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4 avril 2010

Monseigneur Alain de Boismenu

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«Si vous entendez faire mon éloge, surtout dites bien: il a gâté son «boy», il fumait des cigarettes, il aimait une petite goutte d’alcool, il disait: «Fichez-moi la paix»!» Ces propos de Monseigneur Alain de Boismenu, «l’évêque des Papous», laissent deviner, sous la rude écorce du vieux missionnaire, l’humilité d’un grand coeur dont la sainteté se révèle au naturel.

Alain-Marie Guynot de Boismenu naît le 27 décembre 1870 à Saint-Malo. Sa mère ne survit pas à cette naissance du dernier de ses onze enfants. Alain sera donc élevé par sa soeur aînée, Augustine. L’enfant se révèle d’un caractère vif et d’un tempérament ardent. Il se soumet facilement à l’autorité d’un père qu’il vénère, mais il regimbe parfois contre la sévérité de sa soeur aînée. Un jour que celle-ci le réprimande et ajoute: «Tu ne m’aimes donc pas?», il la fixe de son regard clair et répond: «Si, je vous aime, mais je veux choisir d’obéir.» Le soir même, son père, mis au courant, lui dit: «Alain, j’aimerais que tu choisisses d’obéir à ta soeur Augustine.» Le garçon promet et tient parole. Cinquante ans plus tard, évêque depuis presque trente ans, il confiera en souriant à l’une de ses nièces: «Je n’obéis qu’à deux personnes sur terre: ma soeur Augustine et notre Saint-Père le Pape.» Au témoignage d’un camarade de classe, «Alain n’était pas toujours très commode, mais il mettait tant de réflexion dans ses propos et de bonne humeur dans tout ce qu’il faisait qu’on l’aurait suivi n’importe où, car c’était déjà un chef et un organisateur». Au collège, l’un des prêtres lui a parlé d’une nouvelle Congrégation qui envoie des missionnaires aux antipodes pour prêcher l’Évangile. L’idéal l’intrigue, et le désir de partir en Nouvelle-Guinée s’empare de lui. Entré dans ce but chez les Missionnaires du Sacré-Coeur, à Issoudun, il fait ses voeux religieux en 1888 et le 10 février 1895 reçoit la prêtrise.

«Devenez saint, avant tout!»

La mission de Nouvelle-Guinée est alors en péril: famine, fièvres et deuils la désolent. Le vicaire apostolique, Mgr Navarre, vient en France pour susciter de l’intérêt et demander du renfort. Le Père Alain voudrait partir, mais ses Supérieurs hésitent: il est d’apparence fragile, et de plus robustes que lui n’ont pas résisté au climat et aux conditions de vie de la mission. D’ailleurs, la Congrégation a besoin d’enseignants dans sa maison de formation. Pendant quatre ans, il s’acquitte de la charge de professeur. À cette époque, un évêque missionnaire, Mgr Verjus, à qui le Père Alain confie son désir, lui écrit: «Vous continuez d’avoir la passion de nos chères missions? Tant mieux! Puissent-elles vous posséder encore davantage et devenir l’unique but de votre vie!… Mais je vous en conjure, devenez saint, avant tout. Il faut cent fois plus de vertu, d’esprit de sacrifice et d’esprit de foi ici qu’en Europe… Tenez pour excellente la journée où vous aurez été fort contrarié, exercez-vous à la patience, au support des défauts de vos frères, c’est un point essentiel.»

Et voici qu’un jour de 1897, le Père Alain reçoit de son Supérieur général l’annonce qu’il est désigné pour la Nouvelle-Guinée, partie orientale de la grande île que l’on appelle Papouasie. Cette mission a été fondée treize ans plus tôt. Au moment où le Père de Boismenu l’aborde, le 25 janvier 1898, elle compte déjà 1950 catholiques sous la charge de 16 prêtres et de 17 frères coadjuteurs, répartis en 20 stations missionnaires. Il y a également une quinzaine de religieuses, filles de Notre-Dame du Sacré-Coeur. Les deux premières semaines sur place sont occupées à visiter l’ensemble de la mission. Le 11 février, le Père Alain est nommé pro-vicaire général.

