27 septembre 2017
Père Sevin, sj
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Dans les années 1920, les jeunes gens qui venaient à Chamarande, en Île-de-France, se former à la responsabilité de chef ou de guide scout, étaient frappés, dès l’arrivée au camp, par la présence d’un prêtre au rayonnement extraordinaire : un Jésuite barbu aux yeux bleus, revêtu d’une courte soutane kaki. Le “Mestre de camp” – tel est son titre – leur enseignait, certes, les matières “profanes” comme l’abattage des arbres et la construction de cabanes, mais surtout il les initiait au combat spirituel et les menait jusqu’à la vie d’intimité avec le Sacré-Cœur de Jésus. Qui était ce prêtre dont on ne pouvait oublier le sourire entraînant et le regard profond ?
Le 7 septembre 1882 naît à Amiens Jacques, fils aîné d’Adolphe-Marie et de Louise Sevin. Adolphe Sevin, familier des Exercices de saint Ignace et catholique très engagé dans le domaine social, participe à de nombreux congrès catholiques régionaux à Lille, où il intervient notamment par une conférence sur “Les meilleures méthodes d’opposition à la pornographie et à la licence des rues”. Dans cette famille fervente, on prie et on prend la vie chrétienne au sérieux. Jacques passe sa petite enfance à Dunkerque, grand port français sur la mer du Nord. Il rêve de devenir marin, alors que son père, homme d’affaires dans l’industrie textile, l’oriente vers le négoce ; mais Dieu a d’autres vues sur lui. En 1888, les Sevin s’installent à Tourcoing, ville de la banlieue de Lille alors vouée au textile. En 1892, Jacques est envoyé au collège des Jésuites d’Amiens, dont son père est ancien élève. Trois ans plus tard, il perd son frère Joseph. Cette épreuve lui brise le cœur mais lui inspire ce cri héroïque : « Pour cette croix, mon Dieu, merci ! »
« Tu as bien fait »
Jacques désire passer le concours de l’École navale, mais son père lui demande de reprendre le négoce familial. Le jeune homme se console de l’aridité de ses études en s’adonnant avec passion à la poésie, qui restera toute sa vie un besoin majeur de son âme. En 1900, il passe son baccalauréat et commence une licence d’anglais. Au cœur des crises de l’adolescence, Jacques laisse Jésus-Christ modeler son âme et la fortifier par sa grâce pour les combats contre le péché, contre la sensualité, et pour une vie généreusement donnée. Dès 1895, le premier appel divin a retenti dans son cœur. Des retraites suivies chez les Jésuites en 1897, 1898 et 1900 l’amènent à fixer son choix : il entrera dans la Compagnie de Jésus. Il sacrifie généreusement son rêve d’être marin pour suivre l’appel du Christ ; il écrit dans son “élection d’état de vie” les raisons de son choix : « Pour sauver mon âme. Pour sauver des âmes. Pour avoir une règle, des supérieurs et la vie de communauté. Pour n’être pas vulgaire. » Le 9 septembre 1900, depuis le noviciat de Saint-Acheul près d’Amiens, où il s’est rendu, Jacques fait part à ses parents de sa décision. Son père lui répond : « Tu as bien fait de ne pas douter de nous. Dieu fera de nous ce qu’Il voudra. Nous n’avons garde de vouloir qu’Il ne fasse pas de toi ce qu’Il veut. » Sa mère ajoute avec tendresse : « La pensée qu’en me refusant à ton projet je ferais ton malheur, peut-être même dès ce monde, m’enlève le courage de te faire de l’opposition. Sois donc heureux dans cette voie et je le serai aussi. »
En 1901, une loi assujettissant les congrégations religieuses à une autorisation de l’État oblige les Jésuites à s’exiler ; le noviciat de Saint-Acheul se transporte à Arlon en Belgique. Jacques ne reverra la France qu’en 1919. D’une piété un peu rigide au début de son noviciat, il retrouve bientôt son naturel enjoué et sa verve poétique, mise au service de la piété, surtout mariale. Il progresse dans le combat spirituel sous la direction du Père Louis Pouillier, dont la spiritualité est axée sur le mystère de l’Incarnation rédemptrice. Le 5 septembre 1902, Jacques Sevin prononce ses premiers vœux et reçoit un crucifix qu’il conservera sur lui jusqu’au jour de sa mort. Ayant reçu l’ordre de poursuivre sa licence d’anglais, tout en enseignant cette langue dans divers collèges de Jésuites, Jacques traverse une période difficile au plan spirituel, mais démontre ses talents d’éducateur. Le 2 août 1914, il est ordonné prêtre avec trente autres Jésuites. Mais la Première Guerre mondiale éclate : Jacques se trouve coupé de la France par l’avancée des troupes allemandes. Contraint de rester en Belgique, il sera nommé en 1916 au collège de Mouscron, à deux pas de la frontière française fermée par l’occupant ; il ne peut pas même voir ses parents qui habitent Tourcoing, à cinq kilomètres de là. En février 1917, il prononce ses vœux définitifs.
