11 octobre 2023
Bienheureux Henri Planchat
Bien chers Amis,
« Avez-vous rencontré dans Paris un petit prêtre au chapeau rougi, à la soutane râpée, aux souliers troués, très pauvre parce qu’il donne tout aux pauvres, n’allant chez les riches que pour demander l’aumône ; parcourant, par tous les temps, les plus lointains faubourgs, grimpant dans tous les greniers, visitant les malades, secourant les plus délaissés ?… Citoyen, si vous avez rencontré ce prêtre-là, eh ! bien, c’est mon fils ! » C’est en ces termes que la mère d’Henri Planchat, un prêtre détenu en 1871 par les chefs de la Commune de Paris, sollicite d’un délégué à la justice la grâce de son fils. Elle n’invente rien, tout est vrai. L’Église honore désormais ce prêtre comme bienheureux et martyr.
Marie-Mathieu Henri Planchat est né le 8 novembre 1823 à Bourbon-Vendée (aujourd’hui La Roche-sur-Yon), aîné d’une famille de quatre enfants. Son père est juge au tribunal d’instance. La fidélité familiale à la religion catholique est totale ; le grand-père d’Henri a caché quatorze prêtres au péril de sa vie pendant la période sombre de la Terreur (1792-94). Trois enfants Planchat, Henri et ses deux sœurs, deviendront religieux.
En 1832, le magistrat et sa famille s’installent à Lille et c’est là qu’Henri fait sa première Communion en 1835. Dès ce moment, il éprouve un désir intense de recevoir Jésus dans la Sainte Eucharistie ; cependant, son confesseur le lui permet trop rarement à son goût (à l’époque, l’accès à la Sainte Communion pour les fidèles est limité à certains jours). Il éprouve également une grande dévotion à la Sainte Vierge.
En 1837, Henri entre comme interne au collège Stanislas, à Paris. Malgré sa réussite scolaire, il ne parvient pas à supporter la vie de pensionnat et devient sombre et taciturne. Son père le confie alors à l’abbé Poiloup, directeur du collège de Vaugirard. Bachelier en 1842, le jeune homme s’inscrit à la faculté de droit, en restant à Vaugirard comme surveillant et répétiteur. Son journal spirituel témoigne de la lutte qu’il lui faut soutenir contre son tempérament fougueux et orgueilleux. Il doit aussi combattre le découragement devant sa lenteur à se corriger de ses défauts : « L’arbre de mon âme doit produire des fruits dans la patience. Je dois supporter mes imperfections, non pas jusqu’à les aimer, mais ne pas les rendre plus grandes par le trouble et le découragement. De même que le grain jeté en terre croît insensiblement, de même le bien ne grandit dans les âmes que lentement ».
Dès 1843, Henri sollicite et obtient son admission au séminaire parisien de Saint-Sulpice. Mais son père, relégué pour des raisons politiques à la présidence du tribunal d’Oran en Algérie, lui demande d’achever auparavant ses études de droit ; le jeune homme croit devoir lui obéir. Laïc par force, il s’inscrit à la Société de Saint-Vincent-de-Paul ; il y apprend à connaître les dures réalités de la pauvreté et à y porter remède. Bientôt, il se joint à des catholiques qui viennent d’ouvrir, rue du Regard, un patronage où apprentis et jeunes ouvriers peuvent trouver un lieu de formation chrétienne et de saine détente.
En août 1847, Henri passe sa licence en droit et obtient de son père l’autorisation d’entrer au séminaire. Le juge Planchat décède en juin 1848, et Henri part pour quelques mois à Alger soutenir sa mère et sa sœur. De retour à Paris, il se distingue au séminaire par son esprit de pauvreté. Dans ses notes intimes, il écrit : « Ce n’est pas à ceux qui ont de belles pendules et de beaux tapis dans leurs appartements que l’on va se confesser, quand on veut se convertir… J’éviterai dans mon ameublement tout ce qui sentirait l’élégance. » À l’approche de l’ordination sacerdotale, le séminariste peut écrire à sa mère : « Je suis heureux, mon bonheur croît chaque jour, dans l’immolation entière et irrévocable de tout mon être au Seigneur ». Il constate : « Il y a bien longtemps que la grâce me sollicite au service des pauvres, par esprit de foi. Je prends la ferme résolution de ne perdre jamais une seule occasion de suivre cette impulsion. » Il se défie toutefois de l’agitation, même causée par le zèle pour le bien : « Je me suis peut-être imaginé que je possédais la charité, parce que j’étais enclin à l’agitation pour les bonnes œuvres. Ce n’est pas là la charité véritable. L’activité naturelle est le venin de la charité. La vraie charité est intime à l’âme ; elle l’enveloppe, elle la pénètre. Que son feu vive au fond de mon âme, et les opérations extérieures seront parfaites ! » Le 21 décembre 1850, l’abbé Planchat est ordonné prêtre.
