Télécharger comme pdf

16 juillet 2008

Vénérable Georges Bellanger

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Un aumônier du cercle militaire d’Arras s’adresse, un jour de l’année 1886, à l’abbé Georges Bellanger pour demander son aide dans le ministère du sacrement de Pénitence. Ce jeune prêtre accepte, se rend au cercle et bientôt y découvre sa vocation au service des soldats. Il affirmera à celui qui l’avait invité: «C’est à vous que je dois ma vocation, car j’étais l’homme le moins fait pour être aumônier de soldats». En 1998, le Pape Jean-Paul II déclarera l’héroïcité des vertus du vénérable Georges Bellanger.
Né le 24 mai 1861, en la fête de Notre-Dame Auxiliatrice, à Bourbourg, dans le nord de la France, Georges reçoit le baptême deux jours après. Dès que possible, sa mère le porte dans l’antique église de Notre-Dame des Miracles de Saint-Omer pour le consacrer à la Vierge. Son père meurt le 24 février 1865, à la suite d’un accident, laissant six enfants. Sa veuve demeure plusieurs heures comme anéantie. Se trouvant seule avec son petit Georges, près du lit funèbre, elle lui dit: «Mon enfant, tu es orphelin. Eh bien! n’oublie pas que saint Joseph sera désormais le père de notre foyer!» Confiante en ce puissant patronage, Madame Bellanger prend en main l’exploitation agricole familiale. Levée la première de grand matin, elle commence par une longue oraison, puis distribue les tâches aux ouvriers agricoles, et se rend si possible à l’église pour la Messe. Chaque jour, on récite en commun l’Angélus, le chapelet et la prière du soir.

Un enfant difficile

Pour l’aider dans l’éducation de ses enfants, Madame Bellanger reçoit chez elle la marraine de Georges qui est institutrice. De l’aveu de celle-ci, son filleul lui «donna beaucoup plus de mal que tous les autres». Georges manifeste, en effet, une forte tendance à l’entêtement, à la colère et au mensonge. À la moindre contrariété, on le voit blêmir et rougir tour à tour, se rouler par terre et crier. Lors d’une promenade, le jeune garçon, captivé par les fleurs, tombe dans l’eau. Son institutrice l’en retire. Arrivé à la maison, encore trempé de la tête aux pieds, Georges affirme ne pas s’être approché de l’eau, sans que personne ne puisse lui faire avouer le contraire! Comprenant que les corrections n’ont qu’une prise insuffisante sur le caractère entier et capricieux de son fils, Madame Bellanger se tourne vers Dieu et s’applique à former Georges par les données de la foi, tout en faisant appel à son coeur bon et délicat. Vers l’âge de sept ou huit ans, l’enfant se laisse aller à un gros mensonge. Sa mère le prend sur ses genoux et lui demande de ne plus jamais recommencer. «Tiens, ajoute-t-elle, j’aimerais mieux te voir mort!» Cette parole laisse une impression ineffaçable dans le coeur du garçon.

Une des occupations préférées de Georges est de mimer la célébration de la Messe. Il célèbre «sa messe» à heure fixe et il faut que ceux qui sont présents à la maison y assistent avec sérieux. Madame Bellanger s’appuie sur cet attrait de son fils pour le faire réfléchir lorsqu’il se met en colère: «Fi donc, dit-elle, le vilain qui se fâche et qui, après, dira la messe!… Le bon Jésus ne voudra même pas regarder ses fleurs!» Les soins maternels portent du fruit et les emportements de Georges se font plus rares et moins violents; ils sont suivis d’un réel repentir. Dès ce temps, il s’intéresse beaucoup aux récits tirés de l’Évangile et surtout à la place qu’y tient la Vierge Marie. Il prend plaisir à réciter des Je vous salue, Marie.

