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12 septembre 2018

abbé Balley

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

L’abbé Charles Balley serait probablement resté enseveli dans l’oubli, si la Providence n’avait placé sur son chemin un jeune paysan des environs de Lyon, qui devint, grâce à son dévouement intelligent et surnaturel, le saint Curé d’Ars. Brillant chanoine génovéfain, ce prêtre aurait pu devenir un illustre professeur de théologie morale au grand séminaire de Lyon où, à plusieurs reprises, on lui proposa une chaire. À cette place enviée, il préféra humblement celle d’un simple curé de paroisse, où il se dévoua dans un don total de lui-même. Son labeur caché porta des fruits au-delà de toute espérance.

Antoine Balley et Jeanne Laurent sont issus de la bourgeoisie lyonnaise. Leur généreux foyer est déjà riche de neuf garçons et six filles quand Charles vient au monde, le 30 septembre 1751. L’enfant est baptisé dès le lendemain à l’église Saint-Pierre-et-Saint-Saturnin. De parti pris, la famille reste inaccessible aux courants irréligieux qui pénètrent déjà la bourgeoisie de France. La Messe dominicale, la Confession, la première Communion sont soigneusement préparées, et le riche terreau chrétien où grandissent les enfants permet l’éclosion de solides vocations. Deux filles entreront au couvent de l’Annonciade, un garçon deviendra moine chartreux et deux autres chanoines génovéfains. Antoine Balley donne l’exemple du travail : il mène habilement ses affaires. Charles héritera de son père le goût de l’ordre, l’art de juger exactement les événements et les hommes, ainsi que l’esprit de décision face aux situations imprévues.

Le jeune homme n’a pas seize ans quand il assiste à la profession solennelle de son frère génovéfain. Deux mois plus tard, il entre lui-même au noviciat de cette congrégation de prêtres vivant sous la règle de saint Augustin ; alors en pleine réforme, cet institut compte plus d’un millier de religieux. La plupart vivent dans des maisons conventuelles ; les autres sont disséminés dans des cures paroissiales de différents diocèses. Le ministère paroissial constitue, en effet, le but principal de la congrégation. L’esprit de l’institut favorise le zèle pour la prédication de la parole divine, le soin des malades, avec une prédilection pour les pauvres et les affligés, l’administration attentive des sacrements, l’instruction des simples, le catéchisme aux enfants et la splendeur de la liturgie. En 1768, un an environ après la mort de son père, Charles émet sa profession, puis poursuit son cycle d’études dans diverses maisons de l’ordre. Il est ensuite nommé préfet de discipline au séminaire de l’abbaye de Ham, en Picardie. Là, il reçoit le sacerdoce à l’âge de vingt-quatre ans, mêlant la joie aux larmes car sa mère est décédée le mois précédent.

Choue

Après son ordination sacerdotale, l’abbé Balley œuvre deux ans encore auprès des jeunes chanoines de Ham. Il perçoit chez eux un esprit frondeur qui le déçoit : ces jeunes aspirants au sacerdoce semblent plus rechercher une carrière que le service de Dieu. Aussi use-t-il de son tact et de toute son énergie pour les attirer à la piété, à l’étude des sciences sacrées et à la régularité ; il craint pourtant de prêcher dans le désert. Le 1er septembre 1779, ses supérieurs l’appellent au prieuré Saint-Irénée de Lyon pour y exercer la fonction de maître des novices, puis celle de vicaire de la paroisse. En 1784, il accepte avec joie la charge pastorale du village de Choue dans le Perche. Là, les rudes campagnards ont plus d’attrait pour la superstition que pour la restauration de leur église qui menace ruine. Le curé peut cependant compter sur la collaboration d’un vicaire qui est sur place depuis sept ans. Dès le printemps de 1785, il réunit les notables en assemblée paroissiale et les décide à entreprendre la rénovation de l’église. Il dresse l’inventaire de la sacristie et obtient une allocation pour rénover les ornements usés. En trois ans, la dignité du culte est sensiblement accrue. L’abbé Balley mène aussi une guerre acharnée contre l’ignorance religieuse, expliquant partout les vérités de la foi. Loin de négliger l’éducation élémentaire de ses ouailles, il pourvoit la charge d’instituteur d’un digne maître. Sa charité s’exerce d’une manière toute spéciale lors du rigoureux hiver de 1788-1789, où il organise avec le châtelain local des travaux destinés à fournir de quoi vivre aux plus pauvres.

