21 août 2001
Saint Pie X
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
En ce 3 août 1903, dans la chapelle Pauline du Vatican, un Cardinal est à genoux, en pleurs, absorbé dans une profonde prière. S’approchant de lui, un jeune prélat espagnol, Mgr Merry del Val, lui transmet à voix basse un message du Doyen du Sacré-Collège: est-il toujours décidé à refuser la papauté s’il est élu ? «Oui, oui, Monseigneur, répond le Cardinal Giuseppe Sarto, Patriarche de Venise, dites au Cardinal-doyen qu’il me fasse cette charité de ne plus penser à moi». Plus tard dans la journée, le Cardinal Sarto, bouleversé, continue à résister aux instances de ses confrères; il s’affirme indigne du Souverain Pontificat, incapable de porter une charge si écrasante. «Retournez donc à Venise si c’est votre désir, lui dit gravement le Cardinal Ferrari, mais vous y retournerez l’âme bourrelée d’un remords qui vous obsédera jusqu’à la fin de votre vie!»
Le lendemain, les voix des électeurs se portent, comme prévu, sur le Cardinal Sarto. Celui-ci s’abandonne entre les mains de Dieu et déclare: «S’il n’est pas possible que ce calice s’éloigne de moi, que la volonté de Dieu soit faite! J’accepte le Pontificat comme une croix. – De quel nom voulez-vous être appelé ? – Parce que les Papes qui ont le plus souffert au siècle passé pour l’Église ont porté le nom de Pie, je prendrai ce nom». Il devient donc le Pape Pie X.
D’origine fort modeste, Giuseppe (Joseph) Sarto est né à Riese, petit village du diocèse de Trévise en Vénétie (Italie du Nord), le 2 juin 1835. Son père est agent communal; il ne possède qu’une humble maisonnette et un maigre champ. La seule richesse de ses parents est une foi simple et profonde qu’ils transmettent à leurs enfants, au nombre de dix. Giuseppe entend très jeune l’appel au sacerdoce; il y répond avec ferveur et reçoit l’ordination sacerdotale le 18 septembre 1858. La divine Providence le conduit à servir l’Église dans les différents degrés de la hiérarchie, devenant successivement vicaire, curé, directeur spirituel du séminaire de Trévise, évêque de Mantoue, et enfin Patriarche de Venise, avant d’être élu Pape, responsabilité écrasante qui pouvait à juste titre l’effrayer!
La voie d’accès vers Jésus-Christ
Le Pape est le Successeur de l’Apôtre saint Pierre, à qui Jésus-Christ a dit: Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16, 19). «Le «pouvoir des clefs» désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l’Église» (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC, 553). Le Pontife romain reçoit du Christ une mission universelle; il doit annoncer l’Évangile au monde entier et guider toute l’Église, pasteurs et fidèles, dans la fidélité à l’Évangile. Il parle et agit, non par autorité propre, mais en vertu de l’autorité du Christ, dont il est le Vicaire.
Dès sa première encyclique, E supremi apostolatus, du 4 octobre 1903, Pie X fait savoir au monde entier quel sera le programme de son pontificat: «Tout restaurer dans le Christ, afin que le Christ soit tout et en tous (cf. Ép 1, 10 et Col 3, 11)… Ramener le genre humain à l’empire du Christ. Cela fait, l’homme se trouvera, par là même, ramené à Dieu… Or, où est la voie qui nous donne accès auprès de Jésus-Christ? Elle est sous nos yeux: c’est l’Église… C’est pour cela que le Christ l’a établie, après l’avoir acquise au prix de son Sang, pour cela qu’il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes… Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Église; l’Église, à son tour, les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu». Le Concile Vatican II enseigne dans le même sens: «Dieu a Lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en Le servant, les hommes peuvent obtenir le salut dans le Christ et parvenir à la béatitude. Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes…» (Dignitatis humanæ, 1).