Éviter tout faux pas
Devenu le Père Sevin, il commence à réaliser un projet original : adapter à la jeunesse catholique le mouvement des “boy-scouts” (garçons-éclaireurs) fondé en 1907 en Angleterre par Robert Baden-Powell. Dès 1913, il avait obtenu l’autorisation d’aller étudier les réalisations du scoutisme anglais au camp de Roehampton. Conquis, il souhaitait dès lors importer ce mouvement en Belgique ; mais il avait dû tenir compte des fortes réserves de nombreux prêtres, qui critiquaient la neutralité religieuse du scoutisme anglais. Protestant, Baden-Powell avait, en effet, donné à son mouvement des “boy-scouts” un caractère inter-confessionnel ; une œuvre d’éducation catholique ne semblait pas pouvoir suivre ce modèle. Le Père Sevin rédige alors un livre où il répond à ces objections en développant ses idées sur le scoutisme, non sans demander l’avis de ses supérieurs : il veut, en effet, « éviter tout faux pas et avoir pleinement la grâce de l’obéissance ». Le 8 février 1918, son supérieur approuve le projet et lui précise qu’il doit s’efforcer « de former un groupe profondément catholique ». De fait, l’intention du Père Sevin est d’utiliser les méthodes éducatives foncièrement saines de Baden-Powell et de les compléter en vue d’une profonde formation catholique des jeunes. Le 13, se tient à Mouscron la réunion initiale des responsables ; les premières promesses scoutes sont émises. Après la libération de la Belgique, en 1919, le mouvement prend son essor et passe la frontière désormais rouverte : les “Scouts de France” naissent à Lille, avec plusieurs troupes de garçons.
Bientôt, ses supérieurs envoient le Père Sevin à Paris pour travailler à plein temps à l’œuvre du scoutisme. Il s’associe le chanoine Cornette, un prêtre de la paroisse Saint-Honoré-d’Eylau paralysé des deux bras, mais plein de flamme, et Édouard de Macedo, un laïc au charisme d’éducateur. Au cours d’un “jamboree” (réunion mondiale de scouts) en Angleterre, le Père noue des liens avec d’autres organisations scoutes catholiques existant dans différents pays européens ; de là naîtra l’Office international du scoutisme catholique. En 1921, le cardinal Dubois, archevêque de Paris, approuve la Fédération catholique des Scouts de France dont le Père Sevin est secrétaire général. En ces premières années, 90% des scouts proviennent des milieux populaires, que les patronages paroissiaux arrivaient très difficilement à atteindre. Par la suite, le mouvement comptera une ma-jorité d’enfants de milieux plus favorisés, ce que regrettera toujours le Père Sevin qui souhaitait aller en priorité aux “périphéries” : « Les enfants que nous revendiquons comme plus spécialement nôtres, ce sont ceux dont les œuvres existantes ne veulent pas, ou ne veulent plus. »
En novembre 1921, le Père Sevin est nommé à la résidence des Jésuites de Lille. L’opposition de certains prêtres hostiles au scoutisme n’est pas étrangère à cette mesure qui complique sa tâche en l’éloignant de Paris. Les statuts du mouvement donnent, en effet, un rôle primordial aux chefs de troupes, qui sont des laïcs, alors qu’ils demandent aux aumôniers de s’en tenir ordinairement à leurs fonctions spirituelles. Cette juste indépendance des laïcs dans les choses temporelles (comme l’organisation d’un camp) relève d’une conception peu fréquente au début du XXe siècle. Cependant, le Père Sevin ne perd jamais de vue le but final du scoutisme catholique : conduire les jeunes à une fervente vie d’union à Jésus-Christ, en vue du salut de leurs âmes. En 1922, au cours des Exercices de saint Ignace qu’il prêche à trente-deux responsables scouts, il leur donne cette consigne : « Par la prière et la générosité, allez jusqu’au contact intime avec Notre-Seigneur. » La même année, paraît le premier numéro de la revue “Le Chef”, destinée à tous les chefs et cheftaines scouts (une branche féminine a, en effet, été fondée : les Guides de France).
