4 octobre 2005

Bienheureux Ignace Maloyan

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux! (Mt 5, 11-12). Cette ultime béatitude, proposée par Notre-Seigneur avec une insistance particulière, garde son actualité à toute époque de l’histoire. Ainsi le Pape saint Pie X pouvait-il dire en 1911: «L’Église est une Église persécutée. En fait, si l’Église n’était pas la victime de la persécution, elle cesserait d’être l’Église de Jésus-Christ, et perdrait une preuve de son authenticité». Ces paroles adressées à un synode de l’Église arménienne catholique tenu à Rome, se sont avérées prophétiques: quelques années plus tard, l’Église arménienne subit un véritable génocide. Parmi les victimes, se trouvait Mgr Ignatius Maloyan, présent à ce synode. Lors de son martyre, l’évêque déclara à ses persécuteurs: « À Dieu ne plaise que je renie Jésus mon Sauveur. Verser mon sang en faveur de ma foi est le plus vif désir de mon coeur!»

Shoukr Allah (ou Chukrallah) Maloyan est né, le quatrième de huit enfants, en avril 1869 à Mardine, dans l’Arménie, province du sud-est de la Turquie. L’Arménie, évangélisée par les apôtres saint Jude et saint Barthélemy, devint une nation chrétienne en 305, lorsque saint Grégoire l’Illuminateur, premier patriarche d’Arménie, baptisa le roi Tiridate. À partir du xie siècle, le pays tomba aux mains des Turcs; au cours des neuf siècles qui suivirent, le peuple résista cependant pour conserver sa langue et sa religion chrétienne. Les Arméniens sont divisés entre deux confessions: «l’Église apostolique» qui n’a pas de lien avec le Saint-Siège, et l’Église arménienne catholique, à laquelle appartient la famille Maloyan. Au xixe siècle, une renaissance de la culture arménienne prit sa source dans la foi chrétienne, et se manifesta en particulier dans les familles.

Très tôt, le jeune Shoukr Allah présente les signes d’une vocation religieuse. À l’age de quatorze ans, son curé l’envoie dans un institut de formation du clergé de rite arménien, à Bzommar au Liban. Là, pendant cinq ans, il s’adonne à l’étude de l’arménien, du turc, de l’arabe, du français et de l’italien. Malgré des difficultés de santé qui l’obligent à suspendre ses études pendant trois ans, il est ordonné prêtre le 6 août 1896, et sera désormais appelé Père Ignatius.

Envoyé en mission en 1897 à Alexandrie, puis au Caire, il y acquiert la réputation d’un prêtre exemplaire. Lui-même écrit à cette époque: «Du matin au soir, je visite les malades, les pauvres, les nécessiteux. Le soir, quand je me couche, je suis totalement épuisé. Il n’y a personne pour s’occuper de ces infortunés, car tous poursuivent leurs propres intérêts et leur gain personnel. Quant à moi, je suis rempli de joie, sachant que j’accomplis la volonté de Dieu». La renommée du Père Ignatius comme prédicateur de retraites et conférencier lui vaut d’être souvent sollicité pour prêcher, aussi bien en arabe qu’en turc. Zélé pour la cause de l’unité des Chrétiens, il noue des contacts avec les Chrétiens Coptes d’Égypte, Église séparée de Rome, et s’efforce de répondre charitablement à leurs questions concernant l’Église catholique. Dans ses temps libres, il s’adonne à l’étude de la Sainte Écriture et des langues. Le Patriarche des Arméniens catholiques, qui réside à Constantinople (Istanbul), remarquant ses qualités exceptionnelles, le mande comme secrétaire en 1904. Toutefois, des raisons de santé l’obligent, peu après, à regagner l’Égypte où il demeure jusqu’en 1910.

