27 juin 2014
Saint Jean d’Avila
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Le 7 octobre 2012, le Pape Benoît XVI a déclaré saint Jean d’Avila docteur de l’Église. «Grand connaisseur des Saintes Écritures, disait le Saint-Père, ce prêtre était doté d’un ardent esprit missionnaire. Il a su pénétrer avec une profondeur singulière les mystères de la Rédemption opérée par le Christ pour l’humanité. Homme de Dieu, il unissait la prière constante à l’action apostolique. Il s’est consacré à la prédication et au développement de la pratique des sacrements, en concentrant sa mission sur l’amélioration de la formation des candidats au sacerdoce, des religieux et des laïcs, en vue d’une réforme féconde de l’Église.» Peu connu en France mais très célèbre en Espagne, Jean d’Avila a profondément marqué l’Église de ce pays au xvie siècle.
Né en 1500 dans un bourg du sud de la Nouvelle-Castille, fils d’Antoine Avila, riche marchand, et de Catherine Xixona, Jean d’Avila n’a pas de lien familial avec la grande sainte Thérèse (1515-1582). Sa petite enfance s’écoule paisiblement. En 1514, il se rend à Salamanque pour étudier le droit à l’université la plus célèbre de la péninsule, mais, en 1517, il quitte la ville sans diplôme et se retire dans sa famille. «Alors qu’il se rendait à une course de taureaux et à des joutes, écrit un historien contemporain, le Seigneur lui révéla si vivement l’insouciance du monde devant la mort et son oubli du chemin du salut, qu’il s’emporta contre lui-même, tant il était pris comme les autres par ce qui est futile, et oublieux des comptes qu’il faudrait rendre à Dieu… Revenu chez lui, il consacra de longs moments à considérer la vanité des choses de ce monde… et en vint à abandonner l’étude du droit pour s’occuper uniquement des affaires de Dieu.» Saint Grégoire rapporte une décision semblable chez saint Benoît encore adolescent: les parents de celui-ci «l’envoyèrent à Rome pour s’y livrer à l’étude des lettres. Mais il s’aperçut que c’était l’occasion pour beaucoup de tomber dans l’abîme des vices: aussi, à peine eut-il mis le pied dans le monde qu’il le retira, de peur que, pour avoir pris quelque contact avec ladite science, il ne soit en contrepartie précipité tout entier dans cet abîme. Méprisant donc l’étude des lettres, il se mit en quête d’un genre de vie saint» (Dialogues, II, 1). Sans qu’on puisse nier le bienfait des études, ces exemples nous rappellent qu’on ne doit rien préférer au service de Dieu et au salut de son âme. Car le vrai bonheur, dit le Catéchisme de l’Église Catholique, «ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune œuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour» (CEC 1723).
Rentré sous le toit paternel, Jean d’Avila trouve à sa disposition une petite chambre, où il commence à faire pénitence. Il se confesse souvent et passe de longues heures en présence du Très Saint Sacrement. Un jour de 1520, un ami franciscain lui conseille d’aller étudier en Alcalá. L’Université d’Alcalá, de fondation toute récente, abrite presque tous les courants spirituels du moment, notamment l’illuminisme, vaste mouvement qui s’efforce de remédier à la dégénérescence de la chrétienté (décadence des ordres religieux, dégradation de la vertu et de la science dans le clergé), en suscitant la soif d’un christianisme intérieur “en esprit et en vérité”. L’illuminisme n’est pas exempt d’un certain subjectivisme exacerbé, teinté de mépris de la hiérarchie, des cérémonies et des sacrements de l’Église. Jean en subit l’influence. En 1523, il obtient le baccalauréat en philosophie et commence des études théologiques qu’il poursuivra jusqu’en 1526. Mais ce n’est qu’en 1537 qu’il conquerra, à Grenade, le titre de “Maestro” qui désigne, en Espagne, les docteurs en théologie.