Mais bientôt, les troubles de la Révolution française se répandent dans le royaume. En 1790, trois maires se succèdent dans le petit village de Choue. En février, la Constituante interdit les vœux solennels et supprime les ordres religieux ; le 12 juillet, cette même assemblée promulgue la Constitution civile du Clergé, qui vise à constituer une Église nationale, soumise au pouvoir politique et coupée du Pape. Elle impose bientôt aux évêques et aux curés la prestation d’un serment de fidélité « à la Nation, à la Loi et au Roi ». Les réfractaires seront réputés démissionnaires. Un peu plus du tiers des prêtres du district de Mondoubleau, où se trouve la paroisse de Choue, refusent de jurer. L’abbé Balley s’exprime en ces termes : « Je soussigné, curé de la paroisse de Saint-Clément de Choue, déclare que ma conscience ne me permet pas de faire le serment sur la Constitution sans restriction. Mais, pour me conformer au décret de l’Assemblée nationale du 27 novembre, autant que ma religion me le permet, je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse que Dieu m’a confiée par le ministère de mon Évêque, d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, et à la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et sanctionnée par le Roi, dans tout ce qui regarde le civil et le temporel, exceptant formellement tout ce qui regarde le spirituel, sur lequel l’Église seule a droit d’ordonner, et dans tout ce qui ne serait pas contraire à ma conscience. »

Les pasteurs légitimes

L’évêque de Blois, Mgr de Thémines, a refusé de prêter le serment. Exilé en Savoie, il est remplacé par l’abbé Grégoire, élu comme évêque du nouveau département du Loir-et-Cher. Le curé de Choue refuse de reconnaître l’intrus et s’applique, avant d’être expulsé à son tour, à expliquer à ses paroissiens en quoi la Constitution civile du Clergé est schismatique : « Par les paroles mêmes de l’Évangile, et par la doctrine enseignée constamment dans l’Église depuis son institution par Notre-Seigneur Jésus-Christ, il ne peut y avoir de pasteurs légitimes dans l’Église que ceux qui tiennent leur mission de Jésus-Christ même, laquelle mission leur est transmise par le ministère de l’évêque légitime, c’est-à-dire celui qui a reçu (du Pape) une véritable mission canonique. Il s’ensuit que celui qui a reçu son institution canonique est toujours le véritable pasteur, et que les fidèles de sa paroisse sont obligés en conscience de le regarder comme leur pasteur légitime et de n’avoir aucune communication pour le spirituel avec celui que MM. les électeurs ont nommé à sa place. » L’abbé Balley les avertit encore que, pour la même raison, le prêtre qui lui succédera n’aura pas la juridiction nécessaire pour absoudre les péchés, et que ceux qui recevront les sacrements administrés par ce prêtre participeront au schisme.

La paroisse se trouve bientôt divisée entre chrétiens fidèles à l’abbé Balley et partisans du prêtre assermenté nommé à sa place. Le tribunal de district cite l’abbé Balley à comparaître pour propos séditieux. Le prêtre se présente, sans ambages, comme curé de Choue : « Je ne connais d’autre institution canonique pour les curés, affirme-t-il au juge, que celle de leur évêque légitime ; mon poste n’étant pas vacant par ma mort, ma démission ou ma déposition canonique, je me regarde toujours comme le légitime curé de Choue. » La procédure, qui aurait pu être funeste au courageux curé, est toutefois annulée pour vice de forme par la chambre criminelle du tribunal. Mais l’abbé est chassé de sa paroisse à l’instigation d’un groupe de villageois révoltés. Il demeure encore un an à proximité, jusqu’au 26 août 1792, date à partir de laquelle tous les prêtres réfractaires sont condamnés à l’exil. Il se cache alors ; tous ses biens seront vendus.

