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25 mars 2020

Père Jacques de Balduina

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«Le confesseur est appelé quotidiennement à se rendre dans les “périphéries du mal et du péché”, et son œuvre représente une authentique priorité pastorale, affirmait le Pape François, le 17 mars 2017. Confesser est une priorité pastorale. S’il vous plaît, qu’il n’y ait pas ce type de panneaux : “Les confessions se font uniquement le lundi, le mercredi de telle à telle heure.” Il faut confesser chaque fois qu’on te le demande. Et si tu es là (dans le confessionnal) en train de prier, tu es avec le confessionnal ouvert, qui est le cœur de Dieu ouvert. » Le Père Jacques de Balduina a rempli avec un grand esprit de foi sa mission de confesseur.

Benjamin Ange est le huitième des dix enfants de Jacques Filon et Joséphine Marin. Il est né le 2 août 1900 près de Padoue en Italie du nord (Vénétie). Son père nourrit largement sa famille en régissant le vaste domaine agricole du baron Hugues Treves. Joséphine est l’âme de la maison sise à Balduina ; sous sa conduite pieuse et diligente, Benjamin grandit paisiblement dans une ambiance familiale animée. Toujours prêt à rendre service, il s’adapte aux volontés de ses frères et sœurs. Le jeune garçon est captivé par les cérémonies religieuses auxquelles on assiste en famille dans la toute proche église paroissiale. Il admire les prêtres et apprend bien vite à servir la Messe. À la maison, il organise une petite paroisse composée d’enfants des environs. Il dit sa “messe” sur un autel confectionné par son grand frère, François : les tabliers de la maman constituent les ornements liturgiques. À défaut de chaire, il prononce le sermon du haut d’une chaise. Il donne, au cours d’obsèques solennelles, la sépulture aux animaux morts. Il va jusqu’à “marier” de petits camarades, avec sérieux et gravité. Ces jeux d’enfants sont, chez Benjamin, le prolongement d’une vie intérieure qui s’exprime dans la prière personnelle, à l’écart, et dans l’assiduité à servir le prêtre à l’autel. À dix ans, il reçoit le sacrement de Confirmation, et il fait sa première Communion l’année suivante.

Le comte de Padoue

À l’école toutefois, le garçon éprouve des difficultés : l’assimilation des leçons est laborieuse et les résultats ne suivent pas. L’institutrice ne peut guère faire l’éloge que de sa ponctualité, de sa discipline et de sa bonne volonté, au cours de ses trois ans de cours élémentaire à Balduina. Durant les quatre années qui suivent, l’écolier va en classe à Lendinaria, dans la province voisine de Rovigo. Son caractère réservé et solitaire fait vite de lui la cible des garnements du lieu, d’autant qu’une rivalité les oppose aux Padouans. Un jour, Benjamin qui, luxe rare, effectue ses trajets à bicyclette, est pris à parti par deux écervelés jaloux : « Voilà le comte de Padoue qui passe ; faisons-lui la révérence et jetons-lui une pierre. » Le paisible enfant est atteint à la tête, mais il pardonne à ses camarades. Il rentrera plus d’une fois blessé à la maison. À Lendinaria, Benjamin a trouvé un couvent de Capucins où tout l’attire. L’amitié des Frères, accueillants et souriants, leur habit ceint de la corde aux trois nœuds, l’office chanté dans la chapelle le charment. D’emblée, il entre de plain-pied dans cette maison religieuse. D’ailleurs, ses parents offrent régulièrement l’hospitalité aux Frères mendiants en voyage, et de nombreux disciples du Poverello (saint François d’Assise) ont partagé la table familiale. Au contact des Frères aux pieds nus, à la barbe florissante et à la pauvreté joyeuse et simple, l’appel de Dieu se fait entendre à l’enfant.