Ramener les ouvriers au Christ
Le 3 mars 1845, un laïc, Jean Léon Le Prévost (1803-1874) fondait à Paris avec deux amis, Maurice Maignen et Clément Myionnet, une association, les Frères de Saint-Vincent-de-Paul, destinée à l’évangélisation des milieux populaires. Formée uniquement de frères laïcs, elle se spécialise dans l’organisation de patronages où les ouvriers trouvent accueil et soutien, dans le contexte social très dur du libéralisme économique issu de la Révolution de 1789. L’intention des fondateurs est de ramener les ouvriers à Jésus-Christ et à l’Église. Trois jours après son ordination, l’abbé Planchat se joint à cette jeune congrégation, acceptant avec humilité de se soumettre, lui prêtre, à un supérieur laïc. C’est seulement en 1860 que le Frère Le Prévost sera ordonné prêtre ; en 1869, le Saint-Siège précisera dans le décret d’approbation : « L’Institut doit être sacerdotal ».
La révolution de février 1848 avait montré l’urgence de la question sociale. En face du socialisme qui prône l’abolition de la propriété privée, des laïcs catholiques (Armand de Melun, Frédéric Ozanam) réfléchissent aux moyens de redonner aux rapports sociaux justice et humanité en évitant de basculer de la « loi de la jungle » libérale aux utopies socialistes destructrices de l’ordre naturel. C’est à Grenelle, au sud-ouest de Paris, que l’abbé Planchat commence son apostolat. En 1850, à la suite de la crise sociale qui a entraîné la fermeture de nombreuses usines, 80% de ses 8000habitants vivent dans le dénuement ; la vie religieuse est presque inexistante. Les Frères de Saint-Vincent-de-Paul s’y sont installés en 1847 et ont fondé un patronage. En décembre 1850, le « fourneau de Saint-Vincent » procure aux indigents du quartier une soupe populaire quasi gratuite.
À peine arrivé, l’abbé Planchat se fait « chasseur d’âmes » en allant au-devant des pauvres qui ont perdu l’habitude de fréquenter l’église. Aucune misère, aucune raillerie ne le découragent. À des blanchisseuses qui l’insultent, il répond en offrant des médailles et des images, de sorte que ces femmes, saisies de honte, lui donnent cinq francs, une grosse somme, pour dire des Messes. En août 1851, épuisé, il s’évanouit au bord du trottoir. Gravement atteint, il doit bientôt partir en Italie pour y refaire sa santé. Avant de rentrer à Paris au bout d’un an, il est reçu en audience privée par le Pape Pie IX, qui l’encourage. En avril 1853, il reprend son apostolat à Grenelle, où il restera huit ans.
Henri frappe à toutes les portes, jusqu’à celles des plus pauvres masures ; il confesse, convertit individuellement et régularise des centaines de mariages. Il va droit au but, parlant de Dieu, indifférent aux moqueries qu’attirent sa pauvre soutane verdie et son air fragile. Son influence sur les âmes ne s’explique que par sa profonde union à Dieu. « Cent paroles à Dieu, une seule aux hommes », voilà sa devise. Mais il ne travaille pas isolément ; il se fait aider par des laïcs du quartier, groupés en 1853 sous le nom d’« Association ouvrière de la Sainte-Famille », qui se fixe pour objectif « l’entraide et le soutien mutuels, mais aussi l’évangélisation des ouvriers par les ouvriers ». Bientôt, il prend en charge un patronage de jeunes ouvrières.
