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1 septembre 2021

Saint Joseph Pignatelli

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

La Compagnie de Jésus (Jésuites), dissoute en 1773 par le Pape Clément xiv, a été restaurée au siècle suivant par Pie vii en 1814. Pie xi estimera que le Père Joseph Pignatelli avait eu autant d’importance dans cette renaissance que saint Ignace dans la naissance de la Compagnie. Ce Jésuite, canonisé en 1954, a travaillé à unir et à rendre visible la continuité, méritant ainsi le titre d’“anneau d’or” entre l’ancienne et la nouvelle Compagnie de Jésus. Sa dépouille mortelle a reçu l’honneur de reposer dans le caveau des Supérieurs généraux de la Compagnie, en l’église du Gesù à Rome.

Giuseppe (Joseph) Pignatelli naît en décembre 1737 à Saragosse, en Aragon (Espagne). Sa famille appartient à la grande noblesse, aussi bien du côté de son père, Antonio Pignatelli, Italien fixé en Espagne, que de sa mère espagnole, Francesca Moncayo-Fernández de Heredia. À l’âge de quatre ans, Joseph perd sa mère, puis son père trois ans plus tard. De ses nombreux frères et sœurs, six seulement parviennent à l’âge adulte ; on comptera quatre prêtres parmi eux. Dès son enfance, Joseph apprend l’italien comme l’espagnol. Enfant modeste et serein, d’une obéissance souriante, il est envoyé avec deux de ses frères à Naples, chez sa sœur aînée qui s’y est mariée. Peu après, Nicolas, le frère aîné devenu chef de famille, décide de les mettre en pension à Saragosse ; ils y suivent les cours chez les jésuites de la ville. Dès sa jeunesse, Joseph prend l’habitude de faire de fréquentes visites au Très Saint Sacrement, et s’applique à contrôler ses impulsions affectives : il participe notamment aux jeux de ses condisciples plus pour leur faire plaisir que par goût personnel. D’une intelligence vive, il exerce un indiscutable ascendant sur ses camarades.

« Riez, riez !… »

Sa naissance et la faveur de sa famille auprès du roi d’Espagne le vouent à une haute destinée. Très tôt, pourtant, Joseph entend l’appel de Dieu et, après plusieurs mois de prières, il se décide à entrer dans la Compagnie de Jésus. Informés de ce choix, ses proches ne manquent pas de lui présenter de multiples objections, et affirment que sa santé délicate s’oppose à ce dessein. Mais lui leur manifeste sa joie d’embrasser une carrière où il aura à souffrir pour Dieu, et peut-être l’occasion de verser son sang pour le salut des âmes et la défense de l’Église. Joseph entre donc au noviciat des Jésuites de Tarragone, le 8 mai 1753 ; il a quinze ans. Durant cette première période de formation, on l’envoie, selon l’usage, servir les malades à l’hôpital pendant un mois. Le premier soir, il en revient en retard pour s’être trop longtemps arrêté auprès d’un malade couvert de plaies. Un jour, il se trouve au milieu d’un groupe de jeunes nobles visiteurs de la maison qui, lorsqu’ils le reconnaissent, se moquent de lui : « Riez, riez, leur dit-il, mais quand vous aurez fini vous me devrez tous une pièce de monnaie pour mes pauvres. Il n’est pas juste que je vous égaie pour rien ! » Il fait aussi le catéchisme aux détenus de la prison voisine. Parmi les épreuves du noviciat, Joseph accomplit, avec deux condisciples, un pèlerinage d’un mois à Notre-Dame de Montserrat, en mendiant son pain. Désigné comme chef du groupe, il se sacrifie lui-même pour que les autres aient le meilleur de tout.