Porter remède à l’ignorance
Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. À cette extraordinaire bienveillance de Dieu, correspond un devoir de la part de l’homme: «En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle, sont pressés par leur nature même et tenus par obligation morale à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité» (Ibid., 2). L’un des soucis majeurs de Pie X, exprimé dans l’encyclique Acerbo nimis, du 15 avril 1905, est d’assurer la connaissance et la transmission de la foi au moyen du catéchisme; l’ignorance religieuse, déclare-t-il, est «la principale cause du relâchement actuel, de la débilité des âmes et des maux très graves qui s’ensuivent… Là où l’esprit est enveloppé des ténèbres d’une épaisse ignorance, il est impossible que subsistent une volonté droite ou de bonnes moeurs. Car, s’il est possible à celui qui marche les yeux ouverts de s’écarter du chemin droit et sûr, ce danger menace certainement celui qui est atteint de cécité. Ajoutez que, si la lumière de la foi n’est pas complètement éteinte, elle donne l’espoir d’un amendement des moeurs corrompues; mais si les deux s’unissent, corruption des moeurs et défaillance de la foi par ignorance, à peine y aura-t-il place au remède, et le chemin de la perdition est ouvert». En 1905, Pie X fait publier pour le diocèse de Rome un catéchisme qui reste un modèle du genre. Le Pape Jean-Paul II partage ce désir de fournir à tous un enseignement catéchétique sûr; en 1986, lors de son voyage à Lyon, il faisait part de sa grave préoccupation: «L’ignorance religieuse s’étale de façon déconcertante, le besoin d’une proposition claire et ardente de la foi se fait d’autant plus sentir…» En réponse à ce besoin, le Saint-Père a publié, en 1992, le Catéchisme de l’Église Catholique, exposé systématique des vérités de la foi, un texte de référence pour notre temps.
La charité de Don Sarto à l’égard de tous s’est manifestée dès les premières années de son sacerdoce, au point de devenir légendaire: prompt à tout donner, il n’avait jamais un sou en poche; il se vantait d’être né et de vivre pauvre. L’appel à exercer la plus haute charge dans l’Église ne lui a pas fait perdre la bonté et l’humilité, surtout vis-à-vis des personnes de condition modeste. Se sentant responsable du sort de tous les malheureux, il donne sans compter. Lorsqu’on lui conseille de modérer sa charité pour ne pas mettre l’Église en faillite, il montre ses deux mains, et répond: «La gauche reçoit et la droite donne. Si je donne d’une main, je reçois beaucoup plus de l’autre». Cette charité inépuisable découle de son union intime avec Dieu. Le Cardinal Merry del Val, son Secrétaire d’État, a témoigné: «Dans toutes ses actions, il s’inspirait toujours de pensées surnaturelles et manifestait qu’il était uni à Dieu. Pour les affaires les plus importantes, il jetait les yeux sur le Crucifix et s’inspirait de lui; en cas de doute, il ajournait sa décision et avait coutume de dire, fixant toujours le Crucifix: «C’est Lui qui décidera»».
Un mal au sein de l’Église
Pasteur vigilant du troupeau du Christ, Pie X discerne le danger que représente pour la foi de l’Église un courant de pensée apparu vers la fin du XIXe siècle. Un groupe d’intellectuels, sous couvert d’adaptation à la mentalité moderne (d’où le nom de «modernistes»), s’est mis en tête de changer radicalement l’enseignement dogmatique et moral de l’Église. Décidés à rester dans l’Église pour la transformer plus efficacement, ils se proposent de lui donner un nouveau Credo et de nouveaux Commandements, gardant le vocabulaire catholique, mais transformant sa signification profonde selon leurs propres idées. Après plusieurs appels charitables aux égarés, et devant leur obstination, Pie X publie, le 3 juillet 1907, le décret Lamentabili, qui énumère les erreurs modernistes; deux mois plus tard, l’Encyclique Pascendi expose magistralement en quoi ce système est contraire à la saine philosophie et à la foi catholique.