L’Évangile étudié à fond
En 1923, les propriétaires du château de Chamarande, à 40 km au sud de Paris, mettent de manière permanente à la disposition des Scouts de France le vaste parc boisé de leur propriété. À “Cham”, le Père Sevin – qui a reçu de Baden-Powell éloge et encouragements – dirigera personnellement pendant dix ans d’innombrables camps de formation de chefs et de cheftaines scouts ; il touchera ainsi en profondeur un millier de chefs. Il donne à tous comme objectif la sainteté, et cette sainteté doit s’appuyer sur « l’Évangile, lu, relu, étudié à fond ». Dès le début est lancée la construction d’une vaste chapelle où, à partir de 1929, chacun peut venir adorer Jésus présent au tabernacle. Le Père célèbre chaque jour la Messe en plein air, sous un abri ouvert. Assister à la Messe en semaine n’est pas strictement obligatoire, mais personne n’aurait voulu y manquer, tant la manière de célébrer du Père Sevin impressionne et édifie. Les thèmes qu’il aborde le plus volontiers au cours des camps de formation sont : l’esprit scout, scoutisme et religion, l’état de grâce, la pureté, la fidélité au devoir d’état, la prudence, le sens et les leçons de la Croix, la vie d’équipe, la confiance, la vérité, l’autorité, le désintéressement et surtout l’exemple, l’ouverture à la beauté de la création, œuvre de Dieu. Très marqué par l’idéal de la chevalerie, il s’écrie : « La plus fière épopée est de conquérir son âme et de devenir un saint. »
Le Père Sevin traduit en français et adapte la loi scoute de Baden-Powell en la faisant précéder de trois principes : 1) Le scout est fier de sa foi, et lui soumet toute sa vie. 2) Le scout est fils de France, et bon citoyen. 3) Le devoir du scout commence à la maison. S’inspirant de l’Office divin, par lequel l’Église sanctifie les différentes heures du jour, le Père Sevin compose également des prières pour les différents moments de la journée du scout. On lui doit aussi de nombreux cantiques devenus classiques : le Chant de la Promesse, Notre-Dame des Éclaireurs… Il se sert d’une image fréquente dans la Bible (cf. Gn 12, 8), en disant que chaque homme devra un jour « replier sa tente » : ce moment précieux de la mort qui fait entrer dans l’éternité, le Père Sevin veut qu’il soit préparé par les multiples petits renoncements dont est tissée la journée du scout : chaque sacrifice, chaque “b.a.” (bonne action) est une petite mort à soi-même qui nous achemine vers la vie éternelle.
S’adressant à 4 000 scouts d’Italie, le 4 septembre 1946, le Pape Pie XII disait : « Votre association a pour devise : Estote parati, soyez prêts (cf. Mt 24, 44), c’est-à-dire soyez toujours prêts à faire votre devoir. Nous voudrions donner à ces mots une signification encore plus large et plus profonde : soyez prêts à tout instant à accomplir consciencieusement la volonté de Dieu et à observer ses commandements. Soyez prêts surtout pour le moment, connu de Dieu seul, où le Seigneur vous appellera à rendre compte des talents qui vous ont été confiés. » Dans la même perspective, le concile Vatican II enseigne : « Le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin suprême, en même temps que du bien des sociétés dont l’homme est membre et dont, une fois devenu adulte, il aura à partager les obligations » (Déclaration sur l’éducation chrétienne).