Au printemps de 1870, la famille Bellanger s’établit à Moulle. En septembre 1871, Georges entre au collège ecclésiastique Saint-Bertin de Saint-Omer. La séparation d’avec les siens lui est un dur sacrifice, mais il s’habitue vite au régime du pensionnat et sa plus grande joie est d’aller prier à la chapelle. En classe, il montre de la bonne volonté et beaucoup de sérieux, mais manque d’imagination et plus encore de mémoire. Le 1er juin 1873, il fait sa première Communion et, le 18 juillet suivant, reçoit le sacrement de la Confirmation. Pendant les vacances qui suivent, une de ses cousines remarque le changement de son caractère devenu raisonnable, docile, humble et prévenant. Au collège, sa conduite lui a valu d’être admis dans la congrégation de la Sainte Vierge, et l’année suivante, il reçoit la charge enviée de sacristain. En 1876, c’est un adolescent de quinze ans en pleine santé. Il éprouve cependant quelques peines intérieures. Ses examens de conscience, qu’on pourrait croire faciles après les journées réglées du pensionnat, lui sont un supplice. Ses confessions sont anxieuses. Heureusement, avec l’aide de son confesseur, il sort de cet état pénible.

Mais d’autres souffrances l’attendent. Au retour d’une promenade, il traîne la jambe. Bientôt celle-ci devient extrêmement douloureuse. Le médecin diagnostique une coxalgie (tuberculose de la hanche). Avec le temps, l’abcès caractéristique de cette maladie se déclare. Les ponctions pour le vider sont particulièrement douloureuses. Georges redoute surtout qu’on le change de position, mais dès qu’il tient son chapelet entre les mains, il se sent mieux. Le 30 mai 1876, deux médecins avouent à Madame Bellanger que la fin est proche. Dans un ardent élan de foi, celle-ci s’écrie: «Sainte Vierge, guérissez notre petit Georges, seulement s’il doit devenir un saint prêtre!» Le 31, Georges se sent complètement guéri. Néanmoins, il restera boiteux sa vie durant.

Trop austère

En octobre 1876, Georges retourne au collège Saint-Bertin. Son regard est empreint d’une certaine tristesse, mais la souffrance l’a fait mûrir. À l’automne de 1879, il entre au grand séminaire d’Arras. Son directeur lui fait remarquer sa mine trop austère. «Comment, lui dit-il, comprenez-vous donc le conseil de saint Paul, homme sérieux pourtant s’il en fut jamais: Réjouissez-vous dans le Seigneur, toujours. Je vous le dis, je vous le répète, réjouissez-vous… mais sans perdre la modestie? (cf. Ph 4, 4-5)». Georges saisit la leçon et écrit dans ses notes intimes: «Ne pas m’imaginer que pour être animé d’un zèle véritable, il faille toujours parler des choses de Dieu. Souvent, il faut prendre part gaiement à des conversations indifférentes, se taire d’autres fois et attendre le moment favorable pour dire quelques mots d’édification».

Malgré ses efforts de convivialité, Georges reste marqué par une certaine tristesse. De fortes migraines l’assaillent souvent, mais, sans se décourager, il cherche sa force dans l’adoration eucharistique et la proximité de Marie. À l’approche du jour de son ordination au sous-diaconat, il est à nouveau envahi de tentations. Son directeur use de toute son influence pour lui rendre la paix. Le 15 juillet 1883, l’abbé Bellanger reçoit le sous-diaconat, et à Noël, il est ordonné diacre. Trop jeune pour être ordonné prêtre en 1884, Georges est nommé professeur au petit séminaire d’Arras. Le 12 juillet 1885, il reçoit avec beaucoup de ferveur l’ordination sacerdotale, puis reprend ses fonctions de professeur. Invité à collaborer au cercle militaire, l’abbé Bellanger gagne rapidement les sympathies et les confiances. Beaucoup de jeunes militaires viennent de provinces éloignées et se sentent seuls et abandonnés; les plaisirs dangereux sont pour eux une tentation permanente. Avec l’abbé, ils se sentent en famille et les soirées passées au cercle les réconfortent. L’apostolat du jeune prêtre se résume en deux mots: un coeur pour aimer les soldats, surtout les plus délaissés, et la dévotion mariale. Il donne la première place aux moyens surnaturels, convaincu que le besoin le plus grand des soldats est celui de Dieu. Il ne néglige toutefois pas les saines distractions, payant même de sa personne en jouant du piano. Dès le début de son oeuvre, il fait réciter le chapelet et donne la place d’honneur à Marie. Plus tard, il placera dans le vestibule du cercle militaire une image de Notre-Dame du Bon Conseil avec un prie-Dieu et un écriteau invitant le visiteur à saluer d’un Je vous salue, Marie la «maîtresse de la maison». Lui-même s’est fait admettre dans le Tiers-Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il se consacrera à Marie sous la forme préconisée par saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

