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11 juillet 2006

Miracle de Calanda-Miguel Juan Pellicer

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Par sa révélation, provenant de l’immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible, s’adresse aux hommes comme à ses amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec Lui et les recevoir en cette communion, enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique. La réponse adéquate à cette invitation est la foi. Par la foi, l’homme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu… Le motif de croire n’est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons à cause de l’autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. Néanmoins, pour que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation» (CEC, 142-143, 156).

En premier lieu, il s’agit d’accréditer celui qui parle au nom de Dieu. Hommes d’Israël, écoutez, déclare saint Pierre, le jour de la Pentecôte: Jésus de Nazareth, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par des miracles, prodiges et signes… vous l’avez cloué sur la croix… et fait mourir. Mais Dieu l’a ressuscité (Ac 2, 22-24). «Ce témoignage, explique le Pape Jean-Paul II, contient une synthèse de toute l’oeuvre messianique de Jésus de Nazareth… Les prodiges et les signes témoignaient que Celui qui les accomplissait était vraiment le Fils de Dieu» (Audience générale [AG] du 11 novembre 1987). De même l’évangéliste saint Jean affirme: Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom (Jn 20, 30-31).

De plus, les fidèles eux-mêmes feront, dans la suite des siècles, des «signes miraculeux» au nom de Jésus; le divin Maître l’a annoncé à ses apôtres: Croyez ce que je vous dis: je suis dans le Père, et le Père est en moi; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des oeuvres. Amen, amen, je vous le dis: celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes (Jn 14, 11-12). «Le but essentiel de ces signes, précise Jean-Paul II, est de montrer au monde le destin et la vocation de l’homme au Royaume de Dieu» (AG du 13 janvier 1988). Toutefois, ces «signes-miracles» se sont heurtés chez certains à un préjugé anti-surnaturel «qui voudrait limiter la puissance de Dieu ou la restreindre à l’ordre naturel des choses, comme en obligeant Dieu à s’en tenir à ses lois» (AG du 9 décembre 1987). En conséquence, nombreuses sont aujourd’hui les personnes qui nient l’existence ou même la possibilité du miracle, à la suite d’auteurs célèbres dont l’influence est loin d’être éteinte.

Aucune jambe de bois!

En 1874, Émile Zola visite le sanctuaire de Lourdes. Devant les nombreux ex-voto de la grotte, il déclare, moqueur: «Je vois beaucoup de cannes, beaucoup de béquilles, mais je ne vois aucune jambe de bois». Il voulait dire que jamais, à Lourdes ou ailleurs, on n’avait vu un membre manquant ou amputé, reprendre vie et repousser. De même, Jean-Martin Charcot, célèbre neurologue en son temps (1825-1893): «En consultant le catalogue des guérisons prétendues «miraculeuses» de Lourdes, on n’a jamais constaté que la foi ait fait repousser un membre amputé». Ces déclarations en forme de défi visent à ruiner, au nom de la raison et de l’esprit critique, la croyance en l’existence du monde surnaturel. Ernest Renan déclare sans ambages: «Ce que nous réfutons est le surnaturel… Jusqu’ici, il ne s’est jamais produit de «miracle» qui pût être observé par des témoins dignes de foi et constaté avec certitude» (Préface de la Vie de Jésus).

Miracle et monde surnaturel sont effectivement liés. Refusant d’admettre celui-ci, les rationalistes nient la possibilité de celui-là. Ils classent donc parmi les fables les narrations évangéliques qui, pourtant, «sont dignes de foi autant et davantage que celles que contiennent d’autres oeuvres historiques» (Jean-Paul II, AG du 9 décembre 1987). Les miracles évangéliques sont des faits qui ont vraiment eu lieu et qui ont été réellement opérés par le Christ; ceux qui les rapportent en ont témoigné jusqu’au sang. Au sujet des Évangiles, nous possédons des manuscrits bien plus anciens et plus nombreux que pour les écrits profanes de l’Antiquité tenus pour historiques.

