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28 octobre 2022

Sainte Narcisa de Jésus

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

« Les saints sont l’expression et les fruits les plus élevés de l’identité chrétienne de l’Amérique. En eux, la rencontre avec le Christ vivant est si profonde et si engagée qu’elle devient un feu qui les consume totalement et les pousse à construire son Règne », écrivait saint Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Ecclesia in America (22 janvier 1999, n° 15). Ce feu brûlait dans le cœur de sainte Narcisa de Jésus, la “Niña Narcisa” de l’Équateur.

Narcisa de Jésus Martillo Morán est née en 1832, à la ferme de Nobol, dans le hameau de San José ; situé sur le littoral équatorien, dans la région de Daule, ce lieu fait partie de l’archidiocèse de Guayaquil. Elle est la sixième d’une fratrie de neuf enfants. Son père et sa mère, Pedro et Josefa, propriétaires terriens analphabètes, sont doués d’une vive intelligence ; leur travail assidu leur procure de grands biens. Narcisa de Jésus apprend les premiers rudiments du catéchisme avec beaucoup de facilité. Elle se distingue par son amour envers Dieu, qu’elle perçoit dans la nature, et envers la Bienheureuse Vierge Marie. Sa mère décède alors qu’elle n’a que six ans. Avec l’aide d’un enseignant forain et de l’une de ses grandes sœurs, elle s’initie à la lecture, l’écriture, la cuisine et la couture, art dans lequel elle parvient à une réelle maîtrise. Elle possède aussi un talent pour la musique et joue de la guitare. Dans cette famille rurale et patriarcale, on apprend à travailler et à prier ensemble : la prière du soir en commun n’est jamais omise.

Des prêtres experts et bons

Le 16 septembre 1839, Narcisa de Jésus reçoit la Confirmation. « En recevant ce sacrement, elle ressentit clairement dans son cœur l’appel à vivre une vie de sainteté et de dévouement à Dieu. Pour soutenir avec docilité l’action de l’Esprit Saint dans son âme, elle chercha toujours le conseil de prêtres experts et bons, considérant la direction spirituelle comme l’un des moyens les plus efficaces pour parvenir à la sainteté » (Benoît XVI, Homélie pour la canonisation, 12 octobre 2008). Son âme d’artiste est douce et délicate, mais loin de se complaire égoïstement dans ses talents, elle cherche à aider les autres. Son activité préférée est le chant religieux accompagné de la guitare, en particulier les poèmes de sainte Thérèse d’Avila mis en musique, ou encore la récitation des Ave Maria du Rosaire. Le matin, elle se lève avant les autres pour se livrer à la prière et à l’oraison. Le recueillement lui est facile et elle s’applique à rester en présence de Dieu, sans pourtant devenir misanthrope.

« Rappelez le plus souvent que vous pourrez dans votre journée, votre esprit en la présence de Dieu, conseille saint François de Sales… Regardez ce que Dieu fait et ce que vous faites ; vous verrez ses yeux tournés de votre côté et perpétuellement fixés sur vous par un amour incomparable… » (Introduction à la vie dévote, II, 12). Dans sa Règle, saint Benoît écrit : « L’homme doit être persuadé que Dieu le considère du haut du Ciel continuellement et qu’en tout lieu ses actions se passent sous les yeux de sa divinité… Le Seigneur regarde constamment les enfants des hommes, afin de voir s’il est quelqu’un qui ait l’intelligence et qui cherche Dieu » (ch. 7, 1er degré d’humilité).

Très tôt, Narcisa de Jésus est gratifiée de grâces mystiques mais aussi affectée de souffrances. Le curé du lieu est son premier guide spirituel. Dans le cours de la journée, son goût pour l’oraison ne peut se satisfaire qu’à l’occasion des précieux petits moments que lui laissent ses tâches. Elle fuit certaines réunions festives ou sociales et spécialement les bals et les danses ; ses frères et parents ne comprennent pas cette attitude, et ils l’appellent la “montubia”, la “sauvage”, terme plutôt péjoratif. Elle aide pourtant sa famille à préparer les fêtes, puis s’éclipse discrètement dès que les invités commencent à arriver. Elle se retire alors sous un arbre fruitier pour prier, à un endroit qui est devenu, depuis, un lieu de pèlerinage.

