18 février 2004
Saint Daniel Comboni
Bien chers Amis,
Le 11 novembre 1997, Lubna Abdel Aziz, une femme musulmane âgée de 38 ans, entre à l’Hôpital Sainte- Marie de Khartoum (Soudan), dirigé par les Soeurs Comboniennes, en vue de subir une césarienne pour la venue au monde de son cinquième enfant. Quelques heures après la naissance, la mère est mourante. Pour arrêter une grave hémorragie, elle est soumise à deux interventions chirurgicales, sans résultat. Les médecins considèrent alors la malade comme perdue. La Soeur responsable du Service de Maternité a l’idée d’invoquer Monseigneur Daniel Comboni dont la réputation est grande même chez les Musulmans, à cause de sa vie entièrement donnée au service des populations africaines. Après avoir demandé à la femme et à son mari la permission de prier Mgr Comboni pour sa guérison, toutes les religieuses prient à cette intention. Une nouvelle opération n’ayant produit aucune amélioration, on s’attend au décès de la patiente, lorsque celle-ci reprend conscience : quelques jours plus tard, les médecins la déclarent guérie. Par la suite, deux autres médecins musulmans ont examiné cette femme, et leur examen a été joint aux actes du procès de canonisation. « Guérison soudaine, complète et durable, sans séquelles d’aucune sorte, scientifiquement inexplicable » , a reconnu à l’unanimité la commission médicale réunie le 11 avril 2002. Cette guérison a permis la canonisation du bienheureux Daniel Comboni, le 5 octobre 2003.
Daniel Comboni est né le 15 mars 1831 à Limone, en Lombardie (Italie). En février 1843, il entre comme écolier à l’Institut du Père Mazza, à Vérone ; on lui demande : « Que voulez-vous devenir plus tard ? – Prêtre » . Le Père Mazza a fondé deux établissements scolaires, pour les enfants pauvres. Il a des vues missionnaires sur l’Afrique centrale, et envisage de recevoir à Vérone des enfants africains pour leur donner une solide formation humaine et chrétienne.
À l’âge de quinze ans, Daniel lit avec un intérêt passionné l’histoire des martyrs du Japon. Il est aussi témoin du départ de deux Pères de l’Institut Mazza pour les missions d’Afrique. « C’est en janvier 1849, à l’âge de dix-sept ans, alors que j’étais étudiant en philosophie, écrira-t-il, que je fis voeu devant mon vénéré Supérieur, le Père Mazza, de consacrer toute mon existence à l’apostolat en Afrique centrale ; et je n’ai jamais, avec la grâce de Dieu, failli à ma promesse » . Ordonné prêtre pour l’Institut Mazza, le 31 décembre 1854, il apprend la langue arabe et quelques notions de médecine.
En l’espace d’une nuit
Au début de septembre 1857, le Père Comboni s’embarque pour l’Égypte avec quatre autres prêtres missionnaires de l’Institut et un laïc. Ils arrivent à la Mission de Sainte-Croix, au Soudan, le 14 février 1858, après un arrêt à Khartoum. Le 5 mars, le jeune missionnaire écrit à son père : « Le premier effort que Dieu nous demande, c’est d’apprendre la langue des Dinka (peuplade du pays)… La langue des Dinka n’a jamais été connue à l’extérieur, de sorte qu’il n’existe ni grammaire, ni dictionnaire, ni maître pour l’étudier » . La Mission au Soudan est très difficile. Le Père Comboni écrit : « Sur 22 missionnaires de la Mission de Khartoum, qui existe depuis 10 ans, 16 sont morts et presque tous dans les premiers mois. Nous sommes à tout moment menacés par la mort : car outre le climat, beaucoup meurent faute de médecins et de médicaments. Mais gloire soit rendue au Seigneur ! … Ici, on peut mourir en l’espace d’une nuit… C’est pourquoi il faut être toujours prêt » .
« L’Église nous encourage à nous préparer pour l’heure de notre mort, à demander à la Mère de Dieu d’intercéder pour nous à l’heure de notre mort, et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort : « Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées, tu devrais te comporter comme si tu devais mourir aujourd’hui. Si ta conscience était en bon état, tu ne craindrais pas beaucoup la mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que fuir la mort. Si aujourd’hui tu n’es pas prêt, comment le seras-tu demain ? » (Imitation de Jésus-Christ, 1, 23, 1). « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre soeur la mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux qu’elle trouvera dans tes très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal » (Saint François d’Assise) » (Catéchisme de l’Église Catholique, 1014).