En proie aux difficultés

Cependant, le diocèse de Mardine est dans une situation difficile; l’évêque du lieu, fort âgé, n’est plus en état de faire face aux graves problèmes qui se posent: manque de prêtres bien formés, situation économique difficile. Épuisé, il se retire, et le Patriarche confie l’administration du diocèse au Père Ignatius. Reçu avec enthousiasme dans sa ville natale, il est bientôt en proie aux mêmes difficultés. «Je suis désolé pour ce diocèse, écrit-il. Vivre ici est une torture; et néanmoins, c’est pour cela que nous sommes devenus prêtres». Le 21 octobre 1911, lors du synode des évêques arméniens réuni à Rome, le Père Ignatius est élu et consacré archevêque de Mardine. Dès son retour, il ouvre des écoles dans lesquelles les traditions et la littérature arméniennes sont mises à l’honneur, et se penche sur toutes les difficultés de ses fidèles; il cherche notamment à soulager ceux qui sont persécutés en raison de leur foi au Christ. Depuis la fin du xixe siècle, en effet, le sultan Abdul-Hamid cherche à étouffer la renaissance d’une conscience nationale arménienne, qu’il estime être une menace pour l’unité de l’empire ottoman. En 1895, des centaines d’églises et de couvents chrétiens ont été détruits et des centaines de milliers de fidèles massacrés; d’autres, non moins nombreux, ont quitté leur patrie. Lorsque Mgr Maloyan prend place sur le siège de Mardine, la persécution n’est pas tout à fait éteinte.

En dépit d’une santé défaillante, l’évêque témoigne d’un grand courage. Son premier souci est d’aider les prêtres et de former les séminaristes. C’est là une préoccupation qui doit habiter le coeur de tous les fidèles, chacun à son rang: «Il est plus que jamais urgent, aujourd’hui surtout, que se répande et s’enracine la conviction que ce sont tous les membres de l’Église, sans en exclure aucun, qui ont la grâce et la responsabilité du souci des vocations… Une responsabilité très particulière est confiée à la famille chrétienne, qui, en vertu du sacrement de mariage, participe d’une façon spéciale et originale à la mission éducatrice de l’Église maîtresse et mère» (Jean-Paul II, Exhortation apostolique Pastores dabo vobis, 25 mars 1992, n. 41).

«Dieu prend soin de ceux qui souffrent»

Peu après sa nomination comme archevêque, Mgr Maloyan écrit, dans un rapport au Saint-Siège: «Le peuple est affecté de désastres: si ce n’est pas la sécheresse, ce sont les sauterelles; et l’avarice du gouvernement sans coeur est toujours présente». Il sollicite des autorités civiles la permission de se rendre en Europe ou en Amérique pour obtenir des fonds, mais en vain. Devant cette situation, il demande à être relevé de sa charge. «Partout la pauvreté. Sans cesse le gouvernement, d’une manière insidieuse, me tracasse, moi et mon peuple. Personne ne nous plaint, personne n’essaie de rectifier cette situation désespérée. Que puis-je faire seul, abandonné de tous?» Mais le Patriarche refuse d’accepter sa démission. Cependant, Dieu ne l’abandonne pas; Il lui donne la grâce de tenir fidèlement à son poste, et lui fait expérimenter la vérité de cette parole de l’Apôtre saint Paul: Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort. Dans toutes nos détresses, il nous réconforte; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu (2 Co 1, 3-4). Mgr Maloyan écrit au Supérieur de Bzommar: «Soyez fort, mon Père. Soyez assuré que Dieu vous donnera toutes les grâces dont vous avez besoin. Ne craignez pas! Dieu prend soin de ceux qui souffrent; vous trouverez que son réconfort paternel est apaisant dans tous vos combats. Aussi ne faites pas attention à l’ingratitude et à l’égoïsme des autres. Comme vous le savez, j’ai bu à ce calice amer. Ce calice peut être bien doux, surtout si nous le mélangeons au calice du Christ lui-même».