La partie sud-est de l’île, que les Missionnaires du Sacré-Coeur français ont en charge, est une possession britannique. Elle relève de l’autorité d’un gouverneur anglais qui prétend interdire aux catholiques les secteurs réservés aux protestants. Le Père Alain défend avec vigueur le droit de la liberté d’évangélisation; cependant, pour éviter les conflits, il prend l’initiative d’aller au large, vers des régions inexplorées dans les montagnes pour y implanter les premières missions. Cette décision sera confirmée quelques années plus tard par le Pape saint Pie X lui-même, qui dira au Père Alain, devenu évêque: «La lutte ne convient pas. Nous avons d’immenses terrains libres, il faut y aller plutôt que de se heurter aux protestants. Nous ne pouvons nous unir à eux, mais ils sont, en quelque sorte, nos «adjutores» (aides)… Ils donnent la vérité en partie».

En effet, comme l’enseignera le concile Vatican II, «ces Églises et Communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut » (Unitatis redintegratio, 3).

À la fin de l’année suivante, il reçoit sa nomination à l’épiscopat en qualité de coadjuteur de Mgr Navarre. La consécration épiscopale lui est conférée le 18 mars 1900 dans la basilique de Montmartre à Paris: il n’a pas trente ans. Mgr Alain – c’est de cette manière affectueuse qu’on l’appellera le plus souvent – fait preuve d’une activité extraordinaire. Il n’échappe pas aux fièvres équatoriales, mais sa santé résiste. Chaque année, il parcourt plusieurs fois le territoire de la mission, visite les postes éloignés les uns des autres de plusieurs journées de marche, fonde des stations, ouvre de nouveaux districts. Au témoignage de l’un de ses missionnaires, «il se déplace avec une rapidité étonnante. À pied, à cheval, sur une méchante barque, il est toujours là pour dire la parole ferme qu’il faut, donner un élan, prendre les déterminations nécessaires.»

De retour en Papouasie après sa visite ad limina (à Rome) de 1911, Mgr de Boismenu, qui est devenu vicaire apostolique, reprend en main avec vigueur l’oeuvre de civilisation et d’évangélisation: orphelinats, écoles paroissiales élémentaires et professionnelles, écoles de catéchistes surtout, pour préparer une élite qui formera des Chrétiens à son tour et suscitera des vocations. L’évêque est convaincu que l’avenir de la mission se trouve dans la formation d’un clergé autochtone: il s’agit d’avoir «non seulement des Chrétiens, mais une chrétienté», affirme-t-il.

Les réponses de Dieu

Mgr Alain s’appuie sur le Seigneur présent dans le Saint-Sacrement: «J’élève près de ma résidence à Yule Island un oratoire épiscopal. Il me faut le Saint-Sacrement tout près, pour que je puisse à toute heure aller trouver Notre-Seigneur, Lui rendre compte de ma mission, Lui exposer mes soucis, mes difficultés, dans la solitude Lui parler coeur à coeur. Il y a des moments où nul homme ne peut me conseiller, des choses que je ne puis confier à personne. Et c’est si bon, si reposant de pouvoir se recueillir, tout seul, et attendre les bonnes idées, les bonnes solutions qui sont les réponses de Dieu.»

Pendant la première Guerre mondiale, la mission vit une période précaire; si les missionnaires sont dispensés de servir sous les drapeaux, on ne peut pourtant plus compter sur l’envoi de renforts. De plus, le soutien financier vient à manquer cruellement. Pourtant, suivant un plan de visites aux stations et aux postes éloignés, tous les secteurs de la mission sont desservis. Pour soutenir ses prêtres dans cette situation difficile, Mgr Alain publie une lettre pastorale dans laquelle on peut lire: «Si vous voulez donner à votre effort sa pleine mesure et assurer son succès, mettez-y largement l’élément surnaturel. C’est l’élément essentiel, le maître facteur du résultat. Rien ne le remplace, ni dévouement, ni savoir-faire, ni travail acharné. Sans lui, c’est l’agitation stérile, le gaspillage des forces, le temps perdu. Avec lui, au contraire, c’est le plus petit effort fécondé, la moindre force décuplée, c’est le succès final divinement garanti.»

