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5 février 2014

Bienheureuse Victoire Rasoamanarivo

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Au cours de son long pontificat, le bienheureux Jean-Paul II a sillonné le monde entier pour annoncer l’Évangile. Le 30 avril 1989, à Madagascar, il s’exprimait ainsi: «Je suis heureux d’avoir pu venir chez vous pour célébrer la béatification d’une fille de votre noble peuple malgache, qui a été “colonne et fondement” pour ses frères et sœurs. Désormais, elle le sera plus encore. Victoire (Rasoamanarivo) illustre en particulier la place qui revient aux femmes dans l’Église… Vous reconnaissez en votre première bienheureuse les qualités traditionnelles de votre peuple. Beaucoup de témoins ont décrit sa patience, non pas une résignation ou une fuite devant les difficultés, mais une attitude profondément pacifiée devant ce qui attriste ou ce qui blesse, même devant le mal que l’on réprouve.»

Rasoamanarivo est née à Tananarive en 1848, quatrième enfant d’une famille de sept. Son père se fera protestant. Sa mère est connue pour sa douceur et sa bonté. La famille appartient à l’une des quinze tribus de Madagascar, les “Hovas”, qui habitent au cœur de l’île. Ni princière ni noble, elle est devenue la plus puissante et la plus riche du royaume après que la reine Ranavalona Ire (1828-1861) eut investi le grand-père de Rasoamanarivo des charges de Prince consort et de commandant en chef de l’armée. Cette famille forme un clan impénétrable installé dans de vastes maisons construites auprès du palais de la reine. Le régime politique est un despotisme absolu.

La jeune fille mène une enfance insouciante et oisive; elle connaît toutes les pratiques superstitieuses de son peuple et porte sur elle quelque amulette destinée à écarter tout malheur. Elle est âgée de treize ans lorsque meurt la reine Ranavalona Ire à qui succède Radama II, son fils. Celui-ci autorise les missionnaires catholiques à s’établir à Madagascar. Les premiers prêtres à aborder sur la grande île ont été les Pères de la Mission, envoyés par saint Vincent de Paul au xviie siècle, et fondateurs de Port-Dauphin à l’extrême sud de l’île. Mais la religion chrétienne s’est développée à Madagascar à partir de 1820, après que le pasteur protestant Jones y eut apporté la Bible. Déjà en 1830, existait un noyau important de chrétiens dont plusieurs mourront pour leur foi lors de la persécution organisée par la reine en 1835 contre les adeptes des religions étrangères. En 1855, les missionnaires catholiques ont réussi à entrer dans le pays, sous un déguisement. Grâce à la bienveillance du roi, des pères jésuites s’établissent officiellement à Tananarive pendant les derniers mois de l’année 1861. Ils sont accompagnés par deux religieuses de Saint-Joseph-de-Cluny, qui ouvrent dans la capitale la première école catholique pour jeunes filles.

«Quelqu’un me regardait!»

Rasoamanarivo, qui compte parmi les premières élèves des Sœurs, se fait remarquer par son sérieux et son ardent désir de connaître la religion. Elle racontera plus tard le fait suivant: «J’entrai comme une espiègle à l’église, avec un fruit que je me mis à manger. Soudain, mes yeux se portèrent vers le tabernacle et je fus tout interdite, comme si quelqu’un, là-bas, me regardait! J’eus honte de ce que je faisais et je sortis pour jeter ce fruit. Je rentrai ensuite à l’église et je me mis à genoux pour prier.» Le 1er novembre 1863, Rasaoma-narivo est baptisée sous le nom de Victoire, en même temps que 25 autres catéchumènes. Elle a pour marraine la supérieure des religieuses, Sœur Gonzague. Les nouveaux baptisés sont admis à la première Communion le 17 janvier suivant, et, au cours de la cérémonie, ils sont consacrés à Marie. Cette première célébration attire à l’église d’Andohalo une assistance nombreuse où se trouvent des protestants et des païens qui considèrent avec quelque inquiétude le développement du catholicisme dans le pays.