Qu’est-ce qu’un miracle? C’est un fait sensible qui se produit en dehors ou au-dessus du mode d’action de la nature créée; il manifeste par là-même l’intervention d’une puissance supérieure à la nature. Or, des miracles ont été observés: «L’histoire de l’Église et, en particulier, les procès menés pour les causes de canonisation… constituent une documentation qui, soumise à l’attention même la plus sévère de la critique historique et de la science médicale, confirme l’existence de la force d’en haut (Lc 24, 49) qui opère dans l’ordre de la nature et la dépasse» (Jean-Paul II, AG du 13 janvier 1988).

Renan démenti

Le miracle que nous allons raconter est bien antérieur à Renan. Il s’agit non d’un rêve, ni d’une fable, mais d’un fait, attesté avec toutes ses circonstances par des preuves historiques irréfutables. Ce fait dément catégoriquement l’affirmation de Renan… Par une curieuse anomalie, il est resté presque inconnu hors d’Espagne pendant près de trois siècles. Le bénéficiaire, Miguel Juan Pellicer, est parfaitement connu grâce aux nombreux renseignements conservés par les archives de la paroisse de Calanda (province d’Aragon, nord de l’Espagne), qu’une personne courageuse a soustraites au pillage et aux destructions pendant la guerre civile de 1936.

Miguel Juan Pellicer reçoit le baptême le 25 mars 1617. Il est le deuxième des huit enfants de modestes agriculteurs qui mènent une vie vertueuse. L’instruction de l’enfant se réduit au catéchisme. Cette formation religieuse élémentaire enracine en lui une foi catholique simple et solide, fondée sur la réception régulière des Sacrements et sur une ardente et filiale dévotion à la Vierge Marie, vénérée à Saragosse sous l’appellation de «Nuestra Señora del Pilar» (Notre-Dame du Pilier), Patronne de l’Espagne. Vers l’âge de dix-neuf ou vingt ans, Miguel s’installe comme ouvrier agricole, au service d’un oncle maternel, dans la province de Valence. À la fin de juillet 1637, alors qu’il conduit vers la ferme deux mulets traînant une charrette chargée de blé, il tombe de l’attelage et une des roues de la charrette passe sur sa jambe, au-dessous du genou, provoquant la fracture du tibia.

L’oncle Jaime transporte sans retard le blessé à la petite ville voisine, puis à une soixantaine de kilomètres de là, à Valence, où il arrive le 3 août. Miguel y reste cinq jours, au cours desquels lui sont appliqués divers remèdes qui restent sans effet. Il retourne alors à Saragosse où il parvient dans les premiers jours d’octobre 1637. Épuisé et fiévreux, il est admis au Real Hospital de Gracia. Là, il est examiné par Juan de Estanga, professeur à l’université de Saragosse, chef du service de chirurgie, et par deux maîtres chirurgiens, Diego Millaruelo et Miguel Beltran. Ces praticiens, ayant constaté la gangrène avancée de la jambe concluent que le seul moyen de sauver la vie du malade est l’amputation. Lorsqu’ils témoigneront devant les juges, ces médecins décriront la jambe comme «très phlegmoneuse et gangrenée», au point de paraître «noire». Vers la mi-octobre, Estanga et Millaruelo procèdent à l’opération: ils coupent la jambe droite «quatre doigts au-dessous du genou». Bien qu’assoupi par la boisson alcoolisée et narcotique en usage à l’époque, le patient ressent des douleurs atroces: «Dans son tourment, diront les témoins, le jeune homme invoquait sans cesse et avec beaucoup de ferveur la Vierge du Pilier». Un étudiant en chirurgie, du nom de Juan Lorenzo García est chargé de recueillir la jambe coupée et de l’enterrer dignement dans la partie du cimetière de l’hôpital réservée à cet usage. À cette époque de foi, le respect envers le corps destiné à ressusciter, imposait que même les restes anatomiques fussent traités avec piété. García attestera plus tard avoir enterré le morceau de jambe, horizontalement, «dans un trou profond d’un empan», soit vingt et un centimètres selon la mesure aragonaise.