Lorsqu’il s’en ouvre à ses parents, ceux-ci se réjouissent. Mais des querelles divisent la paroisse, et l’entrée du jeune homme au petit séminaire est plusieurs fois différée. Finalement, l’abbé Charles Trentin, un prêtre au fort caractère, prend le garçon sous sa protection et le recommande aux Pères capucins : « Mon jeune paroissien a toujours eu une conduite irréprochable : humble, modeste, obéissant, assidu à l’église, il aime les cérémonies religieuses ; il sert la Messe avec un recueillement vraiment édifiant ; c’est un maître attentionné pour les enfants du catéchisme ; chaque jour il s’approche de la sainte Table : il n’a jamais eu d’autre pensée que d’accomplir de son mieux ses devoirs en famille et ses obligations religieuses ; c’est pourquoi je peux bien affirmer que sa vie a toujours été l’exemple le plus édifiant d’un fils pieux, modeste, vraiment et profondément chrétien. » Le garçon entre donc au petit séminaire “séraphique” (la maison de formation des futurs Capucins) de Rovigo le 13 octobre 1917. Il a dix-sept ans et se trouve entouré de condisciples de dix ou onze ans, mais il s’intègre bien et se plie de bonne grâce à la discipline. Un ancien camarade, le Père Albert de Dueville, à laissé de lui ce portrait : « Réservé, très timide, peut-être même un peu mélancolique, il avait des capacités plutôt limitées. De taille normale mais de constitution frêle, il avait un physique chétif. De son visage pâle, anémique, rayonnait toujours une aimable douceur. Sa conversation, plutôt rare, était toujours calme, simple, brève, mais pleine de sagesse… Quand, bien rarement, on lui faisait un reproche, il gardait un calme plein de dignité. »

Pas fait pour la vie religieuse

En mars 1918, Benjamin est mobilisé. Affecté au 68e régiment d’infanterie stationné à Milan, il n’hésite pas à partager ses rations avec ses camarades, et ne se plaint jamais. Lors des permissions, il se rend au presbytère le plus proche pour y proposer ses services. Il laissera le souvenir d’un jeune homme pieux, paisible, patient et souriant. Après sa démobilisation, en 1921, il ne tarde pas à reprendre ses études au petit séminaire. Le 28 septembre 1922, il prend l’habit brun de Capucin au couvent de Bassano del Grappa, où il reçoit le nom de Frère Jacques de Balduina. Durant son année de noviciat, il s’initie à la vie conventuelle, aux offices liturgiques du chœur, mais aussi aux tâches ménagères. Un jour, son maître des novices lui dit sans ambages : « Cher fils, vous n’êtes pas fait pour être religieux : vous ne réussissez pas dans vos études, vous êtes trop timide pour faire la quête… » Le novice insiste : « S’il est vrai que je ne puisse devenir religieux, ayez encore un peu de patience et de charité envers moi ; je ferai la vaisselle, je dormirai à l’écurie s’il n’y a pas de place pour moi au couvent. » La réponse satisfait le Père, et le Frère Jacques prononce ses vœux temporaires le 29 septembre 1923 ; à cette occasion, il s’entend ainsi louer devant sa mère : « Chère Madame, je ne vous cacherai pas que votre fils me laisse bien perplexe, car il ne sait rien faire d’autre que prier. »

S’ouvrent alors devant le jeune profès trois années d’études. À cette époque, un condisciple vante devant lui une confrérie : la “Pieuse union des âmes victimes”. Frère Jacques lui répond qu’il n’a plus rien à donner : il s’est déjà offert en victime pour les prêtres, et il a prononcé l’acte héroïque de charité envers les âmes du purgatoire, sous cette forme : « Ô mon Dieu, en union avec les mérites de Jésus-Christ, votre Fils, et avec ceux de la très Sainte Vierge Marie, je vous offre en faveur des âmes du Purgatoire toutes les œuvres satisfactoires que je ferai durant ma vie ainsi que celles qui me seront appliquées après ma mort. » Le 8 décembre 1926, le jeune Capucin fait sa profession solennelle entre les mains du vicaire provincial. Il commence ensuite une seconde période de trois années d’études de théologie à Venise. Au grand étonnement de ses supérieurs, ses résultats sont très honorables. Cependant, au cours de l’année 1927-1928, sa santé décline subitement avec des symptômes inquiétants. Il ne se déplace plus que lentement, à petits pas précipités, comme s’il allait tomber en avant. S’il est généralement en pleine possession de ses facultés intellectuelles, il ne s’exprime qu’avec peine. Par temps chaud, sa langue s’entrave, il ne peut ni se souvenir ni raisonner. À cela se joignent des troubles intestinaux et des insomnies. Aussi reste-t-il seul en cellule durant de longues heures.

