15 août 2022

Bienheureuse Anne-Marie Taïgi

Bien chers Amis,

Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qu’il y a de fort (1 Co 1, 27). En 1863, le Saint-Siège justifiait ainsi l’ouverture de la cause de béatification d’une mère de famille : « Quand Dieu veut montrer sa puissance et sa sagesse, il emploie d’ordinaire ce qui, aux yeux du monde, est faiblesse et folie, pour rendre vaines les entreprises des impies, et briser les efforts de l’enfer. De nos jours…, il a opposé une simple femme aux flots de l’impiété qui débordaient de toutes parts. Il a employé à cette œuvre Anne-Marie Taïgi, née de parents honnêtes mais pauvres, mariée à un homme du peuple, chargée des soins d’une famille, et ne trouvant de quoi se nourrir, elle et les siens, que dans le travail de ses mains. Elle a été choisie de Dieu pour lui attirer des âmes, pour être une victime d’expiation, un obstacle aux trames des impies, et détourner les malheurs par ses prières. » Dans ce xixe siècle, en effet, remarque Louis Veuillot, célèbre journaliste français, « on disait que le règne des Papes était fini, que la loi du Christ et le Christ lui-même expiraient, que la science aurait bientôt fait de reléguer parmi les fantômes ce prétendu Fils de Dieu, qu’il ne ferait plus de miracles. Alors Dieu suscita Anne-Marie Taïgi qui guérissait les malades… Il lui donnait la connaissance du passé, du présent et de l’avenir… Elle était la réponse de Dieu ! »

Bienheureuse Anne-Marie Taïgi Née à Sienne, en Toscane (Italie), le 29 mai 1769, Anne-Marie est la fille unique de Luigi Gianetti, modeste pharmacien, et de son épouse Maria. Elle est baptisée le lendemain de sa naissance. Six ans plus tard, des revers de fortune forcent le père à quitter son échoppe, à vendre tous ses biens pour honorer ses créanciers, et à s’embaucher comme domestique. Son épouse doit, elle aussi, trouver un emploi. Bientôt, le travail et le train de vie modeste des Gianetti leur permettent de s’installer correctement à Rome. Anne-Marie passe à peine deux ans à l’école où elle apprend la lecture et le catéchisme. Elle peut ainsi faire sa première Communion et recevoir la Confirmation. Ses parents la conduisent à la Messe presque chaque jour. À l’âge de treize ans, elle entre dans le monde du travail, comme ouvrière. Pieuse et travailleuse, elle se montre toutefois coquette, et prend plaisir à se parer. Bientôt, elle passe à un service domestique, comme ses parents. Là, elle expérimente les dangers que comporte une situation de trop grande liberté, et les pièges que le monde peut tendre aux âmes insouciantes. Elle rencontre Domenico Taïgi, de huit ans son aîné, qui travaille comme journalier au palais du prince Chigi. Discernant en elle une solide vertu, celui-ci lui propose de l’épouser ; Anne-Marie consulte Dieu dans la prière, puis accepte. Le mariage est célébré en janvier 1789. La jeune épouse s’accommode du caractère difficile de Domenico, qui est un homme honnête mais très irascible.

Bientôt, Domenico est promu majordome, avec logement dans le palais de ses maîtres. Un jour qu’elle se rend à la basilique Saint-Pierre, parée comme d’habitude, Anne-Marie se trouve à proximité d’un prêtre, le Père Angelo, de l’Ordre des Servites. Celui-ci reçoit alors intérieurement une inspiration du Seigneur : « Je te confierai cette femme : tu travailleras à sa conversion et elle se sanctifiera parce que je l’ai choisie… » De son côté, après avoir mené une vie partagée entre l’amour de Dieu et l’amour du monde, la jeune femme se sent appelée à mieux harmoniser sa vie avec sa foi. La naissance de ses premiers enfants la stimule dans la vie spirituelle, car désormais elle est mère. Elle va se confesser au Père Angelo, qui, dans un premier temps, ne la reconnaît pas. Peu après, elle retourne au confessionnal et le même Père l’accueille paternellement : « Vous êtes enfin venue ! » À compter de ce jour, la vie d’Anne-Marie se transforme radicalement. Les soins de la maison et les œuvres de charité deviennent ses occupations quotidiennes.