Dès 1859, épuisés, les missionnaires doivent se replier sur Khartoum et le Père Comboni, miné par la fièvre, rentre à Vérone. Humainement, c’est l’échec complet. Autour de lui, les commentaires railleurs vont bon train. Il emploie sa convalescence à l’enseignement des jeunes africains recueillis à l’Institut Mazza. Le 15 septembre 1864, il est en prière dans la basilique Saint-Pierre de Rome, lorsqu’une pensée lui vient : mettre par écrit ses idées sur l’Afrique et les faire connaître à la Congrégation pour la Propagation de la Foi. Il s’y attelle aussitôt et travaille sans interruption pendant plus de deux jours. « Un catholique habitué à juger les choses à la lumière qui lui vient d’en-haut, écrit-il, ne considère pas l’Afrique à travers le seul point de vue des intérêts humains, mais à la pure lumière de la Foi ; et il voit là-bas une multitude innombrable de frères, enfants de leur commun Père du Ciel » . Il préconise une régénération des Africains par les Africains. Les missionnaires établiront des centres de formation pour les différents métiers. De ces centres sortiront les cadres de la société noire régénérée et de l’évangélisation. En même temps, se constitueront en Europe d’importantes associations assurant le financement de l’oeuvre.
Une oeuvre catholique
Le Cardinal Barnabo, préfet de la Congrégation pour la Propagation de la Foi, auquel ce plan est remis, obtient pour le Père Comboni une audience du Pape Pie IX qui lui donne sa bénédiction. Le Père entreprend un tour d’Europe et contacte les sociétés missionnaires, les Ordres religieux, les personnalités influentes et les gouvernements qui s’intéressent à l’Afrique. « Cette oeuvre doit être catholique, affirme-t-il, et non pas spécifiquement espagnole ou française, allemande ou italienne » . Il recueille bien des approbations mais rencontre aussi de fortes oppositions. Le 2 août 1865, le Père Mazza meurt. Privé de son Père spirituel, Daniel Comboni se sent très seul, mais, à ses yeux, épreuves, échecs et déceptions ont un sens ; ils sont une garantie de réussite, car Jésus a fondé son Église sur la Croix.
Après un bref voyage en Afrique, le missionnaire fonde à Vérone, sous l’autorité de l’évêque, l’oeuvre du Bon-Pasteur qui comprend un séminaire pour la formation des européens destinés aux Missions d’Afrique. Puis, il repart au Caire afin d’y installer son oeuvre, et se trouve à nouveau en Europe en juillet 1868. Tandis qu’il suscite partout de l’intérêt pour ses oeuvres, des lettres diffamatoires contre lui sont envoyées d’Égypte à Rome et à Vérone par un de ses collaborateurs mécontent. Plus tard, ce Père rétractera cette dénonciation et implorera son pardon, mais sur le moment, ses lettres ainsi que d’autres malentendus entraînent le désaveu public du Père Comboni par la Congrégation pour la Propagation de la Foi ; l’oeuvre du Bon-Pasteur est ruinée de façon inattendue par une décision du Saint-Siège. La justification que le Père Comboni donne au Cardinal Barnabo et le témoignage en sa faveur du Vicaire apostolique en Égypte, le font rentrer en grâce à Rome.
Fin février 1869, de retour au Caire, il a la grande joie de voir les premiers fruits de son plan. Les élèves des deux premières écoles étudient sous la direction d’enseignants européens. La troisième école, destinée aux filles, est dirigée par des maîtresses noires. La preuve est ainsi faite que les Africains sont capables non seulement d’apprendre mais aussi d’enseigner. À l’époque, cette démonstration change les mentalités. Le Père Comboni dira : « J’ai voulu montrer aux peuples, par un exemple éclatant, que selon le sublime esprit de l’Évangile, tous les hommes, blancs et noirs, sont égaux devant Dieu ; et que tous ont droit à l’acquisition et aux bienfaits de la foi et de la civilisation chrétiennes » .