Le soir du 3 août 1914, les participants à une retraite sacerdotale dans l’église des Capucins à Mardine apprennent que la Turquie a fait alliance avec l’Allemagne et l’Autriche contre la Russie, la France et l’Angleterre. Beaucoup ignorent qui est en guerre contre qui, et pourquoi. En octobre, le gouverneur turc donne l’ordre aux chefs religieux arméniens d’assurer la préparation des repas des soldats. Mgr Maloyan et un autre évêque, Mgr Tappouni, acceptent. Prétextant la recherche de Chrétiens déserteurs, la police commence à monter la garde autour des églises, à envahir habitations et couvents, maltraitant les femmes et confisquant les objets de valeur. La persécution contre les Arméniens se réveille. Pour dissimuler ses véritables intentions, le gouvernement turc octroie à Mgr Maloyan l’Ordre Impérial. Mais celui-ci ne se fait pas d’illusions. De fait, le gouverneur de Diarbekir révèle son plan à des militants musulmans: «Il est temps de délivrer la Turquie de ses ennemis du dedans, je veux dire les Chrétiens. Nous sommes assurés que les nations européennes n’objecteront rien et ne nous imposeront pas de sanctions, car l’Allemagne est de notre côté; elle nous soutiendra et nous aidera». Des envoyés du gouvernement répandent la consigne: «N’épargnez la vie d’aucun Chrétien ». Par ses confrères évêques, Mgr Maloyan apprend d’autres nouvelles inquiétantes: les maisons des Chrétiens et les églises sont pillées; la mention «Chrétien» doit figurer sur les pièces d’identité des soldats; les crimes contre des Chrétiens ne sont pas poursuivis, etc. En janvier 1915, tous les policiers et soldats chrétiens sont désarmés; les Chrétiens employés au service de l’État sont renvoyés; une milice armée est formée en vue d’arrêter les Chrétiens et de les tuer; quant aux femmes, elles seront vendues comme esclaves.

«Mon désir le plus ardent»

Le 24 avril 1915, le ministre de l’intérieur Turc, Talaat Bacha, annonce l’élimination des Arméniens, sous prétexte de trahison contre la Turquie. Le 30 avril, des soldats turcs encerclent l’église arménienne et l’archevêché de Mardine, accusant l’Église de receler des dépôts d’armes. N’en trouvant pas, ils s’acharnent à détruire archives et dossiers. Début mai, Mgr Maloyan réunit ses prêtres et les tient au courant des menaces fomentées contre les Arméniens: «Je vous encourage vivement à fortifier votre foi, leur dit-il. Mettez toute votre espérance dans la Sainte Croix fondée sur le roc de saint Pierre. Notre-Seigneur Jésus-Christ a édifié son Église sur cette pierre et sur le sang des martyrs. Quant à nous, pauvres pécheurs, que notre propre sang soit mêlé à celui des purs et saints martyrs… Notre désir est que vous mettiez votre espérance dans le Saint-Esprit… J’ai toujours prêté allégeance totale au chef de l’Église de Dieu, le saint Pontife romain. Mon désir le plus ardent est que mon clergé et mon troupeau suivent mon exemple et demeurent toujours obéissants au Saint-Siège… Et maintenant, ô mes fils bien-aimés, je vous confie à Dieu. Je vous demande de prier le Seigneur de me donner la force et le courage de traverser ce monde périssable avec sa grâce et dans son amour, et, s’il le faut, de verser mon sang pour Lui». Par ces paroles, le prélat manifeste son estime pour le don si précieux de la foi ainsi que son désir de témoigner pour elle jusqu’au bout. Le Catéchisme de l’Église Catholique nous offre à ce sujet un enseignement fort éclairant: «Croire en Jésus-Christ et en Celui qui l’a envoyé pour notre salut est nécessaire pour obtenir le salut. Parce que sans la foi… il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6) et d’arriver à partager la condition de ses fils, personne jamais ne se trouve justifié sans elle et personne à moins qu’il n’ait persévéré en elle jusqu’à la fin, n’obtiendra la vie éternelle. La foi est un don gratuit que Dieu fait à l’homme. Ce don inestimable, nous pouvons le perdre; saint Paul en avertit Timothée: Combats le bon combat, possédant foi et bonne conscience; pour s’en être affranchis, certains ont fait naufrage dans la foi (1 Tm 1, 18-19). Pour vivre, croître et persévérer jusqu’à la fin dans la foi, nous devons la nourrir par la Parole de Dieu; nous devons implorer le Seigneur de l’augmenter; elle doit agir par la charité, être portée par l’espérance et être enracinée dans la foi de l’Église» (CEC 161-162).