À la fin de l’année 1790, en prière devant un crucifix, elle entend Jésus-Christ lui demander : « Que désires-tu ? Suivre Jésus dans sa nudité, dépouillé de tout ? Ou bien Le suivre dans son triomphe et sa gloire ? Quel est ton choix ? – J’embrasse la Croix de mon Jésus, répond-elle ; je la porterai comme Lui dans la douleur et l’ignominie. Pour ce qui est du triomphe et de la gloire, je désire les recevoir de ses mains dans l’au-delà. » Anne-Marie s’offre ainsi généreusement à s’unir, comme victime expiatrice, à la rédemption opérée par le Seigneur. Elle s’ouvre au Père Angelo de son désir d’une forme de vie religieuse compatible avec son état de femme mariée. Il lui suggère d’adhérer à un Tiers-Ordre. Avec l’assentiment de son mari, elle est reçue dans le Tiers-Ordre des Trinitaires. L’Ordre des Trinitaires a été fondé au xiiie siècle par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, pour racheter les chrétiens tombés entre les mains des musulmans et réduits en esclavage ; la mission de ces religieux, matériellement et spirituellement difficile, est soutenue par des laïcs dévoués, qui en partagent les grâces et les mérites. « Ma femme, rappellera Dominico après la mort d’Anne-Marie, me demanda la permission de devenir tertiaire de l’Ordre de la Sainte-Trinité, et je la lui accordai avec la condition, cependant, qu’elle soit fidèle à son rôle d’épouse et de mère de famille. Ce furent mes conditions ; elle les a toujours observées avec une obéissance prompte, et exactitude. »

« Ceci est un miroir… »

Mais Anne-Marie reçoit aussi une autre mission : elle est choisie par Dieu pour témoigner avec une force invincible de l’existence du surnaturel. Pour cela, un don tout à fait exceptionnel lui est octroyé : la vision permanente d’un globe ou “soleil” lumineux dans lequel elle peut voir toutes choses, naturelles et surnaturelles. Ce phénomène durera quarante-sept ans, jusqu’à sa mort. « Ceci est un miroir, lui dit le Seigneur, que je te montre pour que tu saches le bien et le mal qui se font. » Ce soleil, loin d’incommoder sa vue naturelle déficiente, la fortifie. Elle le voit devant elle à un mètre environ, un peu en hauteur. Il a la taille du soleil que nous voyons, et est entouré de rayons. Au-dessus se trouve une couronne d’épines. Des deux côtés, deux épines très longues descendent jusqu’au-dessous du disque où elle se croisent. Au centre du disque se tient une femme assise qui représente, semble-t-il, la Sagesse divine. À la clarté de ce soleil, Anne-Marie voit tous les mystères de la foi et de la vie du Christ, l’état des consciences, les plus secrètes pensées des hommes, le sort des trépassés, la situation des diverses nations, les révolutions, les guerres, les desseins des gouvernements, les machinations des sociétés secrètes, les pièges des démons, les péchés… La vue de ce soleil est toujours à sa disposition, et elle n’en use que pour la gloire de Dieu, quand la charité ou l’obéissance le lui demandent.

Des milliers de faits témoignent de la réalité de ce phénomène qui ne peut être attribué au démon : l’humilité et l’obéissance d’Anne-Marie, puis les innombrables conversions obtenues par suite des lumières venues de ce soleil, démontrent suffisamment l’origine divine du don. Elle-même en tire le plus grand profit spirituel car, voyant ses moindres fautes et ses défauts, elle s’humilie très profondément. Elle est portée à prier et à faire pénitence pour le salut des pécheurs dont elle voit les désordres. Au sujet des mystères de la foi, « elle faisait des réponses d’une précision et d’une justesse théologiques qui surprenaient les plus instruits » , affirmera son confesseur. Cette faveur attire auprès d’elle une foule de visiteurs, des pauvres, des princes, des prêtres, des évêques, le Pape lui-même, qui viennent lui demander conseil. Simple et humble, désireuse de rester ignorée, elle répond tout bonnement, se dérobe aux louanges, refuse toujours le plus petit cadeau, pour elle ou pour sa famille. Toutefois, le continuel va-et-vient dans la maison des Taïgi sert de prétexte aux conjectures les plus fantaisistes ou les plus malveillantes.