En les entendant chanter…
L’école où enseignent les maîtresses africaines est ouverte aux élèves de toutes races. On y enseigne le catéchisme, l’arithmétique, l’arabe, le français, l’italien, l’allemand, l’arménien et les travaux féminins, depuis le tricot jusqu’aux plus fines broderies d’or et de soie. « Rien qu’en voyant nos chères petites Africaines, écrit le Père Comboni, rien qu’en parlant avec elles ou en les entendant chanter, beaucoup d’autres qui n’ont pas encore la foi désirent maintenant devenir catholiques… Il faut toutefois agir avec précaution, car il y a le risque de heurter la sensibilité musulmane, et il faut compter aussi avec la surveillance de la franc-maçonnerie guidée par trois loges » . Mais il est également nécessaire de s’opposer à la mentalité de certains catholiques peu soucieux de la dignité des noirs.
Lors d’un long séjour à Vienne, en Autriche, Daniel Comboni écrit en quatre mois, plus de mille lettres pour convaincre ses amis que la Mission d’Afrique centrale se poursuit malgré les innombrables difficultés qu’elle rencontre. « La présentation du message évangélique n’est pas pour l’Église une contribution facultative, rappelait le Pape Paul VI : c’est le devoir qui lui incombe, par mandat du Seigneur Jésus, afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire et unique. Il ne saurait être remplacé. Il ne souffre ni indifférence, ni syncrétisme, ni accommodation. C’est le salut des hommes qui est en cause… Ce message mérite que l’apôtre y consacre tout son temps, toutes ses énergies, y sacrifie, au besoin, sa propre vie » (Evangelii nuntiandi, 8 décembre 1975). Dans le même sens, le Pape Jean-Paul II affirme : « L’annonce de l’Évangile constitue le premier service que l’Église puisse rendre à tout homme et à l’humanité entière. L’évangélisation, outre des interventions de promotion humaine, parfois même risquées, comporte toujours une annonce explicite du Christ… La Mission « ad gentes » (auprès des non-chrétiens) ne doit passer après aucun autre engagement, même nécessaire, à caractère social et humanitaire » (5 octobre 2003).
À Vérone, le Père Comboni crée l’Institut des Pieuses Mères de l’Afrique Noire, religieuses destinées aux Missions. Il est convaincu en effet, que, pour une action missionnaire efficace et durable, la participation des femmes est nécessaire. Le 7 juin 1872, il est nommé officiellement Provicaire apostolique du Vicariat d’Afrique centrale. En septembre, il quitte Vérone pour Le Caire où il est témoin d’un fait qui le remplit de joie : un prêtre africain, ancien esclave racheté, donne le baptême à une femme adulte africaine ; c’est la régénération de l’Afrique par l’Afrique. Il reste trois mois au Caire puis se rend à Khartoum, son siège de Provicaire où tous, catholiques et musulmans, l’accueillent solennellement. Un mois plus tard, il s’enfonce dans le continent africain et, le 19 juin, il est à El-Obeyd, capitale du Kordofan (aujourd’hui au Soudan).
Rien à craindre
À Khartoum comme à El-Obeyd, la présence des religieuses transforme et facilite la tâche de la Mission. Les indigènes, auxquels les étrangers ont fait trop de mal par leur violence et leur fourberie, découvrent avec joie qu’ils n’ont rien à craindre de ces femmes. La plus haute autorité islamique du Soudan est gagnée : le Grand Mufti remercie officiellement Comboni d’avoir amené des Soeurs. Mais le Père se heurte au trafic d’esclaves, organisé par certaines tribus. Chaque année passent à El-Obeyd ou à Khartoum plus de cinq cent mille esclaves razziés dans les régions du sud. « J’ai rencontré, rapporte le Père Comboni, entre Khartoum et El-Obeyd des milliers d’esclaves ; la plupart sont des femmes mêlées aux hommes sans le moindre vêtement. Les petits de moins de trois ans étaient portés par des femmes qui marchaient à pied. D’autres, hommes et femmes étaient en groupes de huit ou dix reliés entre eux par le cou et attachés à un joug qui pesait sur leurs épaules… Tous étaient poussés sauvagement avec des lances et des bâtons » . Daniel Comboni a des paroles très dures contre ceux qui partagent la responsabilité de telles ignominies. Le gouvernement du Sultan d’Égypte a sévèrement interdit le trafic d’esclaves, mais dans la pratique, des personnages haut placés tirent bénéfice de ce marché infâme. Pour lutter contre cet état de fait, le Provicaire apostolique doit user de beaucoup de prudence. Il lui faut préserver la vie de ses collaborateurs, prêtres, coadjuteurs, religieuses et enseignantes. Une erreur de sa part peut leur être fatale. Dans une lettre pastorale à ses fidèles, le 10 août 1873, il rappelle l’enseignement du Christ sur la fraternité universelle des hommes et menace ceux qui coopèrent à l’esclavagisme.
