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23 août 2017

Sœur Lucie

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«À Fatima, disait le Pape François le 14 mai dernier, la Vierge a choisi le cœur innocent et la simplicité des petits François, Jacinthe et Lucie, comme dépositaires de son message… Avec la canonisation de François et Jacinthe, j’ai voulu proposer à toute l’Église leur exemple d’adhésion au Christ et de témoignage évangélique, et j’ai aussi voulu proposer à toute l’Église de prendre soin des enfants. Leur sainteté n’est pas la conséquence des apparitions, mais de la fidélité et de l’ardeur avec lesquelles ils ont répondu au privilège de voir la Vierge Marie. Après la rencontre avec la “belle Dame” – comme ils l’appelaient –, ils récitaient fréquemment le chapelet, faisaient pénitence et offraient des sacrifices pour obtenir la fin de la guerre et pour les âmes qui avaient le plus besoin de la divine miséricorde. » Lucie est demeurée sur la terre plus longtemps que ses deux cousins, comme la Vierge le lui avait annoncé.

Le 13 juin 1917, en effet, au cours de la deuxième apparition de Notre-Dame à Fatima, Lucie, la plus âgée des trois jeunes bergers, demande à la céleste visiteuse de les emmener au Ciel. « Oui, répond la Vierge, Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici un certain temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu comme des fleurs placées par moi pour orner son trône. » Un certain temps ? Ce sera pour Lucie près de quatre-vingt-dix années…

« Nous le voulons ! »

Septième enfant d’Antonio et de Maria Rosa dos Santos, Lucie naît le Jeudi Saint 28 mars 1907, au hameau d’Aljustrel, proche de Fatima, au centre du Portugal. Elle reçoit le Baptême le Samedi Saint. Maria Rosa, femme au cœur plein de tendresse, éduque avec fermeté ses enfants, et, parce qu’elle les aime beaucoup, ne tolère aucun caprice. Au printemps de 1913, Lucie fait sa première Communion. Elle se sent envahie par une paix profonde : « Seigneur, faites de moi une sainte, dit-elle au fond de son cœur, conservez mon cœur toujours pur pour Vous seul ! » On lui confie la tâche de conduire les brebis dans les pâturages ; à partir de 1916, ses cousins François et Jacinthe se joignent à elle. En cette même année, à trois reprises, ils voient un ange qui les exhorte à beaucoup prier et à faire des sacrifices en réparation pour les péchés par lesquels Dieu est offensé. Le 13 mai 1917, la Très Sainte Vierge leur apparaît à la Cova da Iria, un terrain appartenant aux parents de Lucie : « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ? – Oui, nous le voulons. – Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort. Récitez le chapelet tous les jours pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre. »

Dès lors, Lucie commence à rencontrer des épreuves. Malgré sa promesse de garder le secret sur l’apparition, Jacinthe n’a pu s’empêcher de dire ce qu’elle a vu. Mise au courant, la famille de Lucie refuse de croire à la réalité des apparitions. Maria Rosa pense que sa fille ment et elle ne peut le supporter. À partir du 13 juin, de nombreux curieux viennent interroger Lucie : leur sans-gêne importune Maria Rosa. De plus, les cultures de la Cova da Iria sont endommagées par les pèlerins, et on l’impute à Lucie. Quant au curé, il lui déclare que ses visions pourraient bien être une tromperie du démon, ce qui la plonge dans un grand trouble.

Découragée par ces contradictions, Lucie est sur le point de tout abandonner et de dire que cela n’était que mensonge. Elle signifie à ses cousins qu’elle n’ira plus aux rencontres fixées par l’apparition céleste, le 13 de chaque mois, car elle a peur que ce soit le démon. Pourtant, le 13 juillet, poussée par une force mystérieuse, Lucie passe prendre ses cousins pour aller à la Cova da Iria. La belle Dame est fidèle au rendez-vous. Pour la troisième fois, elle demande la récitation quotidienne du chapelet, et, dans la mesure du possible, en famille. Elle confirme qu’il faut offrir des sacrifices pour la conversion des pécheurs, la réparation des outrages envers le Cœur de Jésus et envers son Cœur Immaculé. Puis elle leur confie un secret en trois parties. Elle leur montre, par la vision de l’enfer, le terrible sort réservé aux pécheurs non repentants. Puis elle donne aux hommes un moyen d’éviter ce mal irréparable : la dévotion à son Cœur Immaculé. Cette dévotion pourra aussi obtenir la paix entre les nations. Notre-Dame indique les conséquences dramatiques pour le monde si on ne suit pas ses demandes : une nouvelle guerre éclatera, et des persécutions viendront de la Russie qui répandra ses erreurs dans le monde entier. En revanche, « si l’on écoute mes demandes, affirme la Vierge Marie, la Russie se convertira et on aura la paix ».

