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18 avril 2014

Bienheureux Noël Pinot

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Le dimanche 23 janvier 1791, l’abbé Noël Pinot, curé du Louroux-Béconnais au diocèse d’Angers, célèbre la Messe dans son église comble: le vicaire, l’abbé Mathurin Garanger, est présent dans le chœur et, aux premiers rangs, ont pris place le maire et les officiers municipaux. À l’issue de la Messe, ces derniers doivent recevoir des deux prêtres le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Monsieur le curé se rend à la sacristie pour déposer les ornements sacerdotaux. On vient le chercher, mais il déclare ne pouvoir en conscience prêter le serment. Sur l’injonction du maire qui lui défend d’exercer aucune fonction ecclésiastique, il affirme que, tenant ses pouvoirs de Dieu et de son Église, il reste le curé légitime de la paroisse et ne se soumettra jamais à des lois injustes.

Ce prêtre ira jusqu’au martyre pour demeurer fidèle à Dieu et à sa conscience. En 1926, il sera proclamé bienheureux par le Pape Pie XI.

Noël Pinot voit le jour à Angers, le 19 décembre 1747; sa famille compte déjà quinze enfants. Aux joies se mêlent les larmes: ce même jour, le plus jeune de ses frères, un bébé de vingt mois, expire dans son berceau. Dès le lendemain, le nouveau-né est baptisé. Durant sa petite enfance, Noël a sous les yeux l’exemple du courage et de la vie austère de son père, maître tisserand. Ce vaillant chrétien sera ravi à l’affection des siens en 1756, épuisé par son rude labeur. Tandis que son père lui inculque le goût du travail bien fait, le jeune garçon apprend de sa mère à prier. En 1753, l’aîné de la famille, René, est ordonné prêtre. Ce grand frère se penche avec prédilection sur le benjamin de la famille. Noël lui confie son désir d’étudier pour devenir prêtre lui aussi. En 1765, à dix-huit ans, il entre au séminaire. Le 22 décembre 1770, il est ordonné prêtre. Le lendemain, il célèbre sa première Messe, assisté de son frère. Quelle joie et quelle émotion pour leur mère de contempler, au même autel, le plus jeune et l’aîné de ses seize enfants!

Les Incurables

Au cours des dix années qui suivent, l’abbé Pinot exerce le ministère de vicaire dans différentes paroisses. Partout où il passe, il manifeste une charité attentive aux pauvres et aux malades, si bien qu’en 1781, son évêque le nomme aumônier des Incurables d’Angers. Cette maison accueille des malheureux qui, bien souvent, n’y sont conduits que pour attendre la mort. Le jeune aumônier goûte une vraie consolation à célébrer la Messe et à prêcher en présence des malades. Déchargé de toute préoccupation matérielle par de charitables chrétiennes, il se donne corps et âme à son nouveau ministère: son grand souci, c’est la sanctification et le salut de ses malades. Le règlement des Incurables précise que l’aumônier «portera, avec prudence les pauvres, dans la première année de leur entrée dans la maison, à faire une confession générale, surtout ceux qui n’en auraient jamais fait, et qu’il emploiera son zèle et sa charité à leur en faciliter la pratique». La tendresse de l’abbé Pinot envers ces pauvres gens est pour eux une consolation inaccoutumée; malgré sa jeunesse, ils le chérissent comme un père.

La cure du Louroux-Béconnais étant vacante, l’évêque d’Angers y nomme Noël Pinot qui en prend possession le 14 septembre 1788, en la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix. Cette paroisse, la plus étendue de toutes celles du diocèse d’Angers, se compose de petits hameaux assez éloignés les uns des autres et reliés par de mauvais chemins. Sa population s’élève à plus de trois mille âmes. Bien qu’il soit assisté d’un vicaire, le curé doit accomplir un travail considérable, mais son dévouement pare à tout: de jour comme de nuit, il est au service de ses paroissiens pour leur procurer le secours de son ministère ou les assister matériellement, car dans son amour pour les pauvres, il se dépouille de tout en leur faveur. Le souvenir de ses bienfaits et de son zèle restera si vivant au Louroux que, longtemps après sa mort, des vieillards témoigneront: «Quel bon pasteur il était!»