Une joie paisible

En mai 1928, un médecin diagnostique une maladie de Parkinson qui ne cesse de s’aggraver. Il assiste encore à certains cours, et le Père Paulin de Premariacco lui résume et explique les autres en particulier. Les supérieurs de la province de Venise mettent en question l’opportunité d’une ordination : toutefois, sur l’avis favorable du Père Paulin, le Frère Jacques est dispensé d’une année d’étude. Sa maladie n’étant pas encore trop avancée, il reçoit les ordres mineurs, le sous-diaconat, le diaconat puis, le 21 juillet 1929, le sacerdoce, des mains du vénérable Pierre La Fontaine, patriarche de Venise. Le 4 août, il chante une première Messe dans sa paroisse de Balduina. L’abbé Charles Trentin l’accueille avec fierté et prononce un discours vibrant à cette occasion. Le Père Jacques, désormais prêtre pour l’éternité, rayonne d’une joie paisible. Il fera mémoire chaque année, dans l’action de grâces, du beau jour de son ordination qu’il regardera toujours comme un don du Ciel. Pendant un an encore, il poursuit l’étude de la théologie à Venise, dans la mesure de ses possibilités.

Il est alors envoyé en Slovénie pour quinze mois, puis à Udine au Frioul. Là, le couvent capucin est comme un havre où ceux qui veulent se réconcilier avec Dieu et commencer une nouvelle vie en toute discrétion, sont les bienvenus. Le Père Jacques consacre sa vie au ministère de la confession. On lui a aménagé une cellule munie d’une grille dans le mur, lui permettant d’entendre les pénitents sans avoir à se déplacer. Pendant seize ans, il y recevra chaque jour des dizaines de personnes, accueillant à toute heure, devant l’image du Christ couronné d’épines, ceux qui se présentent comme à un dispensaire où l’on reçoit le pardon de Dieu.

Le pouvoir de remettre les péchés, que le Christ donne à ses Apôtres dès le soir de sa Résurrection (cf. Jn 20, 23) comme premier fruit de sa Passion et de sa mort, s’applique au plus grand mal qui puisse nous affecter. Car, rappelle le Catéchisme de l’Église catholique, « aux yeux de la foi, aucun mal n’est plus grave que le péché et rien n’a de pires conséquences pour les pécheurs eux-mêmes, pour l’Église et pour le monde entier » (CEC, n° 1488). Cependant, souligne saint Jean-Paul II, « le ministère spécifique des prêtres n’exclut pas, mais comporte l’exercice du “sacerdoce commun” des fidèles. Celui qui t’a créé sans toi, dit saint Augustin, ne te justifiera pas sans toi. Le rôle actif du chrétien dans le sacrement de Pénitence consiste à reconnaître ses propres fautes par une confession qui, sauf en des cas exceptionnels, est faite individuellement au prêtre ; à exprimer son repentir pour l’offense faite à Dieu, c’est la contrition ; à se soumettre humblement au sacerdoce institutionnel de l’Église pour recevoir le “signe efficace” du pardon divin, l’absolution ; à offrir la satisfaction imposée par le prêtre comme signe de la participation personnelle au sacrifice réparateur du Christ qui s’est offert au Père comme hostie pour nos fautes ; enfin, l’action de grâces pour le pardon obtenu » (Audience générale du 15 avril 1992, n° 7).

« Mon bonheur n’en est pas changé »

Le Père Jacques devient le confesseur ordinaire des deux tiers du clergé d’Udine. Il se montre toujours disponible, pour le grand réconfort de ses pénitents, jusqu’à interrompre son repas ou sa sieste, malgré une inflammation cérébrale qui ne le quitte pas et pèse lourdement sur lui. L’évêque auxiliaire d’Udine, Mgr Louis Cicuttini écrira : « J’ai été, pendant des années, le pénitent du vénéré Père Jacques. Il m’a toujours accueilli avec un cœur de père, et je suis toujours reparti le cœur réconforté. Il disait peu de mots, mais son visage souriant, sa bonté paternelle étaient tels qu’ils imprimaient dans le cœur un céleste réconfort. » Le Père connaît cependant des échecs dans son ministère, mais ces déceptions mêmes l’ancrent plus profondément dans la foi, l’espérance et la charité, comme l’exprime une prière qu’il nous a laissée : « Seigneur, les créatures que j’ai aimées par amour pour vous m’ont abandonné, mais mon bonheur n’en est pas changé, parce que vous seul, Seigneur, ne m’abandonnerez pas, et j’espère, avec votre grâce, ne jamais vous abandonner. »

Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à qui vous les remettrez, ils seront retenus à qui vous les retiendrez (Jn 20, 22-23). Par ces paroles, Jésus établit ses Apôtres vrais juges des dispositions intérieures de celui qui sollicite le pardon de ses fautes. Charge redoutable pour un homme, lui aussi pécheur ! Comment le prêtre pourrait-il bien s’en acquitter, s’il n’entretient pas une relation intime avec Celui qui a donné sa vie pour sauver les pécheurs ? « Le “bon confesseur”, dit le Pape François, est avant tout un véritable ami de Jésus, Bon Pasteur. Sans cette amitié, il sera bien difficile de faire mûrir cette paternité, si nécessaire dans le ministère de la réconciliation. Être ami de Jésus signifie avant tout cultiver la prière. Tant une prière personnelle avec le Seigneur, en demandant sans cesse le don de la charité pastorale, qu’une prière spécifique pour l’exercice de la tâche de confesseur et pour les fidèles, frères et sœurs qui s’approchent de nous à la recherche de la miséricorde de Dieu. Un ministère de la réconciliation “enveloppé de prière” sera le reflet crédible de la miséricorde de Dieu et évitera ces duretés et incompréhensions qui pourraient parfois naître également dans la rencontre sacramentelle. Un confesseur qui prie sait bien qu’il est lui-même le premier pécheur et le premier pardonné. On ne peut pardonner dans le sacrement sans être conscient d’avoir été soi-même pardonné auparavant. Et la prière est donc la première garantie pour éviter toute attitude de dureté qui juge inutilement le pécheur, et non le péché. Dans la prière, il est nécessaire d’implorer le don d’un cœur blessé, capable de comprendre les blessures des autres et de les guérir avec l’huile de la miséricorde, celle que le bon Samaritain a versée sur les plaies de ce malheureux dont personne n’avait eu pitié (cf. Lc 10, 34). Dans la prière, nous devons demander le don précieux de l’humilité, pour qu’il apparaisse toujours clairement que le pardon est un don gratuit et surnaturel de Dieu, dont nous sommes de simples administrateurs, bien que nécessaires, par la volonté même de Jésus ; et Il se réjouira certainement si nous faisons un large usage de sa miséricorde. Dans la prière, nous invoquons également toujours l’Esprit Saint, qui est un Esprit de discernement et de compassion » (17 mars 2017).

La sécurité auprès du tabernacle

On envoie un jour le Père Jacques consulter un illustre professeur de neuropathologie qui exerce à Udine. Le diagnostic est sans appel : « Je constate que ce Père est affecté du syndrome parkinsonien post-encéphalitique. La maladie empirera progressivement et fatalement, mettant le patient dans l’impossibilité de lutter d’ici quelques années. » On soigne le Père avec de la scopolamine, substance qui retarde l’avancée de la maladie et en suspend les symptômes. En 1934, son supérieur écrit : « Le traitement bulgare a été vraiment miraculeux pour le Père Jacques qui maintenant marche droit, parle aisément, ne tremble plus. La jambe droite traîne encore un peu… Le traitement sera long : nous avons écrit en Bulgarie pour les médicaments. » Survient la Seconde Guerre mondiale : la scopolamine devient presque introuvable. On sollicite alors pour le Père la permission de toujours célébrer, dans sa chambre et assis, la Messe votive de la Sainte Vierge. Les alertes aériennes le terrifient ; lorsque les sirènes hurlent et que tous vont aux abris, il se réfugie à la chapelle auprès du tabernacle où il se sent en sécurité et peut retrouver son calme.

Le Père Jacques offre ses difficultés en silence, alors même que la douleur est intense : « Je vais bien », répète-t-il souvent. De fait, il a habituellement un visage serein, détendu et tranquille. Mais une lettre à sa sœur Césira, datée de 1938, lève légèrement le voile : « J’aurais bien des choses à te dire… pour l’instant mieux vaut se taire et prier, pour que le Seigneur accomplisse en nous tout ce qui est bien pour nous, et nous donne la force de supporter, avec une résignation chrétienne, les épreuves de cette pauvre vie. » “Tout supporter pour l’amour de Jésus” devient sa devise. Un prêtre révélera que lorsqu’il était séminariste et malade, il avait reçu du Père Jacques cette confidence : « Moi, en revanche, je ne peux espérer aucune amélioration. Je me suis offert en victime à Dieu pour la sanctification des prêtres. Dieu a accepté mon offrande et a fait de l’encéphalite léthargique le moyen le mieux adapté à la réalisation de mon idéal. » Le Père Jacques n’irradie cependant pas la tristesse. N’aimant pas voir autour de lui des visages préoccupés, il n’hésite pas à dérider les fronts soucieux en partageant des gâteaux ou en ouvrant une bouteille que des pénitents généreux lui ont apportés et qu’il garde avec la permission du supérieur. Il conserve cependant l’esprit de mortification : malgré sa dispense, il continue à réciter courageusement l’office liturgique, et, bien qu’il soit exempt du jeûne eucharistique, obligatoire depuis minuit à l’époque, il ne prend, avant sa Messe, que la tisane de Belladone qui lui a été prescrite.