La participation aux fêtes est, certes, normale, et peut devenir vertueuse si elle est faite par amour de Dieu et du prochain. Mais chez Narcisa de Jésus, la fuite de ces fêtes, venait d’une inspiration spéciale du Saint-Esprit. En effet, Dieu attire certaines âmes dans la solitude, selon cette parole du prophète Osée : Je la conduirai au désert, et je lui parlerai au cœur (2, 16). Aussi, lorsqu’elle est là en oraison, Narcisa de Jésus perd la notion du temps et rien ne peut la déranger ; elle ne se rend même pas compte des pluies diluviennes qui parfois s’abattent sur le pays. Un jour de fort orage, don Pedro, son père, envoie des hommes la chercher. Ils reviennent trempés, mais bredouilles. À son tour, Narcisa de Jésus arrive, les vêtements absolument secs…

Associée au Sacrifice rédempteur

Narcisa de Jésus se sent appelée par Dieu à faire pénitence pour le monde qui ne le fait pas. Lorsqu’on essaie de la convaincre de mitiger ses nombreuses pénitences, elle répond : « Je suis venue au monde pour souffrir », c’est-à-dire pour prouver à Dieu mon amour en communiant aux souffrances du Christ.

En effet, « Jésus a librement offert sa vie en sacrifice d’expiation, c’est-à-dire qu’il a réparé nos fautes par la pleine obéissance de son amour jusqu’à la mort, enseigne le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique. Cet amour jusqu’au bout (Jn 13, 1) du Fils de Dieu réconcilie toute l’humanité avec le Père… En demandant à ses disciples de prendre leur croix et de le suivre, Jésus veut associer à son sacrifice rédempteur ceux-là mêmes qui en sont les premiers bénéficiaires » (nos 122 et 123).

À la suite de Mariana de Jésus de Paredes (ermite appelée le “Lys de Quito”– 1618-1645–, qui sera canonisée en 1950), Narcisa de Jésus a perçu l’appel de Dieu à s’associer spécialement, comme victime, au sacrifice rédempteur de Jésus, pour elle-même et pour le salut de tous. Toutefois, la vie pénitente de cette belle jeune fille aux yeux bleus, grande, forte et agile, ne la rend pas triste mais aimable et heureuse ; son caractère doux et paisible la rend extrêmement bonne et obéissante, généreuse, compatissante envers les pauvres. Elle vit et travaille comme toutes les autres jeunes femmes de la campagne, accomplissant ses tâches par amour pour Dieu et avec une grande abnégation. En plus des tâches domestiques, Narcisa de Jésus exerce le métier de couturière. Sa bonté la fait aimer de tous, chez elle comme dans le voisinage. Lorsqu’il s’agit d’aider quelqu’un, elle est toujours disponible. Excellente catéchiste, elle ne peut se passer de communiquer le feu de l’amour divin. Une image miraculeuse locale, représentant le Christ en Croix, et source de nombreuses grâces, le “Seigneur des Miracles”, l’inspire spécialement. À la mort de son père en 1851 ou 1852, sa peine est profonde. Elle a vingt ans lorsque le Seigneur l’invite à aller vivre à Guayaquil. Quitter le contexte familial et partir vers l’inconnu, lui sont très douloureux.

Une femme cultivée de la haute bourgeoisie, MmeSilvana Gellibert, qui réside à Guayaquil près de la cathédrale, possède une propriété rurale à proximité de la ferme des Martillo. D’une grande piété, elle a lié une profonde amitié spirituelle avec Narcisa de Jésus qu’elle emmène dans la grande ville. Principal port de l’Équateur, Guayaquil est devenu évêché en 1838, mais son siège est alors vacant depuis plusieurs mois. Les 55km qui séparent la région de Daule du grand port sont parcourus par eau à bord d’un petit navire à vapeur. Au premier contact avec la ville et son agitation, Narcisa de Jésus est désorientée. Mais sa vie intérieure intense l’aide bientôt à s’adapter. Elle souhaite de tout son cœur passer inaperçue, occuper une place très humble. On la loge dans une petite pièce d’un grenier, avec un hamac pour lit. Désormais, elle peut aller à la Messe chaque jour et recevoir fréquemment les sacrements. Parmi les prêtres du lieu, la jeune fille remarque particulièrement le chanoine Luis de Tola, recteur du séminaire diocésain et futur évêque, qui est venu plusieurs fois dans la région de Daule. Ce prêtre devient son premier directeur spirituel, et Narcisa de Jésus se montre d’une grande docilité à ses instructions. Son premier soin est de dissiper les craintes de la jeune femme, car il discerne dans ses voies spirituelles l’œuvre du Saint-Esprit. Bientôt toutefois, le chanoine Tola associe à la direction de cette pénitente peu ordinaire le chanoine José Tomás de Aguirre, lui aussi futur évêque de la ville portuaire. Chaque jour, Narcisa de Jésus récite en privé le petit Office de la Sainte Vierge et se joint à certaines parties du grand Office célébré par les chanoines de la cathédrale. Le soir, elle récite le chapelet avec la famille Gellibert, puis s’éclipse discrètement dans son grenier, alors que tous restent pour la veillée.

