28 juin 2023

Saint Philippe Smaldone

Bien chers Amis,

En 1868, un jeune séminariste napolitain sort désolé du palais archiépiscopal ; son archevêque vient de lui annoncer qu’il ne l’ordonnera pas prêtre, en raison de l’insuffisance de ses résultats aux examens. Réfléchissant sur ce « coup du sort » qui semble mettre fin au rêve de sa vie, le jeune homme décide de devenir instituteur auprès de jeunes sourds-muets abandonnés. La Providence de Dieu se servira de cet échec pour donner à l’Église une nouvelle famille religieuse.

Saint Philippe Smaldone Filippo (Philippe) Smaldone est né le 27 juillet 1848 à Naples, aîné d’une famille de sept enfants. Ses parents, Antonio et Maria-Concetta, appartiennent à la petite bourgeoisie. Antonio gère un commerce de matériaux de construction dans un quartier populeux de Naples. Les sept enfants reçoivent une forte éducation chrétienne et sont incités à pratiquer les œuvres de charité. Philippe étudie à la « Capella Serotina » de Sainte-Marie-de-la-Pureté et y prend goût aux choses de Dieu. En 1858, il fait sa première Communion. Les « Chapelles du Soir » , centres de catéchèse et de formation spirituelle destinés au peuple, ont été fondées à Naples par saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787), Docteur de l’Église ; il en existait soixante-dix au temps de Philippe, qui y bénéficie d’un catéchisme vivant et accessible. Il apprend à prier le Rosaire.

L’Italie est agitée depuis plusieurs décennies par le mouvement du Risorgimento. À une aspiration légitime à l’indépendance nationale se mêle souvent un sentiment hostile à l’Église et au clergé. En 1860, le condottiere Garibaldi débarque en Sicile à la tête d’un millier de volontaires ; de là, il remonte jusqu’à Naples, dont il s’empare par suite de la trahison des troupes du roi Bourbon François­ II. Le royaume des Deux-Siciles est bientôt annexé par Victor-Emmanuel II, autoproclamé roi d’Italie. Ayant protesté contre ce coup de force, le cardinal Riario Sforza, archevêque de Naples, est banni par les nouvelles autorités, tandis qu’une centaine de prêtres influents sont arrêtés.

Dans ce contexte difficile, guidé par son confesseur, Philippe Smaldone entend en son cœur l’appel de Jésus à le suivre dans le sacerdoce. En septembre 1863, à quinze ans, il est admis dans le clergé napolitain et prend la soutane. Il continue à habiter chez lui et poursuit ses humanités dans un collège diocésain. En raison de la saisie des biens ecclésiastiques par le gouvernement, les séminaristes ne peuvent recevoir les Ordres que s’ils disposent d’une rente annuelle. Le père de Philippe n’a pas les moyens de la lui fournir, mais un prêtre ami s’engage à la lui procurer. En décembre 1866, le cardinal Riario Sforza, rentré d’exil, confère à Philippe les deux premiers ordres mineurs, étape initiale vers le sacerdoce.

Insuffisant

Cependant, ce prélat, par ailleurs remarquable – Benoît XVI a, en 2012, promulgué un décret reconnaissant ses vertus héroïques – est très exigeant quant aux aptitudes intellectuelles des séminaristes. Après avoir examiné le dossier de Philippe Smaldone, le cardinal, tout en reconnaissant ses qualités morales, le renvoie pour insuffisance intellectuelle ; des saints ont rencontré des difficultés analogues, en particulier saint Jean-Marie Vianney, le Curé d’Ars. Mais dans le cœur du jeune homme, le sentiment que Dieu le veut prêtre persiste, et son confesseur, don Biagio Giustiniani, l’encourage à chercher un autre évêque qui le reçoive dans son diocèse ; il le recommande à l’archevêque de Rossano en Calabre, Mgr Pietro Cilento. Celui-ci fait venir Philippe à Noël 1868 ; édifié par le jeune homme, il se déclare bientôt prêt à l’incardiner, c’est-à-dire à l’agréger à son clergé diocésain. Il obtient pour cela, en février 1869, l’autorisation du Pape Pie IX.