En 1918, plusieurs jeunes filles papoues ont résolu de devenir religieuses. Mgr de Boismenu les réunit en communauté et leur donne le nom de «Servantes de Notre-Seigneur», mais on prend vite l’habitude de les appeler «Ancelles». Mère Marie-Thérèse Noblet, venue de France, prend en main la jeune fondation, et forme au service de l’apostolat les religieuses indigènes que Mgr de Boismenu, dès 1925, envoie dans diverses stations de la mission. Mère Marie-Thérèse partage l’idéal de son évêque; elle a la même passion: l’amour de Dieu et le salut des âmes.

La trame invisible de l’histoire

Dans ces contrées, jusqu’alors sous la puissance du prince des ténèbres, la lutte pour extirper les pratiques superstitieuses est intense. Dans une lettre pastorale du 29 septembre 1922, Mgr de Boismenu écrit à ses prêtres: «Il existe bien deux royaumes qui se divisent le monde et se disputent les âmes; deux armées toujours et violemment aux prises: l’armée de Jésus-Christ, l’Église, ardente à sauver les âmes; l’armée de Satan, furieuse à les perdre. Guerre sans trêve ni merci. Beaucoup l’ignorent, beaucoup n’y voient qu’une fiction. Elle est pourtant bien réelle. C’est la trame invisible de l’histoire du monde, jusqu’à la fin des temps.» Après avoir rappelé que Lucifer est rempli de haine contre Dieu et les âmes, l’évêque continue en dévoilant la tactique diabolique: «Priver les hommes du surnaturel et les ramener au plan naturel, où sa nature supérieure reprend ses avantages et son empire… Comme il y a réussi, Satan, chez les civilisés! Comme il leur a restreint la part du surnaturel! Il les a ramenés, en masse, au naturel. Il les y tient solidement enfermés…»

Cette tentation de limiter notre horizon aux choses de la terre est relevée également par le Pape Benoît XVI : «La majorité des hommes ne considère pas comme prioritaires les affaires de Dieu, celles-ci ne nous pressent pas immédiatement. Et nous aussi, pour l’immense majorité, nous sommes disposés à les renvoyer à plus tard. Avant tout, nous faisons ce qui, ici et maintenant, apparaît urgent. Dans la liste des priorités, Dieu se retrouve souvent presque à la dernière place. Il sera toujours temps – pense-t-on – de s’en préoccuper.» À l’encontre de cette déviation, le Saint-Père propose l’exemple des bergers dans l’Évangile de Noël: «Celui-ci nous raconte que les bergers, après avoir entendu le message de l’Ange, se dirent l’un à l’autre: «Allons jusqu’à Bethléem…» Ils y allèrent sans délai (Lc 2, 15-16). Ils se hâtèrent, dit littéralement le texte grec. Ce qui leur avait été annoncé était si important qu’ils devaient se mettre en route immédiatement. En effet, ce qui leur avait été dit là, allait absolument au-delà de l’ordinaire. Cela changeait le monde. Le Sauveur est né. Le Fils de David attendu est venu au monde dans sa ville. Que pouvait-il y avoir de plus important?… L’Évangile nous dit: Dieu a la plus grande priorité. Si quelque chose dans notre vie est urgent, c’est alors, seulement la cause de Dieu… Dieu est important, il est dans l’absolu la réalité la plus importante de notre vie. C’est précisément cette priorité que nous enseignent les bergers. Nous voulons apprendre d’eux à ne pas nous laisser écraser par toutes les choses urgentes de la vie quotidienne. Nous voulons apprendre d’eux la liberté intérieure de mettre au second plan les autres occupations – pour importantes qu’elles soient – pour nous approcher de Dieu, pour le laisser entrer dans notre vie et dans notre temps. Le temps consacré à Dieu et, à partir de Lui, à notre prochain, n’est jamais du temps perdu. C’est le temps dans lequel nous vivons vraiment, dans lequel nous vivons en tant que personnes humaines» (24 décembre 2009).