La mode de Paris

Son occupation habituelle reste la couture. À l’époque il n’existe pas de machine à coudre à Guayaquil, et la confection des habits exige un travail considérable. La première cliente de Narcisa de Jésus est son hôtesse, doña Silvana ; mais sa réputation de couturière se diffuse rapidement et les commandes affluent. On lui demande même des vêtements de haute couture inspirés par la mode de Paris. Dans son travail, elle s’efforce d’appliquer le conseil de sainte Thérèse d’Avila : « Faites que chaque point (de couture) soit un acte d’amour. » Mais en même temps elle augmente ses pénitences, autant que son directeur le lui permet, pour se conformer davantage au Christ dans sa Passion. Son alimentation est très réduite. Elle se dévoue, de plus, au soin des malades avec beaucoup de délicatesse et d’amour. Aussi est-elle bientôt aimée, tant dans la maison de son hôtesse que dans le quartier.

Cette popularité toutefois va à l’encontre de son désir de passer inaperçue, et elle cherche un autre lieu d’habitation. Doña Silvana la laisse partir à regret. Narcisa de Jésus trouve un emploi dans la grande maison patriarcale du colonel Camille Landin. On lui propose une belle chambre au premier étage, mais elle refuse et se loge dans un débarras, sous les combles. Elle exerce son métier de couturière aussi bien pour les habits modestes des serviteurs que pour les belles robes de gala de la maîtresse de maison, doña Carmen. Celle-ci, toutefois, n’est pas facile à satisfaire, et lorsqu’une robe ne convient pas entièrement à son goût, elle n’hésite pas à le faire savoir. La journée de Narcisa de Jésus est rythmée par les cloches de l’église Saint-François des Franciscains, de l’autre côté de la rue. Elle y entre pour la première Messe, en semaine à cinq heures, et le dimanche à quatre heures. À l’imitation de sainte Mariana de Jésus, elle se procure une grande croix avec des clous en protubérance. Elle met ses bras dans des anneaux fixés sur la partie horizontale, et prie ainsi longuement pour mieux ressembler au Christ. « Dans son amour passionné pour Jésus, qui la mena à entreprendre un chemin d’intense prière et de mortification, et à s’identifier toujours davantage au mystère de la Croix, Narcisa de Jésus nous offre un témoignage fascinant et l’exemple parfait d’une vie totalement dédiée à Dieu et à ses frères » (Benoît XVI, homélie de canonisation).

Autorité morale

Bientôt sa sainte vie lui vaut respect et amour de la part de tous. Elle jouit même, malgré son humilité, d’une certaine autorité morale vis-à-vis de doña Carmen : les serviteurs pris en faute cherchent souvent refuge auprès de Narcisa de Jésus pour obtenir miséricorde. Au bout d’un an et demi, après avoir consulté son directeur, elle estime qu’il lui faut à nouveau déménager. Elle trouve une pièce incommode et humide dans la maison de la veuve María Orias. À cette époque, semble-t-il, se manifestent les premières attaques ouvertes du démon contre elle. En 1859, le chanoine Tola entreprend un long voyage jusqu’à Lima, au Pérou, pour soigner sa santé déficiente. Narcisa de Jésus ressent douloureusement l’absence de son directeur spirituel. Avant de partir, il l’a confiée à un jeune mais excellent prêtre, don José Millán, qui complète sa formation et la confirme dans la voie spirituelle où elle avance. Don José la met en relation avec une demoiselle de la haute société, Mercedes Molina, qui a renoncé à tout afin de vivre uniquement pour Jésus (elle fondera un ordre religieux, et sera béatifiée par saint Jean-Paul II en 1985). Toutes deux assistent à la première Messe du matin à la cathédrale.