Les événements se précipitent: le 15 mai, plusieurs Arméniens sont arrêtés et emprisonnés; le 26, une famille arménienne de Diarbekir est massacrée. Alors qu’on lui offre la possibilité de fuir, Mgr Maloyan déclare: «Nous avons embrassé notre vocation de pasteur du troupeau, où qu’il soit. Nous sommes déterminés à remplir nos devoirs envers Notre-Seigneur et envers notre troupeau, même jusqu’à la mort». Le 3 juin, solennité de la Fête-Dieu, Mgr Maloyan commente, dans son homélie, ces paroles de Jésus: Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera (Mt 16, 25). Le soir de ce même jour, il est arrêté et conduit en prison en compagnie d’une cinquantaine de membres de la communauté. Les jours suivants, plusieurs centaines de Chrétiens de rites divers, avec une quinzaine de prêtres, sont arrêtés.

«Jamais je ne renierai ma foi !»

Sommé de paraître devant le tribunal, Mgr Maloyan, debout, est harcelé de questions concernant les armes qu’il aurait cachées; il répond qu’il s’agit là d’une pure invention. Accusé de comploter contre le gouvernement, il réplique: «Votre accusation est inventée. Je ne me suis jamais opposé au gouvernement. Au contraire, j’ai défendu ses droits aussi bien en privé qu’en public, et je fais de mon mieux pour sauvegarder ses intérêts, car je suis son citoyen ayant reçu une décoration impériale et un titre turc». Alors, le commissaire de police, retroussant ses manches, frappe l’évêque avec sa ceinture. Il répond aux réclamations de ce dernier: «Aujourd’hui, le glaive remplace le gouvernement». Sollicité de se faire Musulman, l’évêque fait une admirable profession de foi: «Il vous faudra me battre, me percer de couteaux, de glaives, de fusils, me couper en petits morceaux, car jamais je ne renierai ma foi. Ceci est définitif». Après avoir été battu, le confesseur de la foi soupire: «Je souffre dans mon corps la douleur des coups, mais dans mon âme je suis rempli de joie». Le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne: «Tous doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la Croix, au milieu des persécutions qui ne manquent jamais à l’Église. Le service et le témoignage de la foi sont requis pour le Salut: Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai, moi aussi, pour lui devant mon Père qui est aux cieux; mais celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux (Mt 10, 32-33)» (CEC 1816).

À la tombée de la nuit, on attache les pieds de l’évêque, puis on le frappe avec un bâton. Il s’exclame: «Que celui qui m’entend me donne la dernière absolution!» Un prêtre, prisonnier comme lui, prononce alors les paroles du pardon. Ensuite on arrache au courageux évêque les ongles des orteils et on lui crache au visage. Remis au cachot, il passe son temps à prier, les bras et les yeux levés au ciel: «Mon Dieu, Vous avez permis que tout cela arrive. Tout dépend de Vous. Faites connaître Votre puissance, car nous en avons besoin. Aidez-nous dans ces temps très difficiles, car nous sommes faibles et nous manquons de courage. Donnez-nous la grâce de continuer à être témoins de notre religion et de persévérer dans la lutte pour ses droits».

«Je mets ma gloire dans la Croix»