Le système moderniste repose sur des principes philosophiques erronés: l’agnosticisme absolu, c’est-à-dire l’impossibilité pour l’esprit humain de parvenir à des certitudes; et l’immanentisme, selon lequel Dieu ne peut pas être connu de façon objective par des preuves s’appuyant sur la raison, mais uniquement par l’expérience subjective de chacun. Ces principes conduisent à nier l’existence d’une vérité objective et, par conséquent, la possibilité d’une Révélation divine. Finalement, la religion se réduit à des symboles. Dieu lui-même n’est plus le Créateur transcendant (c’est-à-dire préexistant à l’univers et le dépassant) mais seulement une force immanente, «l’âme universelle du monde», ce qui mène droit au panthéisme (identification du monde avec Dieu); Jésus-Christ n’est qu’un homme extraordinaire dont la personne historique a été transfigurée par la foi. De là vient la distinction moderniste entre le Christ de l’histoire, qui n’est qu’un homme mort sur une croix en Palestine, et le Christ de la foi, que les disciples imaginent être «ressuscité» et qu’ils «divinisent» dans leur coeur. Ainsi le modernisme conduit à la dissolution de tout contenu religieux précis. C’est pourquoi le saint Pape le définissait: la synthèse et le rendez-vous de toutes les hérésies qui tendent à détruire les fondements de la foi et à anéantir le Christianisme.
Un critère de fidélité à Dieu
Les mesures prises par Pie X pour porter remède à ce mal, entré «presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Église», produisent en peu d’années le déclin du modernisme. Les principaux fauteurs sont écartés de l’enseignement catholique et une nouvelle impulsion est donnée aux études philosophiques et théologiques selon les principes de saint Thomas d’Aquin. Ferme sur la doctrine, Pie X est plein de bonté envers les tenants de l’erreur. En 1908, il recommande au nouvel évêque de Châlons (France): «Vous allez être l’évêque de l’abbé Loisy (prêtre excommunié en raison de son obstination dans le modernisme). À l’occasion, traitez-le avec bonté et, s’il fait un pas vers vous, faites-en deux vers lui». Application concrète de son principe: «Combattre les erreurs, sans toucher aux personnes».
Ainsi, Pie X accomplit sa mission de «protéger le Peuple de Dieu des déviations et des défaillances, et de lui garantir la possibilité objective de professer sans erreur la foi authentique» (CEC 890). À la sollicitude paternelle du Souverain Pontife, doit correspondre une attitude filiale de docilité et de soumission de la part des fidèles. Car Jésus-Christ a dit à ses apôtres: Celui qui vous écoute, m’écoute, et celui qui vous méprise, me méprise; or, celui qui me méprise, méprise Celui qui m’a envoyé (Lc 10, 16). L’obéissance au Magistère de l’Église et spécialement à son chef visible, le Pape, est un critère indispensable de fidélité à Dieu. Pie X le souligne dans un discours, le 10 mai 1909: «Ne vous laissez pas tromper par les subtiles déclarations de ceux qui ne cessent de prétendre vouloir être avec l’Église, aimer l’Église, combattre pour que le peuple ne s’éloigne pas d’elle… Mais jugez-les d’après leurs oeuvres. S’ils méprisent les pasteurs de l’Église et même le Pape, s’ils essayent tous les moyens de se soustraire à leur autorité pour éluder leurs directions et leurs avis…, de quelle Église ces hommes ont-ils l’intention de parler? Non, certes, de celle établie sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont la pierre d’angle est le Christ Jésus (Ép 2, 19)».