«Aux chrétiens d’aujourd’hui, affirmait le Pape Jean-Paul II, Victoire montre comment vivre son baptême. Adolescente, éduquée par les Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny, elle prépare avec sérieux son entrée dans l’Église. Découvrant les commandements de Dieu, elle est aussitôt résolue à les observer, à lutter contre le péché. Elle pratique l’obéissance à la loi de Dieu dans une heureuse liberté intérieure, comme quelqu’un qui aime… Le sacrement du Baptême, c’est vraiment pour elle se laisser saisir par la présence du Christ ressuscité… La Confirmation achèvera de faire d’elle une fidèle, un temple du Saint-Esprit, comme dit l’Apôtre… Et vous, prenez aussi exemple sur elle, lorsque vous découvrez son profond amour de la Messe qu’elle ne voulait jamais manquer. La Communion au Corps du Christ, c’est la vraie nourriture du baptisé, car c’est la rencontre la plus intime du Seigneur.»

On ne lui laisse pas le choix

Au moment de sa première Communion, Victoire a quinze ans et sa famille songe à la marier. Elle préférerait devenir religieuse, mais on ne lui laisse pas le choix. Plus tard, lors de la guerre de 1883, elle affirmera: «Le Bon Dieu ne l’a pas permis. Il pensait déjà à ce qui arrive aujourd’hui. Si j’étais religieuse en ce moment, il me serait impossible de faire pour la religion ce qu’il m’est permis de faire maintenant.» Le 13 mai 1864, Victoire épouse son cousin Radriaka; conformément aux mœurs du temps, le mariage devait demeurer dans le cercle restreint de la famille. Par son grade élevé, Radriaka commande une partie de l’armée malgache. Peu après ce mariage, Rainilaiarivony, l’oncle de Victoire et son beau-père, est nommé Premier ministre. Il est rempli d’une admiration toute spéciale pour sa nièce et la foi qu’elle professe. Cette affection sera bientôt connue de tous.

La reine Rasoherina qui a succédé à Radama II en 1863, confie l’éducation de ses enfants adoptifs aux missionnaires catholiques; mais ceux-ci sont entravés dans leur apostolat par la rivalité des protestants. À partir de 1867, le protestantisme devient religion officielle et sa puissance s’accroît lorsqu’il obtient l’adhésion de la reine Ranavalona II, qui succède en 1868 à Rasoherina. Des pressions sont exercées pour attirer les catholiques à la religion réformée. Ces pressions se font sentir même à l’intérieur de la famille du Premier ministre. Victoire, encore scolarisée malgré son âge, est contrainte à fréquenter l’école protestante. Elle en pleure jour et nuit, si bien qu’on la rend à l’école des Sœurs catholiques. Rainimaharavo, un autre oncle de Victoire, compte parmi les personnes les plus acharnées à combattre les catholiques; devenu chef de la famille, plus d’une fois il intervient auprès de sa nièce pour la gagner au protestantisme, mais Victoire oppose à ses exhortations une grande fermeté. Un jour, elle lui répond: «C’est en vain que vous espérez m’intimider par vos menaces. Elles ne servent qu’à affermir ma foi. J’attends le jour où vous me chasserez de votre maison. Alors, débarrassée de tout souci, j’irai à travers la ville, demander l’hospitalité aux personnes qui ont quelque affection pour moi. Mais quant à me faire renoncer à ma religion, personne ici-bas n’y réussira jamais.» Une autre fois, elle lui affirme: «Ma personne vous appartient, vous êtes le chef de la famille. Mais mon âme est à Dieu. Je ne l’échangerai point pour de l’argent.»

L’attachement indéfectible de Victoire à la foi catholique, qu’elle sait être la vraie, peut n’être pas compris de tous aujourd’hui, à cause de la mentalité relativiste largement répandue; pour en apprécier la justesse, il faut se souvenir d’une part, que «nous croyons à cause de l’autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper» (Catéchisme de l’Église Catholique, n. 156), et, d’autre part, que «tous les hommes sont tenus d’adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent, et de régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité» (Vatican II, Dignitatis humanæ, 1).

Le chef, c’est le Christ!