Cependant, les hommes dont il s’occupe ne sont pas toujours dociles. Il connaît avec eux des heures amères, mais persévère contre vents et marées. «Nous avons essayé d’abord de conduire les soldats à la Très Sainte Vierge, écrira-t-il; nous leur avons mis en main un chapelet, ils l’ont récité, et Marie s’est empressée de les mener à son divin Fils en son Eucharistie». Il témoignera encore: «Chez nous, à l’oeuvre, nous avons presque tous les soirs de ces braves soldats qui vont dire le chapelet à genoux. J’en ai surpris plusieurs le disant les bras en croix… Mais ce qu’ils font presque tous, c’est de s’entretenir pour ainsi dire avec Elle pendant les longues heures de garde de jour et de nuit». L’abbé aménage une chapelle au cercle militaire et suscite chez ses soldats l’amour de l’adoration eucharistique et de la sainte Messe: «Assistons à la Messe très fidèlement, leur dit-il. C’est de beaucoup le plus grand acte de la semaine». Et il rapporte avec douleur cette remarque d’un jeune officier: «Ce qui me navre, ce qui est pour moi une énigme, c’est de voir avec quelle facilité des soldats chrétiens se passent du Saint-Sacrifice du dimanche».

«Sine dominico non possumus»

Telle n’était pas l’attitude des premiers Chrétiens: en l’an 304, l’empereur Dioclétien leur interdit, sous peine de mort, de se réunir le dimanche pour célébrer l’Eucharistie. À Abitène, petite localité de la Tunisie actuelle, 49 d’entre eux furent surpris un dimanche tandis qu’ils célébraient l’Eucharistie. Au proconsul qui lui demandait pourquoi ils avaient transgressé l’ordre de l’empereur, l’un d’eux, Éméritus, répondit: «Sine dominico non possumus», ce qui signifie: sans l’assemblée du dimanche, où nous célébrons l’Eucharistie, nous ne pouvons pas vivre. À cause de leur fidélité à la Messe dominicale, ils furent condamnés à mort. «C’est une expérience à laquelle nous devons réfléchir nous aussi, Chrétiens du XXIe siècle, disait le Pape Benoît XVI le 25 mai 2005« Nous avons besoin de ce pain (l’Eucharistie) pour affronter les fatigues et les lassitudes du voyage. Le dimanche, Jour du Seigneur, est l’occasion propice pour puiser la force en Lui, qui est le Seigneur de la vie. Le précepte de la fête n’est donc pas simplement un devoir imposé de l’extérieur. Participer à la célébration dominicale et se nourrir du Pain eucharistique est un besoin pour le Chrétien qui peut ainsi trouver l’énergie nécessaire pour le chemin à parcourir».

La relation de l’homme avec Dieu a besoin d’un temps explicite de prière. Le dimanche, qui commémore la Résurrection du Seigneur est, par excellence, le jour de la prière. Ce jour-là, on célèbre le sacrifice de la Messe, qui rend présent le mystère pascal. Ce mystère constitue la pleine révélation de celui de la création, le sommet de l’histoire du salut et l’anticipation de la vie éternelle.

À son sacrifice, le Christ unit celui de l’Église. Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient aussi le sacrifice des membres de son Corps: la vie des fidèles, leur louange, leur souffrance, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ et à sa totale offrande; ils acquièrent ainsi une valeur nouvelle.

Pour que la présence du Ressuscité au milieu des siens soit annoncée et vécue comme il convient, il ne suffit pas que les disciples du Christ prient individuellement… En effet, ceux qui ont reçu la grâce du baptême n’ont pas été sauvés seulement à titre individuel, mais comme membres du Corps mystique. Il est donc important qu’ils se réunissent pour exprimer pleinement l’identité même de l’Église.

Sanctification, joie, détente

En mémoire du repos de Dieu après la création: Au septième jour, Il chôma, après tout l’ouvrage qu’Il avait fait (Gn 2, 2), les Chrétiens font du dimanche un jour chômé; ils s’abstiennent des travaux et des affaires incompatibles avec la sanctification du jour du Seigneur, avec la joie qui lui est propre et avec la détente nécessaire. Le dimanche donne également aux fidèles l’occasion de consacrer du temps aux oeuvres de miséricorde, de charité et d’apostolat.