Le Père Planchat soulage les corps avec les âmes, se dépensant sans compter. Un jour de grand froid, il rentre à la communauté nu-pieds, suscitant l’indignation de la concierge. Pour s’excuser, le coupable explique : « J’ai donné mes chaussures à un pauvre qui n’en avait pas, sur l’esplanade des Invalides. Que voulez-vous, il était plus âgé que moi ! » Sa sainteté dérange le clergé en place. En 1861, le curé de Grenelle, jaloux, déclenche contre lui une campagne diffamatoire. Les supérieurs du Père Planchat sont obligés de l’éloigner de Paris et l’envoient à Arras prendre la sous-direction d’un établissement d’éducation pour les orphelins et les apprentis. Il y reste deux ans, encourageant les pensionnaires à la Communion fréquente.
Une invitation pressante
Au cours des siècles, les chrétiens laïcs s’étaient peu à peu éloignés de la Communion fréquente ; ils se contentaient de communier aux grandes fêtes. L’hérésie janséniste, au 17e siècle, avait même prétendu que la communion sacramentelle devait être réservée à un petit nombre de fidèles très parfaits. Cependant, de nombreux saints ont plaidé en faveur de la fréquente Communion. Ce mouvement spirituel a abouti à la publication, sur l’ordre du Pape saint Pie X, du décret Sacra Tridentina (20 décembre 1905) qui, rappelant une directive du concile de Trente, dispose :
« I – La Communion fréquente et quotidienne, étant souverainement désirée par Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l’Église catholique, doit être rendue accessible à tous les fidèles chrétiens (…), en sorte que nul, s’il est en état de grâce et s’il s’approche de la sainte Table avec une intention droite, ne puisse en être écarté.
II – L’intention droite consiste à s’approcher de la sainte Table, non par habitude, ou par vanité (…), mais pour satisfaire à la volonté de Dieu, s’unir à Lui plus intimement par la charité et, grâce à ce divin remède, combattre ses défauts et ses infirmités ».
Le Catéchisme de l’Église catholique précise : « Le Seigneur nous adresse une invitation pressante à le recevoir dans le sacrement de l’Eucharistie : En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la Chair du Fils de l’homme et ne buvez son Sang, vous n’aurez pas la vie en vous (Jn 6,54)… L’Église recommande vivement aux fidèles de recevoir la sainte Eucharistie les dimanches et les jours de fête, ou plus souvent encore, même tous les jours ». Cependant, citant l’apôtre saint Paul (1 Co 11, 27-29), le Catéchisme rappelle : Celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la communion (nos1384, 1385, 1389).
Les trois piliers
De retour à Paris en 1863, le Père Planchat se voit bientôt confier la direction du patronage Sainte-Anne, à Charonne, un quartier ouvrier (20e arrondissement). En raison de conflits personnels, il ne pourra y résider avant 1870, mais devra chaque jour revenir dormir à Vaugirard, à l’autre extrémité de Paris. Bientôt, cinq cents jeunes apprentis et ouvriers viennent chercher à Sainte-Anne, avec de saines distractions, les moyens de mener une vie vraiment chrétienne. Le Père construit une chapelle qui sera bénie en 1867, et une maison qui accueillera à plein temps les apprentis sans famille. Sa méthode s’appuie sur trois piliers : l’instruction religieuse, la pratique du sacrement de Pénitence et la Communion eucharistique fréquente. Il estime qu’il incombe au Père spirituel de distinguer si les enfants qu’il dirige sont aptes à communier fréquemment. Chaque dimanche, il se tient au confessionnal dès six heures du matin, et d’autres prêtres viennent l’aider pour que tous puissent se confesser avant la Grand-Messe.
Le Père Planchat croit à la vertu sanctificatrice du Saint-Sacrement et de la Communion pour protéger ses jeunes gens des mauvaises influences. Il met bientôt en place l’« Œuvre de la première Communion des retardataires » pour les ouvriers adolescents ou adultes. Il s’ingénie à faciliter, pour ces jeunes travailleurs déjà à l’usine ou à l’atelier, la préparation doctrinale et spirituelle à la Communion. Il parviendra ainsi à conduire pour la première fois à la sainte Table, trois ou quatre fois par an, une centaine de personnes de tous âges, qui ont au préalable suivi une retraite de trois jours aux frais du patronage. Pour la persévérance des hommes qui trop souvent abandonnent la pratique religieuse, le Père organise aussi des retraites destinées aux pères de famille.
