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12 décembre 2019

Saint Charles Borromée

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«Saint Charles ! Combien de fois me suis-je agenouillé devant ses reliques dans la cathédrale de Milan ! confiait le Pape saint Jean-Paul II le 4 novembre 1978, peu après son élection au Siège de Pierre. Combien de fois ai-je repensé à sa vie, contemplant dans mon esprit la gigantesque figure de cet homme de Dieu et serviteur de l’Église, Charles Borromée, cardinal, archevêque de Milan, et homme du concile ! Il est un des grands protagonistes de la réforme de l’Église au xvie siècle, opérée par le concile de Trente, qui restera pour toujours lié à son nom. Il a été également l’un des créateurs de l’institution des séminaires ecclésiastiques, reconfirmée dans toute sa substance par le concile Vatican II. Il fut, en plus, un serviteur des âmes, qui ne se laissait jamais dominer par la peur ; serviteur des souffrants, des malades, des condamnés à mort. Mon Patron ! »

Charles Borromée est né au château d’Arona, en Italie du nord, province de Lombardie, le 2 octobre 1538. Son père, le comte Gilbert Borromée, gouverneur de la région du lac Majeur, avait épousé Marguerite de Médicis, sœur aînée du futur Pape Pie IV. Charles est le deuxième de six enfants. Sa mère meurt en 1547, alors que Charles a neuf ans ; son père se remarie. Grâce à des entreprises bancaires et commerciales favorables, la fortune de la famille s’est accrue. À l’âge de douze ans, Charles, fils cadet, est destiné à l’état ecclésiastique, et il reçoit la tonsure. Il est alors envoyé par son père à Milan pour étudier le latin sous un excellent maître. En 1552, il continue ses études à Pavie sous la direction de Francesco Alciato, qui deviendra plus tard cardinal. Son père ne lui alloue qu’une modeste mensualité, et il a parfois du mal à subvenir à ses besoins, au point que ses serviteurs ne sont pas toujours correctement habillés. Charles souffre beaucoup de cette situation humiliante, mais rien dans ses lettres ne traduit impatience ou récrimination.

En 1558, Charles se rend à Milan pour rencontrer son oncle, le cardinal de Médicis. Mais quelques semaines après, il doit revenir à Arona pour les obsèques de son père. Charles a dix-neuf ans et, bien qu’il ne soit pas l’aîné des garçons, tous les siens lui demandent de prendre en main les affaires commerciales de la famille. Malgré de nombreuses interruptions, il parvient, grâce à son application et à son sérieux, à achever ses études en 1559 avec un doctorat in utroque jure, c’est-à-dire dans les deux droits, canonique et civil. Durant l’été de cette même année, le Pape Paul IV (Jean-Pierre Carafa) meurt. Le conclave qui s’ouvre alors dure quatre mois et, en décembre 1559, le cardinal Jean-Ange de Médicis, oncle de Charles, est élu Pape ; il prend le nom de Pie IV.

Guidé par le Bon Pasteur

Le 3 janvier 1560, Pie IV demande à Charles de venir immédiatement auprès de lui à Rome. Une dizaine de jours après son élection, le nouveau Pape avait déjà confié à son neveu le gouvernement des États pontificaux. Le 31 janvier, il le crée cardinal. Charles demande que l’on n’organise pas de réjouissances publiques à Milan pour fêter son accession au cardinalat, mais seulement que l’on célèbre, à Arona, dix Messes en l’honneur du Saint-Esprit. Puis il est nommé à l’archevêché de Milan, d’abord en tant qu’administrateur apostolique, puis comme titulaire. N’ayant reçu aucun des Ordres sacrés, il lui faudra confier à un évêque de son choix l’administration du diocèse. « Alors qu’il était jeune, dira saint Jean-Paul II, Charles Borromée fut nommé cardinal de la Sainte Église romaine et archevêque de Milan ; il fut appelé à devenir pasteur de l’Église, parce que lui-même se laissait guider par le Bon Pasteur. Ainsi, il prenait soin de son Église, participant au mystère insondable du Christ, éternel et unique Pasteur des âmes immortelles, qui embrasse les siècles et les générations, infusant en elles la lumière du “siècle futur” » (4 novembre 1984). Par la suite, le cardinal Borromée sera aussi nommé légat pontifical dans différentes régions d’Italie, ainsi que protecteur auprès du Saint-Siège de plusieurs pays et Ordres religieux. De plus, en tant que “cardinal-neveu”, il remplit la charge de Secrétaire d’État du Pape. Le népotisme de Pie IV (favoritisme envers son neveu) est flagrant ; mais la Providence fera que de ce mal sorte un bien considérable : Charles Borromée, âgé seulement de vingt-deux ans, s’adonnera à un travail acharné au service de l’Église.