“Carlos”

Avec la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794, une certaine détente se fait sentir dans la politique religieuse. On retrouve l’abbé Balley à Lyon, ville très éprouvée par la Révolution, où il exerce un apostolat clandestin sous la haute main de l’évêque légitime, Mgr Marbeuf, alors exilé à Lübeck. Étienne, le frère chartreux de l’abbé, avait été guillotiné le 14 janvier 1794, jour même de son arrestation par la Commission temporaire, pour ce motif : « N’ayant prêté aucun serment, fanatique outré, ne voulant pas remettre ses lettres de prêtrise, disant qu’il les tient de Dieu. » Les deux sœurs religieuses restent fidèles à leur consécration tout en vivant dans le monde ; la plus jeune mourra de misère à la fin de 1795. Mais le frère génovéfain a prêté tous les serments demandés, ce qui lui a valu de conserver sa cure d’Étalante, en Bourgogne ; c’est une douloureuse épine au cœur de Charles. Cependant, celui-ci œuvre avec zèle, sous le nom de guerre de “Carlos”. Les prêtres réfractaires sont aidés par des femmes héroïques qui se dévouent sans compter. Le jour, Carlos donne des leçons comme précepteur, la nuit il accomplit son ministère clandestin dans une relative tranquillité d’abord, puis à partir de 1798, au péril de sa vie.

La promulgation, en 1802, du Concordat signé entre le premier consul Bonaparte et le Pape Pie VII, inaugure une période de paix pour l’Église de France. Les évêques “concordataires” dressent la liste des prêtres à leur disposition pour assurer le ministère. L’abbé Balley figure tant sur la liste de l’évêque de Blois, qui souhaite son retour à Choue, que sur le tableau du personnel de Lyon. De part et d’autre, les appréciations sont laudatives : « Talents, zèle, piété. » Une fois nommé archevêque de Lyon, le cardinal Fesch, oncle de Napoléon, désigne l’abbé Balley comme desservant de la cure d’Écully, au nord de Lyon. Il s’agit d’une paroisse de 1250 habitants, qui se répartissent en une vingtaine de hameaux et deux agglomérations. La population vit de l’agriculture ; elle est pratiquante, bien que l’assistance à la Messe dominicale fléchisse à l’époque des moissons. Le nouveau curé note que dans les trois quarts des foyers il y a de l’eau bénite, que le Nouveau Testament et l’Imitation de Jésus-Christ sont lus régulièrement, et que l’on prie en commun. Tout ce qui touche au culte, bâtiments, reliques, autels et ornements, est resté dans un état décent malgré la Révolution. Mais Charles Balley vise à la splendeur de la liturgie ; il renouvelle ou restaure tous les objets, les vases sacrés, les livres, le dais… En 1807, il procurera à son église un autel en marbre. Il soigne les processions publiques, rétablies par le Concordat ; ainsi, après quinze ans d’interruption, les Rogations, la Fête-Dieu et la procession du vœu de Louis XIII, le 15 août, sont particulièrement solennisées. L’ancienne confrérie du Saint-Sacrement est relevée : elle assure l’adoration eucharistique chaque dimanche et jour de fête. Le carême est un temps fort pour la paroisse : monsieur le curé intensifie son austère pénitence, et réunit chaque soir ses ouailles pour la prière, une méditation et, à certains jours, une conférence. Depuis la Toussaint jusqu’à la Pentecôte, où ont lieu les premières Communions, il donne trois quarts d’heure de catéchisme après les vêpres dominicales, sans préjudice de la leçon matinale, cinq jours sur sept, pendant l’Avent, et du premier dimanche de Carême à la Pentecôte.

Deux élèves

Le curé visite volontiers ses paroissiens et va à la rencontre des personnes les plus éloignées de l’Église. Grâce à son aimable douceur, il réussit à redresser des situations matrimoniales irrégulières, y compris en faveur d’anciens révolutionnaires, et décide les parents à faire baptiser leurs enfants. Il favorise en outre de tout son pouvoir les écoles de la paroisse, alors même que l’instruction dispensée n’y est pas de grande qualité. D’autre part, le cardinal Fesch a insisté auprès de ses vicaires généraux pour qu’ils stimulent chez les prêtres le zèle en faveur des vocations. En mars 1807, à l’occasion d’une cérémonie de Confirmations, Charles Balley a la joie de présenter à son archevêque ses deux élèves : Mathias Loras, un adolescent de quatorze ans à l’esprit vif, et un jeune paysan de vingt ans qui n’a guère d’aptitudes à l’étude, dénommé Jean-Marie Vianney.