Deux ans se passent ainsi, mais, après le déclenchement de la Révolution, l’orage gronde au ciel de l’Église de France: l’Assemblée constituante prétend régenter les affaires de l’Église. Le Comité ecclésiastique qu’elle a érigé doit mettre la vie ecclésiale au service de l’État nouveau. Après la nationalisation des biens du clergé (2 novembre 1789) et l’abolition des vœux solennels des religieux (15 février 1790), intervient le vote de la Constitution civile du clergé, sanctionnée par Louis XVI, mal conseillé, le 24 août 1790. Par cette loi, le pouvoir civil prétend imposer à l’Église de France une modification des circonscriptions des diocèses et de la juridiction des évêques, sans tenir compte de l’autorité du Pape. Sont ainsi supprimés 52 évêchés sur les 135; évêchés et cures seront désormais pourvus par voie d’élection populaire (chaque département choisira son évêque, chaque district élira les curés); tout le monde pourra voter (cette disposition, qui se veut un retour aux pratiques de l’Église primitive, est absurde – elle donne le droit de vote aux Protestants, aux Juifs, aux athées – mais non aux pauvres). L’évêque notifiera son élection au Pape «comme au chef de l’Église universelle, en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il doit entretenir avec lui»; dans l’exercice de sa charge, il ne pourra prendre de décisions qu’après le vote favorable d’un «conseil habituel et permanent» constitué par divers ecclésiastiques de son diocèse. Le vice le plus grave de la Constitution civile est l’absence de soumission au Saint-Siège, car d’une part, seul le Vicaire du Christ est habilité à réformer la carte des diocèses, et, d’autre part, nul ne peut accéder à un siège épiscopal sans avoir été préalablement institué par le Pape.

Une Église nationale

Dans les semaines qui suivent, les protestations des évêques, qui ne peuvent en conscience accepter cette Constitution civile, se font entendre: ils suspendent cependant leur réponse définitive jusqu’au prononcé du jugement du Pape. Dans cet esprit, le 30 octobre 1790, est publiée une Exposition des principes sur la Constitution civile du clergé, analyse à laquelle adhèrent presque tous les évêques de France. La résistance passive recommandée dans ce texte exaspère les députés de la Constituante: une loi du 27 novembre décide que seront obligés à prêter serment de fidélité à la Constitution civile du clergé les évêques, curés, vicaires, supérieurs de séminaires et tous les autres ecclésiastiques fonctionnaires publics. Le 26 décembre, la main forcée, Louis XVI contresigne cette loi qui institue une Église nationale schismatique. Les prêtres qui refuseront de prêter le serment seront déclarés déchus, et s’ils continuent à exercer leur ministère, ils seront poursuivis comme «perturbateurs du repos public». Bien que le Pape ne se soit pas encore prononcé, le curé du Louroux a pris sa résolution: il ne prêtera pas le serment. Il rend visite à ses proches confrères: là où il a la douloureuse surprise de ne rencontrer qu’irrésolution, il s’efforce de convaincre: «Soyez-en sûrs, leur dit-il, le Pape condamnera ce serment. Il ne sait déjà que trop, je pense, que cette Constitution ne vise en réalité qu’à nous séparer de l’Église catholique en créant chez nous une soi-disant Église nationale.» Mais son propre vicaire ne se laisse pas convaincre.

Le dimanche 23 janvier 1791, après avoir essuyé un refus du curé, le maire du Louroux invite le vicaire à prêter le serment exigé par la loi. Tout tremblant, l’abbé Garanger s’exécute au milieu du silence glacé des uns et des murmures désapprobateurs des autres. Persuadé que les instructions attendues de Rome lui dessilleront les yeux, Noël Pinot laisse son vicaire poursuivre comme auparavant ses activités dans la paroisse. Bientôt, par deux brefs successifs du 10 mars et du 13 avril 1791, Pie VI condamne la Constitution civile du clergé, la déclarant hérétique en plusieurs points et attentatoire aux droits du Saint-Siège. L’abbé Garanger se rétractera effectivement le 22 mai suivant. Sans attendre, le curé monte en chaire le dimanche 27 février, à l’issue de la Messe; il a choisi à dessein ce jour où se tient au Louroux une assemblée des paroisses voisines. Sans une parole d’offense pour qui que ce soit, il se met à expliquer dans un discours longuement médité devant le tabernacle, pourquoi, en tant que prêtre catholique rattaché par son évêque au successeur de Pierre, chef unique de toute l’Église de Jésus-Christ, il s’est refusé, le 23 janvier, à prêter le serment constitutionnel, qui est attentatoire aux droits de Dieu et de l’Église. L’Assemblée nationale n’a pas le droit d’exiger du clergé un acte qui, par le fait même, le détache du centre de l’Église.