Radriaka ne partage pas les convictions de son épouse et il est loin d’être un modèle de vertu. Lui aussi tente de la faire apostasier; il lui cite cette phrase de saint Paul: Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme (cf. Ep. 5, 22-24). «Oui, c’est vrai, répond Victoire, mais le chef de l’homme et de la femme, c’est le Christ, et c’est à Lui que je me suis donnée en me donnant à toi; comment pourrait-Il vouloir que je Le trahisse pour t’obéir? Non, Radriaka, c’est impossible!» La jeune femme est soutenue par un seul cousin, Antoine Radilofera, et elle lie une amitié profonde avec une esclave, Rosalie; toutes deux prient ensemble et se soutiennent dans la foi. La persécution fortifie Victoire et la fait triompher de tout respect humain. Elle pratique sa foi sans ostentation mais sans défaillance, répondant à ceux qui s’étonnent de ses exercices de piété: «C’est ainsi que nous faisons, nous, les catholiques!» Son courage lassera les persécuteurs.

Un matin, après une nuit sans sommeil où elle a longuement récité des chapelets, Victoire se lève avant quatre heures pour aller à l’église. Peu après, un individu entre chez elle par effraction. Il y a une importante somme d’argent sur la table, mais il ne la prend pas. Victoire est encore à l’église quand on lui rapporte ce qui vient de se passer. «J’eus alors l’impression, dira-t-elle, qu’on en voulait à ma vie. Je remerciai Dieu de m’avoir protégée et je Lui promis de Le servir plus fidèlement.»

Victoire mène une existence austère, conciliant ses obligations familiales, ses devoirs de dame de cour, et une vie de prière intense à laquelle elle associe ses familiers. Sa bienveillance envers tous, ses œuvres et le témoignage de sa foi imposent le respect et lui donnent un ascendant moral indiscuté à la cour. Très tôt le matin, elle se rend à l’église, mais cela déplaît à ses proches qui postent des esclaves pour lui lancer des pierres. Une nuit, les gardes qui surveillent la cité l’arrêtent et la dénoncent au Premier ministre. Celui-ci leur dit: «Personne n’a le droit de sortir dans les rues pendant les nuits, excepté Victoire.» À l’église, Victoire est souvent à genoux, recueillie, les yeux tournés vers le tabernacle. Sa prière préférée est le Rosaire. Elle connaît tous les malades de la paroisse, les visite, les encourage et leur laisse, au besoin, une aumône. Selon les usages du temps en ce pays, Victoire, qui n’a pas d’enfants, est servie par plusieurs centaines d’esclaves. Elle les aime et s’occupe d’eux comme une mère. Un jour, elle en affranchit deux, mais ceux-ci refusent de la quitter pour continuer à la servir jusqu’à sa mort.

Un lien indissoluble

Malgré sa situation sociale élevée, Radriaka se laisse aller à ses passions et notamment à la consommation de boissons fortes. Il s’ensuit un dévergondage et une violence qui font beaucoup souffrir Victoire. La conduite de Radriaka devient tellement scandaleuse que son père, le Premier ministre, en accord avec la reine, veut rompre son mariage avec Victoire. Celle-ci se jette aux pieds de la reine et obtient qu’il ne soit pas donné suite à ce projet: «Le mariage chrétien, affirme-t-elle, est indissoluble; il a été institué par Dieu et béni par l’Église. Les hommes n’ont sur lui aucun pouvoir.» Pour favoriser la conversion de son mari, Victoire ne manque aucune occasion de lui faire accomplir des bonnes œuvres. «Sa patience inlassable, dira le Pape Jean-Paul II, renforçait sa conviction chrétienne pour demeurer fidèle aux liens indissolubles du mariage malgré les humiliations et les souffrances qu’elle endurait.»

Victoire tient honorablement son rang dans le monde, mais au milieu des distractions mondaines, elle n’oublie jamais le Christ, qui est toute sa vie. Lorsque, avec Rosalie, elles prennent congé de la famille ou de la cour, en disant: «Voici l’heure d’aller à l’église, excusez-nous», nul ne songe à les retenir ni à les blâmer. En 1876, le Père Caussèque, un missionnaire français, est nommé curé de la paroisse d’Andohalo. Il lance une petite revue d’apologétique, le Resaka, et fonde avec d’anciens élèves des Frères des Écoles Chrétiennes, un mouvement de spiritualité mariale, l’Union Catholique. Il développe la Congrégation de la Sainte Vierge, à laquelle appartient Victoire, en l’orientant vers les œuvres de charité en faveur des pauvres et des lépreux. Grâce à lui, la construction de la cathédrale de Tananarive arrive à son terme; Victoire y a contribué généreusement.