Frire dans l’huile

Le 13 août, les trois bergers ne sont pas au rendez-vous. Devant l’ampleur que prennent les événements de Fatima, le gouvernement anticlérical est inquiet ; les enfants sont emmenés contre leur gré à Vila Nova de Ourèm. Là, l’administrateur du district tente de leur faire avouer le secret donné par la Dame ; il va jusqu’à les menacer de les jeter dans une chaudière d’huile bouillante s’ils n’obtempèrent pas. Terrorisés par cette menace, ils ne parlent pourtant pas. Vaincu par leur attitude héroïque, l’administrateur les reconduit chez eux le 15 août. Le 19, Notre-Dame leur apparaît et dit qu’elle fera un miracle en octobre. « Priez, priez beaucoup, dit-elle, et faites des sacrifices pour les pécheurs. Car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. » Bien des années plus tard, en 1946, on demandera à sœur Lucie : « Quelle est la principale demande de Notre-Dame ? – Le sacrifice. – Qu’entendez-vous par sacrifice ? – Par sacrifice, Notre-Dame a dit qu’elle entendait l’accomplissement loyal du devoir d’état quotidien de chacun. – Mais le Rosaire n’est-il pas important ? – Si, car nous devons prier afin d’obtenir les forces pour être capables d’accomplir notre devoir quotidien. » Elle précisera dans son livre “Appels du Message de Fatima” : « Beaucoup, plaçant le sens du mot pénitence dans les grandes austérités, ne se sentant ni les forces ni la générosité pour cela, s’abandonnent à une vie de tiédeur et de péché. »

Le 13 octobre, la céleste apparition révèle son nom : Notre-Dame du Rosaire. Elle demande la construction d’une chapelle en son honneur, et insiste encore sur la récitation du chapelet. Enfin, avec beaucoup de tristesse, elle ajoute : « Qu’on n’offense plus Dieu Notre-Seigneur, qui est déjà trop offensé ! » Tandis que l’apparition s’élève dans le ciel, Lucie s’écrie : « Regardez le soleil ! » Alors se produit le signe miraculeux promis pour confirmer la vérité des apparitions. La pluie abondante cesse, les nuages se dissipent, le soleil paraît : chacun peut le regarder sans être ébloui. À trois reprises, l’astre tourne sur lui-même, lançant des faisceaux de lumière qui peignent les gens et le paysage en diverses couleurs. Soudain, toute la multitude, saisie de peur, se met à crier : il semble que le soleil se détache du firmament pour tomber sur la terre ! Beaucoup confessent alors à haute voix leurs péchés, font des actes de foi et de contrition. Cette danse du soleil fut observée par 70000 témoins, dans un rayon de 40 km autour de Fatima. Il ne peut donc s’agir d’une illusion collective. Dès la fin du prodige, les gens constatent que leurs vêtements, auparavant trempés, sont parfaitement secs.

« La Vierge, en rappelant et nous mettant en garde contre le risque de l’enfer où mène la vie sans Dieu – souvent proposée et imposée –, vie qui profane Dieu dans ses créatures, est venue nous rappeler la lumière de Dieu qui demeure en nous et qui nous couvre », disait le Pape François (ibid.). Le message de Fatima est, en effet, celui d’une Mère soucieuse du bien de chacun de ses enfants auxquels elle rappelle que le plus grand mal de l’homme est le péché qui conduit en enfer et provoque les guerres. « Aux yeux de la foi, enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique, aucun mal n’est plus grave que le péché et rien n’a de pires conséquences pour les pécheurs eux-mêmes, pour l’Église et pour le monde entier » (CEC 1488). Marie nous invite tous à nous mettre sous la protection de son Cœur Immaculé pour vivre dans la lumière de Dieu et obtenir la paix du monde.

