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4 octobre 2012

Saint François de Sales

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Le roi Henri IV appelait saint François de Sales “le phénix des évêques”, parce que, disait-il, “c’est un oiseau rare sur la terre”. Après avoir renoncé aux fastes de Paris et aux propositions royales d’un siège épiscopal prestigieux, François de Sales devint le pasteur inlassable de sa terre savoyarde, qu’il aimait par-dessus tout. Se laissant guider par les Pères de l’Église, il puisait dans l’oraison et dans une grande connaissance méditée de l’Écriture la force nécessaire pour accomplir sa mission et pour conduire les âmes à Dieu (cf. Jean-Paul II, Lettre à l’évêque d’Annecy, 23 novembre 2002).

François de Sales naît le 21 août 1567, dans une famille catholique de la noblesse savoyarde, au château de Sales, à une vingtaine de kilomètres au nord d’Annecy. Il est l’aîné de six frères et sœurs. Ses parents ont pour principe d’éducation d’expliquer les raisons de ce qu’ils exigent, pour que l’obéissance de leurs enfants soit plus réfléchie. Très tôt, l’enfant apprend à se servir d’une épée, mais aussi à faire l’aumône aux pauvres: s’il entend quelque pauvre appeler, il sort de table pour lui porter une partie de son repas. Toutefois, il n’est pas parfait: un jour, il entre à la cuisine, malgré la défense qu’il en a reçue, et demande au cuisinier un petit pâté succulent mais encore fumant. La brûlure qu’il ressent ne l’empêche pas de l’emporter dans sa main et de le manger. Il va ensuite se faire soigner par sa mère sans lui révéler la cause de cette brûlure.

«Souvenez-vous!»

François fait sa première Communion et reçoit la Confirmation à l’âge de dix ans; dès lors, il commence à percevoir un appel au sacerdoce. Son père, qui le destine à la magistrature, l’envoie vers 1582 étudier à Paris au collège de Clermont tenu par les Jésuites. Il y apprend la grammaire et les mathématiques, les langues anciennes, la philosophie et la théologie. La question difficile des rapports entre la volonté éternelle de Dieu, la grâce divine et la liberté humaine le perturbe au point de le plonger dans le désespoir: il s’imagine être condamné pour toujours à l’enfer. Pendant six semaines, saisi d’une vive angoisse, il en vient à perdre l’appétit et le sommeil. Un soir de janvier 1587, prosterné devant une image de Marie dans l’église Saint-Étienne-des-Grès, il fait un acte d’entier abandon à la volonté du Seigneur puis récite le “Souvenez-vous”, prière toute de confiance adressée par saint Bernard à Marie. Aussitôt la violente tentation s’évanouit et il retrouve la paix du cœur. Il voue alors sa virginité à Dieu et à la Vierge à qui il promet de réciter chaque jour le chapelet. À travers cette épreuve, François a appris la compassion pour les souffrances spirituelles d’autrui; il saura les apaiser.

En 1588, le jeune homme part compléter ses études à Padoue, en Italie. Là, il se met sous la conduite du père jésuite Antoine Possevin avec qui il fait les Exercices spirituels de saint Ignace. Au cours de l’été 1591, il obtient le doctorat en droit civil et canonique. À son retour en Savoie en 1592, son père lui donne un petit domaine, la seigneurie de Villaroget, où il a installé une bibliothèque de jurisprudence, car il désire ardemment que son fils devienne avocat et même sénateur. Il a également choisi pour lui une fiancée, fille unique d’un juge conseiller du duc de Savoie. Malgré la noblesse et la vertu de cette demoiselle qui n’a pas encore quatorze ans, François, décidé à se consacrer à Dieu, ne lui fait aucune avance. Par complaisance pour son père, il s’inscrit comme avocat au barreau de Chambéry, mais refuse la nomination à la charge de sénateur que lui offre le duc de Savoie. Lors d’une visite de courtoisie à Mgr de Granier, évêque de Genève qui réside à Annecy, François se fait apprécier pour sa sagesse et l’étendue de ses connaissances. Bientôt le prélat lui demande d’accepter la charge de prévôt, c’est-à-dire de premier chanoine de la cathédrale (l’équivalent de la fonction actuelle de vicaire général). François dévoile alors à son père sa véritable vocation. Après un dur combat intérieur, celui-ci renonce à faire de son aîné un brillant magistrat et lui donne sa bénédiction.