«Curé incendiaire»

Le maire, présent au premier rang de l’assistance, interrompt le prêtre d’une voix irritée: «Descends de cette chaire! Tu nous dis que c’est une chaire de vérité, et tu ne débites que des mensonges!» Les fidèles se dressent, suffoqués d’une pareille insolence. Une voix forte domine les autres: «Restez en chaire, Monsieur le Curé! Vous parlez bien, nous vous soutiendrons!» Dès le soir, les habitants des paroisses voisines témoignent autour d’eux de ce qui s’est passé. L’exemple courageux de Noël Pinot fait de lui un résistant qui entraîne: sa protestation véhémente retentira à travers l’Anjou, la Vendée et même la Bretagne. La municipalité a rédigé, séance tenante, un rapport au Tribunal révolutionnaire d’Angers où elle réclame l’arrestation de ce «curé incendiaire» et «perturbateur du repos public». Le vendredi suivant, un détachement de la garde nationale arrive au bourg, pendant la nuit, par crainte de la population, pour arrêter le curé. On l’emmène, lié sur son propre cheval; vers midi, le cortège pénètre dans Angers, où la population lui témoigne compassion et respect. Les juges le condamnent à rester, pendant deux ans, éloigné de sa paroisse d’au moins huit lieues (trente kilomètres). Cette condamnation est trop douce aux yeux du commissaire public qui fait appel, sans succès. Noël Pinot se retire à l’hospice des Incurables, où il est accueilli avec joie. Mais les révolutionnaires prennent vite ombrage de sa présence; l’abbé se retire donc, en juillet 1791, dans le pays des Mauges, proche de Beaupréau, et vit là en proscrit, se dévouant avec zèle pour les âmes. Il supplée de son mieux à l’absence des pasteurs qui ont dû s’exiler. En 1793, les événements de la guerre de Vendée lui donnent l’occasion de rentrer dans sa paroisse.

Le motif du soulèvement de la Vendée est religieux plus encore que politique. «Nous n’avons pas bougé malgré notre indignation, racontera plus tard un vieux Vendéen, tant qu’on nous a laissé nos prêtres et nos églises; mais quand nous avons vu qu’on faisait des misères au Bon Dieu, nous nous sommes levés pour Le défendre.» En mars 1793, l’armée vendéenne a conquis Saumur et Angers; maîtresse des deux rives de la Loire, elle tient, pour un moment, l’armée révolutionnaire en échec. Le retour de Noël Pinot au Louroux est un triomphe. Plusieurs prêtres jureurs sont passés par là sans pouvoir s’y maintenir. La foi du troupeau n’a pas fléchi. Quelle joie pour le cœur du pasteur, après tant d’épreuves! Mais ce n’est qu’une éclaircie entre deux orages. Le désastre de l’armée vendéenne sous les murs de Nantes, en juin 1793, rouvre l’ère de la persécution. La Convention nationale expédie dans l’ouest des «représentants du peuple en mission», dont les pouvoirs sont sans limite: ils incarnent la Terreur provinciale, souvent bien plus terrible que la Terreur parisienne. C’est le cas en Maine-et-Loire avec Francastel, un émule de Carrier, le “bourreau de Nantes”. La chasse aux prêtres réfractaires recommence. Noël Pinot doit reprendre les déguisements et l’existence de proscrit. Il pourrait fuir à l’étranger comme de nombreux ecclésiastiques, mais il préfère rester parmi ceux que Dieu lui a confiés, pensant pouvoir encore leur être utile. La grande majorité de ses paroissiens lui est dévouée; toutefois, le pays, il le sait, a aussi ses démagogues et une trahison est toujours possible. Jugeant l’heure venue pour le bon pasteur d’exposer sa vie pour ses brebis, il reste.