« Devinez où… »

Dès 1941, il avait révélé à sa sœur Césira une grâce reçue en priant pour ses parents défunts : « J’ai tellement pensé à eux que mon âme soupirait ardemment après le jour où elle pourrait être réunie avec ces chers parents dans le paradis où ils nous attendent, et une voix m’a dit : “Courage, ton exil s’achèvera bientôt, parce que le jour où tu pourras être réuni avec tes chers parents au paradis n’est plus très loin.” Pardonne-moi, chère sœur, si mes paroles te plongent dans la tristesse, mais c’est la pure vérité » ; et il s’applique à la tranquilliser. En communauté, il se sent plus libre. Un Frère témoignera : « Il parlait assez souvent de sa mort prochaine avec une joie authentique. Il donnait l’impression d’en savoir quelque chose : “Je mourrai bientôt, disait-il… Devinez où je mourrai…” Nous lui demandions s’il voulait plaisanter. “Je ne plaisante pas du tout… Je mourrai bientôt, près de Notre-Dame, ma mère.” »

Un jour de 1948, il demande à son supérieur la permission d’aller à Lourdes. Comme on lui fait remarquer que son état de santé ne permet absolument pas un tel voyage, il fait humblement valoir que les prêtres de la ville désirent qu’il les accompagne, et qu’ils pourront facilement venir à son aide. Il veut lui aussi aller voir la Sainte Vierge, même au prix de sa vie. La permission demandée lui est finalement accordée ; rayonnant, il déclare à son provincial : « Je vais à Lourdes, mais n’en reviendrai pas. » Le 20 juillet, il monte dans le train spécial, et, le lendemain, après 35 heures de voyage, il parvient au but. Sa fatigue, cependant, lui interdit de se rendre directement aux piscines. Il demande qu’on dise le chapelet avec lui. Son état s’aggrave alors rapidement et à 23 heures, après avoir récité le Magnificat, il rend son âme à Dieu. C’est le dix-neuvième anniversaire de son ordination ; il a 48 ans. Le 23 juillet, il est inhumé dans le cimetière de Lourdes. Depuis lors, de nombreux fidèles viennent se recueillir sur sa tombe, qu’ils ornent de fleurs fraîches, même en hiver. Des grâces sont accordées, et les ex-voto se multiplient.

Le procès en vue de sa béatification a été ouvert le 2 décembre 1977. Le Père Bernardin de Sienne, postulateur général des Capucins, écrivait à l’archevêque d’Udine : « L’activité du Père Jacques, au cours de sa courte existence de 48 ans, dont 26 au couvent, se limita, en tant que malade, à souffrir, et en tant que prêtre, à dispenser le pardon dans le sacrement de la réconciliation. Dans la première activité, il a montré comment un chrétien parvient, avec l’aide d’en haut, à affronter la souffrance, tant physique que morale, sans se plaindre, et même avec le sourire, voire en s’offrant à Dieu comme victime pour la sanctification des prêtres. Ensuite, dans le ministère de la confession exercé avec la même constance et la même bonté que son contemporain saint Léopold Mandi´c,… il montra comment ce ministère caché réussit à valoriser la vie d’un prêtre et à soutenir ses frères dans la grâce et le bien. Il a été, tout spécialement pour les prêtres du diocèse d’Udine, ce que saint Léopold Mandi´c fut dans celui de Padoue : en lui se manifesta la miséricordieuse bonté de Dieu. »

À Lourdes, la Vierge sans péché se fait toujours plus accueillante aux pécheurs. Les âmes les plus coupables recherchent le contact purifiant de celle qui s’appelle “l’Immaculée Conception”. Un instinct infaillible leur dit qu’elle saura les comprendre, les aimer, les consoler, leur donnant un cœur nouveau, un esprit nouveau. Avec le Père Jacques de Balduina et à l’invitation de Notre-Dame de Lourdes, « prions et faisons pénitence pour la conversion des pécheurs ».

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