Ténacité et patiente diplomatie

Charles continue à gérer les affaires de sa famille, sans négliger pour autant l’étude. Il trouve aussi le temps de se livrer à de sains divertissements : il joue du luth et du violoncelle, et pratique un jeu de balle alors à la mode en Italie. Il fonde une académie littéraire dont plusieurs des œuvres ont été conservées sous le titre de “Nuits vaticanes”. En 1561, il établit et dote un collège à Pavie : cet établissement est le premier qui corresponde aux recommandations du concile de Trente sur les séminaires. Convoqué dès 1537 par Paul III, mais ouvert à Trente en 1545 seulement, ce concile a été plusieurs fois interrompu pour des raisons politiques. Le Pape Paul III se proposait la réforme générale de l’Église, notamment dans le contexte de la Réforme protestante qui attaquait les fondements même de la foi et dénonçait des abus dans la vie de l’Église. La situation désastreuse du monde catholique rendait urgente la reprise du concile, mais les obstacles étaient nombreux, en particulier de la part des souverains, Maximilien d’Autriche, Philippe II d’Espagne et surtout du roi de France, Charles IX. Une des premières grandes œuvres du cardinal Borromée est de s’appliquer à lever ces obstacles. Son zèle pour le bien de la chrétienté, sa ténacité et sa patiente diplomatie finissent par obtenir la reprise des sessions du concile, le 18 janvier 1562. La correspondance de Charles Borromée, resté à Rome, avec les légats du Pape au concile est considérable : il s’agit presque d’une direction des débats à distance. Malgré de grandes difficultés, dues en partie aux exigences inconciliables des uns et des autres, le concile peut s’achever le 4 décembre 1563, dix-huit ans après son ouverture à Trente, laissant au Saint-Siège le soin d’accomplir la réforme du Bréviaire et du Missel, la rédaction d’un catéchisme à l’usage des pasteurs d’âmes, et la révision du texte latin de la Bible.

Le 26 janvier 1564, Pie IV confirme solennellement les décrets de l’assemblée conciliaire, au grand soulagement de toute la chrétienté. Le Souverain Pontife nomme alors une commission de trois cardinaux, pour veiller à l’application des décrets du concile, sous la vigilance du cardinal-neveu. « Le Pape lui même attribue le mérite de l’heureuse conclusion de ce concile à saint Charles, d’autant qu’avant d’être le premier artisan de son application, il en fut le plus zélé soutien. Il est certain que, sans ses grands efforts et ses veilles, cette œuvre n’aurait pas eu son achèvement », affirmera saint Pie X dans l’encyclique Editæ sæpe du 26 mai 1910. Soulignant la vie intérieure de Charles Borromée, ce Pape ajoutera que « les merveilleuses œuvres de Dieu mûrissent à l’ombre, dans le silence de l’âme dévouée à la prière et à l’obéissance, et c’est dans cette préparation que gisent en germe les futurs fruits apostoliques, comme la récolte dans les graines ».

Entre-temps, le frère aîné de Charles est mort, âgé seulement de vingt-sept ans. Devenu chef de la famille, Charles se trouve dans une situation paradoxale : bien que membre le plus influent de la Curie pontificale, il n’a encore reçu aucun Ordre sacré ; il pourrait donc, en renonçant au cardinalat, retourner dans le monde, se marier et mener la vie d’un grand seigneur. Plusieurs personnes l’y poussent, pour le bien de la famille et du duché de Milan. Le Pape lui-même, son oncle, n’est pas hostile à cette éventualité, pour le temps qui suivra sa mort qu’il pense être assez prochaine. Mais contre ces conseils, Charles décide fermement de se donner entièrement au Seigneur et à l’Église. Il se prépare à recevoir les Ordres sacrés et intensifie sa vie de prière. Ordonné prêtre par le cardinal Federico Cesi, dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, le 17 juillet 1563, il affirme au Saint-Père, un peu contrarié par cette cérémonie : « Ne soyez pas désolé, car j’ai choisi l’épouse que je voulais depuis longtemps. » Le 7 décembre, il est consacré évêque dans la chapelle Sixtine.