La puissance de la Vierge

Après quelques mois de séjour à l’hôpital, avant même que sa plaie ne soit parfaitement cicatrisée, Miguel se rend au sanctuaire «du Pilier», à environ un kilomètre, et remercie la Vierge «de lui avoir sauvé la vie, afin qu’il pût continuer à la servir et à lui manifester sa dévotion»; puis il la prie instamment de lui obtenir de «pouvoir vivre de son travail». Au printemps 1638, l’administration de l’hôpital lui fournit une jambe de bois et une béquille. Pour survivre, le jeune homme n’a d’autre solution que de se faire «pordiosero», c’est-à-dire mendiant autorisé par le Chapitre des chanoines du sanctuaire «du Pilier». Saragosse compte alors vingt-cinq mille habitants: la plupart vont «saluer la Vierge» chaque jour. L’attention de ces innombrables visiteurs est attirée par le visage souffrant de ce jeune estropié qui sollicite leur charité. Miguel assiste chaque jour à la Sainte Messe dans le sanctuaire; à la fin de celle-ci, il enduit son moignon avec l’huile des lampes qui brûlent en permanence devant la statue de Notre-Dame du Pilier. Le professeur Estanga a beau lui expliquer que ces onctions auront pour effet de retarder la cicatrisation de sa plaie, Miguel continue son geste de dévotion: cet acte de foi dans la puissance de la Vierge prime, pour lui, sur les règles sanitaires.

Au début de 1640, Miguel rentre dans son pays natal. Il arrive à Calanda, monté sur un petit âne, au mois de mars. Son voyage d’environ 120 kilomètres l’a épuisé; mais l’affectueux accueil de ses parents lui redonne des forces. Miguel va avoir 23 ans. Ne pouvant aider les siens par son travail, il se remet à demander l’aumône. Nombreux seront ceux qui témoigneront avoir vu le jeune mutilé dans les villages des alentours de Calanda, monté sur un petit âne, sa jambe coupée en évidence, pour interpeller la charité des habitants. Le 29 mars 1640, on fête, cette année-là, le 1600e anniversaire de la «venue en chair mortelle» de la Vierge Marie sur les bords de l’Èbre, selon la persuasion des gens de la région. C’est là l’origine de la vénération séculaire des Espagnols envers la Vierge du Pilier. À la même époque, paraît à Louvain (en Flandre alors espagnole) «l’Augustinus», livre de l’évêque Cornelius Jansen, qui donnera son nom au Jansénisme, doctrine tristement célèbre qui rejette comme indignes de la foi pure, la dévotion mariale, la piété populaire, les pèlerinages, les processions, l’attention des gens simples aux miracles…

Ce jeudi 29 mars, Miguel s’efforce d’aider les siens en remplissant de fumier les hottes dont est chargé le petit âne. Il le fait neuf fois de suite, malgré sa difficulté à se tenir sur sa jambe de bois. Le soir venu, il rentre à la maison, fatigué, son moignon plus endolori que d’habitude. Cette nuit-là, les Pellicer doivent héberger, par ordre du gouverneur, un des soldats de la Cavalerie royale qui marche vers la frontière pour repousser les troupes françaises: Miguel est contraint de lui laisser son lit et il couche sur un matelas à même le sol, dans la chambre de ses parents. Il s’y allonge, vers dix heures. Ayant enlevé sa jambe de bois, il étend sur lui un simple manteau, trop court pour couvrir tout le corps, car il a prêté sa couverture au soldat, puis il s’endort…