La même année, Narcisa de Jésus est sollicitée pour tenir la maison du chanoine Pedro Pinto. Après avoir consulté son directeur, elle accepte ce poste comme un véritable apostolat. Elle prend la direction de cette importante maisonnée, mais une situation si honorable et de cette importance la trouble. Au bout de quelques semaines, elle présente sa démission, et déménage dans la famille de Mercedes Molina, où elle trouve à se loger sous l’escalier. Avec Mercedes, une de ses sœurs et une autre demoiselle, elles vivent une vie quasi religieuse dans une grande unité de cœur ; on les appelle les quatre “bienheureuses, ou béates”. Josefa, une nièce de Narcisa de Jésus, qui exerce avec sa tante le métier de couturière, vit aussi sur place. Elle témoignera de plusieurs grâces mystiques reçues par sa tante. Celle-ci bénéficie également du don de prophétie : par exemple, elle suggère à une nièce de Mercedes qui entre au Carmel, de prendre le nom de Sœur Mercedes de la Croix, car elle aura à souffrir. De fait, ses quarante ans de vie religieuse seront un long martyre.

En 1862, des Pères jésuites débarquent à Guayaquil et s’installent tout près de la maison des béates. Bientôt l’un d’eux, le Père Segura, devient le confesseur de Narcisa de Jésus ; il l’introduit dans la spiritualité de saint Ignace, en particulier grâce au livre La pratique de la vertu chrétienne du Père Alphonse Rodriguez, qui devient sa lecture préférée. Désormais, elle ne signe plus Martillo, mais Narcisa de Jésus pour signifier qu’elle a épousé le Christ. En 1865, un autre jésuite, le Père García, fonde l’association des Filles de Marie, à laquelle Narcisa de Jésus s’inscrit avec bonheur. L’année suivante, celle-ci accepte d’accompagner don Millán à Cuenca (au sud-est de la capitale) où la tuberculose pulmonaire le contraint à se retirer. Après un voyage épique, elle s’emploie à sauver cette vie précieuse pour l’Église. Mais moins d’un an plus tard, la maladie emporte ce bon prêtre, et Narcisa de Jésus se retrouve seule en terre quasi étrangère. Mgr Estévez, évêque de Cuenca, l’invite à rester dans sa ville pour devenir la première pierre d’un carmel de stricte observance qu’il désire fonder. Elle décline cette offre car elle estime que sa mission est de tendre à la sainteté en conservant son statut de laïque dans le monde. De retour à Guayaquil en 1867, elle offre pour un temps son aide à Mercedes Molina qui vient de fonder un orphelinat, puis elle retourne chez doña Silvana Gellibert, et y reprend sa vie d’oraison, de pénitence et de travail. Ses ressources lui permettent de nourrir et prendre soin de cinq mendiants

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Huit heures par jour

En 1868, un Père franciscain l’invite alors à le suivre à Lima au Pérou, pour se joindre à d’autres béates qui y vivent en communauté selon l’esprit du Tiers-Ordre dominicain, et que l’archevêque du lieu désire réformer. C’est un nouveau déracinement pour Narcisa de Jésus qui rejoint ces femmes et engage une réforme selon un règlement précis. Elle aide à l’infirmerie et tient la lingerie. Son directeur de conscience est don Medina, futur évêque de Trujillo. Plus jeune qu’elle, il est toutefois doté d’une maturité spirituelle exceptionnelle qui lui permet de la comprendre et de l’aider. Les grâces extraordinaires qui ornent la vie de Narcisa de Jésus lui font craindre d’être trompée par le démon. Le prêtre la rassure et l’instruit plus profondément sur le discernement des esprits. Narcisa de Jésus lui fait systématiquement et humblement part des grâces qu’elle reçoit. Avec son approbation, elle passe quotidiennement huit heures en oraison, quatre durant le jour et quatre la nuit.

De si longues heures de prière ne sont pas à la portée de tous, mais il est bon de consacrer du temps au Seigneur, comme le recommandait saint Charles de Foucauld : « Pour que notre vie soit une vie de prière, il faut deux choses : d’abord qu’elle renferme un temps suffisamment long consacré uniquement chaque jour à la prière ; ensuite que pendant les heures consacrées à d’autres occupations, nous restions unis à Dieu, conservant la pensée de sa présence, et tournant, par de fréquentes élévations, nos cœurs et nos regards vers Lui » (Écrits spirituels).