De vives luttes intérieures

Le Seigneur lui fait le don de la prière continuelle, qui est comme la respiration de son âme. Mais plus elle reçoit les dons de Dieu, plus Anne-Marie souhaite Lui donner en retour. Son confesseur se voit contraint de la modérer dans ses pénitences. Elle s’applique à cacher à sa famille ses mortifications sur la nourriture. Mais parfois son mari s’en rend compte et la reprend ; par obéissance, elle se nourrit alors un peu plus. Toute sa vie est cependant marquée par la pénitence. La nuit, elle veille pour faire oraison, s’accordant le moins de sommeil possible. À la mortification extérieure, Anne-Marie joint celle des sentiments. Un des Pères trinitaires affirmera qu’elle « avait fait un pacte avec sa volonté de ne se donner aucune satisfaction naturelle » pour donner toute la place au Seigneur. Malgré son tempérament vif et sensible, elle s’applique, non sans de vives luttes intérieures, à se montrer fort aimable avec les personnes pour lesquelles elle ressent de l’antipathie ou qui l’ont blessée. Cette lutte l’établit dans une paix profonde qui se reflète sur son visage et dans l’amabilité de ses paroles. Elle n’en ressent pas moins de profondes souffrances, qu’elle offre à Dieu en réparation de ses péchés et de ceux du monde.

Toutefois le grand changement dans sa vie qui, de mondaine, est devenue austère, fait souffrir son mari qui n’a pas reçu les mêmes grâces ; celui-ci finit pourtant par accepter l’évolution de son épouse. Elle, qui aurait pu se prévaloir des faveurs divines, continue à mener en grande simplicité sa vie de mère de famille. Anne-Marie fait de son foyer un sanctuaire de paix et de joie pour ses sept enfants, dont trois sont emportés en bas âge. Elle les élève avec une charité attentive, les catéchise, leur enseigne les rudiments de la lecture et de l’écriture. Surtout, elle prie beaucoup pour eux. Après deux ans de scolarité, les garçons sont placés chez des artisans : l’un devient chapelier et l’autre coiffeur. Mais les filles restent à la maison, et leur mère les protège des tentations de frivolité. Anne-Marie tient ses enfants toujours occupés. Après le souper, la famille récite le chapelet et on lit une courte vie du saint du jour. Le dimanche, ils visitent les malades à l’hôpital, ce qu’elle-même fait souvent en semaine. Sa tendresse maternelle ne l’empêche pas d’appliquer fermement les sanctions méritées. « Quand quelqu’un était ému, affirmera toutefois Dominico, elle ne disait rien, pour attendre qu’on se fût calmé. Puis elle faisait doucement réfléchir… » Lors de l’invasion de Rome par les armées de la République française, en 1798, les parents d’Anne-Marie viennent partager la vie de son foyer. Les revers de la vie les ont aigris ; la mère d’Anne-Marie cherche souvent querelle à son gendre, et les scènes de colère se répètent. La jeune femme les apaise de son mieux. Après la mort de sa mère, Anne-Marie garde son père à la maison, bien que les occasions de disputes n’aient pas disparu. À la fin de sa vie, lorsque le vieil homme sera atteint par la lèpre, sa fille le soignera avec tendresse et l’aidera à mourir chrétiennement.

Une fois par semaine seulement

De grand matin, Anne-Marie se rend à la Messe, sauf si un membre de la famille est malade, car alors elle se prive de la Messe pour mieux s’en occuper… Elle porte une très grande estime aux sacrements, et recommande notamment la confession fréquente. Elle voudrait y recourir chaque jour, mais son confesseur lui impose de se contenter d’une fois par semaine. Il l’autorise cependant à communier tous les jours, pratique rare à l’époque. Dès qu’elle est agenouillée devant le tabernacle, Anne-Marie devient absolument immobile, et rien ne peut l’en écarter, sauf l’obéissance. Parfois, lors de la communion, l’Hostie échappe aux doigts du prêtre et vient se poser sur ses lèvres.

Les sept sacrements, institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ, « ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et par les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment… Ils sont efficaces parce qu’en eux le Christ Lui-même est à l’œuvre : c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie… L’Église affirme que pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut… Le fruit de la vie sacramentelle, c’est que l’Esprit d’adoption divinise les fidèles en les unissant vitalement au Fils unique, le Sauveur » (Catéchisme de l’Église catholique, nos 1123, 1127, 1129).