La même année, Philippe est engagé comme instituteur auprès d’enfants sourds-muets. La « Pia Casa » (Pieuse Maison) où il arrive a été fondée à Naples le 21 juin 1856 par un prêtre, don Luigi Aiello. Celui-ci avait rêvé d’une congrégation religieuse à deux branches, masculine et féminine, vouée à l’instruction des enfants sourds-muets. En 1862, faute de parvenir à fonder cet institut, don Aiello, qui sent décliner ses forces (il mourra en 1866), confie l’éducation des filles sourdes à la congré­gation des Sœurs Stigmatines. Les garçons seront pris en charge par les « Frati Bigi » , Franciscains de Casoria ; c’est dans leur couvent napolitain que Philippe Smaldone commence, sous la direction de don Apicella, le successeur de don Aiello, à enseigner le catéchisme aux garçons. Après avoir achevé ses études ecclésiastiques, Philippe Smaldone est admis au sacerdoce par MgrCilento, sur l’avis favorable de son père spirituel et de don Apicella. Il est ordonné à Naples le 23 septembre 1871 par un évêque missionnaire. Mgr Cilento permet au jeune prêtre de rester à Naples pour étudier et s’occuper des sourds. Habitant la maison paternelle, Philippe exerce en ville un apostolat discret. Mais l’œuvre de la « Pia Casa » connaît de graves difficultés de fonctionnement. En 1873, don Apicella la retire aux « Frati Bigi » qui la négligeaient, et la transfère à Sainte-Marie-des-Monts, mais ce changement n’améliore pas vraiment la situation. Don Smaldone en souffre et sent croître en son cœur le désir de partir comme missionnaire dans un pays lointain. Ce projet inquiète ses parents ; ils font valoir à Philippe que l’apostolat des sourds est une véritable œuvre missionnaire, ces enfants étant totalement abandonnés, en particulier au point de vue spirituel. À cette époque, dans l’Église, on n’ose pas donner aux sourds de naissance les sacrements (en dehors du Baptême), en raison de leur ignorance religieuse due à leur handicap. Leur salut éternel est donc en péril, faute d’instruction religieuse méthodique et de vie sacramentelle.

Un respect spécial

Assistée par l’Esprit Saint, l’Église a réfléchi à ce problème. Le « Directoire pour la catéchèse » , publié le 23 mars 2020 par le Conseil pontifical pour la Nouvelle Évangélisation, affirme : « Les personnes handicapées sont appelées à la plénitude de la vie sacramentelle, même en présence de troubles graves. Les sacrements sont des dons de Dieu et la liturgie, avant même d’être comprise rationnellement, demande à être vécue : personne ne peut donc refuser les sacrements aux personnes handicapées » du seul fait de leur handicap (n°272). Dans le même esprit, le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne : « Ceux dont la vie est diminuée ou affaiblie réclament un respect spécial. Les personnes malades ou handicapées doivent être soutenues pour mener une vie aussi normale que possible » (n°2276).

Informé exactement de la situation et des pensées de Philippe, son confesseur, don Giustiniani, l’assure que son désir d’être missionnaire vient de Dieu, mais que la terre qu’il est appelé par Dieu à évangéliser n’est pas un pays lointain : « Ta Chine est ici, à Naples ; tes infidèles sont les sourds-muets. Dieu te veut ici ! » Philippe se rend à cet avis ; en 1876, il s’installe à Sainte-Marie-des-Monts, où il exercera désormais son apostolat à plein temps. Bientôt, le cardinal Riario Sforza, édifié, le réintègre dans le clergé napolitain. En 1880, don Smaldone est envoyé comme expert à un congrès international sur l’éducation des sourds, à Milan. Là, il met au point sa méthode éducative basée sur l’oralité, qu’il perfectionnera au fil des années. Cette méthode consiste à apprendre progressivement aux sourds à lire sur les lèvres d’autrui (ce que l’on appelle la lecture labiale) et à prononcer les syllabes. Elle est aujourd’hui dépassée par la méthode du langage des signes, qui s’est avérée plus fructueuse.