Deux pieds et deux jambes

Entre dix heures et demie et onze heures, la mère de Miguel entre dans la chambre, une lampe à huile à la main. Elle sent aussitôt «un parfum, une odeur suave». Intriguée, elle lève sa lampe: du manteau qui couvre son fils profondément endormi, dépassent non pas un, mais deux pieds, «l’un sur l’autre, croisés». Saisie de stupeur, elle va chercher son mari; celui-ci soulève le manteau: pas de doute, ce sont bien deux pieds, chacun au bout d’une jambe! Non sans peine, ils parviennent à réveiller leur fils. Prenant peu à peu conscience de ce qui s’est passé, Miguel en est émerveillé; la première parole qui lui vient sur les lèvres est pour demander à son père de «lui donner la main, et de lui pardonner les offenses qu’il a pu lui faire». Cette réaction spontanée et immédiate d’humilité, chez celui qui est le bénéficiaire d’un prodige, est un signe très fort de l’origine divine de celui-ci. Lorsqu’on lui demande, avec émotion, s’il a «quelque idée de la manière dont cela est arrivé», le jeune homme répond qu’il n’en sait rien, mais que lorsqu’on l’a tiré de son sommeil, «il était en train de rêver qu’il se trouvait dans la Sainte Chapelle de Notre-Dame du Pilier et qu’il oignait sa jambe coupée avec l’huile d’une lampe, comme il avait coutume de le faire». Il tient aussitôt pour certain que c’est Notre-Dame du Pilier qui lui a rapporté et remis en place sa jambe coupée. Devant le notaire, le lundi suivant, les parents affirment à leur tour qu’ils «estiment et tiennent pour la vérité que la Très Sainte Vierge du Pilier a prié son Fils, notre Rédempteur, et a obtenu de Dieu ce miracle, en raison des prières de Miguel, ou parce que telles étaient Ses voies mystérieuses». Ces Chrétiens voient clairement que ce n’est pas la Vierge qui «fait» les miracles, mais que, par sa supplication, elle les obtient de la Sainte Trinité. Aussi aimée et vénérée soit-elle, la Vierge n’est pas considérée comme une déesse païenne, mais comme une intermédiaire entre nous et son Fils, selon le rôle maternel que Celui-ci lui a lui-même imparti en disant à saint Jean: Fils, voilà ta Mère (Jn 19, 27).

Revenu de sa première émotion, le jeune homme commence à mouvoir et à palper sa jambe. À l’observation, on découvre sur celle-ci des marques d’authenticité: la première est la cicatrice laissée par la roue de la charrette qui a fracturé le tibia; il y a aussi la trace de l’excision d’un gros kyste, lorsque Miguel était encore petit; deux griffures profondes laissées par une plante épineuse; enfin, les traces de la morsure d’un chien sur le mollet. Miguel et ses parents ont donc la certitude que «la Vierge du Pilier a obtenu de Dieu Notre Seigneur la jambe qui avait été enterrée plus de deux ans auparavant». Ils le déclareront sous la foi du serment et sans hésitation, devant les juges de Saragosse. Une gazette de l’époque, «l’Aviso Histórico», écrit en date du 4 juin 1640, veille de l’ouverture du procès, que, malgré les recherches faites dans le cimetière de l’Hôpital de Saragosse, la jambe enterrée n’a pas été retrouvée: le trou qui la contenait était vide!

Tous sont abasourdis

Dès l’aube du 30 mars, vendredi de la Passion, fête de Notre-Dame des Sept Douleurs, l’incroyable nouvelle se répand dans tout le bourg. Don Juseppe Herrero, vicaire de la paroisse, arrive chez les Pellicer, suivi du «justicia», qui cumule les fonctions de juge de paix et de responsable de l’ordre public, du maire et de son adjoint, du notaire royal et des deux médecins de Calanda. Une procession se forme pour accompagner le jeune miraculé à l’église paroissiale, où le reste des habitants l’attend. Tous, disent les documents, sont abasourdis en le voyant de nouveau avec sa jambe droite, alors qu’ils l’avaient vu avec une seule jambe jusqu’à la veille au soir. Le miraculé se confesse, et reçoit la sainte Communion au cours de la Messe d’action de grâces célébrée par le vicaire.

Pourtant, la jambe n’a pas, au début, un bel aspect: couleur violacée, doigts de pied recourbés, muscles atrophiés et surtout, longueur inférieure à celle de la jambe gauche de quelques centimètres. Il faut trois jours pour que la jambe reprenne son aspect normal, avec sa souplesse et sa force. Ces circonstances, soigneusement observées et étudiées lors du procès, confirment qu’il ne s’agit pas d’un numéro d’illusionnisme; elles prouvent que la jambe restituée est bien la même que celle qui avait été enterrée deux ans et cinq mois auparavant, à plus de 100 km de distance… Au mois de juin suivant, les témoins affirment devant les juges de Saragosse que Miguel «peut appuyer son talon par terre, bouger ses orteils, courir sans difficulté». On constate en outre que, depuis fin mars, le membre récupéré s’est «allongé de presque trois doigts», et qu’il est à présent aussi long que l’autre. Une seule marque ne disparaît pas: la cicatrice qui forme un cercle rouge à l’endroit où le segment de jambe s’est réuni à l’autre. C’est comme une marque indélébile du prodige.