Originaire de Dardilly, village proche d’Écully, Jean-Marie Vianney souhaitait depuis longtemps devenir prêtre. Il avait trouvé un protecteur en la personne de son curé, l’abbé Fournier, qui lui avait appris à lire et à écrire alors qu’il avait déjà dix-sept ans. Mais ce prêtre était mort prématurément en 1806. Lors des funérailles, l’abbé Balley avait fait impression par sa haute taille et son visage ascétique ; aussi, la mère et la tante de Jean-Marie s’étaient-elles adressées à lui en sa faveur. Elles essuyèrent un refus : mais l’abbé avait toutefois accepté de rencontrer le jeune homme. Devant sa piété solide et sa détermination, l’abbé Balley change d’avis, et dès l’hiver 1806-1807, Jean-Marie vient étudier au presbytère en échange de services domestiques. De sa jeunesse consacrée aux travaux des champs, Jean-Marie Vianney a retiré une solide santé, le sens du concret ainsi qu’une patience et une volonté obstinées. En revanche, étudier les grammaires française et latine est pour lui une tâche accablante, mais il persévère dans l’effort avec une humble ténacité. L’abbé Balley le soutient et, malgré la lenteur des progrès, ne ménage ni ses encouragements ni sa peine. Il sait aussi être ferme. Lorsque le découragement pousse l’élève à demander un congé auprès de son père, qui n’attend qu’un prétexte pour le retenir à la ferme, l’abbé le reprend : « Où veux-tu aller ? Tu veux aller chercher du chagrin ? Jésus n’assure-t-Il pas que celui qui aime son père ou sa mère plus que Lui n’est pas digne de Lui ? (Mt 10, 37). » En effet, à la vue des progrès spirituels de Jean-Marie, de sa prière, de son austérité, de sa douceur et de son amour de Dieu et des pauvres, le curé est bien résolu à se sacrifier jusqu’au bout pour le conduire au sacerdoce.

Il sera prêtre !

Cependant, le 18 octobre 1809, Jean-Marie est appelé sous les drapeaux impériaux. Le coup est d’autant plus rude que Napoléon persécute l’Église en la personne du Saint-Père. Faut-il obéir aux ordres d’un souverain excommunié ? À l’issue d’une hospitalisation pour maladie, Jean-Marie néglige de rejoindre son régiment, et se laisse entraîner par un déserteur jusqu’au village des Noës près de la Loire et de l’Allier. Quand Mme Vianney vient prendre des nouvelles de son fils auprès du curé d’Écully, elle reçoit cette réponse assurée : « Mère, ne soyez pas en peine de votre fils. Il n’est ni mort, ni malade. Il ne sera jamais soldat, mais prêtre ! » Jean-Marie revient au presbytère en mars 1811, après avoir obtenu de son frère François qu’il le remplace à l’armée. Mais son père, qui vient de perdre son épouse le mois précédent, est très irrité contre lui pour les désagréments entraînés par sa désertion.

Jean-Marie a bientôt la consolation d’être présenté par son curé à la tonsure : il fait ainsi, à l’âge de vingt-cinq ans, son premier pas vers l’autel du Seigneur. Il continue toutefois à peiner dans ses études : les actes que lui fait parfois rédiger l’abbé Balley sur les registres paroissiaux témoignent d’une orthographe des plus fantaisistes. Mais, dans sa vie spirituelle, le disciple marche sur les pas de son maître. « Pour aimer le Bon Dieu, il suffisait d’entendre l’abbé Balley répéter : Mon Dieu, je vous aime ! », aimera-t-il à souligner plus tard.

À la Toussaint de 1812, M. Balley fait admettre son disciple au séminaire de Verrière, dans l’espoir qu’il y acquière des notions de philosophie. L’année est très éprouvante pour Jean-Marie : les effectifs sont surchargés, la discipline défaillante, les cours en latin lui sont incompréhensibles, et les répétitions en français se révèlent à peine plus fructueuses, en dépit d’un travail acharné. On lui fait alors bénéficier d’une mesure prise par Mgr Fesch, permettant aux séminaristes plus âgés de passer directement en théologie. Mais, après six semaines au grand séminaire de Lyon, le premier examen de Jean-Marie Vianney, en présence de l’archevêque, tourne au désastre : il est renvoyé à Écully complètement découragé. L’abbé Balley, quant à lui, connaît son protégé ; il le réconforte, et le remet vigoureusement au travail : « Si tu abandonnes maintenant, adieu la Messe, adieu les âmes ! » Lui-même consacre ses temps libres à enseigner la théologie en français à son élève. Jean-Marie reçoit ainsi, à travers une relation personnelle, la vivante tradition de son maître vénéré.