Une supplique à la Madone

L’été de 1884 voit éclater à Naples une épidémie de choléra. On comptera plus de 12000 cas et 5500 morts. À la suite de son nouvel archevêque, le cardinal Sanfelice, qui descendra dans la rue pour secourir lui-même les malades, don Smaldone se donne corps et âme à cet apostolat. En compagnie d’un groupe de fidèles, il se rend au sanctuaire de Pompéi, récemment ouvert par un laïc, le bienheureux Bartolo Longo, pour supplier la Madone de secourir les Napolitains. Philippe a rédigé en ces termes une supplique déposée devant la statue de Marie : « Les soussignés, pécheurs humiliés et confus, recourent à la Reine du Rosaire de Pompéi, Sainte Marie-de-la-Victoire, pour la prier de bien vouloir apaiser la justice de Dieu offensée par leurs péchés, afin qu’elle les préserve d’abord de la mort éternelle de l’enfer, puis du choléra qui afflige terriblement cette terre. Ils s’engagent à porter une offrande à ce sanctuaire dès que l’épidémie aura cessé, et si aucun d’eux n’en meurt. »

Le 13 septembre, alors qu’il se dépense sans mesure auprès des cholériques, Philippe est atteint par la maladie ; dans la soirée, son état est jugé désespéré. Un quotidien napolitain annoncera la mort de ce prêtre « martyr du devoir » . Bartolo Longo le pleure ; cependant, un jour d’octobre, il voit arriver Pasquale Smaldone, frère de Philippe, qui lui annonce que ce dernier est vivant : alors qu’il donnait tous les signes d’une mort prochaine, il avait enroulé son chapelet autour de son poignet, disant sans relâche le Rosaire en invoquant la Vierge de Pompéi. Le lendemain, il était hors de danger. Bartolo Longo conclut son récit : « Don Smaldone a été sauvé du commun “naufrage” par la couronne mystique du Rosaire de Marie » . Philippe vient bientôt à Pompéi célébrer une Messe d’action de grâces.

Cependant, la « Pieuse union » réunissant depuis 1875 des prêtres adonnés à l’éducation des sourds-muets ne réussit pas à se constituer en congrégation religieuse stable. Don Smaldone s’interroge sur la Volonté de Dieu. Il croit discerner celle-ci dans la fondation d’une congrégation de religieuses consacrées à l’évangélisation et à l’éducation des sourds. Trois jeunes filles sont prêtes à réaliser avec lui ce projet, qu’il confie à Notre-Dame du Rosaire. Une demande pressante de fondation d’une maison pour les enfants sourds a été envoyée à l’œuvre napolitaine par des notables de Lecce, ville principale de la Terre d’Otrante, à 400 km à l’est de Naples. Les Pères Apicella et Smaldone arrivent en mars 1885 à Lecce avec les trois jeunes filles tout récemment revêtues de l’habit religieux. Ils sont accueillis avec joie par l’archevêque, Mgr Luigi Zola.

Néanmoins, les débuts de l’œuvre sont difficiles. Prêtre zélé, mais brouillon, don Apicella quitte Lecce au bout de quelques mois, emportant les maigres fonds réunis pour la fondation, et laissant dans la gêne don Smaldone et les trois religieuses. Philippe en informe Mgr Zola, qui réagit vivement, se déclarant déçu et trompé par les fondateurs. Les donateurs de Lecce demandent alors à Philippe le remboursement de leurs dons. Cependant, celui-ci ne se décourage pas et reste sur place. En septembre 1885, une jeune mère confie à l’œuvre naissante son bébé de dix mois, Serafina, qui présente les symptômes de la surdité. Peu à peu, d’autres pensionnaires sont accueillies. En octobre 1887, le maire de Lecce, après inspection de la maison, rédige le rapport suivant : « Les fillettes, aujourd’hui au nombre de huit, dorment dans des lits séparés et sont nourries et soignées de manière vraiment digne de louange… Cet institut est très utile, mais l’état de ses finances ne lui permet pas de recevoir plus de huit pensionnaires ; il dépend entièrement des dons des citoyens de Lecce. » Ce rapport favorable rend à don Smaldone la sympathie des habitants, qui reprennent leur soutien financier, auquel s’ajoute celui de la municipalité. Il peut remercier la Providence à laquelle il s’était entièrement abandonné.

Sous l’emblème du Cœur transpercé

Philippe ne veut rien faire sans l’assentiment de Mgr Zola ; celui-ci revient de ses préventions initiales et prend désormais à cœur l’institut qui se développe. Le 25 mars 1886, don Apicella donne à don Smaldone pleine autorité sur la fondation de Lecce. L’année suivante, l’archevêque érige en pieuse association de droit diocésain l’institut des « Salésiennes des Sacrés-Cœurs » , en référence à saint François de Sales ; ce saint est vénéré comme le patron céleste des sourds. L’évêque de Genève a en effet pris sous sa protection pendant dix-sept ans, de 1605 à sa mort, un jeune sourd de son diocèse, Martin ; il l’a lui-même patiemment enseigné et catéchisé. En outre, il avait choisi comme emblème pour l’ordre de la Visitation un cœur transpercé et entouré d’une couronne d’épines, avec les initiales de Jésus et de Marie. Don Smaldone reprendra cet emblème pour son institut religieux.