Pour contrecarrer l’influence diabolique, Mgr Alain recommande la prière aux saints Anges: «Égaux par nature aux démons, les saints Anges ont pour eux l’avantage de la grâce. Ils percent les ruses et les menées de l’adversaire. Aucun de nos dangers ne leur échappe. Ils l’écartent, parfois spontanément; ils nous en avertissent toujours, et, si nous voulons, nous aident puissamment à l’affronter, apaisant nos passions, éclairant notre intelligence, fortifiant notre volonté, et s’unissant à nous pour obtenir un surcroît de grâce et de force. Heureux de servir Dieu en nous servant, leur service est un service d’amour. Car, ils nous aiment, nos chers Anges, d’une amitié qui dépasse nos rêves. Sachant au juste le prix de nos âmes, ils en veulent le salut plus ardemment encore que Satan ne veut leur perte… Ah! si notre foi était plus simple, et plus vif le sentiment de la présence de nos Anges, de leur amour, de la valeur de leurs services! Si nous étions plus attentifs à leurs inspirations, plus prompts à les appeler et plus confiants dans leur aide, quelle force pour nous-mêmes et pour notre ministère!»

Le seul but de l’Église

Le 28 février 1926, le Pape Pie XI publiait l’encyclique Rerum Ecclesiae qui marquerait profondément l’histoire missionnaire de l’Église. Mgr Alain la présente ainsi: «Pie XI proclame la loi suprême de l’apostolat: le salut du plus grand nombre, et trace fermement la ligne à suivre pour y arriver… C’est bien l’accent du divin Maître. Sa voix, souffle de son Esprit, qui, au cours des âges, mène l’Église à sa mission… Dilater le règne du Christ partout, porter à tous les hommes le salut: c’est le seul but de l’Église militante.»

Le Concile Vatican II a, lui aussi, souligné l’appel de l’Église à la mission: «Envoyée par Dieu aux nations pour être le sacrement universel du salut, l’Église, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur, est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Évangile à tous les hommes…» (Décret Ad gentes, 1). Le Catéchisme de l’Église Catholique explique: «Le but dernier de la mission n’est autre que de faire participer les hommes à la communion qui existe entre le Père et le Fils dans leur Esprit d’amour. C’est de l’amour de Dieu pour tous les hommes que l’Église a de tout temps tiré l’obligation et la force de son élan missionnaire: car l’amour du Christ nous presse… (2 Co 5, 14). En effet, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2, 4). Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de l’Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut; mais l’Église à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. C’est parce qu’elle croit au dessein universel de salut qu’elle doit être missionnaire» (CEC 850-851).

Le premier prêtre indigène

Les directives de Pie XI sont si bien appliquées en Papouasie, qu’en quelques mois, vingt-trois nouvelles tribus ont pu être atteintes par les missionnaires, et dix-huit nouveaux postes ouverts. En 1929, Mgr de Boismenu peut écrire à ses missionnaires: «Vous n’avez pas fait feu de paille. Plus de deux mille catéchumènes sont en instruction, cinq fois plus qu’en 1925. Vous avez donc pris au sérieux la consigne romaine et rondement mené la campagne évangélique… L’allure est bonne, elle plaît à Dieu. Il aime qu’on le serve hardiment.» En 1930, Mgr Alain se rend de nouveau à Rome pour la visite décennale. À cette occasion, il passe un peu de temps dans sa famille où il reçoit la demande de l’une de ses nièces de le suivre en Papouasie. Un an plus tard, Solange Bazin de Jessey sera sur place pour succéder à Mère Marie-Thérèse Noblet, décédée en début d’année. En 1935, la mission de Papouasie fête son cinquantenaire. Un événement mémorable ouvre cette année jubilaire: l’inauguration du premier Carmel des îles océaniennes. Depuis plusieurs années déjà, Mgr Alain poursuivait des démarches pour la réalisation de ce projet. En 1937, il a une autre joie: celle d’accueillir le premier prêtre indigène, le Père Louis Vanghéké de la tribu de Mékéo, ordonné à Madagascar où on l’avait envoyé faire ses études. Dans une lettre pastorale, l’évêque laisse éclater sa joie: «Cet humble enfant de notre sol, le voilà donc consacré prêtre de Dieu, ministre autorisé de la rédemption de son Fils et l’intime ami de notre divin Maître et Seigneur Jésus-Christ… En voyant un des leurs à l’autel, en chaire, au confessionnal, ils vont saisir sur le vif l’harmonieuse fusion des couleurs et des races dans l’unité de l’Église, indifférente aux castes et nulle part étrangère…»