Le retrait des affaires

À cause de sa charge, Charles se doit de rester auprès du Pape ; il n’a pourtant garde d’oublier son diocèse de Milan qu’il confie successivement à plusieurs évêques pour le diriger selon ses instructions. En 1565, il se rend à Milan et convoque un concile provincial qu’il dirige en personne (la province comporte alors seize diocèses). Mais à cette époque, il conçoit le désir de se retirer de toutes les affaires afin de vivre dans un monastère. Le vénérable Barthélemy de Braga (dominicain, archevêque de Braga au Portugal), qu’il considère comme un “ami de Dieu”, réussit à l’en dissuader et à le convaincre qu’il est bien à la place où Dieu le veut. Les années suivantes, à Rome, sont occupées surtout par la préparation des réformes du Missel et du Bréviaire, ainsi que par la rédaction du catéchisme demandé par les Pères du concile. Charles est aussi membre d’une commission chargée de la révision de la musique liturgique.

À la nouvelle que le Pape, son oncle, est malade, il se précipite à son chevet ; mais l’état du Saint-Père est désespéré. Aidé par saint Philippe Néri, Charles s’emploie à le préparer à la mort. Celle-ci survient le 10 décembre 1565. Le 7 janvier 1566, le conclave élit le cardinal Michel Ghislieri. Le rôle de Charles dans cette élection a été prépondérant, et c’est à sa suggestion que le nouveau Pontife prend le nom de Pie V. Le nouveau Pape exprime le souhait de garder Charles auprès de lui ; mais après avoir pris les mesures assurant la continuité du gouvernement de la Curie romaine, le cardinal Borromée obtient enfin la permission de résider dans son diocèse pour le diriger en personne.

« De même que la mission confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des Apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, rappelle le concile Vatican II, permanente est également la mission confiée aux Apôtres d’être les pasteurs de l’Église, charge à exercer sans interruption par l’ordre sacré des évêques… La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctification, confère aussi les devoirs d’enseigner et de gouverner, lesquels cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres » (Constitution Lumen gentium, nos 20 et 21).

« Par l’imposition des mains et par les paroles de la consécration, enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique, la grâce de l’Esprit Saint est donnée (aux évêques) et le caractère sacré imprimé, de telle sorte que, d’une façon éminente et visible, ils tiennent la place du Christ lui-même, Maître, Pasteur et Pontife, et agissent en Sa Personne… Pour l’évêque, la grâce reçue de l’Esprit Saint est d’abord une grâce de force : celle de guider et de défendre avec force et prudence son Église comme un père et un pasteur, avec un amour gratuit pour tous et une prédilection pour les pauvres, les malades et les nécessiteux. Cette grâce le pousse à annoncer l’Évangile à tous, à être le modèle de son troupeau, à le précéder sur le chemin de la sanctification en s’identifiant dans l’Eucharistie avec le Christ Prêtre et Victime, sans craindre de donner sa vie pour ses brebis » (nos 1558 et 1586).

La tutelle de Marie

Charles commence par un pèlerinage à Lorette pour placer son épiscopat sous la tutelle de Marie, puis il entre à Milan le 5 avril 1566. Il s’attelle alors à la réforme de son vaste diocèse. Il commence par lui-même et son palais épiscopal : il donne une grande partie de ses biens personnels aux pauvres et veille à vivre dans la simplicité. Charles est d’une taille largement supérieure à la moyenne, et il est assez corpulent. Toutefois, il pratique de grandes mortifications, demandant pardon à Dieu pour ses péchés et pour ceux de ses diocésains. Les jeûnes qu’il s’impose consistent à s’abstenir de toute nourriture en dehors d’un seul repas pris, selon l’usage ecclésiastique antique, en fin d’après-midi, après les vêpres ; suivant les recommandations de saint Augustin et de saint Ambroise, il destine aux besoins des pauvres ce qu’il a épargné pour sa table. Il prend également soin des prisonniers.