Anne-Marie vénère très spécialement la Sainte Vierge, qui lui accorde des grâces insignes, et parfois lui apparaît. La Croix est mise à l’honneur dans sa demeure ; elle en porte une petite au cou, en constant rappel de l’amour de Dieu, et en exhortation au sacrifice et à la pénitence : « Amour pour amour ! » La claire vision que lui donne le globe lumineux est la source de nombreuses souffrances. De plus, diverses maladies lui causent des douleurs étranges et inexpliquées. Notre-Seigneur lui avait annoncé un jour : « Je t’ai choisie pour te mettre au rang des martyrs… Ta vie, pour le soutien de la foi, sera un long martyre. » Et encore : « Je veux te faire sentir ma douceur, et combien ceux qui m’aiment me sont agréables. Je te destine à convertir les âmes et à consoler des personnes de tout rang et de toute condition… Tu auras à lutter contre des âmes fausses et perfides, tu peux t’attendre à être tournée en dérision, insultée, méprisée, accablée d’injures, tu supporteras tout pour mon amour. » De violents assauts du démon lui causent aussi des tentations parfois fort subtiles, contre tel ou tel dogme de l’Église, en particulier la vie éternelle et l’existence de l’enfer. Dans ces combats, Anne-Marie recourt à l’humilité, à la prière, aux noms de Jésus et de Marie. Consciente de sa faiblesse, elle prie le Seigneur de la tenir fermement dans sa grâce, de peur qu’elle ne Le trahisse. Son intense amour de Dieu provoque chez elle une grande horreur du péché et la tourne sans cesse vers les mystères de la vie du Christ et celui de la Sainte Trinité.

Le seul avenir

Elle sait, en effet, que la voie qui conduit au Ciel est celle de la fidélité à observer les Commandements de Dieu. « Au cœur de notre religion, rappelait le Pape saint Jean-Paul II, se trouve le mystère de l’obéissance libératrice, qui trouve son accomplissement dans la parfaite obéissance du Christ dans l’Incarnation et sur la Croix. Nous aussi, nous serons vraiment libres si nous apprenons à obéir comme Jésus l’a fait. Les dix Commandements ne sont pas imposés arbitrairement par un seigneur tyrannique. Ils ont été écrits sur la pierre ; mais avant cela, ils ont été écrits dans le cœur de l’homme comme la loi morale universelle, valable en tout temps et en tout lieu. Aujourd’hui comme toujours, les dix Paroles de la Loi fournissent les seules véritables bases pour la vie des personnes, des sociétés et des nations. Aujourd’hui comme toujours, elles constituent le seul avenir pour la famille humaine. Elles sauvent l’humanité des forces destructrices de l’égoïsme, de la haine et du mensonge. Elles mettent en évidence les faux dieux qui maintiennent les hommes dans l’esclavage : l’amour de soi jusqu’au refus de Dieu, l’avidité pour le pouvoir et le plaisir qui bouleverse l’ordre de la justice, dégrade notre dignité humaine ainsi que celle de notre prochain. Si nous abandonnons ces idoles et si nous suivons le Dieu qui conduit son peuple à la liberté et qui reste toujours avec lui, alors nous apparaîtrons comme Moïse, après quarante jours sur la montagne, rayonnants de gloire, embrasés de la lumière de Dieu ! » (Discours au Mont Sinaï, le 26 février 2000).

Bien que répandant autour d’elle la sérénité et la lumière, Anne-Marie traverse pendant vingt ans l’épreuve de la nuit obscure, mais elle n’en continue pas moins à diriger sa maison comme si de rien n’était. « Les consolations célestes, affirmera un témoin, disparurent comme un éclair et laissèrent la sécheresse, la peine et le travail… Le Ciel était comme de bronze pour elle… Dieu pourtant ne lui retira pas les lumières surnaturelles dont elle était gratifiée, mais ces lumières n’étaient d’aucun soulagement à la terrible désolation intérieure qui l’accablait. » Aussi, témoignera son confesseur, « les tribulations qui l’accablaient ne purent jamais éteindre le feu qui brûlait dans son cœur » .