En 1895, l’archevêque de Lecce estime le moment venu d’ériger en congrégation religieuse les Sœurs Salésiennes des Sacrés-Cœurs. Mgr Zola s’attribue dans le décret l’initiative de l’œuvre et le rôle de fondateur. Il semble oublier que don Smaldone, qui n’est même pas nommé dans ce texte, fut le seul initiateur du projet ; sans sa persévérance malgré les paroles amères du prélat, la congrégation n’aurait jamais existé. Mais dans son humilité, Philippe ne dit mot. Il se réjouit de voir le nombre des religieuses augmenter et peut répondre à de nombreuses demandes de fondation, en particulier une à Rome en 1896, qui deviendra plus tard la Maison généralice. L’année suivante, à la demande des autorités de Bari, don Smaldone commence à accueillir dans cette ville des enfants malades pauvres, mais pas nécessairement malentendants. Après avoir envoyé des salésiennes à Rome et à Florence pour se former à ce type d’éducation, il reçoit en 1900 des fillettes aveugles. En 1902, grâce à l’aide du nouvel archevêque de Lecce, il peut acquérir un ancien couvent de carmélites, les « Scalze » (les Chaussées), pourvu d’une belle église baroque.

On affiche “Complet”

Cependant, au cours de l’été 1907, la municipalité de Lecce, tombée aux mains des Socialistes, suspend toute aide financière aux Sœurs salésiennes. Pour ces idéologues, toutes les œuvres d’éducation doivent être aux mains de l’État laïque. Une campagne de dénigrement est orchestrée par les journaux anticléricaux. Une commission communale séjourne tout le mois d’août à la « Pia Casa » pour une enquête minutieuse, dans l’espoir de trouver des motifs de blâme ; un compte-rendu hostile est publié. Bien que des journaux impartiaux aient relevé les erreurs et calomnies contenues dans ce texte, don Smaldone passe ces jours dans l’angoisse. Il souffre surtout des accusations perfides contre la pureté des religieuses et contre son propre honneur sacerdotal. Sans chercher à se justifier, lui et les Salésiennes recourent à une prière plus instante. La Providence ne manque pas de les aider en leur procurant suffisamment de bienfaiteurs pour compenser le retrait de l’aide communale. Dès octobre 1907, Philippe peut répondre à la calomnie en ouvrant à Lecce un collège supérieur pour les jeunes filles, qui affichera bientôt « complet » .

L’archevêque de Lecce désirait pour l’institut salésien une reconnaissance officielle du Pape. Mais après la campagne de dénigrement de 1907, le Saint-Siège souhaite clarifier la situation et nomme un Visiteur apostolique, qui se rend successivement dans toutes les maisons de l’institut. Don Smaldone accepte avec joie ce contrôle romain. En 1912, la congrégation est affiliée à l’ordre franciscain. En 1915, le Saint-Siège publie le « Décret de louange » , étape préalable à l’approbation définitive de la Congrégation, qui aura lieu en 1925.

Don Philippe puise son dynamisme apostolique dans une vie contemplative profonde ; chacune de ses décisions a été mûrie longuement dans la prière. Ses deux dévotions principales sont le culte de la Sainte Eucharistie et l’amour de la Très Sainte Vierge Marie. Sa dévotion eucharistique se manifeste par des offices religieux soigneusement préparés et splendides qui attirent les foules à l’église des Scalze. Il fonde une association eucharistique de prêtres adorateurs et une autre de dames adoratrices. Don Smaldone prêche deux vérités fondamentales puisées dans les écrits de saint Alphonse-Marie de Liguori : « Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne » ; et : « Le vrai serviteur de Marie ne peut se damner. »

En 2007, le Pape Benoît XVI affirmait : « La véritable prière consiste à unir notre volonté à celle de Dieu. Par conséquent, prier ne signifie pas fuir la réalité et les responsabilités qu’elle comporte, mais les assumer jusqu’au bout, en ayant confiance dans l’amour fidèle et inépuisable du Seigneur. Chers frères et sœurs, la prière n’est pas un accessoire, une option, mais elle est une question de vie ou de mort. En effet, seul celui qui prie et se confie à Dieu avec un amour filial, peut entrer dans la Vie éternelle qui est Dieu lui-même » (4 mars) ; et encore : « Il n’existe aucun fruit de grâce, dans notre histoire du salut, qui n’ait pour instrument nécessaire la médiation de Notre-Dame » (12 mai).

