20 mai 2014
Sainte Jeanne d’Arc
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Ceux qui soutiennent que Dieu n’agit pas dans l’histoire trouveront un éclatant démenti dans la vie de sainte Jeanne d’Arc. Le bienheureux Wladimir Ghika a écrit d’elle: «C’est la sainte de la confiance suprême dans les réalités surnaturelles, présence de Dieu, vérités divines, personnes vivantes de l’au-delà, anges et saints… Jeanne nous enseigne non seulement à tenir compte de ces réalités, mais à prendre hardiment sur elles notre principal appui pour mieux suffire aux tâches que nous avons à remplir en ce monde.» L’authenticité historique des événements de la vie de Jeanne, corroborée par les nombreuses dépositions de témoins oculaires, est indéniable. Grâce aux actes des procès de condamnation puis de nullité, nous sommes en mesure de retracer l’épopée de Jeanne et d’admirer l’étonnant franc-parler avec lequel elle s’adressait aux plus grands de la terre.
Fille de simples et honnêtes laboureurs, Jacques d’Arc et Isabelle Romée, Jehanne (selon l’orthographe de l’époque) naît, selon la tradition, le jour de l’Épiphanie 1412. La famille est établie en Lorraine française, à Domremy: la partie du village où habite Jeanne est terre de France depuis 1299. Jeanne coule une enfance relativement paisible au milieu de ses frères et sœur, Jacques, Catherine, Jean et Pierre, se montrant particulièrement attentive aux services qu’elle peut rendre à ses parents. En grandissant, la jeune fille témoigne d’une compassion pleine de sollicitude envers les pauvres. Elle est bonne chrétienne et souvent, le samedi, se rend à l’ermitage de Bermont, sur une hauteur près du village de Greux. Elle aime à y prier la Sainte Vierge et à lui offrir des cierges. La dévotion au Nom de Jésus, prêchée à la même époque par saint Bernardin de Sienne, occupe aussi une grande place dans son cœur.
Pourtant, le royaume est plongé depuis 1337 dans la guerre de Cent Ans. Étant eux aussi descendants de Philippe Le Bel, par les femmes, les Plantagenêts d’Angleterre revendiquent par les armes un droit à la couronne de France. Le pays est divisé entre Armagnacs, partisans du roi légitime, et Bourguignons, alliés des Anglais. Des troupes de soldats de tous partis sillonnent le pays et le mettent au pillage, en sorte qu’on ne peut semer ou récolter que sous escorte. Le roi Charles VI a perdu la raison. En 1420, au traité de Troyes (conclut entre la reine Isabeau, femme de Charles VI, le roi Henri V d’Angleterre et le duc de Bourgogne), le dauphin (futur Charles VII) est déshérité en faveur d’Henri V d’Angleterre; de plus, il est prévu que l’unification des couronnes de France et d’Angleterre se fera après la mort du roi Charles VI. Mais, lorsque les souverains des deux nations (Charles VI et Henri V) décèdent, en 1422, le dauphin se déclare roi sous le nom de Charles VII, tandis que le duc de Bedford, régent d’Angleterre, proclame roi de France et d’Angleterre le fils d’Henri V, le jeune Henri VI qui n’a qu’un an.
«Va, fille de Dieu!»
En 1425, Jeanne a treize ans quand, un jour vers midi, elle entend une voix émanant d’une source étonnante de lumière, dans le jardin de son père. Elle est d’abord effrayée, mais saint Michel se fait bientôt connaître. Le messager divin lui annonce la fréquente visite des saintes Catherine et Marguerite «pour l’aider à se bien gouverner». Jeanne fait aussitôt vœu de chasteté; désormais, elle se présentera comme “la Pucelle”, c’est-à-dire la vierge: «Avec le vœu de virginité, Jeanne consacre de manière exclusive toute sa personne à l’unique Amour de Jésus; c’est la promesse qu’elle a faite à Notre-Seigneur de bien garder sa virginité de corps et d’âme. La virginité de l’âme est l’état de grâce, valeur suprême plus précieuse pour elle que la vie: c’est un don de Dieu qui doit être reçu et conservé avec humilité et confiance» (Benoît XVI, Audience générale, 26 janvier 2011). Dès lors, la jeune fille devient plus réservée pour les jeux, fréquente davantage l’église et assiste à la Messe chaque fois qu’elle le peut. L’ange lui a confié, de par Dieu, la mission de secourir le roi pour soulager la grande pitié du royaume de France. Jeanne ignore tout du maniement des armes: comment pourrait-elle mener des hommes au combat? Elle pleure à l’idée de quitter sa famille. L’ange la rassure: «Va, fille de Dieu! Le Roi du Ciel te sera en aide, Il pourvoira à ce qui te manque.»