Prêcher par les yeux

Devenu prêtre le 18 décembre 1593, François est ins- tallé officiellement comme prévôt des chanoines. À cette occasion, il expose dans un discours ses vues sur la manière de reconquérir à la foi catholique la ville de Genève. Depuis 1541, le réformateur Jean Calvin en avait fait la “Rome protestante”; l’évêque avait alors dû se réfugier à Annecy. «C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de Genève, affirme le nouveau prévôt, par la charité qu’il faut l’envahir, par la charité qu’il faut la reconquérir… Il faut renverser les murs de Genève par des prières ardentes et livrer l’assaut par la charité fraternelle.» Le duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier, désire lui aussi rétablir le catholicisme dans le Chablais, région située au sud du lac Léman et devenue calviniste au milieu du siècle. Il demande à Mgr de Granier d’y envoyer des missionnaires. François de Sales et son cousin, Louis de Sales, se portent volontaires pour cette mission. En septembre 1594, ils s’installent dans la forteresse des Allinges. De là, François se rend à Thonon, la capitale du Chablais, où il prêche dans la seule église catholique de la ville. Bientôt, une ordonnance publique du consistoire calviniste de la ville interdit aux protestants de venir écouter ses prédications. Après quatre mois, François n’a obtenu aucun résultat tangible. Un ami lui conseille alors de prêcher par les yeux en composant des articles sur des feuilles volantes imprimées qui seront distribuées sous les portes des maisons des calvinistes. Le 7 janvier, pendant sa Messe, une voix intérieure confirme François dans ce dessein. Dès les premiers articles, il capte l’attention de ses lecteurs. Ces écrits seront en partie réunis et publiés sous le titre: Les Controverses. François, qui a étudié les œuvres d’une trentaine d’auteurs protestants, y cite largement la Sainte Écriture et de nombreux théologiens catholiques. Lorsque le bienheureux Pape Pie IX proclamera saint François de Sales Docteur de l’Église, il dira des Controverses : «Une merveilleuse science théologique resplendit dans cet ouvrage; on y remarque une méthode excellente, une logique irrésistible, soit par rapport à la réfutation de l’hérésie, soit relativement à la démonstration de la vérité catholique.»

La forte argumentation de François a éclairé nombre de ses contemporains; elle demeure aujourd’hui précieuse pour la connaissance de la vraie foi. Dans la première partie de son travail, il dénonce les faiblesses des positions calvinistes. Il montre notamment que leurs ministres ne jouissent d’aucune autorité, car ils n’ont pas reçu de mission: «C’est chose certaine, écrit-il, que quiconque veut enseigner et tenir rang de pasteur dans l’Église doit être envoyé.» Or les pasteurs calvinistes n’ont pas reçu mission de l’Église, et ils ne peuvent pas revendiquer une mission extraordinaire car «personne ne doit alléguer une mission extraordinaire à moins de la prouver par des miracles», et «jamais aucune mission extraordinaire ne doit être reçue si elle est désavouée par l’autorité ordinaire qui est en l’Église de Notre-Seigneur». Dans la deuxième partie de son ouvrage, il pose les fondements du catholicisme et affirme que l’Église ne peut errer. Saint Paul appelle l’Église la colonne et le soutien de la vérité (1 Tm 3, 15). «N’est-ce pas dire que la vérité est soutenue fermement en l’Église? Ailleurs, la vérité n’est soutenue que par intervalles; elle en tombe souvent, mais dans l’Église elle y est sans vicissitude, immuablement, sans chanceler; bref stable et perpétuelle.» Dans la troisième partie, inachevée, il traite de points controversés, spécialement du Purgatoire.

Dès qu’il le peut, François s’installe à Thonon, chez une dame âgée de sa famille. Il reçoit l’aide de quatre prêtres auxquels il donne des conseils tirés de son expérience: «Je vous assure, leur dit-il, que jamais je ne me suis servi de répliques piquantes sans m’en repentir. Les hommes font plus par amour et charité que sévérité et rigueur.» Progressivement, les habitants du Chablais reviennent au catholicisme. À la fin du mois de septembre 1598, le duc de Savoie organise à Thonon une fête somptueuse avec une solennelle procession du Très Saint Sacrement. Quinze mille personnes sont dès lors revenues au catholicisme, et beaucoup d’autres sont décidées à les rejoindre.