Plutôt douze pauvres qu’un banquet
Ordonné prêtre en 1525, Jean se fait bientôt remarquer par la flamme de sa jeune éloquence et l’ardeur de sa charité. Au jour de sa première Messe, il refuse le banquet organisé en son honneur dans son village natal, pour partager son repas avec douze pauvres. Ami des humbles, il songe à partir vers ces Indes occidentales dont on parle tant depuis plus d’un quart de siècle. Mais malgré son vif désir d’embrasser la vie missionnaire, il ne part pas, un prêtre sévillan lui ayant montré un vaste champ d’apostolat dans cette Andalousie encore si peuplée de morisques, nouveaux convertis de l’islam, plus ou moins sincères. Sur l’intervention de l’archevêque de Séville, le jeune prêtre se décide à demeurer en Espagne. Il inaugure son apostolat à Séville, prêchant dans les hôpitaux, faisant le catéchisme dans des écoles pour enfants et enseignant la doctrine chrétienne sur les places. Dès lors, débute aussi sa carrière de prédicateur itinérant. Dans les maisons où on l’héberge, il enseigne à des groupes d’adultes comment faire oraison.
L’oraison mentale, au dire de sainte Thérèse d’Avila, n’est «qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé.» Le Catéchisme ajoute: «L’oraison est écoute de la Parole de Dieu… obéissance de la foi, accueil inconditionnel du serviteur, et adhésion aimante de l’enfant» (CEC 2716).
Mais dans l’auditoire de Jean se trouvent des femmes, et cela suffit à faire courir des bruits malveillants qui le forcent à abandonner cet apostolat. Il conserve toutefois sa grande liberté intérieure: un jour où il veut prêcher dans une église, un prédicateur d’indulgences accordées par le Pape l’en empêche. Tout bonnement, Jean se retire; mais les gens le suivent et laissent l’autre seul. Plus tard, celui-ci le rencontre sur la place et l’insulte puis lui donne un soufflet. Jean se jette à ses pieds pour lui demander pardon!
Écoute, ma fille!
En 1527, doña Sancha Carrillo, une élégante jeune fille de haute naissance, s’apprête à partir pour la cour en qualité de dame d’honneur de l’impératrice. Son frère, don Pedro, prêtre et disciple de Jean, la persuade de se confesser d’abord au Père Avila. Elle en revient entièrement retournée, abandonne la cour et se consacre au Seigneur: elle choisit de vivre en recluse dans deux pièces jouxtant la demeure seigneuriale; elle persévèrera jusqu’à la mort dans cet état de vie exceptionnel. Jean écrit pour elle l’Audi filia (Écoute, ma fille, Ps 45 [44], 11), son unique livre mystique. Plus tard, à Grenade, il obtiendra la conversion du futur saint Jean de Dieu, le fondateur des hôpitaux modernes. Celle de François de Borgia, prince très lié à Charles Quint et à l’impératrice Isabelle, aura lieu peu après le décès et les obsèques de cette jeune princesse admirée pour sa beauté et son intelligence: le sermon prêché à Grenade par Jean d’Avila imprimera dans l’âme de François la pensée de la vanité des biens de ce monde. À sa mort, le riche n’emportera rien; sa gloire ne descendra pas avec lui, dit le Psaume (49 [48], 18); quant au roi Ézéchias, il gémit en ces termes: Ma vie a été coupée comme la trame sous les ciseaux du tisserand; je commençais à peine de l’ourdir, quand Dieu la trancha… (Is 38, 12). Ces réflexions conduiront François de Borgia à solliciter son entrée dans la Compagnie de Jésus, dont il deviendra le troisième Préposé général; il sera canonisé en 1671.
Durant l’automne de 1531, des délateurs dénoncent Jean d’Avila au Tribunal de l’Inquisition pour hérésie: on l’accuse d’illuminisme et même de luthéranisme. En 1532, il est mis en prison à Séville. L’Inquisition espagnole est très soupçonneuse en raison des nombreuses tentatives de pénétration de l’hérésie protestante dans la péninsule. Jean d’Avila qui considère l’Évangile comme la source principale de la vie intérieure, semble se rapprocher de Luther pour qui l’Écriture Sainte est le seul guide du chrétien. D’autre part, certaines expressions de Jean sur la vie contemplative peuvent être comprises dans un sens illuministe (autonomie du chrétien “spirituel” vis-à-vis de l’Église enseignante). Il sait cependant se garder de l’illuminisme. Il écrit à un jeune homme: «Je vous informe d’une méprise, qui est de croire que le véritable amour de Dieu réside dans l’émotion que l’on ressent. Dieu ne fait pas résider son amour en ce qu’Il vous le ferait goûter, mais dans le fait de le bien comprendre, à savoir si, par amour pour Lui, vous souffrez sans compter, vous recevez tout de sa main sans rien rejeter, vous faites plus de cas d’être humble, chaste, patient, de souffrir, de vous taire et d’être méprisé pour le Christ…, que des émotions et dévotions sensibles.»