Dans la Lettre Dies Domini (Le jour du Seigneur) du 31 mai 1998, le Pape Jean-Paul II a souligné la richesse spirituelle et pastorale du dimanche:

«Elle est en quelque sorte une synthèse de la vie chrétienne et une condition pour bien la vivre. On comprend donc pourquoi l’observance du jour du Seigneur tient particulièrement à coeur à l’Église, et pourquoi elle reste une véritable obligation dans le cadre de la discipline ecclésiale. Cette observance, avant même d’être un précepte, doit cependant être ressentie comme un besoin inscrit au plus profond de l’existence chrétienne. Il est d’une importance capitale que tout fidèle soit convaincu qu’il ne peut vivre sa foi dans la pleine participation à la vie de la communauté chrétienne sans prendre part régulièrement à l’assemblée eucharistique dominicale».

Le zèle pastoral de l’abbé Bellanger s’exerce aussi dans le ministère du sacrement de Pénitence. Un jour, un jeune aumônier militaire lui demande: «Comment décider les soldats à se confesser? – Voilà: vous avez lu dans l’Évangile l’épisode de la rencontre de Notre-Seigneur avec la Samaritaine: Jésus s’intéresse à cette femme, lui parle de sa vie, de ce qu’elle a fait; et c’est précisément ce qui la touche et ouvre son coeur… Eh bien, avec vos soldats, faites comme le Maître. Parlez-leur de leur famille, de leurs petites affaires, puis bien vite de leur âme, probablement malade. Vous aurez bientôt trouvé la porte du coeur». L’abbé Bellanger écrira: «Que le prêtre se rappelle que sans la Très Sainte Vierge il ne peut rien… Qu’il mette donc la Très Sainte Vierge dans ses papiers, par la médaille miraculeuse ou le scapulaire remis au pénitent avant la confession, par l’Ave Maria qu’il récitera avec son pénitent au moment de commencer les aveux». Lorsqu’il le peut, l’abbé visite les soldats malades à l’hôpital d’Arras. Il leur rend de nombreux services mais surtout prend soin de leurs âmes, les aidant, le cas échéant, à bien mourir.

Le 8 mars 1891, l’abbé Bellanger procède à la bénédiction d’une nouvelle chapelle, plus grande que la précédente, bâtie sur un terrain privé. Sa joie est immense. Mais à cette époque le gouvernement français s’en prend aux oeuvres catholiques et, le 23 avril, l’autorité militaire locale reçoit de Paris l’ordre de fermer cette chapelle. Le coup est très dur pour le prêtre qui attendait tant de grâces en ce lieu. Il ne perd cependant pas sa sérénité et conduit ses soldats dans les sanctuaires d’Arras. Un ami met à son service le salon de sa maison où sont organisées des nuits de prières. De plus, l’abbé aménage un petit oratoire près de son bureau. Les soldats aiment venir y passer des heures d’adoration.

Un noviciat éprouvant

L’abbé Bellanger pense à la vie religieuse. Il voudrait voir s’établir un groupement de prêtres qui, sous le patronage de la Sainte Vierge, unissant la contemplation à l’action, s’occuperaient spécialement des jeunes gens, des soldats, des pauvres, des abandonnés. Il cherche une oeuvre s’approchant de son idéal et découvre la Congrégation des Religieux de Saint-Vincent de Paul, fondée en 1845 par le serviteur de Dieu Jean-Léon Le Prévost († 1874). Ces Religieux desservent des patronages de jeunes ouvriers et d’enfants du peuple, et s’occupent de diverses actions caritatives en vue de rechristianiser la société et de donner une réponse chrétienne aux graves problèmes sociaux. Au début de février 1894, l’abbé Bellanger rend visite au Supérieur général. Deux ans plus tard, à la suite d’innombrables Je vous salue, Marie récités à son intention par les Clarisses d’Arras, il obtient enfin la permission de son évêque d’entrer chez les Religieux de Saint-Vincent de Paul, à condition qu’il puisse continuer son apostolat à Arras. Le 4 mai, il entre donc au noviciat de Paris. De caractère entier et indépendant, habitué à organiser lui-même sa vie en toutes choses, il lui faut maintenant se soumettre au contrôle permanent du Maître des Novices. Malgré sa bonne volonté, l’effort et la lutte se lisent parfois sur son visage.