Le cardinal Borromée choisit avec beaucoup de soin les prêtres qu’il nomme aux différentes charges du diocèse. Son vicaire général est un homme de grande science, en particulier en droit, et de vie exemplaire. L’administration de la justice est confiée à des juges qui sont correctement rémunérés afin d’éviter toute tentation de vénalité. Il réforme le chapitre de la cathédrale et pourvoit à la formation doctrinale de ses chanoines, qu’il souhaite assidus au confessionnal. En 1577, il les incitera à reprendre la vie commune et la récitation en commun de tout l’Office divin. Sa diplomatie et sa bonté obtiennent le bon accueil de ses réformes. Le Pape saint Pie V l’en félicitera particulièrement. Quant au séminaire diocésain, il en fait un modèle de conformité aux décrets du concile de Trente.

Ses soins se portent également aux confréries de la Doctrine chrétienne, afin que les enfants soient bien catéchisés. Son exemple aura un retentissement dans bien d’autres diocèses. À cinq reprises, il visite tout le diocèse, se rendant parfois à pied dans des localités de montagne presque inaccessibles. En octobre 1567, il entreprend la visite de trois vallées de la Valteline qui dépendent de sa juridiction mais sont très isolées. Là, tout est à réformer. Le clergé mène une vie mondaine, voire scandaleuse, négligeant les devoirs pastoraux. Les mœurs du peuple se conforment à ce mauvais exemple. La visite épiscopale produit de grands fruits, et un esprit nouveau souffle tant sur le clergé que sur les fidèles. Dans une autre partie de son diocèse, Mgr Borromée subit une attaque à main armée de la part des serviteurs d’un chapitre de chanoines qui se prétendent exempts de sa juridiction et donc de sa visite pastorale : la croix qu’il fait porter devant lui est atteinte par les balles, mais lui ne subit aucune blessure.

Un coup de pistolet

Charles Borromée encourage la fondation de plusieurs confréries pour le secours des pauvres et des pécheurs. Il fonde lui-même les Oblats de Saint-Ambroise, une association de prêtres séculiers, pour l’assister dans son ministère. L’idée a été reprise aujourd’hui sous le nom de “Fraternité sacerdotale des missionnaires de Saint-Charles”, établie en 1995 par don Massimo Camisasca. Au long de son épiscopat, le cardinal tient plusieurs synodes tant diocésains que provinciaux. Ces assemblées durent environ trois jours. Charles ouvre et clôture chaque journée de travail par un discours. Il profite de ces journées pour multiplier les contacts avec ses prêtres et avec ses confrères évêques. Depuis 1567, il s’applique, à la demande du Pape, à restaurer la discipline régulière de l’Ordre des “Humiliés”. Certains Frères acceptent les mesures qu’il prend, mais d’autres résistent, et vont jusqu’à préparer un attentat contre lui. En octobre 1569, alors que l’archevêque chante un office, un Frère lui tire un coup de pistolet. Charles se croit gravement atteint, mais il fait signe que l’on continue l’office. Celui-ci achevé, on découvre que la balle a été miraculeusement arrêtée au contact de sa peau. Malgré son intervention auprès du gouverneur de Milan, quatre des conspirateurs sont pris, jugés et exécutés. En 1571, le Pape saint Pie V supprimera l’Ordre des Humiliés.

Les récoltes agricoles de 1570 sont désastreuses ; au cours de l’hiver qui suit, la famine se fait sentir dans le pays. Charles se prodigue pour nourrir les pauvres, au point que, certains jours, il subvient aux besoins de trois mille d’entre eux. Son exemple est suivi par d’autres personnes riches et puissantes, dont le gouverneur de Milan, le duc d’Albuquerque. Cette même année, Charles profite de la « croisade de prière » demandée par le Pape saint Pie V contre le péril turc pour encourager son peuple à la conversion et à la pénitence, et il s’exhorte aussi lui-même ainsi que ses prêtres : « Voici l’heure de vous arracher au sommeil ! (Rm 13, 11). À nous aussi, prêtres de Jésus-Christ, qui sommes tenus de veiller sur les autres, s’adresse l’exhortation de l’Apôtre. Nous sommes les sentinelles que Dieu a placées à la garde de son peuple : malheur à nous si nous nous livrons au sommeil ! Le Seigneur nous a avertis : Si la sentinelle, voyant venir l’épée, ne sonne point du cor, et que, le peuple ne se tenant pas sur ses gardes, l’épée vienne et leur ôte la vie, ils seront surpris dans leur iniquité, mais je demanderai compte de leur sang à la sentinelle (Ez 33, 6). » La victoire de Lépante, remportée par les chrétiens sur la flotte d’invasion ottomane et attribuée à l’intercession de la Sainte Vierge, est fêtée à Milan en action de grâces avec de grandes réjouissances.