Dans un premier temps, elle ne dit rien à ses parents. En mai 1428, profitant d’un séjour chez Durand Laxart, un cousin par alliance à qui elle s’est confiée, elle se fait accompagner à la châtellenie royale de Vaucouleurs. Là, elle prie le capitaine Robert de Baudricourt de faire dire au dauphin de ne pas engager le combat avant la mi-carême (3 mars 1429) car il aura alors du secours. Mais elle est éconduite avec rudesse.
«Plutôt aujourd’hui que demain!»
En octobre, les Anglais mettent le siège devant Orléans, une place stratégique qui commande le passage de la Loire et protège les régions restées fidèles au dauphin. Si Orléans tombe, tout le royaume sera anglais. Jeanne sait qu’elle doit s’y rendre pour libérer la ville: «Puisque Dieu le commandait, eussé-je eu cent pères et cent mères, eussé-je été fille de roi, je serais partie!», affirmera-t-elle. Au lendemain de ses dix-sept ans, elle quitte définitivement Domremy et se rend de nouveau auprès de Baudricourt dont elle attend une escorte pour rejoindre le dauphin. Elle essuie un nouveau refus; mais Jean de Metz, un écuyer, l’a remarquée, et il l’interroge sur ses intentions. «Il faut que je sois auprès du dauphin avant la mi-carême, répond-elle, dussé-je m’y user les pieds jusqu’aux genoux…, bien que j’eusse beaucoup préféré rester à filer auprès de ma pauvre mère…, mais il faut que j’aille et que je fasse cela, car mon Seigneur le veut.» En apprenant que son Seigneur n’est autre que Dieu, Jean s’engage à la conduire auprès de Charles et lui demande quand elle veut partir. «Plutôt aujourd’hui que demain, répond-elle, et demain que plus tard.» Après un pèlerinage à Saint-Nicolas-de-Port, en Lorraine, elle retourne à Vaucouleurs et annonce à Baudricourt que l’armée royale vient d’être défaite. Impressionné, celui-ci donne à Jeanne, désormais habillée en homme, une escorte de six compagnons; le départ a lieu le 13 février.
Le trajet de Vaucouleurs à Chinon est un périple de près de 600 km en territoire ennemi. Jeanne impressionne les hommes par sa résistance aux fatigues et sa pureté simple qui élève leurs âmes. Elle entre à Chinon le 23 février. Trois cents chevaliers se pressent dans la salle de réception, mais elle va droit au dauphin qui se dissimule parmi eux et lui dit: «Gentil dauphin, j’ai nom Jeanne la Pucelle, et le Roi des Cieux vous fait savoir par moi que vous serez sacré et couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des Cieux qui est Roi de France.» Elle révèle alors au dauphin un secret dont lui seul et Dieu pouvaient avoir connaissance. Convaincu sur le moment, Charles, qui est d’un tempérament hésitant, va cependant éprouver Jeanne.
La Pucelle demeure trois semaines à Chinon. Dans l’intervalle, Charles lui présente le duc Jean d’Alençon, prince du sang qu’elle salue ainsi: «Vous, soyez le très bienvenu. Plus ils seront ensemble du sang royal de France, mieux ce sera.» Le duc témoignera que le lendemain, après la Messe du roi, Jeanne a demandé au dauphin de faire la libre donation de son royaume au Roi des Cieux, condition pour qu’Il le restaure dans ses droits. Le dauphin fait interroger la Pucelle par un collège de théologiens réunis à Poitiers. Là, elle dicte une lettre aux Anglais qu’elle invite, au nom de Jésus, à conclure une véritable paix dans la justice. Aucune réponse ne lui parviendra. Cependant les interrogatoires mettent la patience de la jeune fille à rude épreuve. On lui demande un signe de sa mission, mais elle rétorque que si on la conduit à Orléans, on verra les signes pour lesquels elle a été envoyée. Elle fait à cette occasion quatre prophéties: la levée du siège, le sacre à Reims, la libération de Paris et celle du duc Charles d’Orléans, prisonnier en Angleterre. Quand on lui objecte que Dieu pourrait libérer la France sans moyens humains, elle déclare: «En nom Dieu, les hommes d’armes combattront, et Dieu donnera la victoire.» Les juges sont d’avis que Jeanne est bonne chrétienne et qu’on peut lui faire confiance. Le dauphin lui enjoint alors de travailler au ravitaillement d’Orléans, sous la direction du duc d’Alençon. À Tours, Jeanne se fait confectionner un étendard fleurdelysé «sur lequel est peint l’image de Notre-Seigneur tenant le monde: icône de sa mission politique. La libération de son peuple est une œuvre de justice humaine, que Jeanne accomplit dans la charité, par amour de Jésus. Elle est un bel exemple de sainteté pour les laïcs engagés dans la vie politique, en particulier dans les situations les plus difficiles» (Benoît XVI, ibidem).