Le 2 juillet 1898, l’abbé Bellanger prononce ses premiers voeux religieux, dans la paix et la joie. Il poursuit son apostolat à Arras et lance un pressant appel à tous les couvents de France, suscite la prière des enfants, des séminaristes de tout le pays et des prêtres auxquels il demande aussi la célébration de Messes, en faveur des soldats. Au cours de l’année 1899, il écrit: «Nos soldats auront encore cette année des milliers de Messes et des centaines de milliers de Rosaires dans tous les séminaires ou maisons religieuses d’éducation de France… Que Notre-Dame du Bon Conseil est bonne de m’avoir donné le moyen de faire prier toute la France sans avoir à quitter ma chaise!» Devant son ardeur apostolique, et malgré ses infirmités, ses Supérieurs l’autorisent à prêcher des sermons, des retraites et des neuvaines dans le diocèse d’Arras.

Sa grande dévotion à Notre-Dame du Bon Conseil se manifeste par l’oeuvre d’art qu’il fait réaliser pour mettre en valeur le tableau de cette Vierge dans la chapelle de l’oeuvre militaire. La Madone y est considérée comme Reine, gardienne et Mère. La joie de l’aumônier est immense lorsque Rome autorise les Frères de Saint-Vincent de Paul à réciter l’office et célébrer la Messe de Notre-Dame du Bon Conseil, le jour de sa fête, 26 avril. C’est à la Très Sainte Vierge qu’il s’est donné tout entier afin que, par elle, l’hommage de tout son être et de toutes ses actions soit agréé de Jésus. C’est à Marie qu’il recourt à chaque instant, faisant de ses journées, par la récitation habituelle du saint Rosaire, une louange et une prière mariales presque ininterrompues. C’est encore sur elle qu’il compte pour assurer le triomphe de Jésus dans les âmes. Prêcher Marie pour gagner les âmes à Jésus, c’est sa grâce.

Une bonne partie de l’année 1899 se passe dans la souffrance de la maladie. Le Père Bellanger est obligé d’interrompre son activité apostolique pour se reposer et le médecin demande qu’il soit déchargé de l’oeuvre militaire. Le 25 mars 1900, il est nommé Maître des Novices, à Paris. Cette nomination l’affecte très douloureusement car il aurait préféré retrouver ses soldats; il accepte toutefois de l’assumer. Son premier acte est de remettre sa charge entre les mains de la Très Sainte Vierge. Sa méthode consiste surtout à donner l’exemple. Il dévoile à ses novices ce qui fait le fond de sa vie: la gloire de Dieu. Dieu «nous a créés d’abord pour le connaître et le servir, explique-t-il; notre salut ne doit être que la conséquence du règne et de la gloire de Dieu. Notre bonheur n’est inscrit que sur le verso du livre de vie; la gloire de Dieu en occupe le recto».

Un long regard d’amour

En 1901, la loi sur les Congrégations est votée par le gouvernement anticlérical de la France. Les Frères de Saint-Vincent de Paul décident de s’exiler plutôt que de solliciter l’autorisation d’exister qu’exige cette nouvelle loi, et qui leur sera probablement refusée. Au début d’octobre, le Père Bellanger et ses novices trouvent refuge à Tournai, en Belgique. Le Père passe par des épreuves spirituelles profondes: une terrible aridité envahit son âme. En outre, sa santé s’altère de nouveau. Il est atteint de phtisie (tuberculose pulmonaire). Le 12 avril 1902, le médecin conseille vivement de le reconduire dans sa famille pour qu’il se repose. Le Père comprend que ce départ est définitif. Son âme est dans une grande souffrance: «Je me laisse faire sans gaieté, avec tristesse, fait-il écrire à un ami. Ma pauvre âme ne mérite pas autre chose». La dernière semaine de juillet, le mal fait de nouveaux progrès. Immobile sur son lit, il tient d’une main son crucifix et, de l’autre, un petit tableau de Notre-Dame du Bon Conseil sur laquelle il fixe de temps en temps un long regard de détresse, d’abandon et d’amour. Le 16 août, au son de l’Angélus du soir, il rend son âme à Dieu. «Je fais le sacrifice de ma vie, avait-il dit à sa soeur, pour le bien de ma chère Congrégation… pour le noviciat… Je ne demande qu’une chose à mes novices: qu’ils n’oublient pas leur chapelet!… Fais graver sur ma petite croix de bois ces seuls mots: «Ave Maria»».

Que Notre-Dame du Bon Conseil nous obtienne la grâce de suivre les exemples du vénérable Georges Bellanger dans son zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes!

Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.