Bien qu’atteint depuis l’été de 1571 d’une fièvre et d’une toux continues, le cardinal Borromée se rend à Rome l’année suivante pour le conclave qui suit la mort de saint Pie V. Le nouveau Pape prend le nom de Grégoire XIII. Charles saisit l’occasion pour se faire décharger des fonctions qu’il exerce encore au sein de la Curie romaine. Mais bientôt, le gouverneur de Milan publie des lettres falsifiées tendant à prouver que l’archevêque a porté atteinte aux prérogatives royales (la Lombardie est alors soumise au roi d’Espagne). Ayant épuisé les autres recours, Charles est contraint de prononcer une excommunication explicite contre le chancelier, mesure qui atteint aussi le gouverneur. Le conflit se poursuit plusieurs mois ; le gouverneur, qui a pris des mesures contre l’Église de Milan et la famille Borromée, doit finalement se rétracter et demander l’absolution de l’excommunication. Charles la lui accorde volontiers.

Pour le jubilé de 1575, l’archevêque de Milan se rend à Rome. L’année suivante, le jubilé est fêté dans le diocèse de Milan, et Charles y célèbre le quatrième synode provincial. Mais à cette même époque, la peste se déclare. L’archevêque se dépense sans compter, allant jusqu’à visiter les pestiférés à domicile ou dans les hôpitaux. Dès le début de l’épidémie, il a accepté l’éventualité de sa mort au service des malades, afin d’être spirituellement plus libre pour s’en occuper. Non sans une compréhensible réticence, bientôt surmontée, son clergé suit courageusement l’exemple qu’il lui donne. L’épidémie cesse progressivement dans les années 1577 et 1578.

« Voici, je viens ! »

À l’automne de 1584, un érysipèle à la jambe oblige l’archevêque à garder le lit. Il convoque toutefois une assemblée des doyens de la région pour traiter des affaires du diocèse, tout en soutenant la fondation d’un hôpital pour la convalescence des malades pauvres. Le sentiment de sa mort prochaine l’engage à entrer, le 15 octobre, en retraite personnelle au sanctuaire de Varallo, et à confesser toutes les fautes de sa vie. Une forte fièvre se déclare, mais il continue à célébrer la Messe chaque jour. Lors de son retour à Milan, son état est considéré comme très grave par les médecins. Il reçoit l’Extrême-Onction, puis la Sainte Communion en viatique. La foule des fidèles réunie en prière autour du palais archiépiscopal est si dense que le duc de Terra Nova, alors gouverneur de Milan, doit se frayer un passage pour y pénétrer. Le 3 novembre 1584, le cardinal, âgé de quarante-six ans, meurt après avoir dit : « Ecce venio !Voici, je viens ! » (cf. Ap 3, 11). Ses obsèques sont célébrées le 7 novembre par le cardinal Nicolas Sfondrati, le futur Grégoire XIV. La réputation de sainteté du cardinal Borromée se répand immédiatement et ne cesse de croître et de se diffuser. Le Pape Paul V le canonisera le 1er novembre 1610.

« Mes Frères, disait saint Charles, dans un sermon sur les noces de Cana, en 1584, que Marie soit notre patronne, notre avocate, notre mère ! Si elle prend en main notre cause, il n’y a rien à craindre, son aide est assurée. “Ô Mère très bénigne, regardez-nous du ciel et voyez notre indigence ! Voici que le vin de la charité nous fait défaut… Marie, implorez pour nous la conversion de l’eau en vin !” Toutefois, la Vierge nous demande aussi de coopérer à ses prières en exécutant sans retard ce que nous prescrit son divin Fils, afin que nous puissions expérimenter en nous les effets de sa puissance. »

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