Dans les premiers jours de juin, environ 1600 Chrétiens de Mardine sont déportés. Forcés de marcher attachés les uns aux autres par des cordes, les bras tenus avec des chaînes, les Chrétiens arrivent à un village kurde situé à six heures de marche de Mardine. Lecture est alors faite du décret impérial qui les condamne à mort pour motif de trahison. Toutefois, ceux qui se feront Musulmans pourront revenir sains et saufs dans leur village. Au nom de tous, Mgr Maloyan répond: «Nous sommes entre vos mains, mais nous mourrons pour Jésus-Christ», puis il encourage tous les Chrétiens à se confesser aux prêtres se trouvant dans le groupe et il leur fait distribuer la sainte Communion. Les témoins racontent que pendant ce temps, une nuée lumineuse couvrait les prisonniers. Certains sont ensuite conduits au lieu-dit Grottes de Sheikhan, d’autres à Kalaa Zarzawan. Ils y sont sauvagement massacrés, puis leurs corps sont jetés dans des puits. Nous connaissons les faits par les témoignages de Musulmans qui, dans leur droiture, n’ont pas approuvé ce massacre. Le lendemain, les autres Chrétiens, après avoir été dépouillés de leurs vêtements, sont contraints de marcher à jeun et nu-pieds sur les pierres des rues et les épines des champs. Le 11 juin, fête du Sacré-Coeur de Jésus, ils sont tués à quatre heures de marche de Diarbekir. À Mgr Maloyan est réservée une autre souffrance: après avoir vu mourir ses ouailles, il mourra seul. Le commissaire de police lui demande une dernière fois où il cache les armes et s’il n’acceptera pas de se déclarer Musulman. L’évêque répond: «Je suis surpris de vous entendre répéter la question. Je vous ai dit plusieurs fois déjà que je vis et meurs pour ma foi, la vraie foi, et que je ne mets ma gloire que dans la Croix de mon doux Sauveur». Là-dessus, le commissaire lui tire une balle dans le cou. Mgr Maloyan murmure ses dernières paroles: «Mon Dieu, ayez pitié de moi. Entre vos mains, je remets mon esprit».

«C’est Lui que je cherche»!

«L’Église avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu», écrivait saint Augustin dans la Cité de Dieu. Si la foi peut être mise à l’épreuve par un monde qui se révèle trop souvent ennemi de Dieu, nous avons la consolation de savoir que nous marchons à la suite du Sauveur: Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi. Si vous apparteniez au monde, le monde vous aimerait, car vous seriez à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous (Jn 15, 18-19). Les martyrs qui ont imité Jésus jusqu’à la mort sont là pour nous le rappeler. «Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle, écrivait saint Ignace d’Antioche. Il est meilleur pour moi de mourir pour m’unir au Christ Jésus, que de régner sur les extrémités de la terre. C’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous; Lui que je veux, qui est ressuscité pour nous».

La population chrétienne de l’Arménie turque a été en grande partie massacrée au cours de cette persécution de 1915 qui a fait, selon les historiens, entre un million et million et demi de victimes. Cependant, de nombreux fidèles de l’Église arménienne catholique vivent aujourd’hui en République arménienne et dans diverses parties du monde. Au cours du xxe siècle, des vicariats patriarcaux pour les arméniens ont été érigés à Jérusalem, à Damas et en Grèce, et trois exarchats, en Amérique du Nord, en Amérique latine et en France. Une fois de plus, le sang des martyrs est devenu semence de Chrétiens.

Le 7 octobre 2001, le saint évêque a été béatifié par le Pape Jean-Paul II, qui faisait ainsi son éloge: «Mgr Ignace Maloyan, mort martyr à l’âge de 46 ans, nous rappelle le combat spirituel de tout Chrétien, dont la foi est exposée aux attaques du mal. C’est dans l’Eucharistie qu’il puisait, jour après jour, la force nécessaire pour accomplir avec générosité et passion son ministère de prêtre». Illuminés par l’exemple du bienheureux, remettons-nous en mémoire les recommandations du même Pape au début de l’année de l’Eucharistie, le 7 octobre 2004: «Il faut que la Messe soit placée au centre de la vie chrétienne… La présence de Jésus dans le tabernacle doit constituer comme un pôle d’attraction pour un nombre toujours plus grand d’âmes pleines d’amour pour Lui et capables de rester longuement à écouter sa voix et à entendre presque les battements de son coeur, Goûtez et voyez: le Seigneur est bon (Ps 33, 9)… Restons longuement prosternés devant Jésus présent dans l’Eucharistie, réparant ainsi par notre foi et notre amour les négligences, les oublis, et même les outrages que notre Sauveur doit subir dans de nombreuses parties du monde. Dans l’adoration, puissions-nous approfondir notre contemplation personnelle et communautaire» (Mane nobiscum, Domine, 17-18).

Que le témoignage du bienheureux Ignatius ainsi que celui de tous les martyrs arméniens éclaire aujourd’hui non seulement ceux qui héritent de leurs traditions ecclésiales, mais tous ceux qui veulent être de vrais témoins de l’Évangile, pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes !

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