En 1883 survient le premier conflit franco-malgache, après le refus du gouvernement malgache d’accorder aux étrangers le droit de propriété. De plus, le Premier ministre a fait enlever les drapeaux français qui flottaient depuis 1840 en divers points de la côte où des chefs locaux avaient demandé la protection de la France. Ce conflit provoque le renvoi des missionnaires français et met en grand péril la communauté catholique qui compte environ 80000 personnes. La plupart d’entre elles sont encore bien novices dans la foi, et proviennent presque toutes des milieux les plus pauvres. Seule Victoire jouit de l’influence nécessaire pour défendre ceux qui, en raison de leurs relations avec les Français, sont considérés comme des traîtres. Durant les jours qui précèdent le départ des missionnaires, les églises de Tananarive sont remplies par une foule de chrétiens qui assiègent les confessionnaux et prient avec ferveur. Le 29 mai, a lieu le départ des Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny. Un climat de crainte rend impossible le recrutement de porteurs, et les religieuses quittent Tananarive à pied, au grand scandale des catholiques. Victoire alerte aussitôt le Premier ministre, son beau-père. Celui-ci donne des instructions, et les porteurs rejoignent les voyageuses à 10 km de la ville. Avant de partir, le Père Caussèque convoque les membres de l’Union Catholique et leur confie le sort des églises et des écoles pendant l’absence des missionnaires. Il dit à Victoire: «Lorsque Notre-Seigneur monta au Ciel, Marie, sa mère, resta sur la terre pour encourager et soutenir les apôtres et les premiers chrétiens; ainsi, durant l’absence des missionnaires, vous devez être l’ange gardien de la Mission catholique et le soutien des fidèles. – Mon Père, répond-elle en pleurant, je ferai ce que je pourrai.»

Au milieu des fidèles

Après le départ des missionnaires, les églises sont fermées d’autorité, et des gardes sont placés aux portes. Le dimanche qui suit, Victoire obtient leur réouverture aussi bien en ville que dans les campagnes. Pour souligner extérieurement le rôle capital attribué à Victoire, les chrétiens de Tananarive la supplient d’abandonner pour un temps la place retirée qu’elle occupe habituellement à l’église, près de la chapelle de la Sainte Vierge, et de se mettre au milieu des fidèles. Un banc est préparé et décoré pour elle, le long de la grande allée, et Victoire s’y agenouille désormais avec une grande simplicité. Ses adversaires demandent pourquoi elle se rend à l’église alors qu’on n’y célèbre plus la Messe; elle répond: «Comment a-t-on pu me poser une telle question? Bien que le Saint-Sacrement ne soit pas présent, croit-on que mon esprit reste oisif? Je me représente les missionnaires disant la Messe; j’assiste par la pensée à toutes les Messes qui se disent dans le monde entier. Je m’unis d’intention avec les saints du Ciel et avec les justes de la terre.»

En accord avec Victoire, l’Union Catholique, dirigée par un jeune noble, Paul Rafiringa, prépare un programme d’activités. Une vingtaine de membres de l’Union se partagent les onze districts autour de la capitale pour présider les réunions du dimanche, visiter les écoles et maintenir le courage des maîtres isolés. En octobre 1883, Victoire convoque tous les chefs des chrétientés et les instituteurs catholiques: «Il est faux, leur dit-elle, que le gouvernement interdise la religion catholique, comme l’affirment les protestants. La reine et le Premier ministre laissent, au contraire, toute liberté. Que les fidèles ne se troublent point des persécutions dirigées contre eux; car la persécution est la compagne inséparable de l’Église catholique. Vous êtes les colonnes de vos églises. De vous dépend leur prospérité ou leur ruine… Je ne puis pas vous visiter tous moi-même. Mais les membres de l’Union Catholique le feront à ma place et en mon nom.» Bien des catholiques sont victimes d’une véritable persécution: des maîtres d’école, emprisonnés par les gouverneurs des lointaines provinces pour avoir réuni des fidèles, ou des catholiques injustement traduits devant les tribunaux par des protestants, sont sauvés grâce aux interventions énergiques de Victoire.