Désormais seule

Le 4 avril 1919, François, atteint de la grippe espagnole, quitte ce monde ; Jacinthe décède du même mal le 20 février 1920. Lucie se retrouve seule pour assurer la mission que le Ciel lui a confiée. En juin 1921, elle rencontre Mgr da Silva, évêque de Leiria, qui devient un père pour elle. Afin de la protéger des curieux, le prélat juge nécessaire de l’envoyer poursuivre ses études au collège des sœurs Dorothées, à Vilar, un faubourg de Porto. Le 15 juin, Lucie, âgée de quatorze ans, quitte définitivement Fatima. Agenouillée une dernière fois à la Cova da Iria, elle pleure et demande pardon à Notre-Dame car elle ne se sent pas capable de lui offrir le sacrifice de son départ. La Sainte Vierge lui apparaît alors et l’encourage, conformément à sa promesse : « Je ne t’abandonnerai jamais, lui avait-elle dit le 13 juin 1917. Mon Cœur sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu. » À Porto, Lucie reçoit un nouveau nom : Maria das Dores (des Douleurs). “Dores”, comme on l’appelle, n’a pas le droit de parler des apparitions, ni de son village, ni de sa famille, ce qui est incompréhensible pour ses compagnes et lui attire bien des humiliations. Elle supporte pourtant tout en silence, et offre avec amour les épines qu’elle rencontre, répétant la prière apprise de Notre-Dame : « Ô Jésus, c’est par amour pour Vous, pour la conversion des pécheurs et en réparation des péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie. » Ici, elle n’est plus la voyante renommée de Fatima, mais une élève quelconque. Elle a cependant un “je ne sais quoi” qui lui donne de l’ascendant sur ses compagnes, la fait respecter et aimer, y compris par les maîtresses. Douée pour les études, Dores voudrait passer au lycée, mais il ne lui est pas possible de le faire sans révéler son identité. Une tempête se lève alors dans son âme : elle désire étudier en vue de pouvoir mieux transmettre le message confié par le Ciel, et veut reprendre en mains les rênes de sa propre vie. Elle épanche sa peine devant le tabernacle : « Ne sois pas triste, lui dit Jésus, tu n’étudieras pas, mais je te donnerai ma Sagesse. Le message est confié aux soins de ma Hiérarchie. »

« Tâche de me consoler ! »

Le 26 août 1923, Dores est admise parmi les Enfants de Marie, et elle se consacre entièrement à Dieu par le vœu privé de chasteté perpétuelle. Durant l’été, elle passe les vacances à la campagne, dans l’entourage de Mgr da Silva, à qui elle ouvre son cœur. Pour l’été de 1925, Maria Rosa rejoint sa fille ; Lucie obtient alors son consentement pour devenir religieuse. Depuis les apparitions, elle se sent attirée par le Carmel, mais on la persuade qu’elle n’a pas la santé pour cela, et qu’elle ferait mieux d’entrer chez les sœurs Dorothées, vouées à l’enseignement. Lucie quitte Porto, le 25 octobre, pour aller comme postulante chez ces religieuses à Pontevedra, en Galice espagnole. Six semaines après son arrivée, le 10 décembre 1925, la Sainte Vierge et l’Enfant-Jésus lui apparaissent : « Aie compassion du Cœur de ta Très Sainte Mère », dit l’Enfant-Jésus. Notre-Dame ajoute : « Vois, ma fille, mon Cœur entouré des épines que les hommes ingrats y enfoncent à tout instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler, et dis que je promets d’assister à l’heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme, tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la sainte Communion, réciteront le chapelet et me tiendront compagnie pendant quinze minutes, en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation. »

En juillet 1926, Lucie rejoint le noviciat à Tuy (Espagne) et y reçoit l’habit, le 2 octobre, sous le nom de sœur Maria das Dores. À la demande de son confesseur, elle met par écrit son témoignage sur la pratique des cinq premiers samedis du mois ; ce texte révèle à nouveau la volonté de Dieu d’établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Le 3 octobre 1928, malgré son attrait persistant pour la vie cloîtrée, sœur Dores prononce ses premiers vœux chez les sœurs Dorothées. Une de ses principales activités est la lingerie, où elle excelle ; elle sait en effet très bien coudre, et fait tout avec une grande perfection.