La “Pucelle d’Orléans”
Le 25 avril, Jeanne rejoint l’armée à Blois. Son premier soin est d’en chasser les femmes de mauvaise vie, car «ce sont les péchés qui font perdre les batailles», et ensuite d’engager les hommes à se confesser. Elle ne tolère pas qu’on blasphème, et le duc d’Alençon avouera qu’il se retenait devant elle par peur des réprimandes. Par la bonté, le courage (elle déclarera n’avoir jamais répandu le sang; elle était pourtant toujours en première ligne) et l’extraordinaire pureté dont sa vie témoigne, Jeanne accomplit auprès des soldats une vraie mission d’évangélisation. Le 28, la Pucelle est en vue d’Orléans (sise sur la rive droite de la Loire), mais, contrairement à son attente, on la conduit par la rive gauche. Le Bâtard d’Orléans (que l’on nommera plus tard Dunois), chef de la place forte, se présente face à Jeanne qui le salue sèchement: «Est-ce vous qui avez donné le conseil que je vienne ici de ce côté du fleuve, et que je n’aille pas tout droit, là où sont Talbot et les Anglais? – Moi-même et d’autres plus sages ont donné ce conseil qui paraît le plus sûr. – En nom Dieu, le conseil du Seigneur notre Dieu est plus sage et plus sûr que le vôtre… Je vous apporte le secours du Roi des Cieux qui, à la requête de saint Louis et de saint Charlemagne, a eu pitié de la ville d’Orléans.» À ce moment le vent, qui était contraire, tourne, et les embarcations destinées à l’approvisionnement de la cité peuvent remonter le courant et accoster. Le lendemain, la Pucelle est accueillie dans la ville comme une libératrice. Les jours suivants, elle enchaîne une série de coups de main qui sont autant de coups de maître, en sorte que, le 8 mai, les troupes anglaises quittent les lieux. Pour la postérité, Jeanne restera la “Pucelle d’Orléans”.
«Il sera sacré!»
Le 13 mai, Jeanne rencontre le dauphin à Tours, où elle défend le projet du sacre contre l’avis du conseil royal. Une fois le roi couronné, assure-t-elle, la puissance des ennemis ne fera que décroître. Le 30, la marche sur Reims est décidée. La campagne de la Loire, sous le commandement du duc d’Alençon, doit assurer la sécurité d’Orléans. Il s’ensuit une série de glorieuses batailles: Jargeau, Beaugency, Meung, Patay, où l’assistance divine est palpable. Malgré ces victoires, le dauphin hésite encore à se mettre en route. L’armée est cependant enthousiaste, et Jeanne pleine d’assurance: «Je mènerai, dit-elle, le gentil dauphin Charles et sa compagnie sûrement, et il sera sacré à Reims.» Le 29 juin, Charles se met enfin en route pour une chevauchée de 200 km sur des terres ennemies. Les villes font leur soumission les unes après les autres sans coup férir. Le 16 juillet, la garnison anglaise quitte Reims où le roi est accueilli. Toute la nuit sert aux préparatifs du sacre qui doit être célébré le lendemain. Dans la grandiose cathédrale, l’archevêque de la ville, Regnault de Chartres, oint le dauphin avec l’huile de la Sainte Ampoule, place sur sa tête la couronne et le fait roi. Il sera désormais reconnu comme tel par bien des villes où il passera. Jeanne se réjouit de voir son étendard près du roi: «Il avait été si souvent à la peine, il était juste qu’il fût à l’honneur.» Pour seule récompense de ses services, elle demande l’exemption perpétuelle des impôts royaux pour Greux et Domremy.