Daniel Comboni songe aux étapes suivantes de la Mission, dont la première concerne la région du Djebel Nouba, au centre de l’Afrique. Un des chefs Noubas vient visiter les missionnaires d’El-Obeyd. Il y voit des Noirs qui savent lire et écrire, parler des langues européennes, qui connaissent les techniques modernes pour les divers métiers. Éberlué, il passe un accord avec le Père Comboni pour l’établissement d’une Mission dans son pays, à Delen, c’est-à-dire à cinq jours de marche d’El-Obeyd. Le Père Comboni s’y rend en septembre 1875. Accueilli avec beaucoup d’amabilité, il demeure conquis par l’organisation qui règne chez les Noubas, l’administration sage de la justice rendant inutile le recours à la force. Tout s’annonce pour le mieux. Mais une déception amère retourne la situation. Des épidémies de fièvre se déclarent, frappant en quelques jours treize des quatorze membres de la Mission. Impossible de se soigner sur place, faute de remèdes : il faut fermer la Mission. Les Soeurs, qui accompagnent cette dure retraite, émerveillent le Père par leur force d’âme.
Encore sous le coup de cet échec, le Père Comboni est à nouveau l’objet de diffamations. On l’accuse d’être un administrateur incapable. Au sein de la Mission, ces accusations provoquent de douloureuses divisions. Discrédité en Europe, le missionnaire se rend donc à Rome au printemps de 1876 pour présenter sa défense. Il écrira plus tard : « C’est seulement sur ce « Chemin de Croix » semé d’épines que mûriront, se perfectionneront et trouveront leur réussite finale, les oeuvres voulues par Dieu… Les obstacles et les hostilités contre lesquels l’oeuvre sublime de régénération de l’Afrique noire a eu à lutter depuis son premier jour, peuvent être considérés comme une garantie infaillible de bonne réussite et d’heureux avenir » . Le Père Comboni puise sa force dans la prière. Il avouera, peu avant de mourir : « C’est un péché de ne jamais faire de méditation ; mais je les ai rarement négligées dans ma vie passée, et jamais, au grand jamais depuis longtemps, pas même dans le désert et pas même une fois… De même pour mon Office (le Bréviaire)… »
Le choc d’un fléau
Le 27 novembre 1876, après avoir reconnu la fausseté des accusations portées contre lui, la Congrégation de la Propagande décide d’élever Daniel Comboni à l’épiscopat. À la fin de 1877, a lieu le septième départ pour l’Afrique. Sa nouvelle dignité vaut à Mgr Comboni un accueil officiel et solennel. Au mois d’avril 1878, il est à Khartoum, d’où il compte stimuler ses Missions. Mais tous ses plans sont bientôt renversés ; il écrit, en effet : « Presque toute mon activité pour le moment est consacrée à soutenir, en véritable apôtre de Jésus-Christ, le choc d’un épouvantable fléau » . Une sécheresse exceptionnelle fait périr environ un tiers de la population. L’argent recueilli en Europe passe en acquisition de vivres à prix d’or. La famine entraîne des épidémies terribles. En juillet, la sécheresse prend fin, mais elle laisse la place à des pluies torrentielles suivies d’une nouvelle vague de chaleur qui ouvre la voie à d’autres maladies. En septembre, Mgr Comboni reste le seul prêtre présent à Khartoum. Les relations entre l’Égypte et le Soudan sont de plus en plus restreintes de telle sorte qu’à Khartoum on se sent abandonné de tous. Atteint par les fièvres, au début de 1879, le prélat rentre en Italie.