En novembre 1598, Mgr de Granier envoie son prévôt à Rome pour accomplir en son nom la visite ad limina que les évêques font au Pape tous les cinq ans. Il a demandé au Saint-Père d’en faire son coadjuteur (c’est-à-dire son futur successeur). Le Pape convoque François pour un examen officiel. Le jour venu, celui-ci entre dans une église et prie: «Seigneur, si par votre éternelle providence vous savez que je doive être un serviteur inutile en la charge épiscopale… ne permettez pas que je réponde bien, mais faites plutôt que je sois couvert de confusion devant votre Vicaire, et que je ne remporte rien de cet examen que de l’ignominie.» À l’issue de la séance, le Saint-Père, extrêmement satisfait, le nomme coadjuteur de l’évêque de Genève.

Gagner les cœurs

Au début de 1602, Mgr de Granier envoie François de Sales à Paris, auprès du roi Henri IV, afin d’obtenir que les biens confisqués par les protestants au pays de Gex (région du diocèse de Genève relevant, au plan civil, du roi de France) soient rendus au clergé et qu’une totale liberté religieuse soit accordée aux catholiques. François est sollicité pour prêcher le carême en la chapelle de la reine. «Il gagnait plus de cœurs en une heure par la voie d’amour que d’autres en quarante jours par la voie de la rigueur, rapporte un de ses biographes. Ce n’était pas qu’il fût indulgent au vice, mais il savait bien que là où il pourrait jeter seulement une étincelle du divin amour, il en exterminerait bientôt le péché.» Il rencontre Barbe Acarie (la future bienheureuse Marie de l’Incarnation), mère de famille qui a reçu des dons mystiques extraordinaires: il l’aide à introduire en France l’Ordre du Carmel, réformé par sainte Thérèse d’Avila. Henri IV propose à François de devenir évêque de Paris. «Sire, répond-il, j’ai épousé une pauvre femme (l’Église de Genève) et ne puis la quitter pour une plus riche.»

Le 17 septembre 1602, à la mort de Mgr de Granier, François de Sales devient évêque de Genève. Il fait une longue retraite de vingt jours selon les Exercices de saint Ignace. Lors de la cérémonie de sa consécration épiscopale, il est gratifié d’une vision intellectuelle: il perçoit que la Très Sainte Trinité opère intérieurement en son âme ce que les évêques consécrateurs font extérieurement sur lui. Il devient le pasteur d’un diocèse pauvre et en pleine tourmente, dans un paysage de montagne dont il connaît aussi bien l’austérité que la beauté: «Dieu, écrira-t-il, je l’ai rencontré dans toute sa douceur et sa délicatesse dans nos plus hautes et rudes montagnes, où de nombreuses âmes simples l’aimaient et l’adoraient en toute vérité et sincérité; et les chevreuils et les chamois sautillaient ici et là entre les glaciers terrifiants pour chanter ses louanges.»

Une étonnante véhémence

Mgr de Sales ne laisse passer aucune occasion d’ins- truire ses fidèles dont il a constaté l’ignorance religieuse, racine de nombreux maux. Il institue des cours de catéchisme et prend plaisir à s’occuper lui-même des enfants: il conquiert leurs cœurs puis leur expose familièrement les rudiments de la foi, à l’aide de comparaisons adaptées à leur capacité. En 1603, il convoque un synode diocésain pour ses prêtres. Il veut les réconforter car beaucoup mènent une vie quasi solitaire dans la montagne. Il les exhorte à l’étude avec une étonnante véhémence, pour les prémunir contre les erreurs doctrinales, et leur recommande une grande pureté de conscience en vue de l’administration du sacrement de Pénitence; il leur conseille de recevoir les pénitents «avec un extrême amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbécillité, tardiveté et autres imperfections», les interrogeant avec tact et progressivement sur certains péchés qu’ils n’osent peut-être pas accuser.