Sœur Dores a reçu la permission de rester seule à la chapelle chaque jeudi, de 11 heures à minuit. Dans la nuit du 13 juin 1929, la chapelle s’illumine : sur l’autel apparaît une Croix de lumière qui s’élève jusqu’au plafond. Sous le bras droit de la Croix se trouve Notre-Dame tenant son Cœur Immaculé dans la main gauche : « Le moment est venu, dit-elle, où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé. Il promet de la sauver par ce moyen. » Le 29 mai 1930, Notre-Seigneur lui signifie qu’il faut demander au Saint-Père l’approbation de la dévotion des premiers samedis du mois et la consécration de la Russie, qui n’a pas été faite. Cette même année, le 13 octobre, Mgr da Silva proclame solennellement, devant plus de 100000 fidèles réunis à la Cova da Iria, l’origine divine des apparitions.

Un autre martyre

Sœur Dores fait sa profession perpétuelle le 3 octobre 1934. Envoyée peu après à Pontevedra, elle y vit les premiers mois de la révolution communiste espagnole, avant de revenir à Tuy. Elle est disposée à accepter le martyre si Dieu veut lui faire cette grâce. « Il me réserva, dira-t-elle plus tard, un autre martyre, qui parfois n’est pas plus facile, le lent martèlement de la renonciation qui crucifie et immole. » Pendant les années de la Deuxième Guerre mondiale, les vivres se font rares et les sœurs souffrent de la faim. Toutefois, le Portugal demeure préservé du fléau de la guerre, comme Lucie l’avait écrit au Saint-Père, le 2 décembre 1940 : « Notre-Seigneur promet, en prenant en compte la consécration que les évêques portugais ont faite de la nation au Cœur Immaculé de Marie, une protection spéciale à notre pays durant cette guerre, et que cette protection sera la preuve des grâces qu’Il concéderait aux autres nations si elles étaient semblablement consacrées. » Le 31 octobre 1942, le Pape Pie XII consacre l’Église et le monde au Cœur Immaculé de Marie, mentionnant la Russie de manière allusive. Le 4 mai 1943, Sœur Dorès écrit : Notre-Seigneur « promet la fin de la guerre pour bientôt, eu égard à l’acte qu’a daigné faire Sa Sainteté. Mais comme il fut incomplet, la conversion de la Russie sera pour plus tard ». Le 25 mars 1984, Jean-Paul II, en union avec tous les évêques du monde, renouvellera cette consécration. Sœur Lucie écrira alors que cet acte a été fait tel que Notre-Dame l’avait voulu.

Entre 1935 et 1941, à la demande de Mgr da Silva, sœur Lucie écrit quatre mémoires. Tout y est révélé sur Fatima, exception faite de la troisième partie du secret. En 1943, le prélat souhaite qu’elle mette celle-ci par écrit. Très embarrassée, la sœur recourt à Marie qui, le 2 janvier 1944, lui donne la permission d’écrire, en précisant que ce texte ne pourra pas être divulgué avant 1960. Après cette date, bien des personnes demanderont la révélation du troisième secret, mais sœur Lucie dira : « Si seulement les gens vivaient ce qui est le plus important, ce qui a déjà été dit ! Ils s’occupent seulement de ce qui reste à dire, au lieu de faire ce qui a été demandé : prière et pénitence ! »