La tentation fait partie de la vie du chrétien, mais n’est pas le péché. On commet le péché lorsque la volonté consent à la pensée mauvaise. Les actes d’amour envers Jésus-Christ et le recours à la Vierge Marie, notamment par les courtes prières nommées “jaculatoires”, aident beaucoup à repousser les tentations, par exemple : « Jésus, j’ai confiance en Vous ! »

La charité d’Anne-Marie Taïgi s’étend aux âmes du Purgatoire : « Ayez une grande dévotion pour les âmes du Purgatoire, répète-t-elle, surtout les âmes des prêtres ! Faites dire des Messes pour elles, quand vous le pouvez. Prenez l’habitude de prier pour elles chaque jour… cette dévotion vous préservera de bien des malheurs, ainsi que toute votre famille. » Plusieurs de ces âmes, une fois libérées, viennent la remercier. Anne-Marie connaît par révélation le sort de bien des défunts. Elle voit un jour un ecclésiastique, très estimé pour son activité et son zèle, cruellement tourmenté au Purgatoire, parce qu’au lieu de la gloire de Dieu, il avait cherché surtout sa propre réputation. Une autre fois, en revanche, elle voit l’âme d’un humble frère capucin, le saint frère Felix de Montefiascone, monter directement au Ciel.

Les effets de la Révolution française se font sentir jusqu’à Rome, et ne sont pas sans influencer le clergé ; Anne-Marie en souffre beaucoup. Elle a connaissance des nombreuses menées des sociétés secrètes contre l’Église, et en déjoue plusieurs par ses prières. Elle voit l’enlèvement du Pape Pie VI par le Directoire, sa longue agonie et sa mort d’épuisement à Valence (France), en 1799. Elle annonce l’élection, puis le retour triomphal à Rome de Pie VII alors déporté par Napoléon. En 1823, Léon XII, son successeur, est atteint d’une maladie grave. Mgr Vincent Strambi, religieux passioniste et conseiller du Pape, offre sa vie pour la guérison du Saint-Père. Anne-Marie le fait prévenir que son offrande est acceptée et qu’il mourra à la place du Pape, ce qui arrive en effet. Elle prédit encore l’élection de Grégoire XVI (1831), puis celle de Pie IX (1846). Anne-Marie voit aussi, dans son soleil, le cours de la vie de Napoléon Bonaparte jusqu’à sa mort en 1821. À son sujet, elle prie et s’immole « pour que les armes des impies soient brisées et leur puissance dispersée » .

Respectueux, humble, franc et simple

« Celui qui sert Dieu, affirme Anne-Marie, doit être respectueux et humble, mais aussi franc et simple en même temps » . Elle-même ne se départit jamais d’une grande franchise. Grâce à elle, des malades, avertis de leur fin prochaine, meurent saintement. Elle obtient, au prix de grandes souffrances personnelles, certaines conversions du dernier moment. Elle excelle à consoler ceux qui souffrent de peines morales, et à secourir les indigents, par ses propres moyens ou par ses relations, quitte même à mendier en leur faveur. Avec l’âge, ses doigts sont devenus douloureux. Elle continue cependant à coudre afin que les siens soient décemment vêtus, et pour assurer le pain quotidien de la maisonnée. À la fin d’octobre 1836, elle est terrassée par la maladie. Dans un dernier entretien avec son mari, puis avec ses enfants, elle leur recommande de continuer la récitation du chapelet en famille. Après une longue, douloureuse mais paisible agonie, elle rend l’âme dans un cri de bonheur et de délivrance, le 9 juin 1837, à l’âge de 68 ans. Lors du procès de béatification de son épouse, Dominico, âgé de 92 ans, témoignera avec une grande ferveur ; ses deux filles seront également entendues. Le Pape Benoît XV a proclamé Anne-Marie Taïgi Bienheureuse, le 30 mai 1920.

À la fin de sa vie, face au scepticisme religieux des voltairiens, alors triomphant, Anne-Marie Taïgi a osé prononcer ces paroles inouïes : « Non seulement je crois au Dieu de la révélation chrétienne, mais je l’ai vu ! Je l’ai vu, chaque jour, pendant un demi-siècle ! » Puissions-nous, encouragés par de si fortes paroles, vivre dans une foi intense au Dieu Trinité, et conformer notre conduite aux enseignements de l’Évangile de Jésus-Christ !

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