« Par la même charité qu’elle allume en nous, l’Eucharistie nous préserve des péchés mortels futurs. Plus nous participons à la vie du Christ et plus nous progressons dans son amitié, plus il nous est difficile de rompre avec Lui par le péché mortel. L’Eucharistie n’est pas ordonnée au pardon des péchés mortels. Ceci est propre au sacrement de la Réconciliation. Le propre de l’Eucharistie est d’être le sacrement de ceux qui sont dans la pleine communion de l’Église. » (CEC 1395).
À Charonne vivaient alors de nombreux Italiens venus chercher du travail à Paris, mais encore ignorants du français. Le Père Planchat organise pour eux des retraites en italien prêchées par un religieux de ce pays ; à la cérémonie finale, chacun reçoit un scapulaire du Mont-Carmel. Le Père ne se satisfait pas des deux cents participants réunis à chaque retraite : il estime à 20 000 le nombre des ouvriers italiens à Paris, pour la plupart sans pratique religieuse. C’est pourquoi il fonde à Charonne une « Sainte Famille » italienne qui sera le modèle de plusieurs autres établies dans différents quartiers. Cette œuvre catholique des Italiens se poursuivra bien après la mort de son fondateur.
Dans la ville assiégée
Au début de 1870, le patronage de Sainte-Anne est à son apogée : quatre cents apprentis et ouvriers le fréquentent assidûment et plus de cinq cents anciens restent en contact avec lui. Le quartier de Charonne se transforme sous l’action de ce centre, désormais occupé jour et nuit par des religieux. Mais le 2 septembre a éclaté la nouvelle du désastre militaire français à Sedan. Le 19, l’armée prussienne investit Paris, dont le siège durera quatre mois. Les ouvriers parisiens et leurs familles sont réduits au chômage par suite de l’arrêt du commerce et de l’industrie. La faim les tenaille bientôt. Le Père Planchat quête de porte à porte et parvient à recueillir assez d’argent pour tenir table ouverte malgré le prix exorbitant des denrées. Il ouvre bientôt à Sainte-Anne une ambulance qui recueille des centaines de blessés de guerre. Il procure à des milliers de soldats, oisifs dans la ville assiégée, les biens de l’âme et du corps. Tous les jours, il va au front secourir les blessés et proposer aux plus atteints les derniers sacrements. Le 7 février 1871, le patronage accueille 8000 soldats, dont 5000 communient après s’être confessés. Ce rayonnement indispose les meneurs socialistes et anarchistes. Un commandant ordonne au Père, « dans son intérêt », de ne plus détourner les soldats de leurs devoirs militaires en les attirant au patronage, accusation mensongère. Tout à son ministère, il ne cherche pas à se mettre à l’abri.
Le 18 mars 1871 éclate l’insurrection de la Commune de Paris contre le gouvernement régulier présidé par Adolphe Thiers, qui s’est réfugié à Versailles. Socialistes, communistes ou anarchistes, les « fédérés » instaurent dans la capitale une dictature. Paris est désormais aux mains des factions extrémistes. Dans une explosion de haine antireligieuse attisée par la presse, des églises sont profanées. Le Jeudi Saint, 6 avril 1871, un groupe de fédérés pénètre à Sainte-Anne, cherchant l’abbé de Broglie, dont le frère est député à Versailles. Faute d’avoir trouvé ce prêtre (qu’Henri Planchat a envoyé se mettre en sécurité), un commissaire, revolver au poing, notifie au « citoyen Planchat » son arrestation. Il est conduit à la mairie du 20e arrondissement où il subit un interrogatoire. Le Vendredi Saint, on le transfère à la Préfecture de Police où il passe les fêtes de Pâques dans un cachot minuscule. Le 13 avril, il retrouve à la prison Mazas vingt-cinq ecclésiastiques retenus comme otages, parmi lesquels l’archevêque de Paris, Mgr Darboy. Les prisonniers y resteront 39 jours dans des cellules individuelles, sans pouvoir célébrer la Messe. La populace est surexcitée par les échecs successifs des communards et cherche des « traîtres » sur qui se venger.