En mai 1755, après avoir prononcé ses vœux temporaires, il est envoyé au collège de Manrèse pour compléter sa formation élémentaire (1755-1757). Ses résultats sont remarquables. Il parvient non seulement à lire les auteurs grecs, mais encore à s’exprimer en cette langue. Il donne aussi des cours au juvénat, et apprend le catalan pour faire un peu de ministère dans les rues. Toujours disposé à rendre service, il remplace volontiers ses frères lorsqu’ils ont un empêchement. Ses études de philosophie (1757-1759) ont lieu à Calatayud. Là, le recteur aussi bien que le professeur de philosophie se montrent pleins de préventions contre lui, et critiquent tous ses faits et gestes ; ils le considèrent comme un religieux et un étudiant médiocre. Lui se tourne vers la Sainte Vierge et sollicite humblement la grâce de devenir meilleur. Cette épreuve dure trois ans. Joseph ne se décourage pas mais s’applique à l’humilité et l’abnégation. À la fin du cycle d’études, c’est lui qui est choisi pour soutenir l’épreuve publique : il se révèle alors aux yeux de tous comme un sujet brillant. Les quatre années suivantes se passent à Saragosse pour l’étude de la théologie. Son étonnante mémoire lui permet, de plus, d’apprendre de nombreuses langues anciennes et modernes : l’hébreu, le chaldéen et le syriaque, le français, l’anglais et l’allemand.

Une relation épistolaire féconde

La relation épistolaire qu’il entretient avec des prêtres de la Compagnie de Jésus partis en mission lointaine, conduit Joseph à se proposer lui-même au Père Ricci, Préposé général, pour partir les rejoindre. Mais son désir n’est pas exaucé. Cependant, son rythme de travail l’épuise, et il contracte la tuberculose. Ses supérieurs l’obligent alors à se reposer. Malgré les soins de médecins compétents, sa santé ne se rétablira jamais complètement. Il est cependant ordonné prêtre à la fin de l’Avent de 1762. Ses supérieurs voudraient le mettre au repos complet, mais lui ne peut supporter de se sentir inutile. Sur son instante demande, on lui confie l’une des petites classes du collège de Saragosse, puis l’enseignement des humanités. Son attitude générale, faite de sérieux, de dignité et de chaleur humaine, porte les enfants à comprendre qu’ils sont aimés, que son dévouement vise à procurer leur bien. Après quelques semaines, il les a conquis ; un signe de sa part, par exemple, suffit à arrêter tout débordement d’exubérance infantile. Pour bien mettre en œuvre les méthodes d’éducation de la Compagnie, il consulte et écoute volontiers ses anciens. Le programme des humanités comporte surtout l’étude des auteurs classiques : d’un paragraphe, d’un fait, d’une attitude, même d’un incident de classe, il tire, avec un art tout particulier, un enseignement moral et religieux. Ses leçons demeurent souvent des normes pour toute la vie de ses élèves.

Sa santé s’étant suffisamment rétablie, le jeune prêtre cherche dans le service pastoral une sainte diversion au travail de l’enseignement. Il catéchise les enfants de la rue et visite malades et prisonniers, toujours avec une attention et une charité où transparaît l’amour du Christ pour les âmes. Au confessionnal, sa bonté et sa doctrine lui attirent une foule de pénitents. On le charge aussi de préparer les condamnés à mort à leur exécution, ministère fort délicat. À force de douceur, il gagne au Christ les cœurs de ces malheureux ; parfois il obtient qu’ils soient graciés. En 1766, une grave famine s’étend sur le pays. Le mécontentement se répand, en particulier dans la ville de Saragosse où les paysans des environs ont afflué ; une émeute est prête à éclater. Certaines personnes malveillantes désirent en faire endosser la responsabilité aux jésuites ; mais le jour de l’insurrection, le Père Pignatelli se porte au-devant de la foule et parvient à l’apaiser.

Cependant, un orage extraordinaire gronde contre la Compagnie de Jésus. Toutes les forces du “Siècle des lumières” (le xviiie) se sont coalisées contre elle : les philosophes rationalistes, les jansénistes, les gallicans et les régaliens (partisans de la suprématie du pouvoir royal) ainsi que les sociétés secrètes ont décidé d’obtenir sa suppression par les princes au pouvoir. Ils ont très habilement placé des ministres choisis pour cela auprès des faibles rois d’Espagne, du Portugal et de France. Avec détermination, le Pape Clément xiii résiste au harcèlement de leurs gouvernements, mais ceux-ci décrètent bientôt l’interdiction de la Compagnie dans leurs pays respectifs : dès 1759, le Portugal expulse les Jésuites, suivi en 1764 par la France. En 1767 paraît l’édit d’expulsion tant d’Espagne que des possessions espagnoles, avec pour seule explication officielle de très graves raisons que le monarque « garde dans son cœur royal » (on l’a persuadé que les jésuites le prennent pour un enfant illégitime). Des ordres sont envoyés à tous les gouverneurs de province. Six cents jésuites d’Espagne et du Nouveau Monde sont ainsi expulsés. Une modeste pension alimentaire leur est allouée, à la condition qu’aucune protestation ne s’élève de leur part contre l’acte royal.