L’Église des catacombes

La vaste étendue de sa paroisse, coupée de landes et de bois, permet à l’abbé Noël Pinot de se cacher dans des fermes isolées. L’affection vigilante et la discrétion absolue des fidèles font bonne garde autour de ses cachettes; il doit cependant en changer souvent car la garde nationale soupçonne sa présence et les perquisitions sont fréquentes. Durant le jour, il demeure enfermé dans des greniers ou des étables, y dormant tant bien que mal, priant, lisant ou écrivant. La nuit venue, il sort pour aller administrer les sacrements aux malades jusque dans les paroisses voisines dont les curés sont presque tous prisonniers, exilés, ou déjà mis à mort. Il baptise les nouveau-nés, instruit les enfants, reçoit les fidèles, les confesse, les réconforte. À minuit, on prépare le nécessaire pour la célébration de la Messe, et les fidèles – qui s’exposent ainsi à la mort avec leur pasteur – peuvent participer au Saint-Sacrifice et communier. La vie religieuse continue, digne de celle des catacombes.

L’abbé Noël Pinot maintenait la vie chrétienne par la catéchèse, la prière et les sacrements; il insistait sur la prière en famille. Ces avis sont toujours d’actualité: «La famille chrétienne est le premier foyer de l’éducation à la prière. La prière quotidienne en famille est particulièrement recommandée, parce qu’elle est le premier témoignage de la vie de prière de l’Église. La catéchèse, les groupes de prière, la “direction spirituelle”, constituent une école et une aide à la prière» (Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique, n. 565). Le Catéchisme lui-même précise: «La mémorisation des prières fondamentales offre un support indispensable à la vie de la prière, mais il est important d’en faire goûter le sens» (CEC, 2688).

L’année 1794 commence dans le sang et les larmes. Robespierre se trouve à l’apogée de sa dictature. Tout culte public chrétien est supprimé, même celui rendu par l’Église schismatique, dite constitutionnelle. Les églises désaffectées sont transformées en dépôts d’armes ou en clubs révolutionnaires. Le Comité de salut public amplifie son œuvre de ruine de l’Église. Il applique impitoyablement le décret du 21 octobre 1793, qui punit de mort tout prêtre réfractaire non expatrié dans le délai de dix jours. Au citoyen qui dénonce un prêtre, on offre cent livres de récompense. Noël Pinot n’a plus une pierre où reposer sa tête, et sa fortune tient tout entière dans son sac de proscrit: quelques linges et le nécessaire pour célébrer la Messe. Les souffrances, les épreuves physiques et morales de l’existence qu’il mène depuis l’été 1793 achèvent de briser les liens qui peuvent l’attacher à la terre; l’amour du Christ, le zèle du service des âmes et sa charité pour ses paroissiens lui donnent seuls le courage de continuer la lutte.

Niquet, le traître

Les mailles du filet se resserrent autour du proscrit. On lui propose de se retirer dans un lieu éloigné plus tranquille, mais il refuse. Chaque jour, il se prépare à la mort; s’il est livré, il aura la consolation de se dire qu’il n’a pas été trahi par ses dévoués paroissiens des campagnes. Du reste, il les admire: ils sacrifieraient tout, même leur vie, pour sauver leur curé; pour découvrir son asile, les gardes nationaux les molestent, les pillent et dévastent en vain leurs logis. Mais “la puissance des ténèbres” a son heure. Le 8 février, l’abbé Pinot se trouve au village de la Milandrerie, à quelques kilomètres du bourg, chez une pieuse veuve, madame Peltier-Tallandier. À la nuit tombante, il prend l’air dans le jardin, lorsqu’un ouvrier, surnommé Niquet, que le curé a autrefois largement secouru de ses aumônes, le reconnaît malgré l’obscurité. L’espoir de la prime de cent livres lui fait oublier tous les bienfaits reçus. Niquet court dénoncer Noël Pinot. Immédiatement, la garde nationale se met en route. Vers onze heures, la maison est cernée. Chez la veuve, on n’a rien soupçonné, tout est prêt pour la Messe quand des coups retentissent sur la porte. On a juste le temps de cacher le prêtre dans un grand coffre, de faire disparaître les objets liturgiques et Madame Peltier ouvre. Comme la vaillante veuve refuse de parler, on fouille la maison sans rien trouver. Un des gardes, enrôlé de force, en passant près du coffre soulève le couvercle d’un air distrait puis le laisse retomber en pâlissant. Il vient de découvrir le proscrit et hésite à le dénoncer. Mais Niquet a tout remarqué: «Tu as trouvé le curé, lui crie-t-il, furieux, et tu veux le cacher?» Il soulève le couvercle et le prêtre sort, le visage grave et tranquille. Il fixe le traître dans les yeux. Une protestation unique sort de ses lèvres à l’adresse de l’ingrat, et c’est comme un écho de Gethsémani: «Comment! c’est toi?» (cf. Lc 22, 48). Injurié, frappé, Noël Pinot se laisse lier sans résistance. Ses ornements sacerdotaux sont saisis avec lui. Il est conduit au Louroux, puis à Angers, où il comparaît devant le Comité révolutionnaire. Taxé de “très contre-révolutionnaire”, le curé est jeté dans un cachot et condamné au pain et à l’eau.