E‌n mai 1946, sœur Dores revient à Porto. Le 21, elle a la joie de faire un pèlerinage à Fatima. Peu après, elle écrit : « Les multitudes couraient après moi à la recherche du surnaturel qu’elles ne trouvent pas dans le monde. Je veux donc que mes pas laissent un sillage de lumière pour leur indiquer par la foi le chemin du Ciel. » Son désir d’entrer au Carmel se fait toujours plus pressant : « Ce n’est pas que je pense trouver au Carmel une vie pleine de roses. Non, je pense même que si j’en cueille une, elle aura peut-être des épines plus piquantes… Ce que je veux trouver au Carmel, ce sont les murs de clôture qui me mettent à l’abri du flot démesurément important des regards curieux et indiscrets, afin d’avoir une vie de recueillement et d’intimité plus intense avec le Seigneur. » En 1947, elle s’ouvre en secret à Pie XII de ce désir. Le Pape y discerne la volonté de Dieu, et lui donne l’autorisation de l’accomplir : elle entre donc au Carmel de Coimbra le Jeudi Saint 25 mars 1948 et y prend l’habit de carmélite le 13 mai. Le 31 mai 1949, fête de Marie Médiatrice de toutes grâces, elle fait sa profession solennelle et reçoit le nom de sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé. Les yeux toujours fixés sur Marie, elle se laisse conduire jusqu’à Dieu Trinité d’Amour, dans une vie de foi qui traverse des moments d’épaisses ténèbres.

La joie des sœurs

En communauté, sœur Marie-Lucie vit avec simplicité, sans se faire remarquer. Avec son aspect jovial, son large sourire et sa grande facilité pour les traits d’humour, elle fait la joie des sœurs pendant les récréations. Ne voulant pas faire un pas qui ne soit marqué du sceau de Dieu, elle obéit à ses supérieures avec une grande délicatesse de conscience. Toujours disponible, elle accepte ou laisse n’importe quel office selon ce qui lui est demandé. Toutefois, au Carmel, elle n’arrive pas totalement à échapper aux visites. Celles-ci lui pèsent : elles sont, affirme-t-elle, « un morceau de ma croix, mais elles sont aussi une partie de la mission que Dieu m’a confiée ; pas même au Ciel ils ne me laisseront en paix, mais là je les recevrai avec plus de générosité, parce qu’il n’y aura plus de danger de perturber l’union de mon âme avec Dieu… » Par la suite, les personnes qui voudront rencontrer sœur Lucie devront avoir l’autorisation du Saint-Siège. Toutefois, elle demeurera très occupée par sa volumineuse correspondance : de toutes les parties du monde, on implore sa prière pour le soulagement de souffrances physiques ou morales.

Sœur Lucie retournera à Fatima lorsque les Papes Paul VI, puis Jean-Paul II, s’y rendront en pèlerinage. En l’an 2000, à l’annonce de la béatification de ses cousins, François et Jacinthe, son cœur vibre avec un nouvel élan, tant elle a désiré cet événement, préparé grâce à ses témoignages. Mais sa santé commence à se dégrader : elle en arrive à ne plus pouvoir marcher et à ne se déplacer qu’en fauteuil roulant. Sa sérénité et sa bonne humeur n’en sont pas entamées, pourtant elle avoue : « Personne ne veut mourir jeune, mais il en coûte beaucoup d’être vieille ! » À partir de novembre 2004, elle ne quitte plus sa cellule. Le 10 février 2005, à l’occasion d’une intense souffrance, elle prononce ses dernières paroles : « J’offre pour le Saint-Père », puis entre, pour ses derniers jours, dans un profond silence. Le 13, au matin, elle reçoit la bénédiction du Pape Jean-Paul II, envoyée au moyen d’un fax qu’elle-même peut lire : « Révérende sœur Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé, je viens vous réaffirmer mon union affectueuse, avec une mention particulière de votre personne auprès du Dieu de toute consolation, pour que vous puissiez, sereine et résignée, surmonter de façon méritoire ces moments d’épreuve, unie au Christ rédempteur et vous laissant illuminer par sa Pâque… » Dans la soirée, en présence de l’évêque de Coimbra et de toute la communauté, sœur Lucie s’éteint paisiblement, les yeux fixés sur le crucifix que tient sa Mère Prieure. Le gouvernement du Portugal déclare un jour de deuil national, à l’occasion de ses obsèques célébrées à la cathédrale de Coimbra, le 15 février ; l’édifice se révèle d’ailleurs trop petit pour contenir la foule. Le corps de sœur Lucie est inhumé dans le cloître du Carmel avant sa translation à Fatima, l’année suivante, le 19 février 2006. L’enquête diocésaine pour sa béatification a été close solennellement le 13 février 2017.

À l’exemple de sœur Lucie, consacrons-nous au Cœur Immaculé de Marie, afin de vivre sous le regard de notre Mère des Cieux aussi longtemps que le Seigneur nous laissera ici-bas.

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