Les habitants de Charonne, en apprenant la stupéfiante arrestation du Père Planchat, se mobilisent. Une pétition est organisée et recueille plus de 300 signatures : « Nous certifions que M. Planchat est incapable de nuire au gouvernement, quel qu’il soit. Il est dans notre quartier le soutien de nos misères ; sa charité inépuisable nous fait défaut, surtout dans la situation où nous sommes. Nous prions donc le comité de rendre la liberté à ce citoyen qui, depuis tant d’années, est connu et honoré dans le quartier. » Cette pétition restera sans réponse, mais le prisonnier sera nourri jusqu’à la fin par les paroissiens de Charonne, à leurs risques et périls. Cependant, sa santé s’altère ; il dort mal et « sent l’agacement et l’inflammation gagner ses nerfs », surtout lorsqu’il pense à ses apprentis abandonnés.
Frapper de préférence les prêtres
Le 21 mai, les « Versaillais » entrent par surprise dans Paris ; il leur faudra une semaine pour se rendre maîtres de toute la ville. Dès lors, la violence n’a plus de bornes. Rigault, procureur de la Commune, s’écrie : « Nous avons des otages, parmi eux des prêtres : frappons ceux-ci de préférence ! » Le 22 mai, 54 détenus de Mazas sont transférés à la prison de la Roquette. Un moment réunis, ils peuvent se confesser et communier, les jésuites ayant sur eux le Saint-Sacrement.
« À ceux qui vont quitter cette vie, l’Église offre, en plus de l’Onction des malades, l’Eucharistie comme viatique. Reçue à ce moment de passage vers le Père, la Communion au Corps et au Sang du Christ a une signification et une importance particulières. Elle est semence de vie éternelle et puissance de résurrection, selon les paroles du Seigneur : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour (Jn 6, 55). » (CEC 1524).
Le 24 mai, une populace menée par des femmes s’introduit dans la prison de la Roquette et s’empare de six otages, parmi lesquels Mgr Darboy, et quatre prêtres choisis au hasard. Ils sont fusillés sous les yeux des autres prisonniers. Le 25, cinq dominicains du couvent d’Arcueil sont abattus avenue d’Italie, avec huit familiers de leur collège. Le Père Planchat passe la journée à confesser les prisonniers. Le 26 mai dans l’après-midi, il est extrait de la prison, avec neuf autres ecclésiastiques et une quarantaine de civils, par le « colonel » Émile Gois. Le convoi traverse Belleville ; sur le chemin, des voix, dans la foule surexcitée, lancent contre les otages des injures et des cris de mort. Un témoin raconte : « Le Père Planchat marchait les yeux baissés, profondément recueilli, ne songeant sans doute qu’à offrir à Dieu le sacrifice de sa vie ». Vers six heures, lorsque les prisonniers arrivent rue Haxo, la foule regroupée les frappe et les pousse jusqu’au muret d’un terrain vague devant lequel ils sont alignés.
Le Père Planchat supplie d’épargner les pères de famille et s’offre lui-même à mourir à leur place. Certains chefs communards hésitent à commander l’irréparable. À l’improviste, un coup de revolver éclate, suivi d’une fusillade désordonnée ; le massacre dure une demi-heure, à coups de fusils, de revolvers, de baïonnettes. Les assassins chargent et déchargent sans discontinuer. Selon plusieurs témoignages, le Père Planchat meurt à genoux, priant jusqu’à son dernier souffle. Aucun des cinquante otages n’en réchappe. « Il ne semble pas y avoir eu d’exécution organisée, mais une forme de lynchage de masse », expliquera l’historien Robert Tombs.
Henri Planchat, l’« apôtre de Charonne », a été reconnu martyr par le Pape François et proclamé bienheureux en l’église Saint-Sulpice, le 22 avril 2023, en compagnie de quatre religieux de la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie (dite « de Picpus »), victimes comme lui du massacre de la rue Haxo. Nous pouvons demander à Dieu, par l’intercession du Père Planchat, la grâce de devenir des missionnaires de l’Eucharistie, ce sacrement d’amour dont Jésus a dit : Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour le salut du monde (Jn 6, 51-52). Que le bienheureux Henri nous aide également à nous dévouer, à son exemple, au service des pauvres et des malheureux que Dieu met sur notre route. Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. (Mt 25, 40).
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