28 août 2012
Sainte Catherine de Sienne
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«Dans l’histoire complexe de l’Europe, le christianisme représente un élément central et caractéristique, affirmait le bienheureux Pape Jean-Paul II, le 1er octobre 1999, lorsqu’il proclama patronnes de l’Europe les saintes Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Thérèse-Bénédicte de la Croix… La foi chrétienne a façonné la culture du continent et a été mêlée de façon inextricable à son histoire… Il y a d’innombrables chrétiens qui, par leur vie droite et honnête, animée par l’amour de Dieu et du prochain, ont atteint, dans les vocations consacrées et laïques les plus diverses, une sainteté véritable et largement diffusée, même si elle était cachée. L’Église ne doute pas que ce trésor de sainteté soit précisément le secret de son passé et l’espérance de son avenir… Le rôle de sainte Catherine de Sienne dans les développements de l’histoire de l’Église et même dans l’approfondissement doctrinal du message révélé a été reconnu d’une manière significative, jusqu’à l’attribution du titre de Docteur de l’Église [par le Pape Paul VI, le 4 octobre 1970]».
Fille d’un teinturier, Giacomo Benincasa, et de son épouse, Lapa, Catherine et sa sœur jumelle Jeanne naissent à Sienne, en Italie, le 25 mars 1347. Elles viennent au monde après vingt-deux frères et sœurs. Jeanne meurt bientôt et, en 1348, les parents Benincasa adoptent un jeune orphelin de dix ans, Tommaso della Fonte. Dès son enfance, Catherine ressent un profond attrait pour Dieu et pour Marie. À peine âgée de cinq ans, elle récite avec ferveur le “Je vous salue, Marie”, qu’elle s’amuse à répéter sur chaque marche en montant ou en descendant les escaliers. Plus tard, elle ne cessera de recommander le recours à Marie en toute occasion: « Marie est notre avocate, la Mère de la grâce et de la miséricorde. Elle n’est pas ingrate envers ses serviteurs.» Vers l’âge de six ans, elle a une vision du Christ qui la bénit. Cette expérience renforce la ferveur de Catherine. L’éducation religieuse qu’elle reçoit comprend des lectures de vies de saints, d’ermites ou de pères du désert, qu’elle cherche ensuite à imiter par une vie d’ascèse et de solitude. L’attrait de Catherine pour l’ordre des Dominicains grandit lorsque Tommaso entre au noviciat Saint-Dominique en 1353. À sept ans, Catherine fait vœu de chasteté.
Ingéniosité
Lorsqu’elle a une douzaine d’années, pour satisfaire sa mère et Bonaventura, sa sœur aînée, Catherine se laisse vêtir avec élégance. En août 1362, Bonaventura meurt en couches. Après ce deuil, les parents veulent marier Catherine qui s’y refuse catégoriquement. Ils cherchent le soutien de Tommaso. Devant la ferme résolution de Catherine qui veut se consacrer à Dieu, celui-ci la convainc de couper ses cheveux. Ses parents en sont profondément irrités. Outre les punitions et les brimades, elle est chassée de sa chambre, où elle passait de longs moments seule en prière, et sa mère, qui ne la comprend pas, l’oblige à remplacer la servante dans les tâches ménagères. Elle décide alors de se faire comme «une petite cellule monastique» au-dedans d’elle-même, où elle s’enferme avec Jésus pendant ses travaux. Pour faciliter son recueillement et son obéissance, elle s’applique à voir dans sa mère la Très Sainte Vierge; en servant son père, elle s’imagine servir Jésus ; ses frères et ses sœurs, ce sont les disciples du Christ et les saintes femmes… À force d’ingéniosité, Catherine parvient à être contemplative au milieu du monde, à être dans le monde sans être mondaine, transformant les circonstances de la vie ordinaire en autant d’occasions de rencontres avec Dieu. Plus tard, elle affirmera à ses disciples que «tout ce qui est fait par charité pour le prochain ou pour soi-même, toutes ces œuvres extérieures quelles qu’elles soient, si elles sont accomplies avec une volonté sainte, sont une prière».