En mai 1941, la nouvelle se répand: Monseigneur Alain est mourant! Un missionnaire recueille alors de son évêque ces paroles: «Si je pars, que la volonté de Dieu soit faite. Demandez avec moi qu’elle se fasse… Je vous demande pardon à tous, à tous ceux et celles à qui j’ai fait de la peine, pour qui j’ai été trop dur, pas assez bon, pour qui j’ai eu des manques, manques de soutien, manques de justice… Oui, pardonnez-moi tous. Pour moi, je n’ai rien à pardonner, non, rien à pardonner. On est de la même famille, n’est-ce pas? On a pu se faire mutuellement de la peine, mais on s’est pardonné mutuellement…» Contre toutes prévisions, l’évêque se remet et peut reprendre, quelques mois plus tard, ses visites pastorales.

L’extension des hostilités dans le Pacifique pendant la deuxième Guerre mondiale met de nouveau la mission à rude épreuve. En février 1942, les forces japonaises débarquent sur la côte nord de la Nouvelle-Guinée. Dans ce contexte peu rassurant, Mgr Alain donne des directives: il prend des mesures pour prévenir la disette; sur le plan pastoral, il précise les conditions requises pour l’absolution générale et souligne que les secours spirituels sont dus à tout belligérant, quelle que soit sa nationalité.

Du temps pour aimer à fond

En 1945, le Saint-Siège lui donne un successeur dans la personne du Père André Sorin. À la grande joie de tous, Mgr de Boismenu restera en Papouasie. Sept années durant, il vivra au pied des montagnes. De son ermitage, il continue à rendre quelques services pour le bien des âmes, mais avant tout il se consacre à la prière: «Quant à moi, écrit-il à un missionnaire, je vis retiré dans mon ermitage, auquel est adjoint maintenant un petit oratoire où je puis encore, Dieu merci, célébrer la sainte Messe tous les jours; grâce que j’espère avoir jusqu’au bout: suprême consolation des vétérans qui peuvent encore ainsi «exercere opus redemptionis» (accomplir l’oeuvre de la rédemption).» Alors que sa fin approche, il écrit à l’un de ses neveux: «Je suis impotent, et plus rien ne marche, sauf le coeur, qui a désormais du temps pour aimer à fond. C’est bon de se dire qu’on peut aimer de plus en plus, et qu’il nous sera donné d’aimer dans une pleine mesure, un jour…»

Apprenant que leur Père est près de sa fin, les missionnaires accourent à son chevet. Le mourant les accueille avec sa gentillesse habituelle, et leur confie: «Je n’aime pas la façon dont certains livres parlent du détachement. Nous avons un coeur, c’est pour aimer. Notre-Seigneur a aimé. Ce qu’Il ne veut pas, c’est que nous aimions au point de nous cramponner. Il faut pouvoir lâcher au premier appel et être prêt à toutes les séparations… mais cela fait mal…» Sentant ses forces le quitter, il regarde longuement les missionnaires qui l’entourent et leur dit d’une voix forte: «Tenez bon.» Le 5 novembre 1953, à trois heures de l’après-midi, son coeur cesse de battre, à l’instant même où l’on récite le verset, Seigneur, entre vos mains je remets mon esprit. Son corps repose au Kubuna, dans le cimetière de Val Fleuri, auprès de ceux de Mère Marie-Thérèse Noblet et de Mère Solange Bazin de Jessey. Sa cause de béatification a été introduite.

La devise épiscopale de Mgr Alain de Boismenu: «Ut cognoscant Te» (Afin qu’ils Te connaissent), est tirée du discours prononcé par Jésus après la Cène: La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ (Jn 17, 3). Le bonheur, la passion de cet évêque, a été de conduire les hommes à la connaissance de Dieu qui seul peut les sauver et les rendre heureux. Que l’exemple de son zèle nous aide à étendre le royaume de Dieu sur terre et à conduire les âmes vers la béatitude du Ciel!

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