Après dix jours de détention, le réfractaire est introduit devant le tribunal révolutionnaire qui tient ses assises dans une chapelle désaffectée. Ce 21 février, la commission est présidée par le citoyen Roussel. Par une coïncidence effrayante, cet officier révolutionnaire est un prêtre apostat, assermenté d’abord, “déprêtrisé” ensuite! Mais en Anjou, son passé n’est connu de personne. La sentence prononcée, Roussel, regardant les ornements de la Messe exposés devant le tribunal, propose au condamné par dérision: «Ne serais-tu pas bien aise d’aller à la guillotine avec tes habits sacerdotaux? – Oui, acquiesce sans hésiter le confesseur de la foi, ce sera pour moi une grande satisfaction. – Eh bien, réplique l’autre, tu en seras revêtu et tu subiras la mort dans cet accoutrement.»

Un vendredi à trois heures

Lexécution a lieu le jour même. Le cortège, tambours en tête, se met en marche, et les juges accompagnent la victime revêtue des ornements. L’échafaud est dressé sur la nouvelle place, dite du Ralliement, au lieu où s’élevait la collégiale Saint-Pierre, détruite par la municipalité révolutionnaire. «Le martyr, témoignera l’abbé Gruget, prêtre fidèle au Pape et témoin oculaire, priait dans un profond recueillement. Sa figure était calme et son front rayonnait de la joie des élus; on suivait pour ainsi dire sur ses lèvres les cantiques d’action de grâces qui s’échappaient de son cœur.» Ce vendredi, à trois heures de l’après-midi (heure de la mort du Seigneur en croix), Noël Pinot se retrouve au pied de l’échafaud. La sinistre plate-forme se transfigure à ses yeux: il se voit au pied de l’autel du sacrifice réel, l’autel redevenu sanglant où, à l’image du Dieu du Calvaire, va être immolée une vraie victime. Tout naturellement les premières paroles de la Messe lui viennent aux lèvres: Introibo ad altare Dei (Je monterai à l’autel de Dieu). On lui retire sa chasuble; l’étole croisée sur la poitrine, il se présente au bourreau. De loin, l’abbé Gruget lui donne l’absolution. Un roulement de tambour… Le couperet tombe… Le sacrifice est consommé: l’âme du bon pasteur a atteint l’autel de Dieu! Ainsi meurt, le 21 février 1794, à l’âge de 48 ans, l’abbé Noël Pinot, curé du Louroux-Béconnais.

Après avoir déclaré, le 3 juin 1926, que Noël Pinot est mort martyr, en haine de la foi, le Pape Pie XI l’a béatifié le 31 octobre suivant, en la solennité du Christ-Roi. L’exemple du bienheureux rappelle cette remarque de saint Grégoire le Grand: «Nous qui célébrons les mystères de la Passion du Seigneur, nous devons imiter ce que nous faisons. Vraiment, pour nous, une hostie sera présentée à Dieu lorsque nous nous ferons nous-mêmes hostie» (cité par Paul VI, 18 novembre 1966). Que Jésus-Christ, Souverain Prêtre, nous accorde, par l’intercession du bienheureux Noël Pinot, la grâce de Lui être fidèles même dans les circonstances les plus difficiles!

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