Un jour, Catherine voit en songe saint Dominique qui lui tend un lis et un habit de religieuse dominicaine. Devant la détermination de Catherine, son père l’autorise enfin à se joindre aux sœurs de la Pénitence de Saint-Dominique (surnommées les Mantellate du fait de leur manteau noir, mantellata en italien); celles-ci constituent un groupement essentiellement composé de veuves qui se consacrent aux œuvres de charité et se réunissent pour assister à la Messe et recevoir des instructions religieuses. Présentée par sa mère, Catherine essuie un refus de la part des sœurs qui la trouvent trop jeune et peut-être trop exaltée. Mais peu de temps après, bouleversées par l’ardeur et le courage de Catherine qui a supporté une grave maladie, les sœurs acceptent de la recevoir et, vers la fin de 1364, elle revêt l’habit.
«Si je n’y avais pas été…»
Dès son noviciat, Catherine, qui mène une vie très ascétique, est favorisée d’apparitions et de colloques avec Jésus. Ces dons mystiques ne vont toutefois pas sans des moments de doutes, d’angoisses et de fortes tentations. Après une tentation spécialement forte, Catherine jouit d’une apparition de Notre-Seigneur: «Bon et très doux Jésus, lui dit-elle avec douceur, où étiez-vous, tandis que mon âme était en proie à de tels tourments? – J’étais dans ton cœur, Catherine, car je ne m’éloigne que de ceux qui, les premiers, s’éloignent de moi en consentant au péché. – Comment! Vous étiez dans mon cœur submergé des pensées les plus dégoûtantes? – Dis-moi, Catherine, ces pensées te causaient-elles de la joie ou de la tristesse? – Ah, Seigneur! une tristesse et un dégoût immenses. – Et qu’est-ce qui faisait que tu étais triste, sinon ma présence au milieu de ton cœur? Si je n’y avais pas été, tu aurais consenti à ces tentations: c’est moi qui te les faisais repousser et t’en affliger. Et j’étais ravi par la fidélité que tu me gardais pendant ce douloureux combat.» Dans l’une de ses lettres, Catherine livrera l’enseignement précieux tiré de cette épreuve: «Dieu permet la tentation pour que nos vertus fassent leurs preuves et pour augmenter sa grâce; pour que nous soyons non pas vaincus, mais vainqueurs grâce à la confiance dans le secours divin qui nous fait dire avec l’Apôtre Paul: Je puis tout en Jésus crucifié qui est en moi et qui me fortifie (cf. Ph 4, 13).»
Plusieurs figures de l’Ancien Testament – Abel, Abraham, Job, Tobie – nous rappellent que Dieu fait passer ses plus chers amis par l’épreuve et la tentation. En effet, par la tentation, nous expérimentons notre faiblesse et le poids de malice que nous portons en nous. Cette connaissance de nous-mêmes nous met dans la vérité et nous humilie; elle est très bénéfique pour notre salut. La tentation nous porte à pratiquer la vertu opposée au vice vers lequel elle nous incline. Enfin, elle nous oblige à recourir à Dieu dans la prière; en ce sens, elle est source d’union à Dieu. C’est pourquoi, le Catéchisme de l’Église Catholique affirme: «Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel» (CEC, 2015).
En 1368, le père de Catherine tombe malade et meurt, malgré les prières de sa fille. Cette même année, dans une vision qui demeurera à jamais dans le cœur et dans l’esprit de Catherine, la Vierge la présente à Jésus, qui lui donne un anneau splendide, en lui disant: «Moi, ton Créateur et Sauveur, je t’épouse dans la foi, que tu conserveras toujours pure jusqu’à ce que tu célèbres avec moi tes noces éternelles au ciel.» Catherine ressent en permanence la présence de cet anneau et même le voit, mais elle seule. Dès lors, Catherine met davantage en pratique son amour de Dieu par une attention plus grande envers les malades et les pauvres. Elle accomplit des miracles en leur faveur. Mais elle est également l’objet de moqueries et de calomnies: certains l’accusent d’être une femme de mauvaise vie.
Catherine est favorisée du don des larmes. Celles-ci expriment une profonde sensibilité, une grande capacité d’émotion et de tendresse. De nombreux saints ont eu ce don, renouvelant ainsi l’émotion de Jésus lui-même, qui n’a pas retenu ni caché ses larmes devant le tombeau de son ami Lazare et la douleur de Marie et de Marthe, ainsi qu’à la vue de Jérusalem, au cours de ses derniers jours terrestres. «Rappelez-vous le Christ crucifié, Dieu et homme, écrit Catherine à un correspondant… Donnez-vous pour objectif le Christ crucifié, cachez-vous dans les plaies du Christ crucifié, noyez-vous dans le sang du Christ crucifié.»