«Il faudrait donc qu’un miracle fût constaté par un certain nombre de personnes sensées qui n’eussent aucun intérêt dans la chose, affirmait Voltaire. Et il faudrait que leurs témoignages fussent enregistrés en bonne et due forme: en effet, si nous avons besoin de tant de formalités pour des actes tels que l’achat d’une maison, un contrat de mariage, un testament, combien n’en faudrait-il pas pour vérifier des choses naturellement impossibles?» (Article «Miracle» de son Dictionnaire philosophique). Or, cent vingt ans auparavant, un tel acte a précisément été dressé à Calanda. Le lundi 1er avril 1640, quatrième jour après le prodige, le curé et un vicaire de Mazaleón, bourg éloigné de 50 km, se déplacent avec le notaire royal de l’endroit pour vérifier la réalité des faits et en dressent un acte officiel.

Aucune voix discordante

À la fin du même mois d’avril, la famille Pellicer décide d’aller remercier la Vierge du Pilier. À Saragosse, la municipalité demande que s’ouvre un procès, pour que toute la lumière soit faite sur l’événement. Le 5 juin, soit deux mois et une semaine après l’événement, le procès canonique est officiellement ouvert. Il est public et non à huis clos. Plus de cent personnes de conditions sociales diverses y prennent part. Contre la fiabilité de ce procès, aucune voix discordante ne s’est jamais élevée. Le 27 avril 1641, l’archevêque rend solennellement sa sentence. Il déclare «admirable et miraculeuse» la restitution de la jambe droite, précédemment amputée, dont a bénéficié Miguel Juan Pellicer, natif de Calanda.

On peut appliquer à tout véritable miracle, ce que saint Augustin disait de ceux du Christ: «Les miracles accomplis par Notre-Seigneur Jésus-Christ sont des oeuvres divines qui enseignent l’intelligence humaine à s’élever au-dessus des choses visibles pour comprendre ce qu’est Dieu». Le Pape Jean-Paul II commente: «Nous pouvons rattacher à cette idée la réaffirmation du lien étroit qui existe entre les «miracles-signes» accomplis par Jésus et l’appel à la foi. En effet, de tels miracles démontrent l’existence de l’ordre surnaturel, qui est objet de foi. À ceux qui les observaient, et particulièrement à ceux qui en faisaient personnellement l’expérience, ils donnaient à constater, comme s’ils touchaient du doigt, que l’ordre naturel n’épuise pas entièrement la réalité. L’univers dans lequel vit l’homme n’est pas tout entier enfermé dans le cadre de l’ordre des choses accessibles aux sens et même à l’intelligence, conditionnée par la connaissance sensible. Le miracle est le «signe» que cet ordre est surpassé par la force d’en haut, et qu’il lui est aussi soumis. Cette force d’en haut (cf. Lc 24, 49), c’est-à-dire Dieu Lui-même, est au-dessus de l’ordre de la nature tout entier. Elle détermine cet ordre et, en même temps, à travers lui et au-dessus de lui, elle fait connaître que le destin de l’homme, c’est le Royaume de Dieu. Les miracles du Christ sont des «signes» de ce Royaume… Après la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte, les «miracles-signes», accomplis par le Christ furent «continués» par les apôtres et puis par les saints qui se succèdent de génération en génération» (AG du 13 janvier 1988).

Le miracle de Calanda, impensable et pourtant parfaitement attesté, est de nature à conforter notre foi dans l’existence d’un monde invisible, celui de Dieu et de son Royaume éternel, auquel nous sommes appelés à participer en tant qu’enfants adoptifs. Là est la réalité suprême et éternelle, à laquelle nous devons rapporter toutes les autres, comme un homme prudent ordonne les moyens à la fin. Les miracles nous révèlent surtout le Coeur aimant et miséricordieux de Dieu pour l’homme, particulièrement pour l’homme qui souffre, qui est dans le besoin, qui implore la guérison, le pardon et la pitié. Ils contribuent à nous établir dans une espérance indéfectible en la miséricorde de Dieu et nous incitent à dire souvent: «Jésus, j’ai confiance en Vous!»

Cf. Vittorio Messori, Le Miracle impensable,

éd. Mame 2000.

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