La dévotion mariale se concrétise dans l’institut par de nombreuses pratiques. En 1889, Don Smaldone pourra envoyer à Bartolo Longo un rapport circonstancié sur la guérison miraculeuse d’une fillette, Marta. Souffrant d’une tumeur maligne au genou, jugée inopérable, celle-ci devait être conduite à l’hôpital de Molfetta pour être amputée, intervention très risquée. Peu avant le départ, une religieuse, la voyant essayer de se redresser, appuyée sur ses béquilles, a l’inspiration de lui dire : « Marta, lève-toi et marche, la Vierge de Pompéi te l’ordonne » ; elle lui ôte ses béquilles et à la surprise des assistants, l’enfant monte l’escalier, marchant normalement ; elle est parfaitement guérie. Un cadeau de Marie !

Pas d’éducation sans amour

Philippe a pour premier principe : « On ne peut éduquer si l’on n’aime pas. » La charité envers l’élève compte davantage à ses yeux que la technique utilisée. En 1893, il publie un règlement interne où il expose ses méthodes d’enseignement aux sourds. En conformité avec l’esprit de saint François de Sales, douceur, patience et compréhension sont recommandées à qui enseigne ces enfants fragiles et blessés par leur handicap. Les châtiments corporels et les réprimandes dures sont proscrits. Don Smaldone et ses Sœurs relèvent le défi d’enseigner avec précision aux sourds les grands mystères de la foi chrétienne comme celui de la Présence réelle de Jésus dans l’Hostie consacrée. Le fondateur répète à ses religieuses qu’elles sont responsables du salut éternel des fillettes qui leur sont confiées, parce que l’ouverture de celles-ci à la foi, à l’espérance et à l’amour de Dieu dépend de l’éducation qu’elles leur donneront. En retour, il promet le Ciel à celles qui auront donné le meilleur d’elles-mêmes à cette tâche éducative. Lui-même sera pendant cinquante ans l’exemple vivant d’une telle donation inspirée par un brûlant amour de Dieu et du prochain.

Peu après son jubilé sacerdotal d’or (le cinquantième anniversaire de son ordination), célébré en septembre 1921 en présence de tous les notables de Lecce, don Smaldone est atteint de diabète et de troubles cardiaques qui le contraignent bientôt à interrompre ses nombreux apostolats à l’extérieur. Cette inaction forcée lui coûte beaucoup. La chaleur intense de l’été 1922 l’épuise, et c’est à peine s’il peut célébrer la Messe. Tandis que ses forces diminuent, son adhésion intérieure à la Volonté de Dieu se fortifie ; souffrant beaucoup, il édifie les assistants par sa patience et son esprit surnaturel. Le 4 juin 1923, il y a cent ans, il rend paisiblement son âme à Dieu. Philippe Smaldone a été proclamé bienheureux par saint Jean-Paul II en 1994, et canonisé par Benoît XVI le 15 octobre 2006.

La congrégation des Salésiennes des Sacrés-Cœurs comprend actuellement environ 350 religieuses réparties en quarante maisons. Depuis 1972, elles exercent leur apostolat, outre l’Italie, en Amérique latine (sept maisons au Brésil), en Afrique (Bénin, Rwanda, Tanzanie), en Pologne et aux Philippines. Les Salésiennes éduquent les enfants sourds et malentendants des deux sexes : elles prennent également en charge des enfants porteurs d’autres handicaps.

« Saint Philippe Smaldone voyait chez les sourds-muets le reflet de l’image de Jésus, et il avait l’habitude de répéter que, comme on se prosterne devant le Très-Saint-Sacrement, il faut s’agenouiller devant un sourd-muet. Tirons de son exemple l’invitation à considérer toujours comme indissociables l’amour pour l’Eucharistie et l’amour pour le prochain. Plus encore, la véritable capacité d’aimer nos frères ne peut nous venir que de la rencontre avec le Seigneur dans le sacrement de l’Eucharistie » (Homélie de la canonisation).

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