Marcher à contre-courant
Le drapeau des scouts reproduit la Croix de Jérusalem, croix grecque potencée. Les quatre “Tau” orientés vers les quatre points cardinaux symbolisent l’universalité de la Rédemption. Cette croix est chargée de la fleur de lys, symbole de la boussole qui indique la bonne direction. Saint Jean-Paul II, s’adressant à un rassemblement de scouts d’Europe à Viterbe, le 3 août 1994, précisait quelle est la bonne direction : « Dans un monde qui propose des plaisirs faciles et des illusions trompeuses, il faut savoir marcher à contre-courant, en s’inspirant des valeurs morales essentielles, les seules en mesure de réaliser une vie heureuse, prospère et sereine. »
La force d’entraînement du Père Sevin vient de la conformité de tous ses actes avec ses paroles. Il enseigne d’ailleurs qu’il ne faut rien demander aux autres qu’on n’ait soi-même déjà donné à Dieu. Il transmet le feu intérieur qui l’habite : la prière, l’adoration, le silence deviennent pour ces jeunes chefs les pierres angulaires indispensables d’un édifice exposé, sans cela, à l’érosion de l’activisme et du naturalisme. Outre de nombreux autres bienfaits, les camps de Chamarande deviennent des pépinières de vocations religieuses et sacerdotales (plus de quatre cents au cours des dix premières années de la fondation). Pourtant, le Mestre de Camp ne veut pas trop de sérieux dans les attitudes : le scoutisme demeure un jeu, et les jeunes se sanctifieront tout en s’adonnant au jeu. La joie règne aux camps, même les jours de pluie ou de grisaille. Le sport y tient une place importante, comme il se doit. « Le sport est une compétition, une course pour obtenir une couronne, une coupe, un record. Mais, par la foi chrétienne, nous savons que ce qui a le plus de valeur, c’est la “couronne qui ne se fane pas”, la “vie éternelle” que l’on reçoit de Dieu comme un don, mais qui est aussi l’aboutissement d’une conquête de chaque jour dans l’exercice des vertus » (saint Jean-Paul II, 12 avril 1984).
Aumônier de la IXe troupe de Lille, le Père emmène souvent ses garçons au centre héliomarin de Berck-Plage où sont soignés de nombreux jeunes gravement malades. En 1927, il y fonde un groupe scout comprenant soixante jeunes malades ou handicapés. C’est le “scoutisme d’extension”, qui se développera partout au profit des jeunes dont la santé ne permet pas le scoutisme classique avec ses rudes activités de plein air.
Très petite œuvre
Mais, au sein des dirigeants laïcs des Scouts de France, tous n’apprécient pas la personnalité du Père Sevin. On lui reproche d’outrepasser son rôle de prêtre et d’entraîner le mouvement vers le mysticisme. Dans un autre sens, on l’accuse d’indifférentisme religieux en raison de ses relations avec le protestant Baden-Powell. Dénoncé au Saint-Office, le Père est convoqué à Rome en 1925. Il se justifie sans peine, et le Pape Pie XI lui exprime sa confiance et ses encouragements pour son mouvement. De retour, le Père tire de cette alerte une leçon d’humilité : « Nous sommes une très petite œuvre dans la France catholique, et encore plus petite dans la Sainte Église. » Et il corrige dans ses écrits certaines expressions insuffisamment cohérentes avec la doctrine et la foi catholiques. Malgré cela, oppositions et contradictions continuent. Le 15 mars 1933, le Père Sevin se voit retirer ses charges de commissaire à la formation des chefs, de directeur de la revue “Le Chef” et de commissaire international, au motif qu’il occupe indûment des fonctions réservées aux laïcs. Par la suite, il sera écarté de toutes ses responsabilités aux Scouts de France, et finalement même de celle d’aumônier de la IXe troupe de Lille. En réalité, ces décisions ont pour origine des inimitiés et des jalousies suscitées par le rayonnement personnel du Père. Celui-ci ressent profondément l’amertume de cet éloignement définitif, à cinquante et un ans, de l’œuvre qu’il avait fondée. Jusqu’en 1939, il poursuivra à Lille un ministère très effacé puis sera envoyé à Troyes pour remplir, de 1940 à 1946, la charge honorable de supérieur de la résidence jésuite, qu’il sauvera de la disparition aux temps difficiles de l’occupation allemande.
Affecté par ces inimitiés qu’il ne comprend pas, et blessé par les procédés de personnes sur lesquelles il pensait pouvoir compter, le Père Sevin épanche en privé sa souffrance, mais s’abstient de toute récrimination publique. Il applique la consigne qu’il donnait à tous les chefs pendant les camps de Chamarande : « Il faut accepter ce qui nous arrive, même si l’on a l’impression d’une déchéance vis-à-vis des autres. » Il pardonne à ceux qui l’ont traité injustement et parviendra même à renouer avec eux des contacts amicaux, souvent à l’occasion d’une maladie ou à la fin de leur vie.
