’humanité et collaborer à la mission pour laquelle Jésus est venu sur terre. » Cette mission, explique le Compendium du Catéchisme de l’Égise catholique, est de « nous réconcilier, nous pécheurs, avec Dieu, de nous faire connaître son Amour infini, d’être notre modèle de sainteté et de nous rendre participants de la nature divine » (n° 85). Pour réaliser, nous aussi, ce beau programme, en cette année consacrée par le Pape François à saint Joseph, que l’époux de Marie « devienne pour tous un maître singulier dans le service de la mission salvifique du Christ qui nous incombe à tous et à chacun dans l’Église : aux époux, aux parents, à ceux qui vivent du travail de leurs mains ou de tout autre travail, aux personnes appelées à la vie contemplative comme à celles qui sont appelées à l’apostolat ! » (Redemptoris custos, n° 32).

>