Encore d’actualité
Cependant le modernisme, si vigoureusement dénoncé par Pie X, n’a pas disparu. En 1950, Pie XII, dans l’encyclique Humani generis, met en garde contre diverses erreurs dont plusieurs sont apparentées au modernisme. Le philosophe Jacques Maritain écrira dans son livre Le Paysan de la Garonne (1966) que «le modernisme du temps de Pie X n’était qu’un modeste rhume des foins» par rapport au courant néo-moderniste. Lors de l’Audience générale du 19 janvier 1972, le Pape Paul VI dénoncera «des erreurs qui pourraient ruiner complètement notre conception chrétienne de la vie et de l’histoire. Ces erreurs se sont exprimées d’une façon caractéristique dans le modernisme qui, sous d’autres noms, est encore d’actualité». Le 14 septembre de la même année, le Cardinal Heenan, Archevêque de Westminster, faisant écho à cette déclaration du Pape, remarquera que si le mot «hérétique» n’est plus employé de nos jours, «les hérétiques n’en continuent pas moins d’exister. L’hérésie numéro un est celle que l’on avait coutume d’appeler modernisme… Le modernisme est de retour et il apparaîtra de nouveau comme la principale menace contre l’Église de demain. Étant donné que l’autorité sous toutes ses formes est devenue universellement impopulaire, le climat n’a jamais été plus favorable à une attaque renouvelée contre l’autorité de Dieu et le Magistère de son Église. La Résurrection, la Sainte Trinité, l’immortalité de l’âme, les sacrements, le Sacrifice de la Messe, l’indissolubilité du mariage, le droit à la vie des enfants non encore nés, des vieillards et des malades incurables: toutes ces doctrines admises jusqu’à présent sans problème par les Catholiques, seront vraisemblablement l’objet d’attaques à l’intérieur de l’Église de demain». L’expérience des trente dernières années manifeste la justesse de cette analyse et devrait susciter un intérêt renouvelé pour l’enseignement de saint Pie X.
Initiatives hardies
Certains écrivains ont présenté le Pape Pie X comme un ennemi du progrès; son pontificat aurait été polarisé par «la chasse aux modernistes». En réalité, c’est un Pasteur fort attentif aux réalités de son temps et guidé uniquement par le bien spirituel des âmes. Persuadé que la Tradition est vivante, il entreprend hardiment d’importantes réformes qu’il juge nécessaires pour «rajeunir» l’Église.
«Il faut, aime à dire notre saint, que mon peuple prie sur de la beauté». Constatant que la musique sacrée n’atteint pas toujours son but, qui est de mettre en valeur le texte liturgique et de disposer ainsi les fidèles à une plus grande dévotion, le Pape, sans exclure d’autres formes légitimes de chant sacré, rappelle, dans le Motu Proprio Tra le sollecitudini, du 22 novembre 1903, que le chant grégorien concourt éminemment à la fin de la liturgie: la glorification de Dieu et la sanctification des fidèles. Aussi, encourage-t-il la restauration de ce chant. Le Concile Vatican II affirmera, lui aussi: «L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place» (Sacrosanctum concilium, 116).
En 1905, selon le voeu exprimé par le Concile de Trente, mais resté jusque-là lettre morte, Pie X, par le décret Sacra Tridentina Synodus, prend une initiative pastorale de grande importance: à l’encontre d’une pratique enracinée depuis des siècles, il ouvre l’accès à la Communion fréquente, et même quotidienne, pour tous ceux qui le désirent. Il leur suffit d’être en état de grâce et d’avoir une intention droite: c’est-à-dire de communier «non pas par habitude, ou par vanité, ou pour des raisons humaines, mais pour satisfaire à la volonté de Dieu, s’unir à Lui plus intimement par la charité et, grâce à ce divin remède, combattre ses défauts et ses infirmités». Il est également nécessaire d’observer le jeûne prescrit (aujourd’hui, au moins une heure avant la Communion) et d’avoir une tenue vestimentaire digne. Cinq ans plus tard, Pie X autorise les enfants à faire leur première Communion dès l’éveil de la raison. Jusqu’alors, il était d’usage d’attendre l’âge de 12 ou 13 ans. Le Pape considère cette réforme comme une grâce inestimable pour les âmes des enfants: «La fleur de l’innocence, avant d’être touchée et flétrie, ira s’abriter près de Celui qui aime à vivre parmi les lys; imploré par les âmes pures des petits enfants, Dieu retiendra son bras de justice». C’est donc à juste titre qu’on appelle parfois saint Pie X «le Pape de l’Eucharistie».
Pour répondre scientifiquement aux objections de la science et de l’exégèse moderniste, le saint Pape fonde, en 1909, l’Institut Biblique, auquel il donne pour mission l’approfondissement des études dans l’ordre linguistique, historique et archéologique, favorisant ainsi une meilleure connaissance de la Sainte Écriture. Il est fermement convaincu que l’Église n’a rien à craindre de la vraie science, et que les méthodes les plus modernes de recherche peuvent et doivent être mises au service de la foi.