À personne d’autre

La Messe n’est pas célébrée chaque jour dans la maison. Narcisa de Jésus s’installe alors près de la porte et dès qu’elle voit passer un prêtre, elle lui demande de lui donner la Communion, sans laquelle elle ne peut vivre. Elle émet en privé plusieurs vœux dont ceux de pauvreté, chasteté et obéissance à son confesseur. Un jour, le Christ retire son Cœur de sa poitrine et le lui fait baiser en disant : « Ceci est une grâce que je n’ai concédée à personne d’autre ! » L’amour de Narcisa de Jésus pour le Cœur de Jésus en est décuplé. Elle annonce aussi à l’avance certains événements comme l’avenir de la maison des béates où elle habite, les missions péruviennes dans la jungle, l’élévation du Père Medina à l’épiscopat… Sa vie de pénitence se poursuit et plonge les médecins dans l’étonnement ; ils ne peuvent d’ailleurs comprendre comment elle survit en mangeant si peu. De fait, sa robuste santé est un don exceptionnel du Seigneur.

Beaucoup pensent qu’il est impossible de devenir saint, car ils ne considèrent chez les saints que les grâces extraordinaires : mortifications effrayantes, visions, extases, miracles, prophéties… Mais la sainteté ne se trouve pas là. Elle consiste à vivre uni à Dieu dans la charité et la pratique effective des vertus, sous la conduite de l’Esprit de Dieu. Saint Paul décrit les effets de sainteté que produit l’Esprit Saint : Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi… Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses tendances égoïstes. Puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par l’Esprit (Ga 5, 22-25).

Le Seigneur révèle un jour à Narcisa de Jésus l’imminence de sa mort. La perspective de son entrée au Ciel la réjouit. Le 24 septembre 1869, fête de Notre-Dame de la Merci, après la Communion, elle voit dans une extase Notre-Seigneur et Notre-Dame qui l’invitent à demander une grâce. Elle demande la perle la plus précieuse (cf. Mt 13, 45), le salut éternel de plusieurs personnes, puis sa propre entrée au Ciel. Une forte fièvre inexplicable se déclare alors. Sa dernière lettre remercie ses amis de Guayaquil, en particulier doña Silvana Gellibert à laquelle elle lègue sa croix de pénitence. Dans le monde entier, on prie à ce moment pour le proche concile œcuménique du Vatican, convoqué par le bienheureux Pape Pie IX, qui doit s’ouvrir le 8 décembre. Ce jour-là, Narcisa de Jésus s’habille en blanc et passe la journée dans un profond recueillement. Le soir, elle fait ses adieux aux sœurs, car, affirme-t-elle, « Je vais partir pour un voyage lointain ». Les sœurs pensent à une plaisanterie. Peu après, la sœur chargée de bénir les cellules pour la nuit, informe la supérieure qu’une lumière extraordinaire brille dans la cellule de sœur Narcisa de Jésus, jointe à une odeur très agréable. La supérieure accourt et constate que sœur Narcisa de Jésus est morte, à l’âge de 37 ans. On pense qu’elle avait offert sa vie pour le concile œcuménique qui définirait le dogme de l’infaillibilité pontificale.

De nombreuses grâces sont aussitôt obtenues par son intercession. Trois jours après la mort, le corps reste souple et sans signe de corruption. L’ambassadeur de l’Équateur à Lima demande à Mgr Medina une relation des faits pour García Moreno, alors président de l’Équateur (dont la cause de béatification a été introduite à Quito). Un siècle plus tard, en 1955, le corps, toujours intact, fut ramené à Guayaquil, où un sanctuaire lui a été dédié le 22 août 1998. La petite ville de Nobol est également désignée aujourd’hui sous le nom de Narcisa de Jésus. Le 12 octobre 2008, le Pape Benoît XVI a canonisé sainte Narcisa de Jésus.

« Jésus invite chacun de nous à le suivre, comme les saints, sur le chemin de la croix, pour recevoir ensuite la vie éternelle dont il nous a fait don en mourant. Que leurs exemples nous servent d’encouragement ; que leurs enseignements nous guident et nous confortent ; que leur intercession nous soutienne dans les peines du quotidien, pour que nous puissions arriver un jour à partager avec eux et avec tous les saints la joie du banquet éternel dans la Jérusalem céleste ! Que, surtout, Marie, Reine des saints, nous obtienne cette grâce ! » (Benoît XVI, homélie de canonisation, 12 octobre 2008).

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