Un immense honneur
À mesure que se déroule le procès, il apparaît que le bienheureux a été victime d’une véritable machination: des riches offensés, des confrères jaloux ont tenté de lui faire expier sa sollicitude pour les pauvres ou ses succès de prédicateur. Lors des étapes critiques du pocès, Jean demeure confiant en Dieu, et refuse même d’user du droit de contredire les témoins à charge. De sa prison de Séville, il confie à ses amis: «Mes frères bien-aimés, qu’il plaise à Dieu d’ouvrir vos yeux pour reconnaître combien de faveurs Il nous a faites, là où le monde voit des désavantages; combien, à chercher l’honneur de Dieu, nous sommes honorés à être déshonorés; quel immense honneur nous est réservé à cause de l’abattement présent; qu’ils sont tendres, emplis d’amour et doux, les bras que Dieu tend pour recevoir ceux qui ont été blessés en combattant pour Lui!» Le 5 juillet 1533, le tribunal le disculpe publiquement, mais l’invite à se montrer plus prudent dans l’énoncé de la Parole de Dieu, et à réunir ses anciens auditeurs pour leur expliquer avec plus de clarté ce qu’ils n’avaient pas correctement compris. C’est l’objet d’un sermon solennel prononcé à Séville en présence des inquisiteurs, et accueilli avec enthousiasme par l’auditoire.
Déjà des disciples se sont mis à son école. Ils vont parcourir cette Andalousie dont le Christ est si souvent absent, et qui est un champ libre pour les soldats en congé prompts à tirer l’épée, les voleurs de grands chemins, les fonctionnaires indélicats, les filles perdues avec ceux qui les soutiennent, etc. La richesse s’étale orgueilleusement chez les grands et même chez les clercs… À côté d’eux, végète la foule des travailleurs des champs, pauvres comme leurs terres, souvent abandonnés des pasteurs, ignorants de la religion et guettés par la sorcellerie. Rien ne lie les disciples de Jean, ni vœu, ni promesse de stabilité ou d’obéissance: aucune hiérarchie ni organisation, à la différence de la Compagnie de Jésus, si proche pourtant par son élan. Ces nouveaux évangélisateurs contrastent avec la majorité des prêtres d’alors, sans vocation, sans formation et avides de revenus ecclésiastiques.
Arroser la graine
De Cordoue, Jean organise une grande mission à partir de 1546: il envoie ses disciples – plus de vingt-quatre – dans les campagnes. Il veut qu’ils s’en aillent deux par deux, avec la permission des évêques et sous leur autorité, qu’ils logent dans les hospices ou dans les sacristies, qu’ils n’acceptent ni honoraires de Messes, ni dons, mais qu’ils respirent la bonne odeur du Christ. Ils passeront les soirées et les fêtes à confesser les paysans; s’il y a des querelles, ils s’efforceront de rétablir la paix. La foi reçue au Baptême est comparable à une graine qui demande à être arrosée: la connaissance du Christ et l’écoute de sa Parole, le recours habituel à la prière et aux sacrements sont l’eau dont la foi a besoin pour croître et fructifier. Offrir de cette eau vivifiante aux enfants de Dieu constitue le but des missions.
Durant ces années, on envisage, dans le groupe sacerdotal de Jean, de s’organiser en une “congrégation de saints et vaillants prêtres”. Lui-même en rêve, car il voit son œuvre, commencée à Grenade en 1538, se consolider au fil des ans. Pourtant, telle n’est pas la volonté du Seigneur. Jean se sent fatigué et malade; d’ailleurs, il a rencontré la Compagnie d’Ignace de Loyola qui répond à ses aspirations: «C’est votre Ignace que le Seigneur a choisi pour être l’instrument de ce que je projetais sans pouvoir le réaliser», affirme-t-il en 1553 au Père Villanueva, venu le visiter de la part de saint Ignace. Il n’hésite pas à approuver l’entrée de certains de ses disciples dans la Compagnie de Jésus. Toutefois, le rayonnement de Jean demeure considérable. De plusieurs contrées d’Espagne et du Portugal, on s’adresse à lui pour recevoir des conseils, et on l’implore aussi pour qu’il envoie de ses disciples.