«La doctrine de Marie»
Par l’intermédiaire de son frère Tommaso, Catherine fait la connaissance de Bartolomeo di Domenico, un jeune dominicain. Une grande amitié spirituelle naît entre eux: Bartolomeo lui enseigne la théologie et elle lui prodigue ses encouragements. La renommée de Catherine se répand, et elle développe une intense activité de conseil spirituel à l’égard de personnes très diverses: nobles et hommes politiques, artistes et gens du peuple, personnes consacrées, ecclésiastiques. Autour d’elle se forme un groupe de disciples qu’elle exhorte à travailler au salut du prochain. Elle appelle le zèle pour les âmes «la doctrine de Marie » car, explique-t-elle, «en tant qu’homme, le Fils de Dieu était revêtu du désir de l’honneur de son Père et de notre salut; et ce désir fut si grand qu’il courut dans son ardeur à travers les peines, la honte et l’outrage jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. Or, le même désir fut en Marie car elle ne pouvait désirer autre chose que l’honneur de Dieu et le salut des créatures.» Catherine commence aussi à voyager. Mais son activité suscite l’étonnement à Sienne ainsi que dans l’ordre dominicain et, en 1374, elle comparaît devant le chapitre général des Dominicains à Florence. On lui donne comme guide spirituel un prêtre cultivé et humble, Raymond de Capoue, futur Maître général de l’Ordre qui devient son confesseur et aussi son fils spirituel (il est aujourd’hui honoré comme bienheureux).
À la Pentecôte de 1374, Catherine reçoit les stigmates du Christ: les plaies des mains, des pieds et du côté de Jésus crucifié s’impriment dans sa chair, mais d’une manière invisible, comme elle l’a formellement demandé au Christ. La vie spirituelle consiste pour elle dans l’union à Dieu qui est une «voie de vérité», et sur cette voie, la Passion du Christ est le meilleur guide: elle est «préférable à tous les livres». L’amour conduit Catherine de Sienne à l’imitation du Christ et de son sacrifice sur la Croix, à travers une vie d’ascèse, de pénitence, de prière et de service des autres. Elle devient ainsi un “alter Christus” (autre Christ). Son amour du prochain la presse tellement qu’un jour elle n’hésite pas à pénétrer dans la cellule d’un condamné à mort pour le conjurer de se réconcilier avec Dieu. Nicolas di Toldo avait été condamné à la peine capitale pour des raisons politiques. La visite de Catherine dans son cachot transforme le jeune homme qui se confesse, entend la Messe et reçoit la sainte Communion. Au jour de l’exécution, pour la plus grande joie du condamné, Catherine est là. Il ne cesse de murmurer les noms de “Jésus” et de “Catherine”. Après l’exécution, la sainte voit son âme pénétrer dans le sein de Dieu «comme l’épouse qui arrive sur le seuil de la demeure de l’époux». Plus tard, Dieu révèlera à Catherine comment cette condamnation avait permis à Nicolas di Toldo de recouvrer l’état de grâce, l’amitié de Dieu, et d’obtenir ainsi le salut, la vie éternelle.
Ministère indispensable
À partir de 1375, Catherine s’engage pour le retour des Papes d’Avignon à Rome (depuis 1309, la papauté demeurait en Avignon, pour des raisons politiques) ainsi que pour l’unité et l’indépendance de l’Église, qu’aucun saint, peut-être, n’a aimée autant qu’elle. «L’Église, écrit-elle, n’est rien d’autre que le Christ Lui-même», la dépositaire de l’amour de Dieu pour les hommes; et l’Église hiérarchique est le ministère indispensable pour le salut du monde. De là découlent le respect et l’amour passionné de Catherine pour le Souverain Pontife, en qui elle voit «le doux Christ sur la terre», et à qui sont dues une affection et une obéissance filiales: «Celui qui désobéira au Christ sur la terre (c’est-à-dire au Pape), représentant le Christ dans les cieux, ne participera pas au fruit du Fils de Dieu.» La sainte enseignait déjà à sa manière la doctrine sur la primauté du Souverain Pontife qui devait être définie par le premier concile du Vatican, en 1870: tous, pasteurs et fidèles, «sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance (au Pontife romain), non seulement dans les questions qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession de foi avec le Pontife romain, l’Église est un seul troupeau sous un seul pasteur. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s’écarter sans danger pour sa foi et son salut» (Constitution sur l’Église, ch. 3, DS 3060).