Rester avec ses Frères

Le Père Pignatelli réside alors à Saragosse. Le recteur de la maison, confiant en la protection du roi, refuse d’abord de croire à cette nouvelle. Un matin pourtant, la troupe armée est là, et les membres de la communauté sont convoqués au réfectoire. En raison de sa noblesse, le Père Joseph pourrait faire jouer ses relations de famille, éviter les peines de l’exil et demeurer en Espagne : il choisit de rester avec ses Frères jésuites. On les fait monter dans les chars qui servent habituellement au transport des criminels. Leurs élèves, massés à la sortie de la ville, expriment leurs sentiments de gratitude à leurs enseignants. Les soldats s’efforcent de contenir la foule indignée ; les Pères interviennent pour la calmer. Le voyage jusqu’à Tarragone est si éprouvant que le Père Pignatelli est victime d’abondants crachements de sang. Des membres de sa famille, qui habitent là, le supplient de quitter le convoi, mais il refuse, pour la consolation de ses Frères. Au port de Salou, les religieux sont embarqués dans treize navires. Le Père Joseph obtient du capitaine du convoi la permission de passer d’un navire à l’autre pour pouvoir encourager ses confrères.

La ville de Gênes accepte de les accueillir en Corse, île qui est alors sous sa dépendance. Les jésuites sont débarqués à Ajaccio, puis transférés à Bonifacio, à la pointe sud de l’île, où ils demeurent un an. Le Père Joseph trouve des logements convenables pour tous, mais ils sont dans un grand dénuement. Des secours leur parviennent toutefois, en particulier d’Italie. Le Père Ricci leur envoie de Rome des vases sacrés et des ornements liturgiques. Tout apostolat leur est interdit, mais la ferveur et la piété des exilés impressionnent les populations locales. Le Père Joseph organise des cours avec les nombreux professeurs présents, et même des joutes théologiques. En 1768, la Corse est cédée par Gênes à la France, et une nombreuse garnison française débarque à Bonifacio. Quelques semaines plus tard, tous les religieux quittent l’île pour Gênes puis pour Ferrare, dans les États de l’Église, ville dont le légat pontifical, Mgr Pignatelli, est un proche parent du Père Joseph. Ils y sont rejoints par les exilés du Mexique. Le Père regroupe ses confrères selon leurs maisons d’origine, sous leurs supérieurs respectifs. Les études reprennent bientôt pour les jeunes. À nouveau, sa famille presse le Père de quitter la Compagnie de Jésus avant qu’elle ne soit dissoute, et de rentrer en Espagne où on lui promet de grands avantages. Mais, loin de céder, il obtient de ses supérieurs de prononcer ses vœux définitifs (1771).

Le Pape harcelé

En 1773, harcelé par les cours royales d’Europe, le Pape Clément xiv supprime la Compagnie de Jésus, sans jugement ni condamnation, par le bref Dominus ac Redemptor. Des témoins ont affirmé qu’en signant ce document le Pape avait dit : « Cette suppression me conduira au tombeau » ; de fait, il meurt l’année suivante. Pie vi, son successeur, estime ne pouvoir rétablir un institut que son prédécesseur immédiat a supprimé. Au plus fort de l’épreuve, le Père Ricci consacre son Ordre au Sacré-Cœur. Il recommande à ses Frères la prière, la patience et le pardon, puis meurt deux ans après la dissolution. À cette souffrance, s’ajoute, pour le Père Joseph, la douleur de voir son frère, Nicolas, qui était aussi devenu jésuite, reprendre une vie séculière et princière. En 1779, il devient le directeur spirituel de sa nièce, mariée au duc de Villahermosa. Sa grande culture lui permet d’organiser pour les familles nobles de Bologne des réunions littéraires ; plusieurs reviennent à la foi. Mais sa mission la plus importante est de préparer la restauration de la Compagnie de Jésus.