En mars 1604, l’évêque de Genève se rend à Dijon pour y prêcher le carême. Un matin, après avoir célébré la Messe, le Seigneur lui révèle qu’il fondera un Ordre de religieuses. Lors d’une prédication, il remarque une jeune femme qui porte le costume des veuves et qui l’écoute avec une attention ardente. Jeanne-Françoise de Chantal, dont le mari est mort tragiquement d’un accident de chasse, avait prié le Seigneur de lui donner un guide spirituel, et Dieu lui avait montré François de Sales, qu’elle reconnaît dès qu’elle l’aperçoit en chaire. De nombreuses personnes s’adressent également à François de Sales pour leur vie spirituelle. Il rédige à leur intention de petits traités spirituels. L’un d’eux est à l’origine de l’Introduction à la vie dévote, ouvrage publié en décembre 1608. Ce livre, adressé à une destinataire fictive, Philothée, est une invitation à appartenir complètement à Dieu, tout en vivant dans le monde et en accomplissant les devoirs de son état. Le langage et le style utilisés sont très simples. Le succès est immédiat: du vivant de François de Sales, l’ouvrage sera réimprimé plus de quarante fois et traduit dans presque toutes les langues de l’Europe. Le roi Henri IV lui-même le lit, et la reine de France offre au roi d’Angleterre un exemplaire orné de diamants.

Le 1er mars 1610, François assiste sa mère sur son lit de mort. Il écrira à la baronne de Chantal: «Le cœur m’enfla fort et je pleurai sur cette bonne mère plus que je n’avais fait depuis que je suis d’Église; mais ce fut sans amertume spirituelle, grâce à Dieu.» Le dimanche 6 juin, il fonde, avec Madame de Chantal et Charlotte de Bréchard, l’Ordre de la Visitation. Son dessein est modeste: «Créer une petite assemblée ou congrégation de femmes et de filles vivant ensemble par manière d’essai sous de petites constitutions pieuses.» Elles chanteront le Petit Office de la Sainte Vierge et mèneront une vie fraternelle dans une «sainte et cordiale union intérieure». Enfin, elles admettront dans leur communauté des personnes de santé fragile qui ne peuvent entrer dans des monastères plus austères. Pour cet Ordre, qui doit se consacrer à la contemplation, mais aussi à plusieurs œuvres de charité en faveur des pauvres et des malades, il choisit le patronage de la Visitation «parce qu’en visitant les pauvres, les religieuses devront imiter Marie quand elle visita Élisabeth».

S’il plaît à Dieu

Au début de 1615, la Mère de Chantal fonde à Lyon un monastère de la Visitation. Mais bientôt, l’archevêque, Mgr de Marquemont, souhaite introduire des changements chez les Visitandines, et notamment établir une stricte clôture, ce qui impliquera la suppression de la visite aux malades et aux pauvres. Très détaché de ses vues personnelles quand elles ne lui paraissent pas essentielles, Mgr de Sales écrit à la Supérieure de Lyon: «S’il plaît à Dieu que cette congrégation change de nom, d’état et de condition, vous vous en rapporterez au bon plaisir de l’archevêque, auquel toute la congrégation est entièrement vouée.» Il écrira d’ailleurs lui-même à Mgr de Marquemont: «Quant à la visite des malades, elle fut plutôt ajoutée comme exercice conforme à la dévotion de celles qui commencèrent cette congrégation et à la qualité du lieu où elles étaient, que pour fin principale». Les Visitandines acceptent donc les changements consentis par leur fondateur. Avant la mort de Mgr de Sales, douze Visitations auront été fondées.

En 1616, François de Sales publie, spécialement à l’intention de la Mère de Chantal et de ses religieuses, le Traité de l’amour de Dieu. «Dans une période d’intense floraison mystique, disait le Pape Benoît XVI, le Traité de l’amour de Dieu est une véritable somme, en même temps qu’une fascinante œuvre littéraire. Sa description de l’itinéraire vers Dieu part de la reconnaissance de l’inclination naturelle, inscrite dans le cœur de l’homme bien qu’il soit pécheur, à aimer Dieu par-dessus toute chose. À la manière de la Sainte Écriture, saint François de Sales parle de l’union entre Dieu et l’homme en développant tout un ensemble d’images de relations interpersonnelles. Son Dieu est père et seigneur, époux et ami, il a les traits d’une mère et d’une nourrice, il est le soleil dont même la nuit est une mystérieuse révélation. Un tel Dieu attire l’homme à lui avec les liens de l’amour, c’est-à-dire de la vraie liberté: “Car l’amour n’a point de forçats ni d’esclaves, mais réduit toutes choses à son obéissance avec une force si délicieuse, que comme rien n’est si fort que l’amour, aussi rien n’est si aimable que sa force” » (Audience générale du 2 mars 2011).