Les exhortations de Catherine sont la mise en œuvre de la mission qu’elle a reçue de Dieu. Il ne s’agit pas pour elle de bouleverser les structures essentielles de l’Église, de se révolter contre les Pasteurs ou d’innover en matière de culte et de discipline, mais de rendre à l’Épouse du Christ sa vocation première. En effet, «bien que l’Église, par la vertu de l’Esprit-Saint, soit restée l’Épouse fidèle de son Seigneur et n’ait jamais cessé d’être dans le monde le signe du salut, elle sait fort bien toutefois que, au cours de sa longue histoire, parmi ses membres, clercs et laïcs, il n’en manque pas qui se sont montrés infidèles à l’Esprit de Dieu… Guidée par l’Esprit-Saint, l’Église, notre Mère, ne cesse d’exhorter ses fils à se purifier et à se renouveler, pour que le signe du Christ brille avec plus d’éclat sur le visage de l’Église» (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n. 43).
«Sainte Catherine, faisait remarquer le Pape Paul VI, a aimé l’Église dans sa réalité qui, comme nous le savons, a un double aspect: le premier, mystique, spirituel, invisible, l’aspect essentiel et confondu avec le Christ Rédempteur glorieux… ; le second aspect est humain, historique, institutionnel, concret, mais jamais séparé de l’aspect divin. Il faut se demander si nos critiques actuelles de l’aspect institutionnel de l’Église sont en mesure de noter cette simultanéité… Catherine aime l’Église comme elle est… Catherine n’aime pas l’Église pour les mérites humains de qui lui appartient ou la représente. Si on pense aux conditions dans lesquelles se trouvait l’Église alors, on comprend bien que son amour avait bien d’autres motifs… Sainte Catherine ne cache pas les fautes des hommes d’Église, mais tout en s’élevant contre cette décadence, elle la considère comme une raison supplémentaire et une nécessité d’aimer davantage» (Audience du 30 avril 1969).
Dans ses bras
La réforme de l’Église concerne d’abord les clercs dont Catherine a une haute idée. Elle écrit, en effet, dans ses Dialogues ces paroles que Dieu lui a révélées: «J’ai élu mes ministres pour votre salut, afin que par eux vous soit administré le Sang de l’Agneau unique, humble et immaculé, mon Fils.» Mais elle travaille également à la réforme des laïcs. Elle écrit à un homme adonné aux passions charnelles: «Ah, mon frère très cher, ne dormez plus dans la mort du péché mortel! Moi je vous dis que la hache touche déjà la racine de l’arbre. Prenez la pelle de la crainte de Dieu et que la main de l’amour s’en serve. Ôtez-moi cette pourriture de votre âme et de votre corps. Ne vous soyez pas si cruel, ne soyez pas votre propre bourreau en vous décapitant de ce Chef si doux, le Christ Jésus !… Mettez un terme à vos désordres. Je vous l’ai dit et je vous le répète: Dieu vous punira si vous ne vous corrigez pas; mais aussi je vous promets que, si vous voulez vous convertir et profiter des instants qui vous sont laissés, Dieu est si bon, si miséricordieux qu’Il vous pardonnera, vous recevra dans ses bras, vous fera participer au Sang de l’Agneau, répandu avec tant d’amour qu’il n’y a pas de pécheur qui ne puisse obtenir miséricorde; car la miséricorde de Dieu est plus grande que nos iniquités, dès que nous voulons changer de vie.»