Mais il ne suffit pas de semer à la volée, il convient de former les jeunes en profondeur et de susciter des formateurs. Il s’y donne à fond et parvient à mettre sur pied des œuvres durables. À Grenade, il réorganise l’université fondée en 1532, ainsi que le collège destiné aux enfants morisques; il seconde l’archevêque dans la fondation d’un “séminaire” avant la lettre, et d’une maison destinée aux prêtres déjà ordonnés mais peu instruits en philosophie et théologie. Puis viennent les collèges de Jerez, de Cordoue et d’autres lieux. Mais le chef-d’œuvre de Jean, c’est Baeza. Là prend naissance, modèle d’organisation et de méthode, le plus célèbre collège avilien, qui, peu à peu, prend l’aspect d’une université où petits, moyens et grands trouvent leur nourriture intellectuelle et spirituelle. On y enseigne la lecture et l’écriture, la “doctrine” – c’est-à-dire le catéchisme –, et jusqu’aux plus hautes disciplines: l’Écriture sainte et la théologie. Les jeunes filles y sont admises.
Un esprit déterminé
Pressé par son zèle à promouvoir la sanctification du clergé, Jean s’efforce de seconder les efforts des pasteurs: «Profondes sont nos blessures, écrit-il au Pape à l’occasion du concile de Trente; elles ont vieilli et sont devenues inquiétantes. On ne peut les soigner avec un placebo; le temps n’est pas à la faiblesse et à la négligence. Il faut un esprit déterminé pour monter sur la Croix, nu de toutes les affections, comme le Seigneur le fit.» Il propose une conduite à tenir, déduite des leçons de l’histoire et surtout de la Parole de Dieu. Ses avis sont pratiques: humilité, cohérence, pénitence, en un mot la conversion. Par son œuvre des collèges, il inspire indirectement le concile. Le Pape Paul III, qui convoque cette assemblée en 1545, connaît bien cette œuvre puisqu’il a, le 14 mars 1538, érigé canoniquement le collège fondé par Jean à Baeza. La semence des séminaires tridentins y est incluse. Mais Avila joue un rôle plus direct dans les seconde et troisième périodes du concile, comme conseiller d’un prélat espagnol, son ancien condisciple d’Alcalá, don Pedro Guerrero, devenu archevêque de Grenade. Il lui fournit deux mémoires d’une importance capitale, qui seront en partie incorporés aux décisions conciliaires de Trente. L’un a pour titre La Réforme de l’état ecclésiastique, l’autre Avis aux Évêques. Jean est tout spécialement attentif à la catéchèse. Il publie en 1554 un bref catéchisme en vers, aussitôt traduit en italien par les Jésuites. Il fait chanter ses vers au cours de processions et de stations où l’on reprend avec les enfants la doctrine chrétienne en questions et réponses. Ses méthodes seront imitées partout en Espagne et même au-delà.
L’héritage de Jean d’Avila consiste surtout dans sa manière de prêcher, vive, évangélique, simple, ardente et pratique. Il se modèle sur saint Paul, «donné par Dieu aux païens comme prédicateur». Louis de Grenade, son auditeur, note: «Le Maître était si enflammé et si transporté par cet amour et par le désir de sauver les âmes, qu’il ne s’intéressait à rien d’autre, sinon à ce qui pourrait apporter son concours pour leur salut. De cet amour procédaient la flamme et l’esprit avec lesquels il prêchait.» L’affluence pour l’entendre était telle que la plupart des gens restaient debout. Le saint prêtre invitait les pécheurs à se réconcilier avec Dieu et s’installait au confessionnal aussitôt sa prédication terminée. Quelques-uns de ses sermons sont parvenus jusqu’à nous, simples, écrits à la façon d’un dialogue où Jean questionne et donne la réponse. Il proclame: «Nous avons un Dieu et Seigneur dont l’être est d’aimer de façon infinie… Pour témoigner de la hauteur suprême de l’amour qu’Il nous porte, il voulut nous donner son Fils aimé, afin que, possédant une preuve si parfaite, à savoir Dieu lui-même, nous donnions foi à cette vérité: Dieu nous aime!»