Seul religieux malgache présent à Madagascar, le Frère des Écoles Chrétiennes, Raphaël, est élu Directeur général des Œuvres de l’Église. C’est un religieux fervent et digne d’éloges; mais, dans son zèle ardent, il croit bon de gouverner à son gré les différentes associations, notamment l’Union Catholique, sans leur laisser l’autonomie dont elles ont besoin. Plus d’une fois, Victoire doit intervenir pour rétablir la paix et la bonne entente entre tous; il lui faut même réprimander publiquement le Frère. Son langage ferme et courageux sauve l’Union Catholique. Bientôt, Victoire entreprend elle-même la visite des chrétientés lointaines pour leur inspirer une plus grande confiance. Elle s’emploie aussi, non sans risques, à leur procurer des secours financiers. Mais surtout, elle prie, jeûne et se mortifie pour obtenir de Dieu le retour des missionnaires.

Un baptême inespéré

Dès le rétablissement de la paix, en 1886, les missionnaires reviennent à leurs postes, après trois ans d’absence. Leur entrée solennelle à Tananarive a lieu le 29 mars. Le jour de Pâques, les membres de l’Union Catholique viennent saluer le nouvel évêque, Mgr Cazet, nouveau Vicaire apostolique de Madagascar, arrivé le 23 avril. Sa mission particulière étant terminée, Victoire reprend son humble place dans la paroisse, mais elle poursuit ses œuvres charitables, surtout en faveur des lépreux et des prisonniers. Depuis longtemps, elle souhaite la conversion au catholicisme de son mari Radriaka. Victime d’une chute mortelle, celui-ci accepte le Baptême au dernier moment; le curé de la cathédrale n’étant pas disponible, Victoire elle-même le baptise le 14 mars 1888.

Faisant écho à cet événement, le Pape Jean-Paul II remarquait: «Nous savons aussi quelle courageuse fidélité Victoire a montrée au sacrement du mariage, malgré les épreuves de son couple. Son engagement avait été scellé devant Dieu, elle n’a pas accepté de le remettre en question. Avec le soutien de la grâce, elle respecta son époux envers et contre tout et lui garda son amour, dans le désir ardent qu’il se tourne vers le Seigneur et qu’il se convertisse; il lui fut donné la consolation de voir, à la fin, son mari accepter le Baptême.»

À compter du décès de Radriaka, Victoire prend un deuil austère; n’étant plus obligée d’accompagner son mari à la cour, elle n’y paraît que rarement. Son union à Dieu devient plus constante et plus intime que jamais, à la faveur de retraites en silence où elle se fait la plus petite des participantes. Elle prend soin aussi de son oncle, l’ancien persécuteur des chrétiens, qui, tombé en disgrâce, dépouillé de tous ses biens et tenaillé par la maladie, est abandonné de tous.

En 1890, la santé de Victoire s’altère, mais elle continue à visiter le Saint-Sacrement et les malades. Lorsque la maladie l’empêche de se déplacer, on lui porte la communion à domicile. Elle fait alors préparer la maison pour que le Saint-Sacrement soit reçu avec des honneurs royaux. En 1894, son état s’aggrave; elle tient toutefois à assister à la procession de l’Assomption, le 15 août. La fatigue qui s’ensuit lui est fatale. Dans ses dernières heures, elle récite le chapelet sans discontinuer. Elle meurt le mardi 21 août 1894. «Aussitôt après, rapporte un témoin, son visage devient radieux et semble sourire.» Les funérailles ont lieu à la cathédrale devant une assistance considérable.

«Quand nous contemplons la figure de Victoire au milieu de la jeune Église de ce pays, nous comprenons mieux encore le rôle irremplaçable des fidèles laïcs, si fortement mis en valeur par le Concile Vatican II… Avec ses belles qualités de femme, Victoire, à son tour, a assumé les missions d’évangélisation, de sanctification et d’animation. Elle sut déployer une activité intense en bonne harmonie avec tous les membres de l’Église» (bienheureux Jean-Paul II).

Que l’exemple de la bienheureuse Victoire nous aide à persévérer dans la foi à travers les épreuves de cette vie, et à en témoigner jusqu’au bout!

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