Catherine sait que la sanctification se réalise grâce aux sacrements de Pénitence et d’Eucharistie, comme elle l’écrit à l’un de ses disciples: «Il vous faut souvent purifier votre âme des souillures du péché par une bonne et sainte confession, et la nourrir du Pain des Anges, c’est-à-dire du doux sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ, Dieu et homme.» Elle fait revivre parmi ses disciples la coutume de la communion fréquente dont la pratique était devenue très rare à l’époque, et enseigne que la meilleure préparation à la communion sacramentelle est la communion spirituelle. Celle-ci consiste à aspirer à recevoir l’Eucharistie avec un véritable et ardent désir; et ce désir ne doit pas exister seulement au moment de la communion, mais en tout temps et en tout lieu.
Les responsables de la ville de Florence lui demandent d’intercéder auprès du Pape pour obtenir la réconciliation de la papauté avec leur ville. Catherine part en avril 1376 pour Avignon. Elle rencontre le Pape et lui demande trois choses: de partir pour Rome, de relancer la grande croisade, et enfin de lutter contre les vices et les péchés au sein de l’Église. Dans la ville d’Avignon, Catherine devient l’objet d’une certaine méfiance du fait de son influence croissante auprès du Pape, mais aussi à cause de ses extases qui ont parfois lieu en public. Le Pape la fait secrètement surveiller par des théologiens qui, après examen, ne lui reprochent rien.
Une douleur immense
Grégoire XI, pape français à la mauvaise santé et à l’es- prit craintif, quitte Avignon le 13 septembre 1376 pour l’Italie qui est en proie à de violents troubles; il parvient à Rome le 16 janvier 1377. Catherine, elle, se rend à Sienne avant d’être envoyée par le Pape à Florence, ville toujours en révolte contre la papauté. Catherine tourne le regard des Florentins vers «le Christ crucifié et la douce Marie », et leur affirme que, pour une société qui s’inspire des valeurs chrétiennes, il ne peut jamais y avoir de motif de querelle si grave que l’on puisse préférer le recours à la raison des armes plutôt qu’aux armes de la raison. En 1378, elle bénéficie de nombreuses extases qui sont à l’origine des Dialogues, traités spirituels qu’elle dicte à cinq secrétaires.
Le 27 mars 1378, le Pape Grégoire XI meurt. Peu après, Urbain VI est élu pour lui succéder. Mais des cardinaux, principalement français, mécontents de l’autoritarisme du nouveau Pontife, se réunissent à Fondi le 18 septembre 1378 et élisent comme Pape le cardinal Robert de Genève qui devient l’antipape Clément VII. Cette séparation du Pape légitime est pour Catherine de Sienne un acte très grave dans la mesure où il conduit à un schisme (qui durera quarante ans). Catherine quitte Sienne et arrive à Rome le 28 novembre 1378. Elle est reçue par le Pape Urbain VI qui voit dans sa présence un soutien important. Ressentant comme une douleur immense cette division de l’Église, elle commence une croisade de prières et recommande d’agir avec charité pour parvenir à résoudre les problèmes de la chrétienté. Elle appelle les princes et les villes à l’obéissance au Pape, et demande aux religieux et aux ermites de le soutenir. Le 29 janvier 1380, lors de sa dernière visite à la basilique Saint-Pierre, Catherine, absorbée en extase dans sa prière, voit Jésus s’approcher d’elle et poser sur ses faibles épaules la barque lourde et agitée de l’Église; accablée par un si grand poids, elle défaille et tombe. Peu après, malade et épuisée, sans doute à cause de ses nombreuses pénitences, elle fait ses adieux à ses amis. Lorsque le 29 avril, la malade sent sa fin approcher, elle prie particulièrement pour l’Église catholique et pour le Saint-Père. Avant de mourir, elle déclare: «J’ai consommé et donné ma vie dans l’Église et pour la Sainte Église, ce qui m’est une grâce très particulière.» Puis, le visage rayonnant, elle prononce les paroles du Sauveur: Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23, 46), et, inclinant doucement la tête, elle s’endort dans le Seigneur, âgée de 33 ans.
«Le sacrifice de Catherine, historiquement, parut un échec, reconnaissait le Pape Paul VI. Mais qui peut dire que son amour brûlant s’éteignit inutilement, si des myriades d’âmes vierges et des foules de prêtres et de laïcs fidèles et actifs en firent le leur? Il brûle encore, avec les paroles de Catherine: “Doux Jésus, Jésus amour!” Que ce feu reste le nôtre, qu’il nous donne la force de répéter la parole et le don de Catherine: “J’ai donné ma vie pour la Sainte Église.”»
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