Toujours disponible

Mgr de Sales vit pauvrement. Il conserve longtemps ses vêtements, procédant parfois lui-même à de faciles raccommodages. Son aumônier ose lui reprocher respectueusement d’être «le plus mal vêtu de tout le logis». Il célèbre la Messe avec une dévotion incomparable. Tous les jours, vers le milieu de la matinée, il est disponible pour recevoir les prêtres. L’accueil est simple et fraternel: «Où pensez-vous être? demande-t-il à un prêtre qui ne sait quelles politesses lui faire; nous sommes tous frères… Allons, je ne suis pas évêque entre nous; ces cérémonies sont bonnes quand nous paraissons publiquement.» Dans l’après-midi, il accueille tous ceux qui se présentent. Il a le don de relever les cœurs et celui de discerner les esprits par une grande sagesse spirituelle. Sa réputation de sainteté attire vers lui de nombreux malades; il en guérit miraculeusement plusieurs, attribuant ces guérisons à Dieu seul, qui peut faire des miracles pour ceux qui le prient avec foi. Après les audiences, le prélat visite les malades à domicile, même s’ils sont logés dans des endroits sordides et mal commodes, ainsi que les prisonniers. Puis, il se met à la disposition de ceux qui veulent se confesser. Pour ce ministère, il est d’ailleurs toujours disponible. Le soir, avant de se coucher, même s’il est fort tard, il récite paisiblement le chapelet en méditant les mystères du rosaire.

À la fin de 1618, François de Sales se rend à Paris pour le mariage du fils du duc Charles-Emmanuel Ier avec la sœur du roi Louis XIII. Il fait la connaissance de saint Vincent de Paul qui affirmera à son sujet: «Monseigneur de Sales s’est si bien conformé à ce modèle (le Christ), je l’ai constaté, que maintes fois je me suis demandé avec étonnement comment une simple créature pouvait arriver à un degré de perfection aussi grand, étant donné la fragilité humaine, et atteindre la cime d’une si sublime hauteur… Cette pensée me revenait: “Mon Dieu que vous êtes bon puisqu’en Monseigneur François de Sales, votre créature, il y a tant de douceur!”» De son côté, François estime tellement Vincent de Paul qu’il lui demande d’être le Supérieur du monastère de la Visitation qui se fonde à Paris dès l’année 1619. Il rentre ensuite à Annecy où son frère, Jean-François, lui est donné comme évêque coadjuteur, car sa santé est usée: il souffre d’artériosclérose et d’hydropisie, sans compter d’autres maux.

En octobre 1622, Mgr de Sales accompagne le duc de Savoie qui va rencontrer le roi Louis XIII en Avignon. Pressentant sa mort, l’évêque fait son testament et ses adieux aux siens. Sur son parcours, il fait une halte à Lyon où il s’entretient pour la dernière fois avec la Mère de Chantal. Le 27 décembre, il visite le noviciat des Sœurs qui lui demandent de leur écrire quelques enseignements spirituels. Sur une feuille, il inscrit en haut, au milieu et en bas: humilité. Ce même jour, en début d’après-midi, il est frappé d’hémorragie cérébrale. Il meurt le 28 décembre.

Le 16 novembre 1877, le Pape Pie IX proclamera saint François de Sales Docteur de l’Église et affirmera que grâce à lui, la véritable piété «a pénétré jusqu’au trône des rois, dans la tente des chefs des armées, dans le prétoire des juges, dans les bureaux, dans les boutiques et même dans les cabanes de pasteurs» (Bref Dives in misericordia). Plus récemment, le Pape Benoît XVI a souligné: «Ainsi est né cet appel aux laïcs, ce souci pour la consécration des choses temporelles et pour la sanctification du quotidien sur lesquels insisteront le concile Vatican II et la spiritualité de notre temps. Ainsi s’est manifesté l’idéal d’une humanité réconciliée, dans l’harmonie entre engagement dans le monde et prière, entre état séculier et recherche de la perfection» (2 mars 2011).

Nous pouvons nous associer à ce vœu du bienheureux Jean-Paul II : que «l’enseignement du saint évêque de Genève demeure source de lumière pour nos contemporains, comme il l’a été de son temps!»

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