En Europe, il est victime d’une nouvelle campagne de dénigrement de la part de deux Pères qui travaillent en Afrique. Un nouveau grief lui est fait : on l’accuse d’entretenir une relation suspecte avec une religieuse syrienne, Virginie Mansur, dont il a pris, à juste titre, la défense. Les accusations étant parvenues à Rome, il lui faut s’y disculper. En novembre 1880, Mgr Comboni s’embarque à nouveau pour l’Afrique. Il rencontre un de ses accusateurs qui reconnaît son erreur. Mgr Comboni le reprend pour son confesseur, comme avant ses accusations. Il écrira de lui : « C’est un pieux et saint prêtre… Bien qu’il me contrarie depuis cinq ans, je juge que Jésus en a ainsi disposé par amour, pour mon bien spirituel ; car le fait de travailler avec lui et de le supporter est une bonne occasion pour moi d’exercer ma patience, d’être attentif à ma conduite, de me corriger de mes gros défauts, de mes bavardages et de mes péchés… » Après une halte au Caire, où il constate que ses comptes sont à jour sans aucune dette, il part, fin janvier 1881, pour le Soudan.
Un des compagnons du prélat écrira de lui : « Par l’exemple et les bonnes paroles, il encourageait tout le monde à supporter les privations que l’on devait très souvent endurer ; aussi las et fatigué qu’il pût être, il nous racontait des choses amusantes pour nous réconforter… Oublieux de lui-même, il s’informait avec soin de notre état physique et moral, matin et soir, et trouvait toujours de nouvelles paroles de soutien et d’encouragement » . Mgr Comboni a créé en Afrique une sorte d’office de presse de la Mission : « Je dois écrire, en qualité de correspondant de quinze journaux allemands, français, anglais, américains » . Mais ce labeur lui obtient des subsides importants pour ses Missions.
En mai 1881, Mgr Comboni avance vers les Monts Nouba où, appuyé par l’armée du gouvernement, il intensifie sa lutte contre les esclavagistes. Au retour de son voyage, il pourra écrire à Rome : « Dans un an, ou moins, l’abolition totale de l’esclavage chez les Noubas sera un fait accompli. On ne peut décrire la joie et l’enthousiasme de ces populations qui, depuis ma visite, ne se sont vu enlever ni un fils, ni une fille, ni une vache, ni une chèvre ; ils reconnaissent unanimement que c’est l’Église catholique qui les a libérés » . Son expédition a aussi des résultats d’utilité générale pour la connaissance de la géographie du pays et de sa langue.
C’en est trop !
Peu après, l’évêque est terrassé par « une douleur profonde et terrible, surpassant toutes les humiliations et les douleurs subies jusqu’ici » ; il ne peut la dissimuler sous son habituel sourire. Les calomnies recommencent ; son franc-parler, son impulsivité et sa vivacité lui ont fait des ennemis. On l’accuse de nouveau d’être amoureux de Virginie Mansur et cette calomnie est rapportée à son vieux père de soixante-dix-huit ans. Mgr Comboni en est ulcéré : « Perturber et affliger un saint vieillard qui ne m’a pas seulement donné la vie terrestre, mais plus encore la vie spirituelle, c’en est trop ! » Il confie à un ami : « Je n’ai plus le courage ni la force d’écrire ; je suis stupéfait de me voir traité de la sorte » . Il s’enfonce dans l’angoisse ; puis, peu à peu, la confiance en Dieu, si forte dans son âme, l’emporte. Cependant, Mgr Comboni est épuisé. Le 10 octobre 1881, il reçoit en toute conscience l’Extrême-Onction et s’éteint tout doucement, à l’âge de cinquante ans, comme un enfant qui s’endort dans les bras de sa mère. Tous les consuls d’Europe ainsi que le Gouverneur du Soudan sont présents à ses funérailles. Dans l’assistance, se mêlent catholiques, coptes, musulmans, païens, notables et anciens esclaves.
Les missionnaires comboniens et comboniennes sont de nos jours plus de quatre mille à travailler en Afrique et dans d’autres régions du monde. « Comment ne pas tourner le regard avec affection et inquiétude, aujourd’hui aussi, vers ces chères populations d’Afrique ? disait le Pape Jean-Paul II lors de la canonisation de Mgr Comboni. Terre riche de ressources humaines et spirituelles, l’Afrique continue à être marquée par quantité de difficultés et de problèmes. Puisse la Communauté internationale l’aider activement à construire un avenir d’espérance. Je confie mon appel à l’intercession de saint Daniel Comboni, éminent évangélisateur et protecteur du Continent noir » . Prions spécialement pour les chrétiens du Soudan qui se trouvent dans des conditions de vie difficiles et sont victimes de persécutions.
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