Son premier soin est de conforter l’esprit religieux chez ses Frères jésuites dispersés. Il se montre rempli du « courage créatif » dont parlera le Pape François à propos de saint Joseph, époux de Marie : « Devant une difficulté on peut s’arrêter et abandonner la partie, ou bien on peut se donner de la peine. Ce sont parfois les difficultés qui tirent de nous des ressources que nous ne pensons même pas avoir. Bien des fois, en lisant les “Évangiles de l’enfance”, on se demande pourquoi Dieu n’est pas intervenu de manière directe et claire. Mais Dieu intervient à travers des événements et des personnes. Joseph est l’homme par qui Dieu prend soin des commencements de l’histoire de la rédemption. Il est le vrai “miracle” par lequel Dieu sauve l’Enfant et sa mère. Le Ciel intervient en faisant confiance au courage créatif de cet homme qui, arrivant à Bethléem et ne trouvant pas un logement où Marie puisse accoucher, aménage une étable et l’arrange afin qu’elle devienne, autant que possible, un lieu accueillant pour le Fils de Dieu qui vient au monde (cf. Lc 2, 6-7). Devant le danger imminent d’Hérode qui veut tuer l’Enfant, Joseph est alerté, une fois encore en rêve, pour le défendre, et il organise la fuite en Égypte au cœur de la nuit (cf. Mt 2, 13-14). Une lecture superficielle de ces récits donne toujours l’impression que le monde est à la merci des forts et des puissants. Mais la “bonne nouvelle” de l’Évangile est de montrer comment, malgré l’arrogance et la violence des dominateurs terrestres, Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de salut. Même notre vie semble parfois à la merci des pouvoirs forts. Mais l’Évangile nous dit que, ce qui compte, Dieu réussit toujours à le sauver, à condition que nous ayons le courage créatif du charpentier de Nazareth qui sait transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence » (Lettre Patris Corde, 8 décembre 2020).

Attitudes paradoxales

Paradoxalement, deux souverains non catholiques ont refusé de mettre en œuvre le bref du Pape Clément xiv dans leurs États : le protestant Fréderic ii de Prusse pour le territoire de la catholique Silésie, récemment annexée à son royaume, et l’impératrice orthodoxe Catherine de Russie, pour la Russie blanche (Biélorussie), dans la même situation. Catherine de Russie a même obtenu du Pape, quelques mois avant qu’il ne meure, un nouveau bref permettant qu’on s’en tienne au statu quo pour les Jésuites de Russie. Pie vi confirme cette autorisation, et Joseph Pignatelli, devant qui le Pape a formellement reconnu la légitimité des Jésuites de Russie, se met en contact avec la province de Russie blanche, qu’il envisage de rejoindre. Mais une défaillance de santé l’empêche de réaliser ce projet.

De nombreux anciens jésuites se sont rassemblés dans le duché de Parme en raison du bon accueil que leur réserve le duc Ferdinand Ier. Ces prêtres, devenus séculiers, s’occupent de divers ministères au grand profit des âmes. Le duc en vient à regretter la disparition de leur Ordre. Constatant également la désorganisation de l’éducation des enfants après la fermeture des collèges des Jésuites, il fait appel à leur dévouement et les met à la tête de l’enseignement dans son duché. Puis, pour garantir cette œuvre dans le temps, il s’emploie à restaurer la Compagnie. À cette fin, il s’adresse, en 1793, par l’intermédiaire de l’impératrice Catherine, au supérieur des jésuites de Russie, pour lui demander de reconnaître comme ses fils les “ex-jésuites” de son duché. Le supérieur lui envoie des Pères. En 1797, le Père Joseph renouvelle en privé sa profession religieuse entre les mains de l’un d’eux. Deux ans plus tard, un noviciat est fondé à Colorno, dans la province de Parme, et le Père Pignatelli reçoit la charge de maître des novices. Sous sa direction, les novices sont formés aux vertus et à la vie intérieure en suivant de près les directoires et l’esprit de la Compagnie. D’anciens Pères viennent se joindre à eux. Le Père Joseph replonge, avec beaucoup de douceur, les uns et les autres dans l’esprit des Exercices spirituels, s’appliquant d’abord à restaurer l’esprit de la Compagnie dans les cœurs.