Afin de rendre l’Église toujours plus apte et ouverte au cheminement des hommes vers Jésus-Christ, saint Pie X ordonne la mise à jour et la codification des lois ecclésiastiques devenues, au cours des âges, nombreuses et complexes. Cette oeuvre sera menée à terme par son successeur, le Pape Benoît XV, en 1917. De même, pour faciliter le ministère des prêtres, il opère une réforme du Bréviaire romain, au moyen d’une nouvelle distribution des psaumes pour chaque jour et d’une révision des rubriques.
Perdons les églises, mais sauvons l’Église!
En 1905, la France, au pouvoir de forces hostiles à l’Église, rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège, déclare la séparation de l’Église et de l’État, et prétend remettre les biens ecclésiastiques à des «associations cultuelles» où les évêques n’auront plus d’autorité effective. Par l’Encyclique Vehementer, du 11 février 1906, Pie X réprouve ces mesures injustes. La thèse de la séparation de l’Église et de l’État, dit-il, est «absolument fausse». En effet, «le Créateur de l’homme est aussi le Fondateur des sociétés humaines… Nous lui devons donc non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l’honorer…» De plus, la société civile «ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs». Pie X ayant refusé les «associations cultuelles» ainsi que les 40 millions de francs par an promis au culte par le gouvernement français, celui-ci confisque aussitôt tous les biens de l’Église, réduisant le clergé à vivre d’aumônes. Ce refus de Pie X stupéfie les ennemis de l’Église, mais sauve l’unité et la liberté de celle-ci. «Je sais que quelques-uns se préoccupent des biens de l’Église, disait-il; moi, je me préoccupe du bien de l’Église. Perdons les églises, mais sauvons l’Église».
Au début de son pontificat, Pie X écrivait: «Chercher la paix sans Dieu est une absurdité». Ayant souvent prévu et prédit une grande guerre entre les nations européennes, il multiplie les démarches diplomatiques pour éviter cette tragédie. Néanmoins, à l’été 1914 se déclenche la première guerre mondiale. Le coeur du Saint-Père est brisé. Dans son angoisse, il répète jour et nuit: «J’offre en holocauste ma misérable vie pour empêcher le massacre de tant de mes enfants… Je souffre pour tous ceux qui tombent sur les champs de bataille…» Le 15 août, il éprouve un malaise général, et le 19, il est aux portes de la mort. «Je me mets dans les mains de Dieu», dit-il avec une tranquillité surnaturelle. Vers midi, on lui administre les derniers Sacrements, qu’il reçoit, calme et serein, en toute lucidité d’esprit, avec une admirable dévotion. Le 20 août 1914, à une heure du matin, faisant un lent signe de croix et joignant les mains, comme s’il célébrait la Messe, ayant baisé un petit crucifix, le saint Pontife entre dans la vie éternelle.
Béatifié en 1951, Pie X fut canonisé le 29 mai 1954 par le Pape Pie XII. Lors d’une visite pastorale à Trévise en 1985, le Pape Jean-Paul II a fait son éloge en ces termes: «Il a eu le courage d’annoncer l’Évangile de Dieu au milieu de nombreuses luttes… Il travailla avec grande sincérité à mettre en lumière les replis trompeurs du système théologique du modernisme, avec grand courage, mû dans son engagement uniquement par le désir de vérité, afin que la Révélation ne soit pas défigurée dans son contenu essentiel. Ce grand dessein contraignit Pie X à un continuel travail intérieur pour ne pas chercher à plaire aux hommes. Nous savons bien quelle adversité il dut souffrir, justement par l’impopularité à laquelle il s’exposa par ses choix. Comme disciple fidèle du Maître Jésus, il voulut être agréable à Dieu, qui éprouve nos coeurs».
Prions saint Pie X de nous inspirer le désir de plaire à Dieu seul, ainsi qu’un esprit de soumission filiale à la Sainte Église Catholique.
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