Dès 1814, usant de tout son crédit, monsieur Balley obtient que son élève soit à nouveau examiné. Le vicaire général s’enquiert de la piété de l’aspirant : récite-t-il le chapelet, est-il humble ? Devant les réponses affirmatives du curé, il envoie un examinateur au presbytère pour interroger en français le séminariste. Comprenant bien les questions, Jean-Marie répond de manière très satisfaisante. Il est appelé aux ordres mineurs puis au sous-diaconat, qu’il reçoit le 2 juillet 1814. L’examen de fin d’année a lieu quelques jours plus tard ; Jean-Marie est noté trop faible. On l’autorise pourtant à reprendre ses études auprès de l’abbé Balley, qui a toute la confiance de l’autorité diocésaine. Dans un contexte d’instabilité politique, les ordinations diaconales sont anticipées, et l’abbé Vianney y est admis avec soixante confrères, le 23 juin 1815. L’abbé Balley redouble alors ses démarches en faveur de son candidat : il fait valoir le besoin qu’il a d’un vicaire que le diocèse ne peut lui fournir, et demande l’ordination sacerdotale de l’abbé Vianney aussitôt que possible. Il s’occupera lui-même du complément d’études nécessaire. Le dimanche 13 août, Jean-Marie est ordonné prêtre à Grenoble, par délégation du cardinal Fesch, alors exilé. Lorsque, le dimanche 20 août, l’abbé Balley assiste son jeune vicaire pour la Messe de six heures, il éprouve la joie calme et débordante d’avoir obtenu un fort beau résultat.

Le curé doit maintenant transmettre à son disciple son expérience de confesseur, afin de le préparer à exercer lui-même ce ministère. Entre-temps, il le charge de catéchiser les enfants en retard et de préparer des sermons, mais ne le fait prêcher que rarement pour ménager sa timidité et la conscience aiguë qu’il a de son insuffisance. Il lui enseigne comment bien administrer une paroisse, et lui fait aussi remplir les registres paroissiaux ; ceux de l’année 1817, que l’abbé Balley, malade, n’a pu rectifier, fourmillent encore de fautes d’orthographe et d’oublis de toutes sortes. Mais le secret du presbytère d’Écully se trouve dans la recherche de la sainteté par l’oraison matinale devant le tabernacle, les entretiens spirituels, le bréviaire en commun, les récollections, les pèlerinages à Fourvière, la pénitence au profit des pauvres bien-aimés ; sans oublier la munificence de la table quand on reçoit un hôte.

Cachez cela !

En 1817, souffrant d’un ulcère à la jambe, le curé doit s’appuyer de plus en plus sur son vicaire ; à la Toussaint, il se sent mourir, fait venir Jean-Marie auprès de lui, et lui tend ses instruments de pénitence : « Tenez, mon pauvre Vianney, cachez cela ! Si on le trouvait après ma mort, on croirait que j’ai suffisamment expié mes péchés, et on me laisserait en purgatoire. » Il meurt le 16 décembre 1817, à soixante-six ans. Mathias Loras, alors jeune supérieur du séminaire de Meximieux, célèbre les obsèques.

Bientôt nommé desservant à Ars, Jean-Marie Vianney y reproduira ce qu’il avait vu pratiquer par son maître bien-aimé. Il y mettra tout son zèle, avec peut-être parfois quelques manques de mesure, mais animé d’une ferveur toujours grandissante. « J’aurais fini par être un peu sage si j’avais toujours eu le bonheur de vivre avec monsieur Balley », affirmera-t-il. Sous la motion du Saint-Esprit, il deviendra le saint Curé d’Ars, type achevé des prêtres dans le ministère, et patron des curés de l’univers. Voilà la grande œuvre de l’abbé Charles Balley.

Le zèle de ce prêtre exemplaire correspond au souhait exprimé par le Pape Benoît XVI : « Maintenez en vous et autour de vous le désir de susciter, en secondant la grâce de l’Esprit Saint, de nouvelles vocations sacerdotales parmi les fidèles… Rien ne remplacera jamais une Messe pour le salut du monde ! » (Fatima 2010).

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