Le Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique commence par cette affirmation fondamentale: «Infiniment parfait et bienheureux en Lui-même, Dieu, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le rendre participant de sa vie bienheureuse. Lorsque les temps furent accomplis, Dieu le Père a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur des hommes tombés dans le péché, pour les appeler dans son Église et pour leur donner d’être ses fils adoptifs par l’action de l’Esprit Saint et les héritiers de son éternité bienheureuse.»
Après avoir présenté ce dessein bienveillant de Dieu, Jean d’Avila souligne les exigences de l’Évangile. Il fustige avec vigueur le péché, dont il montre la laideur et la malice. Car le péché «est une offense de Dieu: Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait (Ps 51 [50], 6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne nos cœurs» (CEC 1850). Jean en montre aussi les conséquences éternelles si on ne se convertit pas – l’enfer, l’éternité sans Dieu, sans amour –, afin de conduire le pécheur à renoncer à sa conduite.
Son zèle nous exhorte à retrouver le sens du péché. «Aux yeux de la foi, aucun mal n’est plus grave que le péché», nous dit le Catéchisme de l’Église Catholique (n. 1488). Mais, «pour beaucoup de fidèles, écrivait saint Jean-Paul II, la perception du péché n’est pas mesurée à l’aune de l’Évangile, mais à celle de la “normalité” sociologique» (Lettre aux Prêtres, Jeudi Saint 2001). Notre société envahie par la luxure a perdu l’estime de la chasteté; toutefois, en dépit de l’opinion de la majorité, le concubinage et l’adultère demeurent des péchés graves. Il en va de même pour la contraception. En effet, comme l’expliquait saint Jean-Paul II, «au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire selon lequel il ne s’agit plus de se donner totalement l’un à l’autre. Il en découle non seulement le refus positif de l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité interne de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière» (Exhortation apostolique Familiaris consortio, 22 novembre 1981, n. 32).
«Tu m’as cherché!»
Tout en dénonçant le péché, Jean d’Avila encourage le pécheur à la confiance en Dieu, en lui montrant Jésus-Christ, notre Rédempteur, notre Prêtre, notre Tout: «Ô Jésus, sur la Croix tu m’as cherché, tu m’as trouvé, tu m’as soigné, tu m’as libéré et aimé, livrant pour moi ta vie et ton sang aux mains de cruels bourreaux. C’est donc sur la Croix que je veux te chercher. Sur elle, je te trouve. Alors, tu me soignes et tu me libères de moi-même, moi qui contrarie ton amour en lequel réside mon salut… – Ayant vos fautes devant les yeux, levez la tête pour regarder devant vous le Crucifié, non pas le Christ mort, mais le Christ qui vous regarde et qui vous attend, les bras grands ouverts. Considérez ce qu’il a fait pour vous sur la Croix, et vous, ce que vous avez fait pour lui, ce que vous lui faites chaque jour» (Lettres 58 et 232).
De 1555 à 1559, Jean d’Avila, de plus en plus malade, presque aveugle, continue de conseiller les prêtres et les âmes éprises de perfection. Il se retire à Montilla dans une humble maison, où il meurt saintement le 10 mai 1569. Sa “compagnie”, fort diminuée en nombre, poursuivra son action jusque vers la fin du siècle, puis disparaîtra. Mais le grain semé lèvera, et le clergé d’Espagne bénéficiera grandement du zèle et des méthodes du réformateur. Donné comme patron au clergé espagnol par Pie XII en 1944, il a été canonisé par Paul VI le 31 mai 1970.
À un théologien de renom qui lui demandait conseil pour prêcher avec fruit, saint Jean d’Avila répondit: «Aimer beaucoup Notre-Seigneur.» Semblable était la recommandation primordiale de saint Benoît à ses fils spirituels: «Ne rien préférer à l’amour du Christ» (Règle, chap. 4, 21). Puissions-nous la mettre en œuvre chaque jour davantage!
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