L’âme de la spiritualité des Jésuites et le principe de leur unité résident dans le livre des Exercices spirituels, où saint Ignace a résumé son propre itinéraire de conversion, de la recherche de la gloire mondaine au service total de Dieu. De la méditation du Fondement vient le relief donné à la fin dernière : le salut éternel, accomplissement ou acceptation de la volonté de Dieu, indifférence pour tout ce qui n’est pas ce but ultime. Les méditations du Règne du Christ et des Étendards suscitent l’amour passionné pour le Verbe fait chair, la volonté de se distinguer à son service en étant pauvre et humilié comme Lui.

Le Père Joseph ouvre la voie de cet idéal en payant de sa personne dans tous les domaines : les touchants souvenirs laissés par ses novices l’évoquent balai en mains pour faire le ménage, ou besace au dos pour mendier de porte en porte. En effet, il a soin de pourvoir au temporel, l’institut étant alors fort démuni de ressources, et fonde à Colorno un hôpital où novices et professeurs peuvent, à son exemple, se dévouer auprès des malades. Sa confiance en Dieu le soutient dans ses épreuves. Il secourt sans compter de très nombreux pauvres, au point que l’argent semble se multiplier entre ses mains. « Quelques-uns, dit-il un jour à un Père, voudraient me voir diminuer les secours que je donne aux pauvres, et m’engagent à mettre de l’argent de côté pour nos propres besoins… Cependant, je vois que Dieu me donne autant que je donne aux autres. » En revanche, les vaines prodigalités de son frère Nicolas sont pour lui une croix spécialement douloureuse.

Ouvrier patient d’une restauration

Le Pape Pie vi, en exil à Valence (France), meurt en 1799. Par le bref Catholicæ fidei (7 mars 1801), son successeur Pie vii scelle officiellement la reconnaissance de la Compagnie de Jésus en Russie (environ deux cents membres). Cet acte déclenche une vague de demandes d’affiliation aux jésuites russes, de la part de groupes d’anciens jésuites, en Europe et aux États-Unis. Le Père Joseph vise cependant à la reconnaissance et la restauration canonique de la Compagnie comme telle. En 1803, il est nommé provincial pour l’Italie par le supérieur général de Russie. Renonçant à son désir d’aller en Russie se mettre au service des pauvres habitants des campagnes, il accepte cette charge par obéissance. S’étant rendu à Naples, il s’emploie avec beaucoup de prudence à obtenir l’accord du roi Ferdinand iv qui, frappé par les événements de la Révolution française, demande au Pape d’autoriser le retour des Jésuites à Naples. Le 30 juillet 1804, la Compagnie de Jésus est restaurée dans le royaume de Naples et de Sicile. Le Saint-Père toutefois recommande la plus grande prudence : pas d’habit distinctif, pas de proclamation publique… En effet, ces mesures sont prises dans un contexte politique spécialement difficile du fait des campagnes de Napoléon Ier en Italie, qui contraignent les Pères jésuites à de nombreux changements de résidence (Parme, Naples, Rome…). En 1807, le Père Pignatelli obtient également la restauration de la Compagnie en Sardaigne.

Depuis sa jeunesse, le Père souffre d’une tuberculose chronique. Ses nombreuses charges ne lui ont guère permis de se ménager. Aux premiers jours d’octobre 1811, un nouveau crachement de sang est suivi d’une fatigue profonde. Le 2 novembre, profitant d’une rémission du mal, il peut célébrer une dernière Messe, et aller visiter les pauvres. De retour, il lui faut s’aliter, et il ne se relèvera plus. Il meurt à Rome le 11 novembre, après avoir prédit à ses frères la prochaine restauration de la Compagnie de Jésus. Le 7 août 1814, en effet, le Pape Pie vii, à la sortie de son emprisonnement par Napoléon, durant lequel il a longuement médité sur les causes des désastres de l’Église et de la société, rétablit officiellement la Compagnie. S’étant rendu à l’église du Gesù, où l’attendent, courbés par l’âge et les travaux, une centaine d’anciens jésuites, il fait lire la Bulle de restauration Sollicitudo omnium Ecclesiarum (La sollicitude pour toutes les Églises).

Demandons à saint Joseph Pignatelli la persévérance dans le service du Seigneur, au milieu même des multiples combats que le monde contemporain suscite aux fidèles du Christ et de son Église.

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