En 1935, au cours d’une retraite qu’il prêche, le Père Sevin rencontre Jacqueline Brière, une cheftaine de louveteaux avec laquelle il fonde un cercle spirituel de jeunes filles. De ce groupe naîtra, neuf ans plus tard, une congrégation contemplative et missionnaire, la “Sainte-Croix de Jérusalem”. Rédacteur des statuts et Père spirituel, le Père Sevin doit offrir à Dieu en 1950 un ultime détachement : son Provincial lui demande, de la part du Père Général, de laisser à un autre ses fonctions de directeur et de confesseur de la Sainte-Croix de Jérusalem. Le jour même, il répond : « Le T.R.P. Général peut compter sur mon obéissance absolue, sans marchander. J’ai trop voulu inculquer cet esprit à mes filles pour ne pas essayer d’en donner l’exemple. » La congrégation de la Sainte-Croix de Jérusalem compte aujourd’hui sept maisons en divers pays. À l’occasion de l’ouverture du procès de béatification du Père Sevin, le Père Kolvenbach, alors Général des Jésuites, dira de lui : « Mis en demeure assez inopinément de céder la place, le Père acceptera de rentrer dans l’ombre. Meurtri, certes, mais sans amertume ni ressentiment, il fera sienne l’attitude de saint Jean-Baptiste : Il faut qu’il grandisse et que je diminue (Jn 3, 30). Et c’est là ce qui fait sa vraie grandeur. »
À tout prix
Aux jeunes, le Père Sevin enseigne les promesses confiées par le Cœur de Jésus à sainte Marguerite-Marie : « Les âmes tièdes (qui pratiqueront cette dévotion) deviendront ferventes… elles réussiront dans toutes leurs entreprises. » Le 16 juin 1950, il compose un ultime acte de consécration qui commence ainsi : « Ô Jésus bien-aimé, puisque je veux être vôtre, prenez-moi et faites-moi saint à tout prix, même malgré moi ; c’est impossible à ma misère, ce n’est qu’un jeu à votre miséricorde ; car si je puis justement désespérer de moi-même, je sais que je n’espérerai jamais trop de votre puissance et de votre bonté. »
Chantre de Notre-Dame, le Père Sevin a composé de nombreux poèmes, cantiques et méditations en l’honneur de Marie. C’est à la protection de la Vierge Immaculée qu’il confie la pureté des scouts dont la Loi a pour dixième article : « Le scout est pur dans ses pensées, ses paroles et ses actes. » Et il prie en ces termes Celle à qui les Chrétiens demandent sans cesse la grâce d’une bonne mort :
« Ave Maria !
Quand viendra mon heure
Prenez en pitié qui tant vous pria,
Et dans votre amour faites que je meure
En disant encore Ave Maria ! »
À sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus qui marqua si profondément sa spiritualité, le Père Sevin s’adressait ainsi, dans un poème de 1913 :
« Donnez-nous, quand lassés de la route gravie,
Nous ne sentirons plus que le poids de l’effort,
“Petite Sainte”, avec si grand amour suivie,
La générosité du sourire à la vie
Pour avoir la douceur de sourire à la mort. »
Atteint d’une bronchite en février 1951, le Père Sevin passe ses derniers mois sur terre à Boran-sur-Oise dans un prieuré des Sœurs de la Sainte-Croix. Il s’affaiblit progressivement et décède le 19 juillet après une longue agonie au cours de laquelle il édifie son entourage par sa paix et son abandon à la Providence. En ses derniers moments, il serre dans ses mains son grand crucifix de profession en murmurant : « Mon compagnon ! C’est mon compagnon ! » Le 10 mai 2012, le Pape Benoît XVI a reconnu l’héroïcité de ses vertus, première étape vers la béatification.
Le Père Sevin avait donné aux scouts et guides la “Prière scoute” attribuée à saint Ignace de Loyola, que chacun peut s’approprier :
« Seigneur Jésus,
Apprenez-nous à être généreux, À Vous servir comme Vous le méritez,
À donner sans compter, À combattre sans souci des blessures,
À travailler sans chercher le repos, À nous dépenser, sans attendre d’autre récompense,
Que celle de savoir que nous faisons votre Sainte Volonté. »
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