Le jour même de la cérémonie, alors que dans l’élan de la victoire, l’armée du sacre se trouve toute proche de la capitale, le roi engage des pourparlers de trêve avec les Bourguignons contre la promesse de la reddition de Paris. En fait, il s’agissait pour le duc de Bourgogne de laisser le temps à 3500 Anglais partis le 15 juillet de Calais, de prendre pied pour contrer la marche royale. Le roi entame une série de contremarches hésitantes qui le conduisent à Compiègne. Là, Jeanne fait savoir au duc d’Alençon qu’elle compte aller voir Paris de plus près. Le 8 septembre, ils donnent l’assaut: Jeanne est blessée à la jambe d’un trait d’arbalète, mais elle encourage encore les assaillants. On la retire des fossés et on quitte le champ pour la nuit. Le lendemain, le roi rappelle ses capitaines. L’armée royale reprend la route de la Loire, puis est licenciée fin septembre. Il faudra attendre six ans pour que Paris soit libéré.
Le conseil royal, jaloux des succès de la Pucelle, persuade le roi de séparer Jeanne et le duc d’Alençon: ils forment un tandem trop belliqueux et gênent le projet d’obtenir la paix par voie diplomatique. Le duc de Bourgogne entre pleinement dans le jeu des négociations françaises, alors qu’il prépare en secret avec Bedford la reconquête des villes perdues. Jeanne, d’abord éloignée du roi par des missions sans importance décisive, est rappelée par celui-ci pour être anoblie, avec sa famille, le 29 décembre. En février 1430, Reims et Troyes sont menacés par les Bourguignons. Jeanne soutient ces villes de tout son pouvoir. Face à l’inertie du roi, elle prend les devants et, début avril, gagne Lagny, entre Saint-Denis et Meaux. Là, elle ressuscite par sa prière un enfant mort depuis trois jours. Le petit, qui était déjà noir, reprend assez de vie pour être baptisé, puis il meurt à nouveau et entre en Paradis.
Vendue et trahie
Le 22 avril, les voix de Jeanne l’avertissent qu’elle sera prise avant deux mois; elles lui recommandent de ne pas s’inquiéter et de «prendre tout en gré», car Dieu l’assistera. La Pucelle vole au secours de Compiègne assiégée par les Bourguignons et entre en ville accompagnée de 400 hommes d’armes. Le 23 mai, après avoir communié à la Messe, elle s’adresse à la foule qui l’entoure: «Mes chers amis, on m’a vendue et trahie, je serai bientôt mise à mort. Priez pour moi, car je ne servirai plus le roi ni le royaume de France.» Le jour même, Jeanne fait une sortie, mais l’action tourne mal et, pendant la retraite, elle est faite prisonnière devant les portes de la ville qu’elle a trouvées fermées. On lui intime de donner sa foi (sa parole) de se laisser mener, mais elle rétorque: «J’ai donné ma foi à un autre qu’à vous et je lui tiendrai mon serment.» Traînée de geôles en cachots, Jeanne tente en vain de s’évader. Une première fois, elle parvient à enfermer ses gardiens, mais elle est reconnue au moment de sortir des bâtiments. À Beaurevoir, elle se laisse glisser d’une tour de plus de quinze mètres malgré l’avis contraire de ses voix. On la retrouve évanouie. Sainte Catherine la console, lui enjoint de se confesser et de conserver la paix en toutes circonstances. À la fin du mois d’août, elle est vendue, et le 19 novembre, livrée aux Anglais qui la conduisent à Rouen; ils atteignent la ville le 23 décembre.
Là, l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, mandaté par Bedford, a dressé son plan: discréditer la Pucelle par un procès en hérésie et sorcellerie. Quand la jeune fille demande les sacrements pour Noël, il les lui refuse. Alors qu’elle aurait dû, selon le droit ecclésiastique, être gardée par des femmes dans une prison d’église, elle est détenue dans une tour où cinq soldats anglais la maltraitent et l’enchaînent la nuit. Le 21 février, Jeanne tout juste âgée de dix-neuf ans, épuisée par neuf mois d’une dure captivité, comparaît devant Cauchon entouré de plus de quarante assesseurs. Six sessions publiques se déroulent jusqu’au 3 mars. Chaque fois, pendant au moins trois heures, Jeanne est prise sous le feu roulant de questions captieuses. Elle demande un défenseur, un jury mixte anglais et français, ainsi que la possibilité d’assister à la Messe. Cauchon refuse tout. À chaque session, il la harcèle longuement. Jeanne fait clairement savoir qu’elle a promis de ne rien révéler concernant son roi: «Vous ne devez pas vouloir que je me parjure… Vous dites que vous êtes mon juge. Considérez sérieusement ce que vous faites; car en vérité, j’ai été envoyée de la part de Dieu. Vous vous jetez dans un grand danger.» Du 4 au 9 mars, les docteurs se réunissent pour exploiter les réponses et préparer l’interrogatoire supplémentaire qui aura lieu à huis clos. Les questions tourneront autour de la moralité de Jeanne et de ses voix, de sa soumission à l’Église, du signe donné au roi et de son habit d’homme.
Dans le danger, Jeanne a recours au Seigneur, à qui elle se confie dans la prière: «Très doux Dieu, en l’honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m’aimez, que vous me révéliez comment je dois répondre à ces gens d’Église.» De fait, les paroles de la sainte brilleront d’une sagesse inspirée. «Pourquoi est-ce vous plutôt qu’une autre que Dieu a choisie pour délivrer Orléans? lui demande-t-on. – Il plut à Dieu de faire cette œuvre par une humble et pauvre fille. – Que demandez-vous à vos voix comme récompense? – Une seule: le salut de mon âme. – Avez-vous besoin de vous confesser, croyant à la parole de vos Voix que vous serez sauvée? – Je ne sais point que j’aie péché mortellement… pour ce qui est de me confesser, je le voudrais cependant, je pense qu’on ne saurait trop purifier sa conscience. – Êtes-vous en état de grâce? – Si je n’y suis, Dieu m’y mette, si j’y suis, Dieu m’y garde. Cependant je serais la plus malheureuse femme du monde si je savais être en état de péché mortel. – Fondiez-vous l’espérance de la victoire sur vous ou sur votre étendard? – Ni sur moi, ni sur mon étendard; ma confiance était toute en Notre-Seigneur Jésus-Christ.»
Aimer l’Église jusqu’à la fin
On veut convaincre Jeanne d’hérésie en montrant qu’elle ne se soumet pas aux décisions de l’Église, à qui Cauchon et ses assesseurs s’identifient. On la presse: «Un jour, vous en rapporterez-vous à l’avis de l’Église? – Je m’en rapporte à Notre-Seigneur qui m’a envoyée, à Notre-Dame, aux saints du Paradis. M’est avis que de Notre-Seigneur et de l’Église, c’est tout un, et que de cela on ne doit pas faire de difficulté. Pourquoi faites-vous difficulté sur cela?» Le Pape Benoît XVI dira: «Cette affirmation, reprise par le Catéchisme de l’Église Catholique au n. 795, possède un caractère vraiment héroïque dans le contexte du procès de condamnation, face à ses juges, hommes d’Église, qui la persécutèrent et la condamnèrent. Dans l’amour de Jésus, Jeanne trouve la force d’aimer l’Église jusqu’à la fin, même au moment de sa condamnation» (ibidem).
À plusieurs reprises, Jeanne fait appel au jugement du Pape, mais ses juges n’en tiennent pas compte. Après un simulacre de procès, Cauchon condamne la Pucelle à être brûlée vive sur la place du vieux marché. L’exécution a lieu le 30 mai 1431: Jeanne reçoit les sacrements puis demande qu’on lui mette le crucifix sous les yeux tant que dure le supplice. Elle expire ainsi en regardant Jésus crucifié et en prononçant plusieurs fois et à haute voix son saint Nom. Les bourreaux jetteront à la Seine le cœur de la sainte, retrouvé intact parmi les cendres.
Après la mort de Jeanne, ses prophéties se réalisèrent: le duc d’Orléans rentra en France, Paris fut libéré le 13 avril 1436, et la guerre de Cent Ans prit fin en 1453 avec la prise de Bordeaux. En 1456, un long procès mit en relief l’innocence et la parfaite fidélité de Jeanne à l’Église. Béatifiée par saint Pie X en 1909, la Pucelle a été canonisée le 16 mai 1920 par Benoît XV, et nommée patronne secondaire de la France (Notre-Dame en est la patronne principale), le 2 mars 1922.
«Chers frères et sœurs, le Nom de Jésus, invoqué par notre sainte jusqu’aux derniers instants de sa vie terrestre, était comme le souffle incessant de son âme, comme le battement de son cœur, le centre de toute sa vie. “Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc”, qui avait tant fasciné le poète Charles Péguy, est cet amour total pour Jésus, et pour son prochain en Jésus et pour Jésus. Cette sainte avait compris que l’Amour embrasse toute la réalité de Dieu et de l’homme, du ciel et de la terre, de l’Église et du monde. Jésus est toujours à la première place dans sa vie, selon sa belle expression: “Messire Dieu premier servi”. L’aimer signifie toujours obéir à sa volonté» (ibidem). Que la Sainte de la Patrie nous obtienne cet amour brûlant de Jésus qui seul peut renouveler la société!
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